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Communion est la transcription française du substantif latin communio.

Grammaticalement, communio se compose de cum et munus1.

Etymologiquement, il reflète donc les diverses significations véhiculées par ces deux composants. Les principaux sens de la préposition cum sont : avec, du côté de, ensemble, en même temps, simultanément. Dans l’usage profane – habituellement militaire ou civique –, le nom munus signifie charge, obligation ou devoir à accomplir (envers la patrie, la cité, etc.) ; tandis que dans l’usage religieux (mais pas nécessairement chrétien), munus signifie sacrifice offert pour des morts ou offrande

rendue à la divinité ; le contexte est habituellement cultuel et liturgique.

Véhiculant simultanément le sens d’association dû à la préposition cum et le sens de responsabilité dérivant du substantif munus, le nom composé com/munio désigne la communauté dans sa réalité vivante d’association de personnes liées entre elles par la participation à une mission commune et portant ensemble une commune responsabilité. Selon ce sens sémantique, la communio n’a donc rien d’un assemblage accidentel des personnes qui se seraient trouvées ensemble en raison de circonstances extérieures et indépendantes de leur volonté. Au contraire, la communio apparaît comme le résultat d’un choix délibéré de la part de personnes qui veulent s’associer pour accomplir une charge commune ou pour poursuivre ensemble un même but. Derrière le nom latin de communio, il se cache ainsi un réseau de liens divers, dont certains sont extérieurs (objectifs poursuivis) et d’autres intérieurs (sentiments), grâce auxquels se réalise une profonde unité entre les personnes qui communiquent entre elles et participent délibérément ensemble à la même réalité.

Communiquer et communier rendent en français le verbe latin communicare qui possède un double contenu. Suivant le cas, il véhicule

le sens de rendre commun, mettre en commun, faire la cause commune, ou celui de prendre part à, avoir part à, participer à. Il possède ainsi

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Il faut se garder d’une fausse étymologie instinctive qui tirerait le mot communio de cum- et unio. En effet, le verbe unire et le nom union sont postérieurs à communio (Cf. les articles, « Communio », « Communicatio », « Cum » et « Munus », dans Oxford Latin Dictionary, Oxford, 1968).

une dimension active de donner et une dimension passive de recevoir ; dimensions qui sont associées. Ces deux facettes du mot communicare correspondent aux éléments dynamique et statique dans la vie de toute communauté humaine. Toute communauté est établie dans sa structure

statique d’entité sociologique, en vertu de la communication dynamique

qui se fait entre ses membres. Ainsi, la communion (communio) apparaît comme le résultat de la communication (communicare – communicatio).

Communio, communicatio et communicare, avec toutes les nuances de

sens dégagées plus haut, sont employés par des auteurs latins classiques1. Ainsi, chez Cicéron (+43 av. J-C), le terme communicatio signifie le partage de sentiments intimes et de projets de vie entre des amis, tandis que communio révèle une relation particulièrement forte qui résulte de ces échanges. Le caractère exceptionnellement intime et profond d’une relation entre des humains et décrite comme communio, est confirmée par le fait que Cicéron utilise le même terme pour décrire les liens du sang au sein de la même famille (communio sanguinis). Cicéron, et un siècle plus tard l’historien Tacite (~ +120 ap. J-C), recourent fréquemment aux termes du groupe communio-communicatio pour désigner le partage des joies et des malheurs par des personnes qui vivent ensemble (communicare res adversas, labores, gloriam,

inimicitatis). Un autre historien romain, Valère Maxime, contemporain

de Tacite, utilise la formule communicare concordiam cum aliquod pour exprimer l’idée de réconciliation basée sur la concorde entre tous. Plaute (~ +184 av. J-C) utilise le verbe communicare pour désigner le partage d’un repas avec quelqu’un (communicabo te mensa) ; cette communauté de table devient un signe des relations amicales entre les participants. Homme d’état, historien et penseur, Jules César (+44 av. J-C) y recourt pour décrire le partage des biens matériels – notamment de l’argent – entre les époux : le mari et la femme sont sensés recevoir et mettre en usage commun les mêmes biens et dots (Viri quantas pecunias ab

uxoribus acceperunt, tantas ex suis bonis cum dotibus communicant).

Dans le latin classique – qu’il s’agisse de l’association en vue de poursuivre un même but, de la possession commune d’une chose, du partage d’un repas commun ou de la concorde fraternelle –, les mots du groupe communio-communicatio-communicare décrivent toujours les

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Tous les exemples cités dans ce paragraphe sont puisés dans les articles

« Communicatio », « Communico » et « Communio », dans Nouveau Dictionnaire Latin – Français, Paris, 1936, 286+ ; nous y trouvons les références aux auteurs cités.

relations de proximité entre des amis ou les membres de la même famille. L’idée dominante est celle de la proximité spirituelle qui s’exprime à travers différentes formes de la vie commune. Communion apparaît ainsi comme la forme la plus élevée de convivere.

Même si le substantif munus est parfois utilisé pour désigner l’offrande rendue aux dieux, ni les noms communio et communicatio ni le verbe

communicare ne sont jamais utilisés chez les auteurs non chrétiens pour

exprimer le sens d’une communion entre les dieux et les hommes, ou celle entre les membres d’un groupe religieux. Ce type d’usage apparaîtra seulement avec l’avènement du christianisme.