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Les quartiers populaires sont destinataires de politiques sectorielles, en matière d’éducation, de requalification urbaine, de développement social, économique depuis la fin des années 1970, par exemple la « politique de la ville ». Depuis les années 1980 et la fin de la période dite des « Trente Glorieuses », la « question des banlieues » s’est peu à peu structurée en tant que problème public et « objet socialement jugé social » (Longhi, 2018). À ce titre, un certain nombre de travaux ont été réalisés afin de comprendre les difficultés des banlieues : les trajec- toires individuelles, la politiques de la ville (Epstein, 2016 ; Kirszbaum, 2017), les discours et pratiques journalistiques (Sedel, 2009 ; Turpin, 2012 ; Longhi, 2012a ; Garcin-Marrou, 2015). Le traitement médiatique de ces quartiers et de leurs habitants fait, depuis une quinzaine d’années, à la suite des émeutes urbaines de 2005, l’objet de travaux universitaires qui visent à comprendre les mécanismes de relégation et de stigmatisation dont ils sont victimes et à enrichir la compréhension de leur sémiotisation.

Considérés par la presse et les politiques comme des lieux de concentration de questions so- ciales majeures, les « cités sensibles » sont devenues aujourd’hui réceptacles d’une série de stéréotypes qui affectent considérablement la vie des résidents qui se voient progressivement assignés à une identité négative et subissent diverses formes de discrimination consécutives, surtout sur le marché de l’emploi, comme en témoigne dans ces quartiers le taux de chômage, bien supérieur à la moyenne nationale (Carpenter & Horvath, 2015). Après les émeutes des années 2000, les attaques du 7 janvier 2015 dans les locaux du journal Charlie Hebdo et de

l’hyper casher de la porte de Vincennes le 9 janvier 2015, les événements ont été présentés par les médias comme les preuves nouvelles de l’existence d’un fossé entre les habitants des quartiers centraux et ceux des quartiers périphériques (Epstein, 2016).

« Alors que l’économie morale des quartiers est marquée par une rupture profonde

entre l’univers politique et institutionnel de la population (Kokoreff & Lapeyronnie, 2013), les clichés véhiculés par les discours médiatiques et politiques, au lendemain des attaques de 2015 comme avant, reflètent les peurs des classes dominantes. Ils re- mettent en cause l’appartenance des cités à l’espace commun, contribuant à l’écart qui sépare les banlieues du reste de la société française » (Carpenter & Horvath, 2015,

p.10).

Mais depuis quelques années, on assiste à l’émergence de discours alternatifs qui opposent les images de diversité, de vitalité et de créativité aux stéréotypes : auto-publications, participa- tions aux projets d’aménagements urbains, livres collectifs, films, etc. Les banlieues sont montrées comme des lieux de créativité et de source d’inspiration artistiques et comme des lieux de vie (Epstein, 2015). Ce mouvement accompagne celui du monde académique, qui, surtout depuis les années 2000 renouvelle le regard porté sur ces espaces dans des perspec- tives multidisciplinaires : sociologie, études urbaines, sciences de l’information et de la com- munication, sciences de l’éducation, psychologie, linguistique, sciences humaines. L’ouvrage collectif Regards Croisés sur la banlieue dirigé par J. Carpenter et C. Horvath, (2015) pré- sente à ce titre une synthèse des avancées les plus récentes, en mettant l’accent sur la pluralité des espaces, et en déconstruisant les réifications réductrices auxquelles ces quartiers et leurs habitants sont très régulièrement assignés.

Les quartiers populaires apparaissent ainsi comme des objets discursifs qui donnent lieu à des discours dominants et des contre-discours. Ces derniers cherchent à inverser les stigmates véhiculés par les discours dominants en donnant la parole aux habitants, parole plus souvent portée par d’autres qu’eux. S’intéresser au quotidien, à la trivialité des quartiers, apparaît ainsi comme une manière de les peupler et de leur donner une consistance sensible, humaine, en dehors des crises, faits divers qui font régulièrement l’objet d’un intense traitement média- tique. C’est la mission que s’est donné le Bondy Blog (Sedel, 2011) en donnant la parole aux « jeunes » et habitants du quartier, pour apporter un éclairage nouveau et pragmatique sur la vie quotidienne, les aspirations, le vécu et les perceptions des habitants. La médiatisation des quartiers est dès lors un enjeu de communication publique susceptible de s’appuyer sur une participation habitante et citoyenne à part entière, car la rénovation urbaine implique une re- négociation des images des quartiers qu’elle concerne (Morovich, 2015). Travaillés médiati- quement par la PQR et la PQN, les quartiers populaires font l’objet de production de contre- discours qui viennent opposer à des représentations dévalorisantes, d’autres plus positives, ancrées dans le quotidien des territoires, notamment par les journaux associatifs de quartiers. Dans cette perspective, l’information miroir qu’ils produisent peut prendre une connotation bien plus subversive.

8.4.1. Les banlieues, une catégorisation erronée synonyme de relégation urbaine Les banlieues, et plus largement les quartiers populaires sont peu à peu devenus les lieux d’une spatialisation des problèmes sociaux (Tissot & Poupeau, 2005). Dans ce contexte, la mobilisation d’un registre spatial (quartiers sensibles, cités, banlieues, tours) constitue un ca- drage des questions sociales (Pailliart, 2013). Immeubles, barres et tours deviennent « les

éléments emblématiques des quartiers populaires de banlieue » (Turpin, 2015, p.132), sou-

vent posés comme décors des faits divers, voire des faits de guerre.

Assimilées de façon métonymique et erronée aux grands ensembles d’habitat social (Des- ponds & Bergel, 2015), le terme banlieue désigne des espaces hétérogènes, en terme d’habitat, de populations, d’activités (résidentielles, industrielles, services, etc), de localisation (proches/ éloignées des « centres villes » pourtant regroupés comme les lieux dans lesquels la nouvelle question sociale se trouve spatialisée. La politique de la ville et sa focalisation, contrairement à ce que laisse supposer le syntagme, non pas sur la ville mais sur les quartiers ou communes caractérisées par la présence importante de grands ensembles d’habitat social, de populations étrangères, d’un taux de chômage et de familles monoparentales plus élevée que la moyenne nationale, contribue à nourrir cette métonymie à la fois politique, sociale et spatiale85. Pour- tant, comme le soulignent Desponds et Bergel (2015), la banlieue, parisienne dans le cadre de leur étude, ne peut se réduire à la précarité sociale, pas plus qu’elle ne correspond à la pré- sence de grands ensembles. Si les contrastes sociaux y sont particulièrement marqués, les po- pulations les plus ségréguées ne sont pas les catégories populaires mais certaines catégories aisées selon une logique parfois qualifiée de sécessionniste (Jaillet et al., 2007).

Ces métonymies ont ainsi pour effet outre la stigmatisation des gens qui y vivent, de masquer des processus et des enjeux complexes.

« Alors que la banlieue parisienne est un espace complexe, qui ne peut être appréhen-

dé de manière unilatérale par des critères simples, elle se trouve souvent réduite à des discours alarmistes portant sur l’échec des politiques d’intégration, sur l’enkystement des poches de pauvreté, sur le développement de soi-disant zones de non droit, sur la pénurie d’emplois et sur la menace de nouvelles émeutes urbaines. Ces problèmes existent, ils ont contribué à structurer les politiques urbaines concernant des péri- mètres où se concentrent les plus fortes difficultés (Donzelot, 2006). Il serait toutefois hasardeux d’occulter les dynamiques générées par le système urbain global aux- quelles appartiennent ces différentes banlieues parisiennes (Guilluy, 2013) » (Des-

ponds & Bergel, 2015, p.33).

85 La métonymie s’applique également aux noms utilisés pour désigner des quartiers. Il n’est en effet pas rare

que le nom d’une cité soit utilisé pour désigner l’intégralité d’un quartier. C’est le cas à Toulouse pour le quartier dit des « Izards ». Or, les Izards ne sont qu’une composante des quartiers Trois-Cocus et La Vache.

La circonscription des enjeux au seul territoire sans l’insérer dans l’ensemble urbain et ses flux empêche ainsi d’appréhender des questions centrales comme les mobilités résidentielles et les transformations qui affectent les emplois locaux (« skill mismatch »). Il est également réducteur d’assimiler ces territoires aux seuls enjeux sociaux par lesquels ils sont majoritai- rement caractérisés, au point d’en constituer des « stigmates territoriaux » (Wacquant, 2007). Cette notion désigne le phénomène par lequel la réputation d’un territoire déteint sur l’ensemble de ses habitants. Il relie la réputation d’un quartier à son lieu géographique ainsi qu’à son histoire et à la structure des types de logement. Pour L. Wacquant, l’État néolibéral est en grande partie responsable de la stigmatisation territoriale qui affecte un certain nombre de quartiers urbains, puisqu’il est producteur d’un nouveau régime de marginalité urbaine et de « précariat » depuis l’avènement de la période post-fordiste (Kirkness, 2015 ; Wacquant, 2009, 2010). Pour Suzanne Hall, ces stigmates opèrent de façon à la fois réflexive et prédic- tive car ils perpétuent une réputation acquise au cours du temps, et parce « qu’ils projettent

cette réputation au présent et dans le futur, sous la forme de représentation durables des per- sonnes et de l’espace » (Hall, 2013, p.47). Ils ont pour effet de générer et/ou de reproduire des

représentations de frontière et de distance symbolique entre les quartiers ou espaces périphé- riques et les centres, alors même que, dans la plupart des cas, les quartiers stigmatisés ne sont pas très éloignés des centres.

Ce phénomène affecte également les comportements des opérateurs publics ou privés (attitude de la police ou des services sociaux, désinvestissement économique, désert médical…), il in- fluence les élaborations des spécialistes en production symboliques (journalistes, intellectuels, politiques, « think-tanks », etc.), il agit sur les opinions et les actions des élites de l’État, en- traînant une série de politiques publiques qui façonnent la marginalité urbaine contemporaine (Wacquant, 2007). On continue ainsi d’associer aux quartiers populaires des « pathologies » et des images qui lient les comportements aux formes urbaines (Rivière & Tissot, 2011). Les éléments architecturaux sur-visibles rendus caractéristiques et stéréotypiques, deviennent les symboles des « cités ». Dans la presse, les contextes dans lesquels ils sont employés renvoient au point de vue extérieur du passant, et à une axiologie négative qui peut par ailleurs rejoindre le champ métaphorique de la maladie (Turpin, 2015).

Dans ce contexte les habitants sont également stigmatisés, stigmatisation qui contribue à leur invisibilité sociale (Le Blanc, 2009). Une figure est particulièrement victime de ce phénomène, le jeune.

8.4.2. Les cadrages médiatiques « des jeunes » de banlieue : entre responsabilisation et nouvelle question sociale

Plusieurs travaux « pointent la construction médiatique d’une réalité sociale dans laquelle les jeunes gens auteurs de violences ont peu de chances d’être reconnus dans leur capacité à agir autrement, que précisément, par la violence » (Garcin-Marrou, 2015, p.93). La persistance du phénomène tendrait à témoigner

« d’une incapacité des médias et, au-delà, de la société française à « décaler le re- gard ou à faire bouger les cadres de construction de l’événement ce qui interroge la

« capacité du discours médiatique – entendu au sens générique du terme – à rompre avec des discours dominants, consensuels et, surtout, alignés sur la seule conception répressive de l’action de l’État » (Ibid., p.93).

Ainsi, les cadres discursifs mobilisés par les médias dans le traitement des violences urbaines, participent de la construction d’un espace symbolique narratif, dans lequel les « jeunes » constituent une nouvelle classe dangereuse (Garcin-Marrou, 2015). Celle-ci est mise en scène dans le traitement des faits divers dont les quartiers populaires deviennent les théâtres, comme une situation de guerre ou de feuilleton policier. Le « jeune de banlieue » tend à fonctionner discursivement comme une formule (Krieg-Planque, 2010), dont le sens cristallise une stéréo- typie (Longhi, 2012a).

En analysant les productions médiatiques des grands médias français présentant une ligne éditoriale clivée, I. Garcin Marrou (2015) analyse les différences de cadrages des « émeutes » de 2005. Ces derniers varient considérablement selon les médias. Ses analyses sur le traite- ment journalistique des premiers jours d’émeutes permettent de dégager des logiques qui fon- dent les récits médiatiques. Ces logiques sont d’autant plus importantes à saisir qu’elles struc- turent de façon sous-jacente la factualité des récits et qu’elles participent de la réaffirmation de cadres normatifs implicites. La qualification des violences est effectuée selon deux grands cadres de référence : la « délinquance absolue » dans la Croix et le Figaro, et l’exclusion, centrale dans l’Humanité et Libération. Le Monde et le Parisien oscillent entre les deux cadres, mais identifient la délinquance comme motif dominant. Deux conceptions de l’ensemble socio-politique sous-tendent ces cadres d’interprétation.

Le premier renvoie à la pensée héritée de la philosophie hobbesienne plaçant la fonction réga- lienne de maintien de l’ordre au fondement de l’État (sa raison d’être) rendant acceptable les contrôles judiciaires et policiers qui quadrillent la société (Foucault, 1993 ; Wacquant, 2009). Le second est sous-tendu par une conception héritée de la philosophie de Spinoza et « pose la

nécessité de donner à l’ensemble socio-politique une double fondation ; celle de la contrainte, incontournable, car les passions humaines peuvent être destructrices et celle de la compré- hension et du progrès de l’esprit humain vers la liberté, par la participation active des indivi- dus au destin de leur ensemble d’appartenance » (Garcin-Marrou, 2015, p.104). La vision du

progrès démocratique ainsi embrassée est la même qui sous-tend l’impératif délibératif et elle repose sur le développement et idéellement la garantie de la capacité à devenir un citoyen. Ces différences de cadrages, en fonction des lignes éditoriales, renvoient aux heuristiques identifiées par la psychologie sociale entre des représentations du social chez des individus se disant de gauche ou de droite : la gauche aurait tendance à attribuer des causes environnemen- tales, systémiques, sociales, extérieures aux propriétés et à la volonté des individus (propriétés extrasèques) tandis que la droite a tendance à expliquer, rechercher les causalités dans les ca- ractéristiques propres aux individus (propriétés intrasèques). Le cadrage construit également de façon plus générale une frontière symbolique entre « eux » et « nous » (le lecteur), les rési- dents des quartiers renvoient à une altérité qui dérange, une « nouvelle classe dangereuse ».

Dans ce contexte, « la figure des jeunes auteurs de violences est donc, fondamentale-

ment, une figure de l’altérité, fondée sur leurs actes et, faut-il le rappeler, sur leur re- légation à la fois spatiale, symbolique et politique dans des quartiers où, précise le Figaro, règne la « barbarie » » (Garcin-Marrou, p. 100).

L’étude réalisée par B. Turpin (2015) sur les contextes lexicaux d’apparition du terme « jeune » dans les grands médias nationaux identifie, au-delà du contexte des émeutes, les cadrages majoritairement mobilisés pour montrer ces habitants particuliers des quartiers popu- laires. Ces observations convergent en tout point avec celles que nous avons pu mener et sur lesquelles nous reviendrons dans la présentation de nos résultats. Le terme « jeune » est le plus fréquemment associé aux forces de l’ordre. La fréquence de cette association reflète l’état de tension entre les forces de l’ordre et les jeunes des quartiers populaires. Cette tension se trouve accentuée du fait que l’autre n’est perçu que par rapport à son groupe d’appartenance. La prégnance de cette cooccurrence, sa répétition, renforce ainsi chez le lec- teur l’association entre violence, jeunes, cité et quartier et aboutit à une stigmatisation de l’ensemble d’une population.

Néanmoins, les jeunes adolescents ou adultes sont parfois évoqués dans d’autres contextes, mais le plus souvent en termes de réussite individuelle à l’exception des groupes d’artistes (ex : musiciens ou grapheurs) (Turpin, 2015). La thématique de l’emploi est également abor- dée, mais uniquement sous le prisme de l’entreprise et l’auteur dresse le constat du peu d’articles portant sur la thématique de l’éducation. Dans certains médias, notamment Libéra-

tion, la vie des habitants peut se trouver évoquée, ce qui contribue à l’élargissement de la con-

textualité. Dans ces cas, « les points de vue mis en exergue donnent davantage la parole aux

habitants […] » (Ibid., p.137) selon des modalités susceptibles de varier d’un titre à l’autre.

Alors que le Monde met relativement en exergue celle de résidents de longue date ou des abords pavillonnaires, le Parisien se spécialise dans le « récit édifiant » qui relate les « par- cours exemplaires » de jeunes, ambassadeurs de la réussite, témoins des talents qu’abritent les quartiers populaires86. Mais ces discours mettent « presque toujours l’accent sur une volonté

individuelle, ce qui en revers ne participe nullement à lever le stéréotype résumé par l’oxymore « égalité des chances ». « S’en sortir devient une question de volonté », ce qui permet finalement d’éluder la question sociale (Turpin, 2015, p.137). Ces cadrages par l’exemplarité permettent de mettre en évidence l’existence d’un processus d’invisibilisation, adossé à la stigmatisation médiatique (El Hadani et al., 2015).

86 « Nos quartiers ont des talents » est une association créée en 2006. Elle accompagne vers l’emploi, via un

système de parrainage assuré par des cadres en activité, des jeunes diplômés issus de milieux sociaux modestes, de quartiers prioritaires ou de zone de revitalisation rurale. Source : [https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l- actualite-du-ministere/article/nos-quartiers-ont-des-talents-un-levier-pour-l-insertion-des-jeunes-diplomes-de]

8.4.3. Un attachement au territoire en contrepoids des stigmates territoriaux

En dépit de ces stigmates, des enquêtes menées (Kirkness, 2015) auprès des résidents témoi- gnent d’un attachement territorial qui s’exprime notamment avec force lorsque des démoli- tions de logements sociaux jugés vétustes, insalubres ou dégradés sont programmées dans le cadre de la politique de la ville, avec les déplacements ou relogements, parfois dans d’autres quartier, qu’elles entraînent. T. Slater (2013) parle à ce titre « d’emplacement ». Ces phéno- mènes de mobilité non voulues et plus largement les opérations de rénovation suscitent l’expression d’une volonté de la part des résidents d’être davantage impliqués dans les déci- sions afférant à l’aménagement du quartier et par conséquent dans les dispositifs de la poli- tique de la ville. La création des conseils citoyens résulte en partie de la prise en compte et de la mise en visibilité de ces demandes, à laquelle participent les comités et la presse associative de quartier, qu’ils incitent à prendre part à la vie du quartier ou qu’ils tentent de désamorcer la stigmatisation en diffusant à l’intérieur et parfois à l’extérieur du quartier une image positive. En cela, l’existence de journaux locaux témoignent déjà d’un attachement pour le quartier. Par ailleurs, les comités de quartier, en diffusant les comptes-rendus de leurs actions, en suivant de près les politiques publiques susceptibles de toucher le quartier, contribuent d’une part à former et informer les habitants et d’autres part à s’imposer comme interlocuteurs s’agissant des opérations d’aménagement. Parfois issus, selon les configurations socio-politiques et les contextes des quartiers, de dynamiques contestataires, ils peuvent donc avoir un rôle d’alerte et d’interpellation.

8.4.4. Communiquer le quartier : Porter les paroles d’acteurs qui sont d’habitude « parlés » par d’autres : la fabrique du regard sur le territoire par les associations Difficiles à décrire et à penser (Bourdieu, 2015), « les quartiers populaires en France sont pour la plupart des cas communiqués à travers une vision stéréotypée, engendrée par le fait que ceux qui regardent et qui communiquent sur ces quartiers (chercheurs, journalistes, poli- tiques, etc.) ne sont pas socialement les mêmes que ceux qui habitent les lieux en question » (Morovich, 2015, p. 58).

Les habitants des quartiers sont ainsi plus généralement « parlés » par d’autres qu’amenés à prendre eux même la parole. Ce constat particulièrement criant s’agissant des quartiers popu- laires stigmatisés peut être élargi à l’ensemble des « vies ordinaires » (Voirol, 2005) qui peu- plent les villes et les campagnes.

Il en résulte une incapacité à restituer une vision complète des territoires, malgré la présence de différents producteurs d’images. En cela, les discours et les images produits par les habi- tants s’inscrivent dans des sous-ensembles médiatiques qui sont susceptibles de renverser la perspective négative venant de l’extérieur et de la substituer à des contre-réalités plus posi- tives (Morovich, 2015).

Ces discours montrent [...] qu’il existe au sein des quartiers populaires une dyna- mique interne de fabrication d’images globalement positives qui concernent des tenta- tives de revalorisation de soi » (Ibid., p.60).

A titre d’exemple :

- l’image de la convivialité peut être opposée à celle de la violence,

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