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« Dans un contexte sociopolitique et médiatique fortement marqué par les discours

sur la gouvernance des territoires, la prise en compte des spécificités des territoires devient quasiment un « leitmotiv des politiques publiques » » (Piponnier & Champol- lion, 2013, p. 235).

C. Fourrier, dans un article portant sur l’évolution de la communication des collectivités lo- cales (2013) dresse le constat de transformations successives :

« À la période « post-loi de décentralisation de 1982 » où l’enjeu principal de la

communication était celui de la construction identitaire, revendiquée parfois comme une fin en soi (Cardy, 1997), a succédé le temps des années 2000 où la référence à la notion d’identités territoriales s’inscrivait dans des stratégies de positionnement dans un champ local sujet à des concurrences entre institutions politiques (Pailliart, 2006). Aujourd’hui, l’enjeu des années 2010 marque peut-être encore une étape dans le dé- ploiement des politiques de communication des collectivités : cet enjeu est celui de la construction d’une relation, étape ultime d’une communication de proximité. En effet, les collectivités n’ont de cesse de souligner qu’une des missions phares de la commu-

nication publique est d’accompagner le citoyen et de le faire exister (Bacqué et al., 2006) » (Fourrier, 2013, p.97).

Le contexte de concurrence territoriale (Delaplace, 2011), l’injonction normative à l’attractivité, la performance, la différenciation et l’importance de la demande sociale con- temporaine de qualité, de labellisation, poussent les collectivités locales, sans cesse à la re- cherche de singularité, à engager un travail sur le territoire (Noyer & Raoul, 2011) afin d’élaborer une véritable image de marque, en s’appuyant sur des marqueurs identitaires, ob- jectifs (patrimoine, entreprises) ou subjectifs (qualité de vie, « convivencia83 ») locaux forts. Adoptant une posture instrumentale de la communication (Dacheux & Duracka, 2017), issue des techniques de marketing du secteur marchand, les collectivités cherchent à construire, affirmer et afficher une différence, une spécialisation. Ce travail territorial passe en partie par l’élaboration de politiques de communication plus ou moins formalisées et volontaristes. Construire l’image du territoire est devenu un enjeu économique et politique central qui parti- cipe au rayonnement (Berthou, 2013) ou à l’attractivité du territoire soucieux d’attirer tou- ristes, entreprises, soutiens symboliques et matériels de l’État aux projets de territoire. Il de- vient désormais fondamental de renvoyer une image positive, innovante, et dynamique, tra- duisant les vertus économiques supposées de la proximité (Ibid.). Les politiques culturelles sont une des formes d’expression de cette communication territoriale, soucieuse de différen- ciation (Ibid.) et de spécialisation, qu’elles fassent le choix de valoriser un patrimoine histo- rique ou qu’elles cherchent a contrario à rompre avec des « images héritées » qui peuvent parfois s’avérer être des freins plutôt que des leviers de développement du projet territorial ou des « territoires de projet » (Raoul, 2003 ; Noyer & Raoul, 2011). Le territoire devient un « fait de langage » et se trouve chargé de significations, positives ou négatives, qu’il est im- portant d’entretenir ou de transformer, sans que cela soit perçu comme une intrusion, ou une imposition unilatérale (Berthou, 2013).

Mais la prise en compte par les collectivités des publics variés et de la diversité des supports de communication développés, associés à un argumentaire spécifique, met à mal une vision intégrative des politiques de communication et par conséquent, une transposition réduite à des stratégies marketing et à une image de marque façonnée par une communication publique territoriale homogène. En effet, la communication des collectivités s’intègre dans un fonc- tionnement institutionnel encore caractérisé par la spécialisation des services et des compé- tences. La nécessité de produire des communications qui s’adressent à des publics différents, avec des objectifs différents, peut être un des facteurs explicatifs des sectorialisations de l’offre participative, à laquelle s’ajoutent la sectorialisation des politiques et la répartition des compétences territoriales (collectivités, directions et services). Dans ce contexte, ce ciblage, relationnel, peut être lu sous deux angles complémentaires. D’abord, en raison de la diversité

83 La notion de « convivencia », utilisée par les services de communication toulousains, est empruntée à la

des publics auxquels les services de communication des collectivités doivent s’adresser, la mise en forme de messages de plus en plus complexes et segmentés bouscule la question de l’image de la collectivité comme celle de l’identité territoriale. Ces images sont en effet prin- cipalement construites à partir de critères de permanence, de continuité, d’unité et de cohésion autour de valeurs stables dans le temps, et non de la différenciation de la variété et du chan- gement. Ensuite, dans une logique inspirée d’un modèle dit « marketing » (ou instrumental) où la recherche de l’efficacité passe par une segmentation des publics de plus en plus poussée et une réactivité aux tendances et demandes émergentes innovantes,

« la capacité de la collectivité à maintenir une image de marque forte et univoque peut se diluer dans les multiples supports auxquels elle et, de fait, associée et peut donner lieu, alors, à une identité protéiforme, l’expression comportant en elle-même les germes de sa contradiction » (Fourrier, 2013, p.98).

Le développement de directions et de services de démocratie locale, participative ou ci- toyenne dans les collectivités semble conforter d’une part les analyses qui mettent en évi- dence une professionnalisation de la participation (Bacquié & Gauthier, 2011 ; Mazeaud, 2012), d’autre part, la mise en œuvre par les collectivités d’une communication relationnelle, inspirée du modèle de communication politique (Dacheux & Duracka, 2017), et non plus ins- trumentale (sensibilisation, information, promotion), pour les activités associées à la défini- tion du projet territorial et de valorisation de l’action municipale (Fourrier, 2013). Dans ce contexte, la valorisation croissante des savoirs profanes, savoirs d’usages ou citoyens (Nez, 2011), perceptible à partir de l’apparition de compétences professionnelles nouvelles en ma- tière d’animation permet d’une part de diversifier les formes de participation des habitants, d’autre part, d’enrichir les modalités de la communication publique, qui tendrait à devenir relationnelle (Cardy, 2013).

« Depuis les premières lois de décentralisation (1982), des actions de communication

sont mises en œuvre pour faire reconnaître les collectivités territoriales d’un point de vue institutionnel, politique, informationnel. Les élus réalisent progressivement l’importance des enjeux liés aux stratégies de communication, comme élément moteur de la construction de l’image de leur territoire. Pour le rendre attractif, élus et profes- sionnels doivent s’accorder sur les objectifs à viser. Une vision globale et à long terme des actions à entreprendre prend alors progressivement le pas sur des événe- ments ponctuels, dénués de sens. Pour les directeurs de la communication, le citoyen est devenu non seulement un client (en réponse à des objectifs de « marketing poli- tique ») mais aussi un partenaire : il est aujourd’hui sollicité et incité à agir » (Cardy,

2013, p. 116-117).

La participation institutionnalisée s’insérait ainsi dans des stratégies de marketing territorial, de « citybranding », dans une perspective relationnelle. La stratégie adoptée par la ville de Lyon est à ce titre emblématique de cette mutation dans la communication des collectivités et leur propension à s’éloigner de stratégies centrées sur l’institution elle-même, pour porter un regard plus large et associer l’ensemble des acteurs (politiques, économiques, etc.), à la mise en place de propositions plus globales. Les collectivités prennent dès lors en compte « des

enjeux qui vont au-delà de la promotion du territoire en lui-même, pour considérer sa propre position et se placer dans une dynamique qui prend en compte les critères de compétitivité et de concurrence [...] » (Ibid., p. 127). La maîtrise des images des composantes de la ville, de

ses quartiers devient une affaire de politique publique (Authier et al., 2007).

La prise en compte croissante des représentations du territoire dans les politiques de dévelop- pement et d’aménagement local met en exergue des enjeux spécifiques à certains territoires souffrant d’un traitement particulièrement négatif et stigmatisant qui rend inefficient le mo- dèle de l’espace public habermassien. C’est le cas des espaces désignés comme « QPV84 », « quartiers prioritaires », « populaires », « disqualifiés » ou en « voie de requalification ». Dans un contexte comme celui de Toulouse où la pression démographique est particulière- ment forte, la revalorisation des habitats et résidences privées construites dans les zones prio- ritaires et boudées par la classe moyenne est un problème de taille. Changer l’image des quar- tiers est une nécessité vitale pour la métropole afin de parvenir à une occupation des sols plus efficaces, lutter contre l’étalement urbain et les flux routiers qu’il contribue à accentuer, avec les phénomènes de saturation pendulaire qu’il engendre.

8.4.DES TERRITOIRES PAS COMME LES AUTRES, LES ENJEUX COMMUNICATIONNELS DES

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