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La composition des conseils citoyens suit un cadre légal pouvant éventuellement donner lieu à des adaptations en fonction de la spécificité des territoires. Ils sont constitués de trois cho- rums : les habitants à 75 % (45 % issus du tirage au sort, 35 % sur candidature), les « struc- tures locales » (associations et entreprises, à 25%). Les conseils regroupent plusieurs compo- santes territoriales et le nombre de membres de chaque conseil est proportionnel au poids dé- mographique du quartier. Le tableau ci-après synthétise la composition de chacun des conseils que nous avions suivis :

68 « Ces quartiers sont en effet composés d'au moins 1 000 habitants et de ménages dont le revenu médian est

inférieur à 60 % du revenu médian de l'agglomération, soit 12 000 € ». (Contrat de Ville de Toulouse métropole, p.42, cahier 1)

Conseil ci- toyen

Nbre d’habitants tirés au sort sur liste électorale Nbre d’habitants sur candidature Structures locales Total Taux de participa- tion moyen sur les séances observées Bellefontaine- Milan 36 24 20 80 22 % Reynerie – Mirail Univer- sité 36 24 20 80 23 % Trois Cocus – La Vache 24 16 14 54 31 % Soupetard – La Gloire 14 10 8 32 50 %

Tableau 4 : Composition des conseils citoyens étudiés

Nous avons codé les locuteurs, au total 129, afin de pouvoir observer des spécificités liées à leur prise de parole et au statut qui leur est associé au sein du conseil (habitants, acteurs asso- ciatifs, autres acteurs économiques, invités). Nous avons également ajouté un tiret « _ » entre les formes « conseil » et « citoyen », lorsqu’elles apparaissaient conjointement, de manière à l’identifier l’expression comme une seule forme lexicale.

Avant de se pencher sur le contenu lexical des séances, nous souhaitons d’abord évoquer les disparités pouvant exister d’un conseil à l’autre, d’une séance à l’autre, en matière d’agencement de l’espace de discussion et de répartition des rôles.

Parmi ces quatre conseils, deux ont fait le choix d’un fonctionnement collégial, deux autres ont divisé l’assemblée en deux groupes : un groupe de coordination et le reste du conseil. Le groupe de coordination est composé de membres assidus et prend en charge la programmation des séances, la mise en place d’un ordre du jour et les formalités administratives.

Le montage organisationnel est susceptible de varier également, en raison de l’attribution d’une subvention de fonctionnement et des choix laissés à la discrétion des conseils quant à la gestion financière de cette subvention. Un conseil a fait le choix de s’appuyer sur une régie de quartier, les autres se sont constitués en association indépendante, soit au nom propre du con- seil citoyen, soit pour la gestion exclusive des ressources (association de gestion). Ce montage implique l’élection d’un bureau, le dépôt de statuts à la préfecture et l’ouverture d’un compte. L’agencement des tables, des chaises, au cours des séances varie en fonction des choix de gouvernance mais aussi du nombre de présents et des ressources que les espaces d’accueil offrent (tables, chaises, micro, vidéo-projection, etc.). Néanmoins au cours des séances qu’il

nous a été donné d’observer, l’agencement majoritairement adopté correspond à ce que M. Berger (2011) nomme, en s’appuyant sur les travaux d’E.Goffman (1963), un rassemblement « multi-focale ». Tous les participants sont regroupés autour d’une table ou d’un espace, de forme ronde ou carré et leur focalisation varie en fonction des interlocutions à caractère public ou privé (conciliabules, bavardages). Le seul contre-exemple a été observé au cours de cer- taines séances du conseil citoyen Bellefontaine-Milan, où la focalisation prenait la forme d’un rassemblement orienté, en se centrant sur les membres du groupe de coordination.

On compte en moyenne une quinzaine de locuteurs par séances ce qui équivaut, en fonction des conseils, de 20 à 50 % du total des titulaires, présents ou non lors des plénières, pour des temps de paroles pouvant considérablement varier. Par ailleurs, il arrive que les prises de pa- roles ne soient pas effectuées par des membres du conseil mais par des personnes « exté- rieures », chargées de mission à la politique de la ville, habitants, journalistes ou profession- nels de l’animation et de la participation. Les conseils citoyens doivent en effet composer avec une attention aiguë de la part d’une multiplicité d’acteurs (élus, opérateurs du contrat de ville, professionnels de l’animation, chercheurs, porteurs de projet en économie sociale et solidaire, etc.). Ces sollicitations récurrentes et parfois trop nombreuses69, ont tendance à af- fecter le fonctionnement interne des conseils en dispersant ou ajournant les points figurant à l’ordre du jour.

Les résultats obtenus à partir des analyses statistiques menées sur les corpus, nous permettent d’approfondir l’appréhension du fonctionnement de ces instances qui apparaissent, à plusieurs égards, comme des espaces de délibération soumis à de multiples contraintes.

C

HAPITRE

7.

« P

AROLES ET AGIR

»

AUTORISES DES CONSEILS CITOYENS

Les analyses effectuées sur les discours produits dans le cadre de séances plénières de con- seils citoyens toulousains mettent en évidence les espaces lexicaux qui les structurent, entre convergence et divergence. L’observation et l’interprétation de ces espaces permettent de ré- véler l’existence de cadrages thématiques dominants qui peuvent néanmoins être investis de manière différenciée en fonction des conseils. La compréhension de ces cadrages invite à con- sidérer les conseils citoyens comme des espaces de délibération soumis à de multiples con- traintes, notamment en raison du poids qu’exerce le dispositif du contrat de ville sur ce qui se dit au cours des séances. En dépit de cette influence du dispositif, il est toutefois possible

69 Certains membres ont clairement décidé, après avoir vu leur ordre du jour bouleversé, que les invités

n’interviendraient désormais qu’une fois l’ordre du jour épuisé. La gestion des sollicitations extérieures est aussi un facteur pouvant expliquer que certains conseils n’aient pas donné suite à notre requête. Délibérer sur le bien- fondé de notre présence, de nos observations et résultats impliquait l’intégration de ces questions à un ordre du jour déjà fort contraint et chargé.

d’observer des phénomènes discrets d’appropriation, qui se déploient en deçà du contrat de ville.

Figure 170 : Analyse de similitude appliquée au corpus des séances plénières des conseils ci- toyens (IRaMuTeQ & Gephi),

Cette ADS présente les espaces lexicaux communs aux séances plénières des quatre conseils- citoyens étudiés, livrant ainsi une première approche du contenu discursif des séances, focali- sée sur les convergences des discours. Elle dresse un portrait contrasté d’un espace public local, territorialisé, (Miège, 2010 ; Gadras & Pailliart, 2013) fondé sur l’entité du quartier, à la fois semblable et singulier. Ces espaces lexicaux, ici matérialisés par des liens plus ou moins épais (en fonction de l’indice de cooccurrence) et des couleurs (détection de communautés), s’agencent autour de formes (mots) clés71. On compte ici dix communautés lexicales dont

70 Les Analyses de similitudes et Classification Hiérarchiques Descendantes les plus denses sont reproduites en

« annexe 1 », dans une taille plus grande, pour en faciliter la lecture.

certaines sont articulées autour de formes désignant des acteurs, le « conseil-citoyen » (1300 occ.) et les « association(s) » (907 occ.) qui occupent ici une place prépondérante.

D’autres s’agencent autour de verbes dont l’interprétation hors contexte reste délicate (« voir », 1254 occ. ; « venir », 994 occ. ; « mettre », 973 occ. ; « penser », 818 occ.). Ils sem- blent toutefois liés à la situation d’oralité. Le territoire de référence apparaît également de manière très nette articulé autour du « quartier » (1294 occ.) et de ses « habitants » (703 occ.). Le lieu de parole le plus important est quant à lui celui de la « réunion » (1087 occ.).

Dans ce contexte, les conseils-citoyens « prennent », autant que possible, le « temps » de « penser », « parler », de « mettre en place » des « choses », de « proposer » des « projets », de poser des « questions », en se réunissant, en travaillant dans les groupes de « travail », les « commissions » et les instances de « pilotage ». Les orientations projectives des conseils, que nous observons dans la communauté turquoise reliée à la forme « social », font apparaître le terme de « mixité ». L’usage de ce terme, repris du vocabulaire courant de la politique de la ville, dont il constitue un objectif phare depuis les années 1950 (Epstein, 2016) apparaît comme un premier indice du modelage auquel procède le dispositif, sur les façons de perce- voir les enjeux du quartier, dans le cadre du contrat de ville, entre jacobinisme et néoconser- vatisme.

Si l’approche par la cooccurrence permet de s’intéresser à ce qui constituerait un univers de sens partagé des conseils citoyens, elle ne permet pas, en l’état, de dégager des contrastes lexicaux susceptibles de structurer l’énonciation des séances plénières. Pour cela, nous avons recours à une seconde analyse, la Classification Hiérarchique Descendante (CHD), dans la- quelle le corpus se trouve décomposé en 19 classes72.

72 Nous rappelons que le nombre de classes dépend d’une part de la nature et des caractéristiques du corpus et

d’autre part du degré de finesse souhaité par l’analyste quant à l’interprétation. Nous avons ici cherché à rendre compte de thématiques secondaires en termes de poids tout en conservant la vertu de synthèse que permet le recours à une CHD. Les pourcentages indiqués sur le graphique correspondent aux pourcentages de segments classés par classe.

Figure 2 : Classification Hiérarchique Descendante appliquée au corpus des séances plénières des conseils citoyens (79, 4 % de segments classés) (IRaMuTeQ)

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