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CONCLUSION DU TITRE

Paragraphe 3. La lutte par les autres branches du droit positif

B. La chasse menée par des théories générales de droit commun

4. Sur le terrain de la violence

338. Aux termes des articles 1112 du Code civil et 210 du Code des obligations et des

contrats, est nul le contrat conclu sous la pression de la crainte, stimulée par une violence384 physique ou par des menaces affectant la personne ou les biens du contractant. Non limitée à une violence brutale subie par le contractant, la violence peut être une simple pression provenant des circonstances économiques et sociales. Par conséquent, le consommateur qui, se trouvant dans une situation de dépendance économique vis-à-vis du professionnel, de sorte qu’il n’avait pas de solution alternative, et qui a payé un prix excessivement haut, pourrait se déplacer sur le terrain de la violence pour la résolution du contrat souscrit et la restitution de prix ou la conservation de la chose vendue contre remboursement d’une partie du prix385.

C’est la violence économique qui prend place386.

Notons qu’il existe une certaine divergence entre la Cour de cassation française et les juges de fond concernant la preuve de la violence économique387.

Pour ces derniers, la dépendance économique suffit à caractériser le vice de violence388.

En revanche, la Cour de Cassation exige le côté subjectif de ce vice, et ce, la preuve d’une exploitation intentionnelle de la situation de faiblesse de la partie victime. Ainsi, le consommateur qui subit un abus de prix ne peut agir sur le fondement de la violence que « si

elle a été déterminante », tenant compte de « la personnalité de la victime (âge, sexe instruction, condition sociale) », selon l’article 211 du Code des obligations et des contrats.

Dès lors, la mise en œuvre de la violence prévue par les droits communs français et libanais serait difficile à apprécier. C’est pourquoi les législateurs ont intégré dans leurs droits positifs des dispositions spéciales visant à protéger les consommateurs de toute exploitation intentionnelle de la situation de faiblesse dans laquelle peuvent se trouver ces derniers389. « Si les traits changent, l’esprit demeure : le déséquilibre contractuel exigé suggère une

situation latente [sollicitée par la législation des clauses abusives] de contrainte économique

384 Les informations qui suivent, et qui sont en rapport avec la violence, sont largement inspirées de G. Loiseau, note ss Cass. 1ere civ., 30 mai 2000, JCP G. 2001, II. 1040461.

385 Cass. com., 7 janv. 2004, Bull. Civ, 2004 IV n° 4 p. 4. 386 J. Carbonnier, Droit civil, op. cit. no 33.

387 M. Boizard, La réception de la notion de violence économique en droit, LPA, 16 juin 2004, n°120. 388 CA Aix-en-Provence, 2e ch., 17 avr. 1987, RTD civ., 1988, p. 115, obs. J. Mestre.

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»390 [se référant à la violence économique]. Ainsi, la législation des clauses abusives se

rapproche de la violence économique, sans pour autant lui conférer un caractère excessif. Autrement dit, la violence économique s’avère être un « mode d’élargissement de la

répression des clauses abusives »391. Alors que les clauses abusives ne sont éliminées que

dans les « contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs » et donc que les dispositions spéciales relatives aux clauses abusives ne s’appliquent pas entre professionnels et entre particuliers, « la violence économique peut se révéler d’un grand

secours »392 : elle n’est pas sélective, elle protège « les professionnels, que l’objet du contrat

conclu présente ou non un lien direct avec leur activité ». Ainsi, la violence économique est

susceptible d’intervenir dans tout type de contrat marqué par la contrainte économique subie par un contractant. « La violence économique se présente comme la voie favorisant, à juste

titre, la généralisation de la répression des clauses abusives, indépendamment de la qualité

de ceux qui en souffrent »393.

e. La lutte fondée sur la théorie de bonne foi

339. « D'une manière générale, la bonne foi doit être le moyen privilégié de contrôler la

mise en œuvre de ces clauses contractuelles»394. Le rapprochement de ces deux notions de

bonne foi et de clauses abusives s’explique par le fait que le stipulant, dans ses rapports contractuels, doit respecter les exigences d’honnêteté, de loyauté et l’obligation de ne pas profiter d’une situation de supériorité économique ou technique de son contractant. Un tel rapprochement se justifie pour décrire la « qualité de celui qui parle, agit avec une intention

droite, avec la conviction d’obéir à sa conscience, d’être fidèle à ses obligations »395. En

d’autres termes, cette notion recouvre en l’ensemble des règles de conduite créées et sanctionnées par le droit.

Dans les contrats de consommation, la théorie de la bonne foi permet de remédier aux abus contractuels en faveur des consommateurs. Par conséquent, nous développerons la vocation

390 Les informations qui suivent, et qui sont en rapport avec la violence économique, sont largement inspirées de G. Loiseau, note ss Cass. 1ere civ, préc. no 386.

391 G. Loiseau, ibid no 386.

392 A. Huygens, La violence économique, Mémoire : Université de Lille II, 2000-2001, http://edoctorale74.univ- lille2.fr/fileadmin/master_recherche/T_l_chargement/memoires/contrats/huygensa01.pdf

393 G. Loiseau, ibid no 386.

394 Mustapha Mekki, Le nouvel essor du concept de clause contractuelle (1re part.), RDC, 01 oct. 2006 n° 4,

p. 1051.

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de cette théorie à être utilisée comme un moyen de lutte contre les clauses abusives, alors que l’usage généralisé de cette notion dans tout le droit de la consommation ferait l’objet d’un élargissement plus global dans la dernière section de cette étude.

Les articles 221 et 369 du Code des obligations et des contrats constituent une conciliation entre le principe de la stabilité des transactions et le principe de l’équilibre dans les prestations. En effet, l’article 221 prévoit que « les conventions régulièrement formées (…)

doivent être comprises, interprétées et exécutées conformément à la bonne foi, à l’équité et aux usages », et l’article 369 dispose qu’« en cas de doute, la clause s’interprète en faveur du débiteur et contre le créancier ». Ainsi, le juge du fond doit interpréter les clauses du contrat

en faveur du débiteur. Bien qu’il n’ait aucun pouvoir pour modifier, annuler ou substituer à ces clauses des clauses nouvelles à cause d’un changement de circonstances ou parce qu’il considère le contrat initial comme inéquitable, le juge du fond peut interpréter la clause douteuse et/ou abusive en faveur de la partie faible du contrat afin d’assouplir son exécution396.

Dans un sens identique à celui du droit libanais, et bien que l’article 1134, alinéa 3 du Code civil qui examine le principe de l’exécution de bonne foi des conventions n’envisage pas expressément la bonne foi au niveau de la formation397, il est admis par la majorité de la

doctrine française que l’obligation générale de bonne foi s’impose dans tous les rapports contractuels, depuis leur préparation, leur formation jusqu’à leur exécution398. « On peut

donc, y rattacher toute règle destinée à sanctionner un comportement répréhensible, voire anormal. Ainsi la réglementation des clauses abusives peut être considérée comme relevant

de l’idée de bonne foi car celui qui les impose n’agit pas de bonne foi »399.

Cependant, comme l’application de cette théorie de bonne foi en matière des clauses abusives n’est pas systématisée dans les droits positifs français et libanais, la jurisprudence et la doctrine400 ne l’utilisent en pratique que fort peu et d’une façon rhétorique401.

396 Cass. civ., arrêt n° 4/96, 17 déc. 1996, cité par M. Al-Awji, Le contrat, op. cit. no 332. 397 C. civ., art. 1134 al. 3 dispose : « Elles doivent être exécutées de bonnefoi ».

398 G. Desgorces, La bonne foi dans le droit des contrats : rôle actuel et perspectives, Thèse : Université de Paris II Panthéon-Assas, 1992, p. 18 ; J. Mestre, La période précontractuelle et la formation du contrat, LPA, 5 mai 2000, p. 8.

399 D. Tallon, Le concept de la bonne foi en droit français du contrat, Saggi, Conférenze seminari, Roma 1994, p. 7 et s.

400 Y. Picod, Effet obligatoire des conventions, exécution de la bonne foi des conventions, JCl civ. (art. 1134 et 1135) n° 6 cité par Y. Picod et H. Davo, Droit de la consommation, préc. no 286.

401 A.-S. Omrane, La protection du consommateur dans la phase de la formation du contrat, Beyrouth, librairie AL-Jamiiya, 2e éd., 2003, n° 35, p. 58-59.

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En conclusion, la protection des assurés et de la clientèle bancaire contre les clauses abusives passe donc par la protection de leur consentement en vue d’un meilleur équilibre contractuel dès la conclusion du contrat. D'autres moyens sont susceptibles d'être utilisés, surtout dans les cas d’inapplicabilité du droit commun. Les omissions de ce dernier seraient comblées par des dispositions spéciales que les législateurs ont intégrées dans les Codes des assurances et dans les Codes monétaires pour protéger les consommateurs des clauses abusives.