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CONCLUSION DU TITRE

Paragraphe 3. La lutte par les autres branches du droit positif

B. La chasse menée par des théories générales de droit commun

3. Sur le terrain de la lésion

i. La différence entre les deux droits

369 Cass. Civ., 10 oct. 1993 : RJL et Arabe, B. Hanna, t. 5, p. 134.

370 Cass. 2e civ., n° 22, 2 mars 2000 : Sader et les arrêts de la Cour de Cassation, p. 306 ; Cass.1re civ., 27 juin 1973 : D. 73, IR, 204.

371 C. civ., art. 116 et COC 208.

372 Cass. 6e civ., n° 81/1993, Rev. Baz, les arrêts de la C. cass. Lib. de 1993, 23e éd. Beyrouth, 1998; Cass. 3e civ., 6 juill. 2005, Bull. Civ, 2005, III, n° 152, p. 141.

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335. « Le coup de génie de la loi du 10 janvier 1978 fut, d’une part, de permettre le

contrôle de ces clauses abusives, mais également, et peut-être surtout, de concentrer l’attention de ces clauses dans les seuls contrats de consommation évitant par là-même toute

contagion, ou osmose, avec le reste des contrats »373.

L’article 214 du Code des obligations et des contrats considère la lésion comme un vice de consentement374 lorsque :

- elle est subie par un mineur 375; ce cas est aussi pris en compte par le législateur français dans l’article 1305 du Code civil qui dispose que « la simple lésion donne lieu à la

rescision en faveur du mineur non émancipé, contre toutes sortes de conventions » ;

- elle présente la double particularité d’être anormale eu égard aux usages courants avec volonté explicite du professionnel de s’en prévaloir du fait de la « légèreté » ou de l’inexpérience du consommateur majeur376. En revanche, le Code civil français, pour sa part,

ne prend pas cette situation en considération.

336. Quant à la lésion du droit français, celle-ci n’est plus véritablement une cause de

nullité du contrat. Elle ne vicie pas le consentement de sa victime même si elle permet souvent d’obtenir la rescision du contrat (où l’acquéreur a le choix entre restituer la chose ou payer le supplément de prix) dans certains cas limitativement énumérés par la loi, et ce, en considération du type de contrat (telle la vente d'immeuble, article 1674 du Code civil) ou de la personne d'un des contractants, incapable (article 1118 du Code civil)377.

Or le consommateur n'appartenant pas à cette dernière catégorie, ne peut bénéficier des dispositions du Code civil sur ce point où le caractère intrinsèque du vice du consentement est psychologique mais celui de la lésion est généralement économique. Cette voie est fermée au consommateur qui ne peut pas prétendre avoir acquis un bien trop cher, en se fondant sur les

373 D. Mainguy, Le «déséquilibre significatif » devant le juge, Revue de droit économique n°1/1 2012.

374 Les informations qui suivent, et qui sont en rapport avec la lésion comme vice de consentement, sont largement inspirées de C. Lachièze, Clauses abusives et lésion : la légalisation d'une relation controversée, LPA, 02 juill. 2002 n° 131, p. 4.

375 Cass. civ., n° 10, 31 mai 1974 : Hatem, t. 153, n° 2, p. 24-25; TPI Liban-sud, 1re, n° 48, 18 mai 1994 : RJL, 1994, t. 11, p. 1207 et s ; CA Mont-Liban, 3e, n°13, 4 mars 1993 : RJL, 1993, t. 6, p. 597 et s ; CA Mont-Liban, 3e, n° 8, 17 févr. 1994, RJL, 1994, t. 9, p. 1008 et s.

376 Cass. Civ., n° 10, 31 mai 1974, Hatem, t. 153, n° 2, p. 24-25; TPI Liban-sud, 1re, n° 48, 18 mai 1994, RJL, 1994, t. 11, p. 1207 et s ; CA Mont-Liban, 3e, n°13, 4 mars 1993, RJL, 1993, t. 6, p. 597 et s ; CA Mont-Liban, 3e, n° 8, 17 février 1994, RJL, 1994, t. 9, p. 1008 et s.

377 C. civ., art. 1118 dispose que « la lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l'égard de

certaines personnes » et C. civ, art. 1104 dispose que « (le contrat) est commutatif lorsque chacune des parties s’engage à donner ou à faire quelque chose qui est regardé comme l’équivalent de ce qu’on lui donne, ou de ce qu’on fait pour elle ».

HAMMOUD May| Thèse de doctorat | décembre 2012

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dispositions du Code civil378. En effet, M. Jean Calais-Auloy a bien montré l’applicabilité des

clauses abusives, en dépit de la lésion en étayant un champ d’application qui ne peut pas être abordé par celle-ci : « le concept de clause abusive est, en droit des contrats, distinct de celui

de lésion. La lésion est un déséquilibre global entre l’objet et le prix. Une clause abusive

révèle un déséquilibre inhérent à une clause particulière du contrat »379.

Aux termes de l'article L. 132-1, alinéa 7 du Code de la consommation, « l'appréciation du

caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ».

A contrario, le contrôle du caractère abusif de ces clauses est donc possible lorsqu'elles ne sont pas rédigées de façon « claire et compréhensible », quand bien même le consommateur démontrerait qu'il ne l'a pas comprise. Ainsi, le système de lutte contre les clauses abusives offre des procédés bien plus efficaces pour protéger le consommateur380.

ii. La clause abusive et la clause lésionnaire

337. M. Xavier Lagarde381 distingue deux sortes de clauses susceptibles d’être déclarées

abusives : les clauses qui menacent l’économie de la convention (qui sont les clauses lésionnaires)382 et celles qui, abstraction faite de leur effet sur l’économie de la convention,

octroient un avantage excessif au professionnel. De ce fait, il apparaît que l’excès, le déséquilibre significatif et l’abus résultent de ce que l’avantage n’a ni contrepartie ni motif légitime.

Par conséquent, « le déséquilibre pris en considération dans les deux cas est différent puisque

pour ce qui concerne la clause abusive il s'agit d'un déséquilibre principalement juridique, en ce qui concerne les droits des parties, alors que dans le cas de la clause lésionnaire il s'agit

d'un déséquilibre exclusivement économique »383.

378 P.-H. Antonmattei et J. Raynard, Droit civil ; Contrats spéciaux, 4e éd., Litec, Paris, n° 136 et s, p. 110, «

l’analyse ne permet pas cependant d’expliquer pourquoi la lésion […] reste sanctionnée dès lors que l’absence des vices est démontrée. On préfère aujourd’hui qu’elle constitue un vice objectif, c’est-à-dire indépendant du consentement des parties à l’acte : un déséquilibre disproportionné que la loi entend sanctionner ».

379 Colloque du trentenaire de la Comm. clauses abusives, Contribution de Jean Calais-Auloy, préc. no 52. 380 Ces informations sont largement inspirées de C. Lachièze, Clauses abusives et lésion : la légalisation d'une

relation controversée, préc. no 376.

381 Xavier Lagarde, Qu’est-ce qu’une clause abusive, JCP, E.G., no 6, 8 févr. 2006.

382 Preuve en est, la lésion est définie par D. Mainguy dans Le «déséquilibre significatif » devant le juge, que

« c’est la situation dans laquelle un contractant considère que la prestation qu’il doit fournir n’est pas équivalente, en valeur, à la prestation qu’il doit recevoir », préc. no 375.

383 Marie-Véronique Jeannin, Le déséquilibre significatif au regard de la liberté contractuelle, Rev. fr. du Marketing n° 231 - 1/5, avr. 2011, p. 97-100.

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