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La lutte par la loi de la consommation

CONCLUSION DU TITRE

Paragraphe 1. La lutte par la loi de la consommation

310 Cass. 1re civ, 7 juill. 1998 : D. 1999, somm. 111, obs. D. Mazeaud. 311 Cass. 1re civ., 10 avr. 1996 : Bull. Civ. I, no 177.

312 Les informations qui précèdent, et qui sont en rapport avec le déséquilibre significatif sont largement inspirées de Natacha Sauphanor-Brouillaud, Clauses abusives dans les contrats de consommation : critères de

l'abus, Contrats Conc.Consom. n° 6, juin 2008, ét. 7.

313 Lyon Caen, Exposé des Travaux préparatoires, Rapport adressé à M. le ministre du Commerce au nom de la

commission chargée d'étudier les dispositions législatives auxquelles pourraient être soumis les contrats d'assurance, 17 juin 1904, Impr. nationale, 1904.

314 Cette distinction au sein du droit des clauses abusives a été inspirée d’Olivier Deshayes,

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296. Nous allons examiner cette chasse des clauses abusives menée par les deux droits,

libanais (I) et français (II).

I. En droit libanais

297. L’article 26 de la récente loi no 659-2005 susmentionnée élabore une énumération des

clauses abusives « à titre exemplatif et non limitatif ». Il s’agit principalement des clauses suivantes : clause exclusive de responsabilité du professionnel ; clause de renonciation du consommateur à tout droit qui lui est attribué par la présente loi et les règlements en vigueur ; clause mettant la charge de la preuve sur le consommateur dans les cas non spécifiés par la loi ; clause réservant au professionnel, de manière unilatérale, le pouvoir de modifier tout ou partie du contrat et plus particulièrement, les dispositions relatives aux prix, la date ou le lieu de livraison ; clause reconnaissant au professionnel le droit de terminer le contrat à durée indéterminée sans préavis préalable dans un délai raisonnable ; clause obligeant le consommateur, en cas d’inexécution de ses obligations contractuelles, de verser au professionnel un dédommagement qui n’est pas proportionnel au préjudice qu’il subit ; clause attribuant au professionnel le droit d’interpréter le contrat ; clause obligeant le consommateur à exécuter ses obligations, même en cas d’inexécution de la part du professionnel ; clause interdisant la médiation ou l’arbitrage suivant les termes de la loi no 659-2005 et toute clause

faisant supporter au seul consommateur les dépens afférents à l’une ou l’autre procédure. À ce propos, M. Fady Nammour en conclue que « le domaine d’application de ces clauses ne

comprend pas les rapports du consommateur avec les professions libérales, les banques et les

assurances »315, et ce, sur le fondement de l’article 17 précité de cette loi qui énonce que « les

dispositions de la présente loi s’appliquent aux contrats liant le professionnel et le consommateur dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les textes législatifs qui régissent l’activité des professions libérales, des banques et des assurances ».

Au contraire, Mme Rita Khoriaty a écrit que « l’assuré étant bien un consommateur, ces

dispositions devraient lui être appliquées. Il serait par conséquent interdit sous peine de

nullité d’insérer de telles clauses dans les contrats d’assurance »316.

À notre avis, nous préférons nous éloigner des raisonnements absolus qui aboutiraient à une exclusion systématique de l’application de ce texte dans le domaine de la loi bancaire et de la

315 Fady Nammour, préc. no 16.

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loi de l’assurance. Or, il est parfaitement possible qu’il n’y ait pas incompatibilité, et donc que cette loi puisse être applicable. Cela appelle un raisonnement au cas par cas pour s’assurer de la compatibilité entre les dispositions de cet article et les droits bancaire et d’assurance.

II. En droit français

298. Contrairement à la situation du droit libanais, la question des clauses abusives en droit

français est certainement l'une de celle qui a connu le plus grand nombre de transformations depuis les textes fondateurs de 1978. La première loi en la matière fut la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 qui prévoyait des dispositions de protection contre les clauses abusives. Cette loi fut remplacée par la loi no 95-96 du 1er février 1995. Les textes se sont par la suite trouvés

codifiés aux articles L. 132-1 (A)317 et L. 133-2 du Code de la consommation (B). Cependant,

les dispositions de ce Code régissant les clauses abusives viennent d'être modifiées par la loi de modernisation de l'économie (LME).

A. L’article L. 132-1 du Code de la consommation et les clauses déclarées abusives 299. L'article L. 132-1 du Code de la consommation délègue au juge le pouvoir

d’interpréter les clauses contenues dans un contrat conclu entre des professionnels et non professionnels ou consommateurs en vue d’apprécier si elles ont pour objet ou effet de créer au détriment de ces derniers un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En plus des critères objectifs de la qualification de clauses abusives, mentionnés par le premier alinéa, cet article fournit au juge des directives relatives au champ d’application (a), à l’interprétation (b) et aux exclusions (c).

a. Le champ d'application quant à la forme et au support du contrat

300. L'article L. 132-1, alinéa 4 du Code de la consommation retient que les dispositions

relatives aux clauses abusives sont applicables « quels que soient la forme et le support du

317 Les informations qui suivent, et qui sont en rapport avec cet article sont largement inspirées de Natacha Sauphanor-Brouillaud, Ibid no 314.

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contrat » ; elles sont donc applicables au contrat d'assurance318 et au contrat bancaire.

L’application extensive de cette législation apparaît entièrement justifiée puisqu’il ne serait pas logique d'exclure un contrôle et une sanction éventuelle au seul motif que la clause figure ailleurs que sur le support matériel qui prouve les contrats conclus entre les parties. De plus, dans la plupart des cas, le consommateur est encore moins attentif à ce type de document qu'il s'agisse de tickets ou de bons de commande ou devis, par exemple, qu'à l'écrit qu'il signe lui- même. C’est là qu’il a besoin de protection.

b. Les règles indicatives d’interprétation

301. L'alinéa 5 énonce que le caractère abusif d'une clause s'apprécie au regard des règles

indicatives d'interprétation qui figurent dans le Code civil (article 1156 à 1161, 1163 et 1164), en se référant à toutes les circonstances qui entourent la conclusion du contrat, de même qu'à toutes les autres clauses de ce contrat ou de celles contenues dans un autre contrat dont la conclusion ou l'exécution dépend juridiquement du premier. Par suite, celui-ci s'apprécie au moment de la conclusion du contrat, par référence à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, par rapport à l'ensemble des clauses du contrat, voire celles contenues dans un autre contrat, lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent l'un de l'autre. À cet égard, l'appréciation se fera in concreto, en fonction de la situation du consommateur et des conditions de conclusion du contrat. Cela paraît signifier que, selon les cas, une même clause pourra être considérée comme abusive ou non.

c. Les exclusions en matière d’interprétation

302. L’alinéa 7 dispose que l'interprétation en vue de découvrir l'abus est exclue à l'égard

des clauses définissant l'objet principal du contrat, par respect de la liberté contractuelle ; et des clauses d'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert, par respect de l'interdiction d'un contrôle généralisé de la lésion. Autrement dit, nous considérons traditionnellement que la législation sur les clauses abusives ne peut avoir pour objet de sanctionner la lésion dans le contrat, « pour autant que ces clauses soient rédigées de façon

claire et compréhensible ».

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B. L'article 133-2 du Code de consommation et la règle de forme

303. L'article L. 133-2 du Code de consommation énonce dans son alinéa 1er que « les

clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non- professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible » et dans

son alinéa 2 qu'« elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au

consommateur ». Le texte pose donc une exigence de clarté tant formelle que substantielle.

Cette question de visibilité des clauses sera ultérieurement développée319 ; il convient de mettre en lumière la clause mal rédigée, à la lumière de la législation des clauses abusives. En ces termes, la clause obscure est donc une clause illicite (distincte d’une clause abusive au sens technique du terme) en ce qu'elle contrevient à une disposition impérative du droit. Et pourtant, la jurisprudence a dépassé cette différence, en qualifiant une clause obscure de clause abusive, dans la décision Peugeot du 14 novembre 2006, où la Cour de cassation énonce que « ayant souverainement estimé que (...) la clause litigieuse était rédigée en petits

caractères dont la taille était inférieure à celle des autres clauses voisines et, dès lors, n’avait pu attirer l'attention du client, la Cour d’appel, qui a ainsi mis en évidence que cette clause

ne répondait pas aux exigences de l’article L. 133-2, alinéa 1er, du Code de la consommation,

en a, à bon droit, ordonné la suppression, comme étant abusive »320. Ainsi, la Cour a jugé la

stipulation abusive et pas simplement illicite, donc, au lieu d'être interprétée dans le sens plus favorable au consommateur, la clause illicite est ici réputée non écrite.