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La protection par la formation différée du contrat de crédit

CONCLUSION DU CHAPITRE

Paragraphe 1. Les lois consuméristes d’application ponctuelle

A. Les lois relatives au crédit et au surendettement

2. La protection par la formation différée du contrat de crédit

168. Dans la perspective de donner à l’emprunteur des délais en amont de la conclusion du

contrat, le législateur lui a offert un pouvoir de réflexion (i) et a créé une interdépendance du prêt et de la vente (ii)154.

i. Le délai de réflexion

169. La protection par l'information aurait été incomplète sans l'existence de délais pendant

lesquels le consommateur a la possibilité d'étudier l'offre préalable qui lui a été remise. Ainsi, pour éviter tout consentement précipité, le législateur oblige le consommateur à réfléchir à l'offre de crédit pendant un délai minimum de dix jours, qui court à compter du lendemain de la réception de celle-ci, et lui confère encore, à l'expiration de ce premier délai, le droit de réfléchir pendant vingt jours supplémentaires, puisque le professionnel est tenu de maintenir son offre pendant trente jours à partir de cette même date. Ainsi, le premier délai, pendant lequel il lui est interdit d'accepter, expiré, le destinataire de l'offre de crédit disposera d'un délai supplémentaire pour s'informer, comparer cette offre avec d'autres et prendre conseil, puisque le professionnel n'est pas libre de rétracter sa promesse pendant cette période.

ii. La protection par l'interdépendance des contrats de crédit et de vente

153 En ce sens, V. Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit civil, Les contrats spéciaux, Cujas, 1994-1995 ; Ch. Gavalda,

La protection de l'emprunteur en matière de crédit immobilier, D.1990, Chron. 211 et s, sp. n° 24.

154 Les informations qui suivent, et qui sont en rapport avec les lois relatives à l’interdépendance du prêt et de la vente sont largement inspirées de H. Synvet, Les relations de dépendance entre le contrat principal et le contrat

de crédit dans leur formation, p. 335 et s. in Le droit du crédit au consommateur, Litec 1982, ouvr. coll. ss. La

HAMMOUD May| Thèse de doctorat | décembre 2012

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170. En droit commun, en se fondant sur la théorie de la cause des obligations, et en dépit

de la nullité ou de la résolution de la vente, l'acquéreur reste tenu de son obligation contractuelle de restituer les fonds prêtés, capital et intérêts conventionnels. En droit du crédit immobilier, le législateur et la jurisprudence ont substitué à cette indépendance une interdépendance entre le contrat de prêt et la vente immobilière qu'il finance. Cette soumission du prêt à la vente repose sur l'idée simple qu'il faut éviter que le consommateur continue d'assurer la charge d'un endettement qui ne présente plus pour lui la moindre utilité. Dans cette perspective, le législateur a, dans un premier temps, lié le sort de l'endettement à la formation du contrat de vente. Ainsi, l’article L. 312-12 du Code de la consommation dispose que « l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion dans un

délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé

». Ce texte crée donc une interdépendance des contrats de prêt et de vente au stade de leur formation puisque la conclusion définitive du prêt est subordonnée à la formation de la vente dans un délai supérieur, si les contractants l'ont prévu, ou égal à quatre mois. Le lien d'interdépendance prescrit par cette loi a été prolongé dans un premier arrêt de la Cour de cassation qui a décidé que l'annulation de la vente, en raison de son caractère rétroactif, entraînait la résolution de plein droit du contrat de prêt155. Puis, dans une seconde décision, la

première Chambre civile a ajouté que la résolution de la vente provoquait un effet identique156. Donc, si la vente est rétroactivement anéantie, le contrat de prêt est alors

nécessairement résolu de plein droit.

Cette extension consumériste a poussé le législateur à ne pas rester indifférent aux risques sociaux de précarité et d'exclusion qu'engendrent l'endettement mal maîtrisé et le surendettement, notamment lorsque ce sont les acquéreurs immobiliers qui en sont affectés. c. Le surendettement

171. « Le surendettement des consommateurs, ces termes auraient surpris il y a seulement

vingt ans, voire dix ans. Pourtant, en une décennie, le surendettement est apparu, devenu une

réalité sociale, un phénomène, bien souvent un drame »157.

155 Cass. 1re civ., 16 déc. 1992 : Defrénois 1993, art. 35622, p. 1133, obs, J. Honorat. 156 Cass. 1re civ., 1er déc. 1993 : JCP 1994, éd. G. II.22325, obs. Ch. Jamin.

157 Luc Bihl, Le surendettement : apparition d’un fléau social, in Michel Gardaz (dir.), Le Surendettement des

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Confronté à la nécessité de marier des objectifs difficilement conciliables, le législateur français s’est retrouvé devant l’obligation de prévenir le surendettement -ou l’excès de crédit- tout en ne limitant pas l’accès au crédit, contrairement au système libanais qui a limité son intervention dans ce domaine à une circulaire de base de la BDL n° 7055, datant du 13 août 1998 limitant les crédits des clients à un maximum de 20% des biens d’une même banque ! Malgré son utilité, cette décision reste timide et insuffisante face au dispositif de lutte contre le surendettement mise en place par le législateur français.

L’innovation principale, en matière de surendettement, est apparue en France en 1989, par la règlementation de l’octroi du crédit (1). Mais bien avant, dès le début des années soixante-dix, quelques textes consuméristes offraient une faible protection au consommateur de crédit surendetté. Ce n’est, pourtant, qu’à la fin des années soixante-dix, que l’intervention du législateur s’est accélérée avec les lois Scrivener intéressant le crédit immobilier (1978) et le crédit immobilier (1979), lois qui furent intégrées dans le Code de la consommation en 1993. Plus récemment, furent adoptées la loi Neiertz « relative à la prévention et au règlement des

difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles »158, les lois sur la sécurité

financière (2003), sur la rénovation urbaine (2003), sur la confiance dans l’économie numérique (2004) et enfin la loi de 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur de crédit permanent ou renouvelable.

Au niveau procédural (2), le législateur s’est intéressé à la prévention et au règlement des difficultés résultant du surendettement des emprunteurs (1989), à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative (1995) puis à la lutte contre les exclusions (1998-1999). Ces textes ont été repris dans les articles L. 331-1 et s. du Code de la consommation.