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Le principe du secret bancaire au Liban

CONCLUSION DU CHAPITRE

Paragraphe 1. Les lois consuméristes d’application ponctuelle

B. Les lois relatives à la protection des données personnelles du client bancaire 178 En ligne (a) comme en direct (b), les opérations bancaires tombent sous le sceau des

2. Le principe du secret bancaire au Liban

187. Consacré par l’article 579 du Code pénal libanais qui dispose que « quiconque ayant à

raison de son état, de sa fonction, de sa profession ou de son art, connaissance d’un secret, le révèlera sans juste motif, ou bien l’utilisera à son profit personnel ou au profit d’un tiers sera puni d’un emprisonnement d’un an au plus et d’une amende […] si le fait est susceptible de causer un préjudice même moral », le secret professionnel se voit applicable aux banquiers,

malgré ses lacunes selon lesquelles la levée du secret est permise pour « juste motif » -notion qui n’a pas été explicitement cadrée par le législateur-, et la divulgation n’est sanctionnée que si elle cause un préjudice matériel ou moral.

Inopposable aux juridictions pénales et fiscales…, ce secret, qui a un « domaine plus réduit

que le secret bancaire », s’est vu ébranlé par l’innovation d’un secret unique, spécifique et

absolu en matière bancaire : le secret bancaire.

« La législation sur le secret bancaire [libanais], l'une des plus strictes au monde, constitue

d'ailleurs un des piliers du système bancaire. Quelle que soit la nationalité du déposant, le secret bancaire ne peut être levé qu'avec l'agrément de la personne ou en cas de faillite. Le ministre de la justice, M. Bahige Tabarrah, a même cité le cas d'un fonctionnaire soupçonné d'avoir détourné à son profit le produit de la vente des timbres fiscaux : le ministère des

finances a été dans l'impossibilité d'obtenir la levée du secret bancaire »171. Élaboré par une

loi spéciale, explicite et complète, le secret bancaire libanais est spécifique à l’activité bancaire qui « a pour finalité la protection de la confidentialité [des] opérations [bancaires]

170 Modifiée par L. n° 2004-801, 6 août 2004, art. 3 : JO 7 Août 2004.

171 P. Fauchon, Ch. Jolibois, et J. Larché, Rapport du sénat français 111 - 1996 / 1997, Quel avenir pour le

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et par conséquent, la protection de la vie privée, une des principales composantes des droits

de l’homme »172.

i. Le domaine du secret bancaire

188. Les débiteurs. Compte tenu de la responsabilité173 qui découle d’une révélation

illégale, la loi du 3 septembre 1956 relative au secret bancaire174, impose un secret « absolu » à toute personne en rapport direct ou indirect avec l'activité bancaire, ainsi que toutes les personnes qui ont connaissance, de par leur qualité ou leur fonction175, exception faite des actionnaires de la banque dans les cas où l’information ne porte pas sur lesdites actions176.

Ainsi, sont soumises au secret bancaire « les banques établies au Liban sous forme de sociétés

anonymes ainsi que les banques qui sont des agences de sociétés étrangères, i.e., les

succursales des banques étrangères au Liban »177.

189. Les objets. Le secret bancaire joue dans toutes les opérations ou services bancaires. Il

porte sur tout ce qui se rapporte directement ou indirectement au client, au sens large178 du

terme. Ainsi, le secret concerne les dépôts et les coffres forts, les comptes débiteurs et créditeurs, exclusion faite des informations portées sur le chèque par le bénéficiaire, ou sur son endos par la banque, car considérées intrinsèques au mécanisme du paiement ; le secret bancaire destiné à protéger prioritairement le débiteur ne peut lui être opposé…179

190. Les bénéficiaires. Les bénéficiaires du secret bancaire sont :

- Les clients définis comme toute personne qui entre en contact de manière directe ou indirecte avec la banque, même par une seule et unique opération et même s’il n’a pas lui- même choisi la banque telle la personne venant pour encaisser un virement…180

- La maison mère d’une succursale de banque étrangère installée au Liban181.

- Les héritiers (et les légataires- quelle que soit leur part dans la succession) 182du titulaire d’un compte individuel, étant considérés comme la continuité de la personne du

défunt183.

172 Paul Morcos, Le secret bancaire face à ses défis, p. 213, op. cit. no 74. 173 Thème qui va être traité dans la deuxième partie de cette étude.

174 L. 3 sept. 1956: JO no 36, 5 sept. 1956: http://www.bdl.gov.lb/circ/lawpdf/Law030956_fr.pdf 175 Beyrouth, 15 déc. 1981: Hatem fasc. 174 p. 504.

176 Beyrouth, 10 nov. 1960: Chamseddine, Droit comm.1985, p. 182. 177 Art. 1er, L. de 1956 sur le secret bancaire.

178 R. Farhat, Le secret bancaire en droit libanais, préc.no 81.

179 Nîmes, 9 déc. 1999 : RD bancaire et fin. no9 mai/juin 2001 p. 151 no 99. 180 JU pén., 23 nov.1971 :Hatem, fasc. 121, p.53.

181 CE Lib., 18 oct. 1983: Al Adl 1984 p. 168.

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- Les Co-titulaires d’un même compte joint, qui disposent, en cas de décès de l’un des titulaires de ce compte « de la totalité dudit compte, qu’ils peuvent faire fonctionner

librement. Dans ce cas, la banque n’est tenue de fournir aucun renseignement aux héritiers du titulaire décédé, sauf clause contraire, expressément prévue au contrat de compte-joint. Le

texte de cet article doit être reproduit littéralement dans le contrat »184.

191. L’opposabilité. Le secret bancaire ne peut être divulgué à « aucune personne ou

autorité publique, qu’elle soit administrative, militaire ou judiciaire, sans une autorisation écrite du client concerné, de ses héritiers ou légataires, ou bien en cas de déclaration de faillite du client, ou d’un procès relatif à des opérations bancaires entre les banques et leurs

clients »185. De plus, ce secret est opposable aux autorités fiscales entrainant une telle

révélation, sous réserve de l'hypothèse de blanchiment des capitaux186.

192. La saisie. « Les fonds et biens déposés auprès des banques […] ne peuvent faire

l’objet d’une saisie sans autorisation écrite de la part de leurs titulaires »187. En revanche, la

saisie peut être toujours pratiquée sur le solde du compte courant au cas où le créancier connait l’existence du compte, indépendamment de l’intervention de la banque, et ce, en se fondant sur l’article 887 du nouveau Code de procédure civile libanais qui dispose que « sous

réserve des dispositions de la loi sur le secret bancaire, aucune saisie ne peut être pratiquée de manière indépendante sur l’un des articles du compte courant. En revanche, elle peut être pratiquée sur le solde » et sur les coffres forts comme l’ajoute l’article 917 du nouveau Code

de procédure civile.

ii. Les causes restreintes de levée

193. En vertu de l’article 2 de la loi de 1956, le secret bancaire peut être levé par le client

concerné, ses héritiers ou légataires, sous forme d’autorisation écrite ou bien en cas de déclaration de faillite du client, ou d’un procès/litige relatif à des opérations bancaires entre les banques et leurs clients. Cette autorisation « peut être préalablement accordée dans tout

genre de contrat. Cependant, elle ne peut être révoquée que d’un commun accord entre toutes

les parties contractantes »188.

183 Ibrahim Najjar, Secret bancaire et droit de la famille, éd. Proche-Orient 1994, Vol 47 p. 17. 184 Art. 3 de la loi du 10 déc. 1961 sur le compte joint.

185 Art. 2 de la loi du secret bancaire de 1956.

186 L. 318/2001, 20 avr. 2001 sur la lutte contre le blanchiment des capitaux, JO ann. nº 48, 23 oct. 2003 p 157. 187 Art. 4 de la loi du secret bancaire de 1956.

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De plus, selon l’article 6 de cette loi, et en vue d’une meilleure protection de la sécurité des placements, « les banques […] peuvent échanger entre elles, à titre exclusif et confidentiel,

des informations portant sur les comptes débiteurs de leurs clients ».

De même, en application de la loi no 154-1999189, le secret sera levé au cas où le client fait l’objet d’une action d’enrichissement illicite.

Cependant, en matière de blanchiment des capitaux, deux lois ont contribué à la protection du secteur bancaire libanais à travers la levée du secret :

- La loi n° 318-2001 sur la lutte contre le blanchiment de capitaux: Afin de maintenir le secteur bancaire libanais loin des opérations de blanchiment d'argent, cette loi a créé la

Commission d’Enquête Spéciale190, et lui a confié le droit de décider la levée du secret

bancaire au profit des autorités judiciaires compétentes et de la Haute Commission Bancaire, lorsque des comptes ouverts, auprès des banques ou des institutions financières sont suspectes d’être utilisés à des fins de blanchiment de capitaux.

- La loi n° 32-2008 : Cette loi a accru les pouvoirs de la Commission d'Enquête Spéciale, en lui accordant exclusivement la prérogative de bloquer des comptes et de lever le secret bancaire en application des conventions et lois pour la lutte contre la corruption.

Ainsi, le « secret bancaire libanais (s’avère être) complètement opposable aux autorités

fiscales et judiciaires à l’exception du cas particulier du blanchiment des capitaux »191.