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La nature du contrat visé par les clauses abusives : contrats d'adhésion

CONCLUSION DU TITRE

Paragraphe 2. Les critères objectifs

B. La nature du contrat visé par les clauses abusives : contrats d'adhésion

286. « La notion même de clause abusive est, historiquement et logiquement, inséparable

de la pratique des conditions contractuelles générales, c’est-à-dire des contrats

d’adhésion »297. La protection du consommateur ne passe pas seulement par la restauration de

sa liberté de consentir, en effet, il ne servirait à rien de l'informer si, une fois cette information fournie, il n'avait d'autre solution que d'en passer par la seule volonté du professionnel ou de ne pas contracter du tout.

Contrairement à la définition antérieure à la loi de 1995, il n'est plus exigé que la clause soit le résultat d'un abus de puissance économique de la part du professionnel. Donc même si c'est concrètement toujours le cas, le fait que le consommateur soit dans une situation inégalitaire, l'empêchant de négocier le contrat, n'est plus pris en considération dans la définition donnée par l’article 132-1 du Code de la consommation qui se réfère au « déséquilibre significatif

entre les droits et obligations des parties au contrat ». Cette disparition du critère de l'abus de

puissance économique ainsi que le remplacement du critère de l'avantage excessif par celui du déséquilibre significatif ont été considérés comme insignifiants par la doctrine.298 En effet, antérieurement à 1995, l'abus était présumé dès lors que le professionnel avait usé d'un contrat

295 J. Calais Auloy et Frank Steinmetz, Droit de la consommation, n° 178-1, préc. n° 6. 296 Jean-Pascal Chazal, Clauses abusives, préc. no 58.

297 J. Ghestin, Les clauses abusives entre professionnels, Paris, Économica, 1998, v. 3.

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d'adhésion pour recueillir le consentement du consommateur299 puisque c'est essentiellement

dans ce type de contrats que figurent des clauses abusives300, mais ce lien entre le caractère

d'adhésion du contrat et les clauses abusives n'est plus fait par la jurisprudence: le fait que la clause figure dans un contrat d'adhésion ne suffit pas à la faire qualifier de clause abusive. C’est ce qui a été clairement énoncé par la Cour de Cassation en 2001 en matière de contrat d’assurance301.

En revanche, l'absence de discussion entre les parties reste un indice révélant leur inégalité. Par conséquent, le rôle culminant joué par le contrat d'adhésion dans la lutte contre les clauses abusives ne peut passer inaperçu. D’ailleurs, l'article L. 132-2 du Code de la consommation

dispose que la Commission des clauses abusives302 « connaît des modèles de convention

habituellement proposés par les professionnels à leurs contractants ».

Considérés comme contrats types d’adhésion, les contrats d’assurance (a)303 et les contrats

bancaires (b) sont des sources inéluctablement présumées de clauses abusives en dépit de la modification législative précitée.

a. Le contrat d'assurance, archétype du contrat d'adhésion

287. Bien avant que le demandeur à l'assurance ne soit identifié comme un consommateur,

dès 1930 celui-ci n’était qu’un candidat à un contrat pré-rédigé par l'assureur. Par souci de protection de l'assuré adhérent, des principes fondamentaux y sont consacrés sans lesquels l'opération d'assurance serait irréalisable : la proportionnalité de la prime au risque –ce qui commande les systèmes garantissant à l'assureur, à tout moment de la vie contractuelle, une connaissance exacte du risque– et la réciprocité des engagements de l'assureur et de l'assuré qui donne des garanties à l'assureur en cas de non-paiement de la prime.

b. L’adhésion, spécificité du contrat bancaire

299 Cass. 1re civ, 6 janv. 1994 : JCP G 1994, II, 22237, note G. Paisant.

300 G. Paisant, Les critères d'appréciation du caractère abusif des clauses, ibid, no 300. 301Cass. 1re civ, 16 janv. 2001 : RGDA 2001, p. 293, note J. Kullmann.

302 Cette commission sera largement analysée dans la deuxième partie de notre thèse, en tant qu’autorité de lutte a posteriori contre les clauses abusives : Cf. § no 609s.

303Les informations qui suivent, et qui sont en rapport avec les contrats d’assurance en tant que contrat d’adhésion sont largement inspirées d’André Favre Rochex, Assurances terrestres, JCl Annexes, Cote : 11,2001, Fasc. 5-1.

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288. La banque se réserve, en règle générale, un pouvoir discrétionnaire quant à la

modification ou la résiliation du contrat et répartit les risques liés à l'opération bancaire au détriment du client à l’aide de clauses contractuelles qui, pré-formulées unilatéralement par la banque, sont peu claires et manquent de transparence. Ce pouvoir trouve sa justification dans la nature de l’activité bancaire (1) qui s’est traduit par un formalisme en développement continu (2).

1. Une qualification « justifiée » par la nature des opérations bancaires

289. Parce que le droit bancaire constitue un instrument aux services d’opérations

financières, et que les besoins évoluent sans cesse, ce droit recherche toujours de nouvelles techniques contractuelles permettant leur réalisation. En conséquence, ce droit laisse une large place à la liberté contractuelle et à l’existence de contrats innommés soumis au droit commun des obligations. Cette assertion se vérifie surtout en ce qui concerne les entreprises qui ont besoin de mécanismes et de montages juridiques originaux pour réaliser leurs opérations. L’un des exemples le plus connu est le compte courant. En revanche, pour les particuliers, il est préférable que les contrats soient classiques et qu’ils obéissent aux règles relevant généralement du droit des contrats spéciaux. Par contre, les établissements de crédit ont depuis longtemps proposé à leur clientèle des contrats dont ils ont fixé le contenu. Dès lors, le domaine de discussion entre la banque et son client est relativement faible, voire nul sauf pour les clients importants. Le client a seulement la liberté de conclure ou de ne pas conclure le contrat habituellement dénommé contrat d’adhésion. Si cette standardisation des contrats porte atteinte à la liberté contractuelle, elle se traduit par un strict formalisme.

2. Une qualification traduite par un formalisme « justifié »

290. Le formalisme dans le contrat bancaire présente l’avantage de préserver la sécurité

juridique. Il s’est accru en raison de l’introduction des traitements électroniques et est motivé par la nécessité d’abaisser les coûts des opérations bancaires. Ce qui a conduit les établissements de crédit à normaliser leur acte en établissant des contrats types ou des modèles standards : ainsi, les imprimés concernant les crédits ou les cautionnements sont des pratiques courantes. Donc, nous constatons que l’introduction de nouvelles technologies n’a

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pas été sans incidence sur la relation bancaire puisqu’elle a notamment favorisé le développement des contrats d’adhésion.

II. Une clause : « pas de clause abusive sans clause... »

291. Dans un contrat d’assurance, la première chambre civile casse l'arrêt d'une Cour

d'appel qui avait retenu qu'un compromis d'arbitrage conclu entre un assureur et son assuré tombait sous le coup de l'article L. 132-1 du Code de la consommation en affirmant que « le

compromis d'arbitrage signé, hors toute clause compromissoire insérée à la police d'assurance, entre l'assureur et l'assuré après la naissance d'un litige, ne constitue pas une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur, et n'est donc pas susceptible de présenter un caractère abusif au sens du

texte»304 précité. Par suite, « pour qu'il y ait clause abusive, il faut qu'il y ait clause », selon le

professeur Bertrand Fage305. D’ailleurs, si une clause compromissoire contenue dans un

contrat de consommation est susceptible d'être réputée non écrite (sur base de son inclusion dans la liste grise de l'article R. 132-1 du Code de la consommation qui va être ultérieurement analysée), le compromis ne l’est pas, parce que, tout d’abord, la technique du réputé non écrit est difficilement applicable à un contrat dans son entier, lequel demeure soumis à la sanction de la nullité, et que par la suite, l'abus visé à l'article L. 132-1 du Code de la consommation qui suppose l'existence d'une stipulation particulière, ayant pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, ne peut par définition s'attacher qu'à une clause. Cela signifie qu'il n'y a de clause abusive qu'au sein d'un contrat. De plus, il faut que ces clauses ne portent ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert. Il s’ensuit que le cœur même du contrat échappe en principe à l'article L. 132-1 du Code de la consommation306.

III. Un déséquilibre contractuel

304 Cass. 1ere civ., 25 févr. 2010: Bull. 2010, I, n° 49, n° 09-12126.

305 Bertrand Fage, Pas de clause abusive sans clause..., Cass. 1re civ., 25 févr. 2010 : RTD Civ. févr. 2010. 306 Passage largement inspiré de Bertrand Fages, Ibid, no 307.

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292. Suite à l’étude du contrat d’adhésion, « support tout trouvé d’un contrat

déséquilibré»307, il serait utile de développer le déséquilibre contractuel (A) et ses caractères

(B).

A. Le principe

293. De l'avantage excessif dû à un abus de puissance économique, en 1978, au

déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en 1995, et contrairement à l’apparence, l'abus de puissance économique demeure la cause nécessaire et suffisante du déséquilibre contractuel.

En matière d’assurance, la notion de déséquilibre significatif a sans cesse été la base de l'intervention des institutions chargées de la protection de l'assuré depuis le début du siècle

dernier 308 . De plus, cette notion a été formellement énoncée dans un règlement

CEE309antérieur à la directive de 1993 relative aux clauses abusives qui prévoit certaines

exemptions en faveur d'accords individuels dans le domaine de l'assurance, à condition qu’elles ne « contiennent des clauses qui créent au détriment du preneur d'assurance un

déséquilibre significatif entre les droits et obligations découlant du contrat ». N’empêche, le

déséquilibre qui conditionne l'application des dispositions relatives à la lutte contre les clauses abusives doit revêtir certains caractères.