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3.6 C ONCEPTUALISATION MODERNE DES SEXES

3.6.2 La tension politique que provoque le discours de la science

La thèse de l’infériorité naturelle des femmes paraît pourtant anachronique. Eleni Varikas souligne que cette vue qui justifie l’inégalité entre hommes et femmes est tout à fait étrangère à l’entendement politique moderne299. Car ce cadre de pensée fournit bien au contraire les outils à même de critiquer toute forme d’assujettissement. La politologue rappelle que la fiction qui voit l’association politique comme un artifice, réalisé au moyen d’un contrat auquel chacun consent, est adossée à la double prémisse du caractère naturel de l’égalité entre tous les individus ainsi que de la naturalité de la liberté inaliénable des êtres raisonnables. C’est ce postulat qui permet de lever le joug des assujettissements, quelle que soit leur échelle, car la légitimité politique de toute association se mesure à l’aune des besoins et traits « naturels » dégagés. C’est pourquoi Varikas affirme que la famille, thème qui sera très prégnant au XIXe siècle, n’a aucune raison d’échapper à l’analyse. Elle avance que dans ces conditions,

suscitant une adhésion qui dépasse les divergences du pluralisme moral des sociétés démocratiques contemporaines, sauf dans certains cas extrêmes).

298 Et Knibiehler note que se met en place au début du XIXe siècle un « stéréotype de la féminité qui va

dominer la société française jusque bien au-delà de la Grande Guerre », dans « Les médecins et la « nature féminine » au temps du Code civil », op. cit., p. 824.

299 Elle situe l’émergence de l'entendement politique moderne au cours du processus de sécularisation qui

commence à la fin du Moyen-Âge. Voir Eleni Varikas, « Naturalisation de la domination et pouvoir légitime dans la théorie politique classique », dans Gardey et Löwy (dir.), L’invention du naturel…, op. cit., 2000, p. 89-108.

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l’invocation de la naturalité des rapports entre les sexes, d’un « état de nature » des relations entre hommes et femmes, aurait dû être, de manière tout à fait exceptionnelle dans l’histoire, bénéfique aux femmes, puisqu’elle aurait dû leur permettre à elles aussi, et dans la logique même de l’entendement politique moderne, d’exprimer la résistance à l’oppression subie au sein de la famille, dans la société civile ou au niveau politique, au nom de l’égalité et de la liberté naturelles. Fraisse interprète cette tension entre la revendication de l’égalité pour tout être humain et le renforcement de la différence des sexes comme « une réaction conjuratoire, l’expression d’une peur fondamentale, celle qui imaginerait une confusion possible entre les deux sexes300 ». Selon l’auteure, l’inégalité qui caractérise l’époque post-révolutionnaire est conjoncturelle. Elle dépend d’un rapport de force que les femmes perdent et ne doit pas être rapportée à un facteur structurel, car le principe démocratique tend à l’égalité entre les citoyen.ne.s301.

Toutefois on peut aussi y voir un paradoxe de nature moins conjoncturelle et moins anachronique et qui correspond au déploiement de certains germes contenus dans la matrice conceptuelle de la modernité. Carol P. McCormack souligne que pendant les Lumières, le concept de nature est crucial à deux discours. Il est central à la fois pour l’enquête scientifique et pour la théorie politique302. Or ce rôle de double pivot serait contradictoire303 en ce qu’il soutiendrait deux conceptions antagonistes des rapports naturels entre les humains. Au sein du domaine naturel qu’observent, dissèquent et classent les hommes de science s’exprime en effet une diversité empirique de l’humanité, alors que les théoriciens politiques postulent à l’état de nature une égalité qui procède d’une commune condition. En multipliant les études physiologiques sur les femmes et en élargissant la classification naturaliste aux humains, le

300 Fraisse, Les femmes et leur histoire, op. cit., p. 199.

301 C’est pourquoi « [d]e l’imaginaire d’une confusion possible des sexes à la réalité concrète de la rivalité

sexuelle : le XIXe siècle est bien le creuset de nos soucis les plus proches. » Ibid., p. 9.

302 Carol P. McCormack, « Nature, culture and gender : a critique », dans McCormack et Strathern (dir.),

Nature, culture and gender, op. cit., p. 1-24, p. 20.

303 Maurice Bloch et Jean H. Bloch mettent en lumière une autre contradiction. Ils avancent que les penseurs

des Lumières, et tout particulièrement Rousseau, renversent à bien des égards l'évaluation traditionnellement dépréciative de la notion de nature. Celle-ci, qu'elle désigne un état présocial, les processus du corps humain, l'ordre de l'univers ou le mode de vie des peuples « primitifs » (la notion est hautement polysémique), tend alors au XVIIIe

siècle à soutenir une dialectique de libération. Un seul domaine investi par la notion de nature est néanmoins soustrait de cette révision favorable au prix d’une limitation de la radicalité de la pensée des Lumières et de diverses contradictions, c’est celui du statut des femmes. Voir « Women and the dialectics of nature in eighteenth-century French thought », dans Nature, culture and gender, op. cit., p. 25-41.

discours médical et naturaliste contribue à ruiner l’option démocratique. Il se produit ce que Martin Alcoff nomme, dans une proximité très grande avec la thèse de Joan Scott sur la situation des femmes dans l’histoire du républicanisme français304, le « paradoxe moderne305 » : au regard d’une politique construite sur l’universalité, Alcoff avance que la naturalisation de différences humaines (de sexe et de race, mais aussi de classe car on distingue à l’époque les ouvriers à leur nature spécifique) s’avère contradictoire et insaisissable. Le prisme moderne est dans l’incapacité de reconnaître le sens politique de ces différences exhumées par la science, car ces différences, présentées comme constitutives, empiètent sur l’idée de droits naturels devant transcender toutes les différences. La différence des sexes, en particulier, s’avère non pas une énigme, mais une aberration politique. D’un côté, dans la mesure où la nature est censée exhiber le tableau de l’égalité et fournir le critère du juste, dès lors qu’elle reflète une différence qui passe pour universelle, c’est-à-dire des prémisses contraires, le critère de légitimité du contrat libéral perd sa consistance. L’inégalité civile et politique ne peut alors être déclarée ni contradictoire, ni injuste et l’exclusion politique des femmes fait sens. D’un autre côté, les femmes ne sauraient être exclues de l’humanité car elles possèdent l’attribut spécifique de l’espèce, la raison, qui devrait les qualifier au rang de citoyennes. Le paradoxe voit ainsi s’opposer une affirmation égalitaire qui repose sur l’idée d’universel, que contestent ou bien une considération inégalitaire faisant valoir la diversité corporelle de la flore humaine selon Alcoff ou, dans les termes de Scott, un autre universalisme, celui de la différence sexuelle.

Cela n’est pas sans rappeler la manière dont Poullain de la Barre, à l’aube de l’ère moderne, intervient dans une controverse qui passionne ses contemporains. Selon Dorlin, la « Querelle des femmes » qui sévit aux XVIe et XVIIe siècles voit les protagonistes du combat oratoire s’évertuer à défendre ou pourfendre les femmes à partir de la considération de leur tempérament306. Elle explique que le froid et l’humide qui caractérisent le tempérament sont-ils

dépeints comme néfastes pour la santé, que les femmes sont réduites à une infériorité non

304 Joan Scott, La citoyenne paradoxale…, op. cit.

305 Martin Alcoff et Eduardo Mendita (dir.), Identities. Race, Class, Gender, and Nationality, Malden (MA),

Wiley-Blackwell, 2003, p. 6.

306 Voir Dorlin, La matrice de la race, op. cit., « Les philosophies de l’égalité des sexes », p. 26-33. Voir

aussi Fraisse, Les femmes et leur histoire, op. cit., chapitre « Poullain de la Barre ou le procès des préjugés », p. 37- 64.

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révocable ; sont-ils compris, au contraire, comme favorables à la constance de la réflexion, que voilà ces dernières pouvant espérer des destinées hors de portée des hommes. Poullain de la Barre rompt avec ce genre d’approche car il refuse de dériver le statut des femmes de quelque propriété physiologique que ce soit307. Il soutient que la différence des sexes n’a rien à voir avec les différences civiles et que, loin de les engendrer, c’est à l’aune d’un processus inverse qu’il faut la saisir, l’éducation et la coutume contribuant de manière déterminante à la constitution des corps. Médecins et philosophes se trompent car ils confondent faits de nature et faits de culture308. C’est pourquoi il insiste sur ce qui est commun, la raison, qu’il prend bien soin de soustraire de toute différenciation possible en arguant que l’articulation entre corps et âme est semblable chez l’homme et la femme, et il minimise, de plus, les dissemblances, qu’il contient au niveau corporel309. Selon sa belle formule, « L’esprit n’a point de sexe310 ». Historiquement, la pensée moderne de l’égalité des sexes s’échafaude donc sur la raison universelle. Or pour se faire, les particularités doivent être écartées, au titre desquelles il faut compter le corps.

La qualité de fauteur de trouble que revêt le corps pour les réflexions féministes s’enracine donc dans la matrice politique de la modernité : vecteur de différences, les aspérités particulières qu’il véhicule sapent les fondements de la pensée politique moderne. Face à la spécification naturaliste des groupes dominés et au paradoxe moderne qu’elle entraîne, Alcoff rappelle qu’il existe deux stratégies, qu’elle qualifie de postmodernes, pour retrouver une cohérence politique. Il est possible de chercher à créer un nouveau cadre politique à même de promouvoir la justice en présence de différences essentielles, ou bien on peut s’atteler à déconstruire les identités comme essentiellement inessentielles. Dans le premier cas, on exige la reconnaissance des différences, à l’encontre d’un universalisme assimilationniste et uniformisant. Dans le second cas, même si la différence demeure le repère de la conscience actuelle, l’idée selon laquelle les personnes sont discriminées parce qu’elles sont différentes est réfutée. La thèse

307 François Poullain de La Barre, De l’excellence des hommes contre l’égalité des sexes, chez Jean du Puis,

Paris, 1675. Référé par Dorlin, La matrice de la race, op. cit., p. 27.

308 Poullain identifie la féminité à un « état extérieur » façonné par le manque d’éducation, les usages, les

mentalités. Hoffmann avance que chez Poullain « les notions de différence, de spécificité, se trouveront déplacées du plan de l'anthropologie à celui de l’histoire ; dépouillées de toute signification que l'homme ne maîtriserait pas ; chargées d’un sens pleinement intelligible ». Hoffmann, « L'héritage des Lumières… », op. cit., p. 10.

309 Fraisse, Les femmes et leur histoire, op. cit., p. 49.

310 Poullain de la Barre, François, De l'égalité des deux sexes. Discours physique et moral où l'on voit

est que la différence et sa mise en évidence sont produites par un système d’oppression qu’elles contribuent en retour à rendre pérenne. La différence ne doit donc pas être renforcée par une reconnaissance politique accordée à ce genre d’identité : la différence a besoin d’une analyse critique, non d’une reconnaissance. On reconnaît bien la ligne de fracture entre différentialistes et matérialistes, essentialistes et constructivistes, les unes valorisant la différence sexuelle et donc aussi une sexuation des corps, qui est néanmoins déjà déterminée et conçue comme universelle, tandis que les autres taisent le sexe des corps au profit de l’universalité de la raison, laissant certes ouverte la possibilité de sexuations diverses mais négligeant le registre biologique à une époque où les recherches sur le vivant connaissaient déjà un essor extraordinaire (dans les années 1970).

Pour autant, ce penchant du corps à ébranler aussi radicalement les soubassements de la modernité demeure frappant. Comment en arrive-t-on à deux vues antagonistes sur l’humain, comme le suggèrent McCormack, Alcoff et Scott, au point où le corps sexué fonctionne comme une limite à l’universalité des droits ? La question mérite d’autant plus d’être posée que l’hypothèse d’un conflit de légitimité entre deux approches (politique et médicale) de la nature humaine ne tient guère pour le XVIIe siècle, quand Hobbes et Locke élaborent leurs thèses : C. et R. Larrère remarquent que les théoriciens du contrat social ne s’attachent pas réellement à l’établissement d’une anthropologie puisqu’ils s’intéressent davantage aux rapports humains tels qu’ils s’exerceraient en l’absence d’un pouvoir commun311, de sorte que les thèses des naturalistes ne perturbent pas les prémisses des théories politiques, mais proposent plutôt un autre point de vue sur l’humanité qui se développe en parallèle. Cela n’empêche pourtant pas qu’un peu plus tard, l’incommensurabilité des sexes et son exacerbation, caractéristique de la seconde moitié du XVIIIe siècle et du siècle suivant, entre en collision avec l’idée d’une commune condition humaine, puisqu’elle produit une différence spécifique sexualisant une partie seulement de l’humanité.

L’exploitation d’une telle divergence faisant fonctionner le corps comme un relais de la domination, on l’a dit, est d’abord l’histoire par définition contingente d’un rapport de force perdu pour les femmes, comme le soulignent Fraisse, Varikas et Scott. Celles-là ne parviennent

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pas à tirer parti de principes politiques qui auraient pu servir leur émancipation. Mais ce sont les contradictions internes à la modernité qui nous intéressent. Or de ce point de vue, le double rôle du corps est rendu possible selon Varikas par la forme qu’emprunte la sécularisation des principes politiques : en rapatriant la légitimité du pouvoir de Dieu vers la nature, la refondation du politique assoit néanmoins l’artifice du contrat sur un domaine qui demeure extérieur aux prérogatives humaines, la nature, manquant d’éradiquer entièrement l’hétéronomie des modalités d’association des humains entre eux. Ainsi, la nature humaine constitue une brèche intrinsèque à la matrice moderne par où le postulat d’une liberté et d’une égalité à la fois naturelles et inaliénables des individus peut être fourvoyé. Et c’est cette fissure que creuseront les doctrines scientifiques au XIXe siècle. S’imposant comme sources de connaissance vraie sur la nature, les conditions seront réunies pour que le corps devienne le lieu d’une vérité des sujets sexués alternative aux prémisses égalitaires de la politique humaine, pour qu’il devienne un terrain stratégique à propos duquel s’affrontent des vues conflictuelles, en somme le « medium du pouvoir312 ».

Il faut dire que l’ambigüité du corps humain, à la fois organisme vivant et corps vécu, c’est-à-dire entité physique émergeant comme sujet sexué, le place en porte-à-faux vis-à-vis du dualisme moderne érigeant une frontière étanche entre le social et le naturel et le prédispose par conséquent à des interprétations divergentes. De la même manière, le sexe est pris par des questions disciplinaires : objet assigné au domaine des sciences de la vie, il n’en vient pas moins perturber les délibérations politiques. Mais au-delà d’un hiatus concernant la légitimité des savoirs sur un objet, c’est aussi une alliance qui doit être soulignée. Car s’il est vrai qu’au premier regard, la véritable obsession des XVIIIe et XIXe siècles pour la sexuation du corps des femmes tranche avec l’absence de sexuation de l’individu détenteur des droits naturels, il s’agit en réalité d’une même et unique partition sexuée sous-jacente, d’un même rapport de domination de genre qui teinte ces deux domaines. Aux métaphores sexuelles qui hantent et structurent le champ moderne de la médecine et des sciences de la nature313 répond une structuration tout aussi sexuée

312 Dorlin, Elsa, La matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la Nation française, Paris, La

Découverte, 2009 (2006), p. 32.

313 Voir Merchant, The death of nature: women, ecology, and the scientific revolution, op. cit. ; Schiebinger,

de l’arène moderne de la démocratie314, qui procède dans un style qui n’est à la réflexion pas si différent. La suspension du sexe du sujet politique s’accorde bien avec les exigences de neutralité de l’expérimentation scientifique ; mais ces principes d’universalité attachés à la raison moderne tant politique que scientifique sont ruinés d’un même élan par la réalité d’une domination masculine et les interprétations dominantes des principes qui en découlent.

Car, on le sait bien, loin d’entamer l’ordre sexuel ou colonial, la biologisation progressive des faits de nature les entérinera l’un et l’autre au cours du XIXe siècle. On peut alors avancer que le paradoxe moderne de l’exclusion des femmes des droits civils et politiques ainsi que leur infériorisation systématique résident dans la persistance d’une marque naturaliste dès lors qu’on aborde la matière sexuelle (et raciale) : contrairement aux principes de la modernité qui séparent la moralité de la nature, les registres du sexe (et de la race) font exception et fonctionnent sous l’emprise de traits physiques comme principes politiques – et c’est là la déclinaison moderne de la conceptualisation des sexes. Que la modernité mette en place tous les éléments d’une naturalisation de la domination des femmes constitue une véritable antithèse en son sein.

Dans la configuration épistémique qui se met en place à l’aube des Lumières et se durcira pour aboutir au XIXe siècle à la distinction établie par Dithley entre Geisteswissenschaften et Naturwissenschaften, conceptualiser le sexe comme un objet naturel possède principalement des implications politiques. D’une part, cela ne laisse aucune place pour d’autres vues légitimes sur la question ; une telle partition du savoir, en faisant du sexe une affaire de spécialistes315, confisque la parole et discrédite la contestation. De l’autre, alors qu’une telle rupture disciplinaire aurait dû favoriser l’émancipation sociale et politique des femmes puisqu’elle reflète l’antinaturalisme normatif de la modernité préfiguré par les théories contractualistes, cette axiologie progressiste séparant faits et valeurs se soumet à un double standard pour être subitement abandonnée quand il s’agit d’en tirer les conséquences pour les femmes et les peuples colonisés. Ces derniers sont donc les grand·e·s perdant·e·s politiques d’une conceptualisation de leur appartenance à un

314 Voir Scott, La citoyenne paradoxale. Les féministes françaises et les droits de l'homme, op. cit.

315 La sexologie et ses classifications apparaissent au XIXe siècle avec Richard von Krafft-Ebing, Havelock

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groupe en termes naturels, laquelle se retourne systématiquement contre eux, en dépit de la logique universaliste.

3.7C

ONCLUSION

Au final, il apparaît que le paradoxe que le corps représente pour les féministes depuis la seconde vague tient à l’événement de l’inscription de la différence des sexes dans les replis corporels, dans le cadre d'une pensée bien particulière. Car dans la pensée moderne le corps est perçu comme un objet des sciences de la nature d’un côté, tout en étant exclu de la rationalité politique qui postule l'égalité naturelle de l'autre. Cela entraîne alors le rejet des femmes dans l’au-delà du projet d'émancipation moderne, à la fois comme un impensé et concrètement comme une altérité relative mais menaçante, qu'il faut exclure. Bref, la spécificité que revêt la naturalisation des femmes à l’ère moderne est suspendue aux corps et découle de la dichotomie nature / culture. Face à un tel constat, les réflexions de Fraisse rappelées par Gardey et Löwy emportent l’adhésion : « L’un des enjeux est alors de sortir de [la séparation nature/culture], de déjouer cette opposition inventée à l’époque moderne pour le plus grand malheur des femmes316 ». Mais l’abandon de cette séparation est-il si évident ?

D’un côté, la naturalisation moderne des femmes les catégorise comme un groupe aux qualités naturelles en les intronisant comme un objet privilégié de la connaissance. L’entreprise culturelle se chargera alors de déchiffrer mais aussi de dresser ces groupes d'individus, de les « apprivoiser » et de traiter leurs « déficiences » propres (à cet égard les « femmes hystériques » que traite Charcot à la Salpetrière sont l’équivalent des « peuples sauvages » que