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Temps scolaire et intervention de la Ville de Paris : l’exemple des Professeurs de la Ville de Paris

LES « CLASSES A PARIS » : UN DISPOSITIF EXCEPTIONNEL

II.2 Temps scolaire, Etat et « appareil idéologique d’Etat »

II.2.1 Temps scolaire et intervention de la Ville de Paris : l’exemple des Professeurs de la Ville de Paris

Le dispositif des « classes à Paris » se déroule sur le temps scolaire. Or, si la gestion pratique des écoles primaires se fait, en France, à l’échelle des communes (restauration, personnel encadrant), le temps scolaire est quant à lui uniquement géré par l’Etat au moyen de programmes nationaux.

L’Etat Français est un Etat empreint d’une longue tradition centralisée. Dans les années 1980, une politique de décentralisation est cependant amorcée. Elle vise à autonomiser les différents échelons qui composent l’Etat en faisant des communes, des départements et des régions des gestionnaires d’enjeux nationaux à l’échelle locale. L’idée est de donner un cadre local et donc plus proche de chaque citoyen aux politiques publiques. Toutefois, cette décentralisation s’accompagne d’un désengagement financier de l’Etat dans plusieurs domaines – ceux dont la gestion revient aux communes, aux départements, aux régions. L’idée de la décentralisation est donc sous-tendue par une volonté de faire faire des économies à l’Etat. Ainsi, sur le site gouvernemental de l’éducation nationale on peut lire que :

« L'éducation est un service public national, dont l'organisation et le fonctionnement sont assurés par l'État, sous réserve des compétences attribuées aux collectivités territoriales pour les associer au développement de ce service public. Depuis les années 1980, l'État a engagé une opération de décentralisation des compétences qui renforce le poids des collectivités territoriales. La commune, le département et la région participent au fonctionnement de l'éducation nationale. » Il est également expliqué que « la commune a la charge des écoles publiques établies sur son territoire. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l'extension et les grosses réparations. Elle gère les crédits d'équipement, de fonctionnement et d'entretien des écoles. Elle peut organiser des activités éducatives, sportives et culturelles complémentaires au sein de l'école. » Par ailleurs, « dans les écoles maternelles et élémentaires, l'organisation de la restauration relève de la commune. (…) La participation financière des familles est fixée par la commune, sur la base du quotient familial. » 151

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La décentralisation est donc pétrie d’enjeux financiers dont la Mairie de Paris semble s’être saisie de manière conséquente en s’impliquant davantage que d’autres communes sur le temps scolaires dans les écoles primaires. De ce point de vue, pour l’Etat, le dispositif des « classes à Paris » semble présenter des avantages. De fait, par le financement intégral des « classes à Paris », il y a une mise en avant d’un dynamisme culturel, artistique et scientifique au sein des écoles primaires publiques de la Ville mais en même temps un désengagement de l’Etat à assurer ce type de programmes au sein des écoles primaires. Pourquoi l’éducation nationale créerait ce type de dispositifs puisque des collectivités territoriales se proposent de les créer et de les financer dans leur ensemble – avant même qu’il y ait une injonction de l’Etat à introduire les arts et la culture à l’école ? Pour l’Etat, le bénéfice des « classes à Paris » est important puisque le dynamisme créé au sein des écoles donne une bonne image de l’Académie alors même que cette dernière n’investit pas financièrement dans les projets impulsant cette image dynamique. Mais le temps scolaire est aussi investi par la Ville de Paris au moyen d’un corps professoral dont les tenants et les aboutissants méritent notre attention parce qu’ils questionnent l’emboîtement des différentes échelles politiques qui se jouent sur le temps scolaire dans les écoles primaires publiques parisiennes.

Les professeurs des écoles sont rémunérés par l’Etat. Ils participent donc à la promotion d’un système national. La Ville de Paris fait exception au niveau national pour ce qui est de l’enseignement des arts plastiques, du sport et de la musique. Sur le territoire national, ces matières ne sont pas désolidarisées de l’enseignement dispensé par les professeurs des écoles. Or, comme je le découvre lors de mon premier stage au BVSPVP en 2012, la Ville de Paris possède ses propres enseignants. J’apprends à mieux les connaître lors d’un second stage au BVSPBP en 2013 puisque, pendant un mois et demi, je travaille exclusivement sur le pôle « éducation musicale » du bureau. Comme je l’apprends pendant ces stages, les professeurs de la Ville de Paris (PVP dans le jargon), ont été créés quand Jacques Chirac était Maire de Paris. La Ville connaît une période que l’on me décrit comme faste – des collègues me diront qu’il « y avait trop d’argent »- et crée un corps professoral à part entière, géré exclusivement par la DASCO et plus particulièrement le BVSPVP. Ce corps est divisé en trois branches : l’éducation musicale, les arts visuels et l’éducation physique. Les professeurs de chaque branche sont très solidaires entre eux. L’existence de ces professeurs mérite notre attention. D’abord, elle est étonnante en ce que peu habituelle. Ensuite, elle est un objet construit par la Ville de Paris qui singularise cette dernière en matière d’éducation primaire publique. Enfin, cet objet construit de toute pièce par

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les politiques induit une rupture dans l’unité nationale et territoriale d’accès à l’éducation primaire. En effet, les enfants parisiens ont des heures de cours assurées par des professionnels, sur le temps scolaire, pour des enseignements qui sont, sur le reste du territoire assurés – quand il y a le temps- par des professeurs des écoles qui ne sont pas des professionnels des arts plastiques, musicaux et de sport. Dans le même temps, l’introduction des PVP montre que la Ville de Paris aime se saisir d’enjeux éducatifs pour instaurer des dispositifs singuliers et coûteux. Le dispositif des « classes à Paris » est donc singulier si l’on s’y intéresse dans un cadre global mais beaucoup moins à l’échelle réduite de la ville de Paris puisqu’il s’inscrit dans une politique éducative menée depuis plusieurs années par la Mairie. Cette dernière se saisit de questions culturelles et artistiques en créant des dispositifs onéreux pour son budget et originaux visant à doter les enfants de la ville de Paris d’un capital artistique, culturel, musical, sportif.

La Ville de Paris investit donc depuis plusieurs années sur le marché de l’éducation publique primaire sous plusieurs formes : les classes de découvertes, les actions lectures, les Professeurs de la Ville de Paris, les « classes à Paris » qui prennent toutes vie sur le temps scolaire. Ce saisissement questionne l’articulation entre le droit à l’éducation – prôné de fait dans le système mondial globalisé et en particulier en France où, comme la plupart des pays occidentaux l’éducation est obligatoire de 6 à 16 ans- et les différences en matière d’offres éducatives sur un territoire dit national et répondant officiellement aux mêmes programmes scolaires se déroulant sur un temps défini. Autrement dit, la Ville de Paris investit dans un marché global du droit à l’éducation par le versant d’une politique culturelle et artistique. Elle articule les échelles politiques locales et nationales au sein de l’institution Ecole. Plus précisément, elle mène une politique scolaire locale s’ingérant sur la politique nationale valorisant sa Ville et induisant des inégalités entre les élèves parisiens et le reste des élèves du territoire national. Ce faisant, la Ville attend donc logiquement un retour sur investissement.

II.2.2. Retour sur investissement pour la Ville de Paris et enchâssement des échelles

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