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Procédure d’attribution d’une classe à Paris : l’évaluation par l’Etat et par la collectivité territoriale

LES « CLASSES A PARIS » : UN DISPOSITIF EXCEPTIONNEL

I.2 Présentation des « classes à Paris » et liens avec la démocratisation culturelle et la pédagogie sociale

I.2.1 Procédure d’attribution d’une classe à Paris : l’évaluation par l’Etat et par la collectivité territoriale

Pour comprendre comment fonctionnent les « classes à Paris », il semble important de passer par la description des procédures que doivent accomplir les enseignants pour postuler au dispositif et de montrer quelles sont les modalités d’attribution des projets en même temps que les acteurs qui décident lors du processus d’attribution.

L’ensemble des « classes à Paris » est regroupé dans un catalogue envoyé à toutes les écoles publiques de la Ville pendant le mois de septembre de chaque année scolaire. L’envoi du catalogue se fait par mail ; il est accompagné d’une circulaire officielle expliquant la procédure d’inscription, les modalités d’encadrement des classes ainsi que celles de transport. Il y est également rappelé qu’un enseignant ne peut postuler qu’à deux « classes à Paris » maximum par année et qu’une « classe à Paris » ne peut se cumuler avec une classe de découverte (cf. supra) ou une action lecture132. Il y a trois types de classes : celles culturelles

et artistiques, celles scientifiques ainsi que les classes d’urbanisme. Les classes visent des élèves en particulier car elles sont en lien avec le programme scolaire. Elles sont montées par des associations et s’inscrivent dans le cadre juridique du marché public. Chaque classe est décrite dans le catalogue. Elle possède aussi un calendrier précis qui ne peut être modifié – jours et horaires des visites ou des interventions. Les visites des sites culturels sont réservées à l’avance. Les enseignants intéressés par une classe rédigent un projet expliquant leurs motivations pour cette classe, la manière dont elle s’inscrit dans leur projet pédagogique et comment elle sera réinvestie par l’enseignant pendant l’année scolaire. Arrêtons-nous un instant sur l’importance du projet des enseignants dans l’attribution d’une classe à Paris. Lors d’un entretien avec une des enseignantes de notre deuxième terrain (juillet 2014133), nous

revenons avec elle sur l’intérêt qu’elle portait au projet et sur le dossier qu’elle a monté pour postuler à la classe « Les animaux dans les arts et les civilisations ».

132. Les actions lecture sont un dispositif mené par la Ville de Paris sur le temps scolaire. En touchant

une classe – projet développé par un enseignant- ou une école –projet développé par l’ensemble de l’école, elles visent à améliorer le niveau des élèves en lecture en fournissant des ouvrages et des intervenants aux écoles. Elles sont coordonnées avec le centre Paris Lecture.

133. L’entretien s’est déroulé au domicile de l’enseignante, Camille (école du 20ème, chapitre 9) à

Vincennes, pendant les vacances scolaires car elle avait un planning très chargé à la fin de l’année scolaire 2014.

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Camille enseigne dans une école du 20ème arrondissement depuis 2008. Passionnée d’histoire,

elle vient du Val d’Oise et est marquée par une scolarité dans laquelle « on ne sortait jamais

de l’école ». Elle fait des études de pharmacologie et devient pharmacienne. Son mari est

médecin et passionné de voyages. Ses deux fils sont respectivement en sixième et cinquième année d’études de médecine au moment de l’entretien. A la suite de la maladie grave de son fils aîné, elle passe de nombreux mois à l’hôpital –alors qu’elle est encore pharmacienne-, se lie d’amitié avec les professeurs de l’école de l’hôpital où son fils est hospitalisé et engage sa reconversion professionnelle pour devenir professeur des écoles : « je passe toutes les UV » explique-t-elle avant l’entretien lors d’une discussion informelle –sans que je l’aie interrogée- de son parcours professionnel.

Elle découvre les « classes à Paris » « grâce au directeur de l’école (…) où [elle] enseignai[t]

avant (de 1998 à 2008) [car] il poussait les enseignants à postuler aux classes à Paris. »

L’apport de la culture à ses élèves fait partie de sa conception de l’enseignement. Pour elle, il doit être renforcé dans les « milieux défavorisés » dont fait partie « un tiers des élèves de [s]a

classe ». Elle emploie des mots très forts pour nous expliquer pourquoi elle a postulé à la

classe « les animaux dans les arts et les civilisations » : « cette classe je rêvais de l’avoir »,

« je voulais tellement l’avoir ».

De ce fait, elle a retravaillé son projet au début de l’année 2013 car elle avait déjà postulé à cette classe mais sa demande n’avait pas été retenue. En recommençant, elle nous explique s’inspirer du dossier d’une de ses collègues qui a déjà eu cette classe –mais dont elle me précise qu’elle « est dans les petits papiers de l’inspecteur car elle est maître ressource dans

plusieurs domaines » et que « donc c’est un peu normal ».

Cet entretien avec Camille invite à penser plusieurs éléments dans l’attribution des classes à Paris. D’abord, la construction du dossier est un élément déterminant dans le processus d’attribution. Plus il est construit et détaillé, mieux il est évalué. Mon expérience au sein de la commission d’attribution des « classes à Paris » pendant le deuxième stage a montré que les dossiers étaient effectivement tous lus par le BVSPVP et qu’à note égale et situation géographique égale, c’était la qualité du dossier qui influait l’attribution ou le rejet d’un projet. Ensuite, la référence à l’Inspecteur de l’Education Nationale (IEN), ou plutôt à la relation entre la collègue de Camille et l’Inspecteur souligne le poids de ce dernier, c'est-à- dire de l’Etat, dans le processus d’attribution de classes menées et financées par la collectivité territoriale sur le temps scolaire. Quand un enseignant postulant à une « classe à Paris » est

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bien noté et bien vu par son IEN, il semble que ce dernier favorise l’attribution du projet demandé. Mais faire une « classe à Paris » ne signifie pas avoir une prime. Ce n’est donc pas un avantage financier qui est recherché par les enseignants lorsqu’ils demandent ces projets.

Ainsi, les enseignants envoient leur projet au BVSPVP et à leur Inspecteur de l’Education Nationale à une date précise spécifiée dans la circulaire accompagnant le catalogue des « classes », en général avant la fin du mois de septembre. Au mois d’octobre les projets sont lus et évalués par des acteurs du BVSPVP et par les inspecteurs de l’éducation nationale de chaque enseignant. Ils sont aussi enregistrés sur un logiciel au sein du BVSPVP. Chaque acteur donne une note au projet. Les échelles territoriales de la commune (Ville de Paris) et de l’Etat (Education nationale avec les IEN) sont donc toutes deux mobilisées dans l’évaluation des projets faits par les enseignants. Au mois d’octobre, une commission d’attribution réunissant les membres du bureau des « classes à Paris » à la Direction des Affaires Scolaires ainsi qu’un inspecteur de l’éducation nationale se rassemble et attribue chaque classe à un enseignant en fonction de critères liés à la situation géographique de l’école (classement en éducation prioritaire ou non), à la note de l’inspecteur d’académie (qui peut être éliminatoire) ainsi qu’à la qualité du projet présenté. A l’issue de la commission, le BVSPVP se charge d’envoyer les courriers de refus aux enseignants dont les projets n’ont pas été retenus ainsi que les courriers positifs accompagnés des calendriers pour ceux qui se sont vus attribuer une « classe à Paris ». Pendant l’année scolaire, les acteurs du BVSPVP se rendent dans les classes pour voir leur fonctionnement. A la fin de chaque projet, l’enseignant doit remplir un questionnaire d’évaluation de la classe qu’il a suivie et l’envoyer au BVSPVP et à son IEN. Dans le processus d’attribution des « classes à Paris », les acteurs territoriaux et ceux de l’Etat travaillent donc ensemble et ont tous deux un poids important. Intéressons-nous à présent à une classe en particulier afin de comprendre comment une « classe à Paris » s’inscrit dans une pédagogie sociale et est un outil permettant d’impulser un accès à la culture pouvant remonter vers les parents des élèves concernés.

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