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Entretiens avec les enseignants et les parents d’élèves

LES « CLASSES A PARIS » : UN DISPOSITIF EXCEPTIONNEL

III.2. Entretiens avec les enseignants et les parents d’élèves

Afin de comprendre le point de vue des acteurs adultes sur le dispositif des « classes à Paris » et, plus généralement, leur rapport à l’enseignement, la culture, aux arts et leurs parcours de vie, j’ai également mené avec eux des entretiens.

III.2.1 Les entretiens avec les enseignants : une opportunité de questionner le dispositif et le rapport à la culture

Les enseignants ont, en majorité, accepté que je mène avec eux un entretien. Seul Gérard n’a pas souhaité en faire. Il a considéré que la fin du projet « classe à Paris » signifiait clairement la fin de ma présence à l’école. Il a toutefois proposé que je réalise des entretiens avec les élèves un peu avant la fin du projet. J’ai pu échanger avec Gérard lors de discussions informelles.

Les entretiens avec les enseignants m’ont permis d’avoir leur point de vue précis sur le projet qu’ils avaient suivi. Parce qu’il était fait seulement entre chercheur et enseignant c’était parfois le moment pour l’enseignant de dire ce qu’il n’avait pas apprécié pendant le projet, même si, parfois, la critique était dite avec un peu de stress, comme ce fut le cas avec Clara :

Alors moi le seul truc…Je peux critiquer ? (elle se penche vers le magnétophone) La classe…C’était un peu trop rapproché…quand on en avait deux lundis de suite…alors en même temps c’est génial parce qu’on est dedans.181

Ces réticences n’ont pas empêché les enseignants de partager leur rapport personnel à la culture, leur passé ou encore leur histoire familiale lors des face à face.

Je commençais l’entretien en demandant en général ce qu’avait pensé l’enseignant de la « classe à Paris » puis je le laissais orienter la conversation vers les points qui lui semblaient les plus importants. J’essayais toutefois de replacer le rapport à la « classe à Paris » dans le parcours personnel de l’enseignant ainsi que dans sa définition de son métier. Le fait d’enregistrer permettait d’avoir des entretiens très complets pour moi. L’exemple de Clara, qui me demande si elle peut critiquer le projet et qui associe à cette demande un geste suspicieux vers le magnétophone, montre que ce dernier peut créer une barrière dans le

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dialogue. Toutefois, Clara, une fois cet instant passé, n’hésite pas à revenir, pendant l’entretien, sur de très nombreux souvenirs d’enfance ou encore sur la naissance de son désir de devenir enseignante. Le magnétophone n’a donc globalement pas posé de problème lors des échanges.

Seule une enseignante, Marie, a refusé que j’enregistre l’entretien et a préféré que je prenne des notes. Sans doute a-t-elle eu peur de la façon dont je pourrais utiliser notre conversation. Pourtant, elle était tout à fait d’accord pour que j’enregistre les entretiens avec les enfants, après avoir demandé l’autorisation à la directrice de l’école, pas aux parents.

Dans certains cas, avec Aline par exemple, la prise de notes a été plus facile pour moi. En effet, nous nous sommes retrouvées pour déjeuner et il y avait beaucoup de bruit autour de nous. J’ai eu peur que l’entretien ne soit pas correctement enregistré. J’ai donc pris des notes que j’ai retranscrites immédiatement après. Aline n’était pas du tout réfractaire à ce que j’utilise mon magnétophone.

Les entretiens avec les enseignants ont surtout permis de retracer avec eux leur parcours personnel et leur rapport à l’enseignement et à la culture. Ils ont également mis en évidence leurs attentes et leurs déceptions face aux « classes à Paris ». Pour Iris, de l’école du 18ème, l’entretien a aussi été un moyen de régler ses comptes avec la conférencière, c'est-à-dire

qu’avant et pendant le tête-à-tête, elle a essayé de me convaincre que la posture de la conférencière n’était pas adaptée à ses élèves. Mener des entretiens avec les parents d’élèves a été beaucoup plus compliqué.

III.2.2 Une difficulté méthodologique : effectuer des entretiens avec les parents

Rencontrer les parents des élèves suivant les « classes à Paris » a été très difficile. J’ai d’abord essayé de passer par les associations de parents d’élèves. Lors de mon premier terrain, pour deux des trois écoles – L’école A du 19ème et l’école B du 19ème-, la plupart des parents des élèves des « classes à Paris » n’étaient pas impliqués dans l’association de parents d’élèves. Dans le cas de l’école du 6ème, plusieurs parents y adhéraient. J’ai donc demandé

l’adresse mail de l’association pour pouvoir entrer en contact avec eux. Cette démarche a été mal acceptée par Marie pour qui les parents s’ingèrent trop dans la vie de la classe. Après de multiples envois de mails restés sans réponse, j’ai essayé de contacter les parents par l’intermédiaire de Judith, la comédienne employée par l’association de parents d’élèves pour

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mener l’atelier théâtre à l’école du 6ème. Malgré ses nombreuses relances, je n’ai jamais eu de

réponses au mail. J’ai donc conclu que les parents ne souhaitaient pas me rencontrer pour échanger sur les « classes à Paris ». Cependant, grâce à Judith, j’ai contacté certains anciens élèves de la classe pour réaliser des entretiens avec leurs parents. Ainsi, j’ai pu en réaliser un avec Yollande et sa mère.

Nous nous sommes retrouvées dans un café près de l’école du 6ème et avons pu échanger sur la « classe à Paris » mais aussi sur les pratiques culturelles de la famille de Yollande, sur le point de vue de sa mère sur les nombreuses sorties qu’a faites Yollande au cours de son année de CM2, sur le rapport à la culture de cette famille.

La mère de Yollande est chercheuse. Son père également. Yollande est fille unique. Ils vivent dans le 6ème arrondissement de Paris. Yollande ne leur avait pas parlé de l’entretien qu’elle avait fait avec moi. La mère de Yollande explique pendant l’entretien qu’elle est favorable à quelques sorties culturelles faites à l’école mais que, pour elle, le rôle de l’école est d’abord d’apprendre les savoirs essentiels. Pour elle, l’ouverture à la culture et aux arts est l’affaire des parents, de la sphère familiale.

Yollande et ses parents vont très souvent au musée. D’ailleurs, Yollande a fêté plusieurs de ses anniversaires dans des lieux culturels. Elle aime aller au musée mais est parfois agacée de faire trop de sorties avec l’école.

L’entretien avec Yollande et sa mère a permis de creuser un peu plus le portrait et le parcours familial de l’enfant. Cependant, il n’a pas remis en cause les propos que Yollande avaient tenu lors de l’entretien collectif mené à l’école. Il a permis de les préciser et de les développer. Cette conversation a mis en perspective l’autre entretien collectif en renforçant l’idée que ce dernier avait été fructueux puisqu’il m’avait permis de dégager un profil concernant Yollande - en l’occurrence le fait que cette dernière était issue d’une famille appartenant aux classes supérieures dans laquelle la culture avait une place très importante- similaire à celui que j’avais déjà dressé. Je n’ai pas pu réaliser d’entretiens avec les autres parents soit parce qu’ils n’avaient pas le temps, soit parce que les enfants que je recontactais n’avaient pas le temps, ou pas très envie de se prêter à nouveau à l’exercice avec moi.

J’ai également rencontré quelques parents d’élèves lors des sorties de la « classes à Paris » de l’école du 20ème. Ces parents accompagnaient les enfants et certains étaient loquaces quant à leur avis sur les « classes ». Une mère d’élève, venue pour la sortie au

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Louvre dans le département Mésopotamie, apprenant que je faisais un doctorat en anthropologie s’est tout de suite présentée en insistant sur le fait qu’elle était sociologue, d’origine iranienne, polyglotte, qu’elle avait vécu dans plusieurs pays du monde et qu’elle avait travaillé sur Hannah Arendt pendant ses études de sociologie et philosophie politique. En quelques minutes, elle a brossé son portrait et celui de sa fille. D’autres parents m’ont expliqué aimer participer aux sorties car ils apprenaient beaucoup de choses avec les conférenciers et que les explications données étaient très claires. Ces mini entretiens spontanés m’ont permis de mettre en relief à la fois les raisons de la présence de certains parents : intérêt personnel, demande insistante des enfants, mais aussi le lien qui peut exister entre la sortie et son propre passé. Globalement, je n’ai pas réussi à entrer en contact prolongé avec les parents d’élèves. Toutefois, les échecs à réaliser des entretiens avec les parents des élèves m’ont invitée à penser leur intérêt en même temps que leur nécessité. D’un côté, les entretiens avec les parents permettent de sortir de l’école et de la « classe à Paris » et de connaitre mieux les enfants et leurs pratiques culturelles. De l’autre, le fait de converser ainsi avec les parents peut être vécu comme une remise en question de la parole des enfants par ces derniers. Par ailleurs, il existe des recherches menées en anthropologie de l’éducation et de l’enfance182 qui ne s’appuient pas sur la parole des parents pour renforcer ou infléchir celle

des enfants. Ces recherches renforcent l’idée selon laquelle une enquête qualitative peut être menée sur et avec les enfants sans avoir besoin de mettre en perspective la parole des parents avec celle de ces enfants.

Le fait de ne pouvoir échanger que très brièvement ou pas du tout avec les parents d’élèves a renforcé la nécessité d’apporter à la méthodologie anthropologique de cette recherche doctorale un regard associé à l’anthropologie de l’enfant. Les contradictions entre parole des enfants, des parents, des acteurs de l’école ont pu être mises en évidence grâce à l’immersion et aux entretiens avec les enfants quand ils étaient considérés avec un statut ayant autant de valeur que celui des acteurs adultes. Cette prise en compte de l’enfant dans les entretiens – avec ou sans parents- leur a donné une place à part entière dans les interactions de la « classe ». De ce fait, ils ont pu projeter leurs propres interactions, regards, propos, au sein des projets et des classes, dans l’interaction tissée avec l’anthropologue.

182. DELALANDE J., La cour de récréation : pour une anthropologie de l’enfance. Rennes :

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III.3. Les entretiens avec les intervenants : avoir accès à un autre regard sur

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