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Les intervenants de cette classe « aéronautique » : Dana et Marc sont tous les deux issus du milieu professionnel de l’animation. Ils ont une formation d’animateur mais ont été formés par l’association menant cette « classe » aux concepts liés à l’aéronautique pour pouvoir y intervenir. Leur expérience d’animateur en centres de loisirs se retrouve dans leur façon d’être avec les enfants.

Les deux intervenants sont très à l’aise avec les enfants. Ils leur parlent facilement, répondent à leurs questions, les aident dans les activités. Plus que les aider, ils font en fait les activités avec eux et les accompagnent. Lors de la séance de réalisation des cerfs-volants par exemple, Marc emmène un groupe dans une autre salle pour découper et coller des feuilles de papier. Il est assis par terre avec les enfants, découpe les feuilles de papier et les colle tout en discutant avec eux. Il n’y a pas de distance physique ou symbolique avec les élèves. Ceux-ci paraissent d’ailleurs être d’abord perçus comme des enfants plutôt que comme des élèves. Les animateurs font donc partie du projet, non pas en tant qu’individu dispensant un savoir mais en tant qu’individus participant aux activités. Leur statut se rapproche de celui des animateurs de centre de loisirs et induit un regard différent sur les élèves : ils ne posent pas une distance aussi grande que d’autres intervenants – par exemple les conférencières- avec les enfants mais mènent le projet scientifique avec ces derniers, à leur hauteur. Le modèle pédagogique qu’ils amènent avec eux dans cette « classe » les distinguent d’autres intervenants et conduit à une réalisation du projet en commun entre animateurs et enfants. Cette posture ne les empêche pas de mener des activités qui abordent des questions plus techniques, comme celle de la « portance ». Celle-ci peut être définie comme « la résultante des forces de pression qui s'exercent sur un corps en mouvement dans un fluide, perpendiculaire à la direction de la vitesse » et qui « assure la sustentation d'un avion dans l'air »231.

Pour expliquer ce phénomène, Dana et Marc font faire une activité aux élèves. Ils commencent par récapituler ce qui a été fait lors des séances précédentes. Les élèves ont retenu beaucoup de choses et répondent très facilement aux questions. Puis ils leur demandent d’imaginer qu’ils sont dans une forêt et que deux élèves prennent deux chemins différents :

231. Définition de l’Encyclopédie Larousse en ligne :

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l’un droit, l’autre en courbe. Cette scénette doit leur permettre de visualiser le phénomène de la portance.

Cette activité me parait assez obscure. Je ne comprends pas bien le sens de l’exercice proposé et je ne comprends ni le sens du mot explicité ni les mécanismes de fonctionnement du phénomène à l’issue de l’activité. L’enseignante, Aline, est également dubitative à la fin de l’activité et les enfants ne semblent pas avoir complètement compris les explications. Lors de celles-ci, les intervenants se réfèrent sans cesse à leur livret, se trompent et font recommencer les élèves. Le phénomène ne semble pas être parfaitement clair pour eux non plus. Lorsque des phénomènes purement scientifiques sont abordés par les intervenants, la qualité de leur message est moins claire. Cet aspect de la « classe à Paris » parait révéler une des limites des interventions de Marc et Dana. Cette idée se retrouve aussi dans le manque de préparation qui apparait parfois dans le déroulement de la « classe » en même temps que dans le manque de matériel. En effet, il arrive plusieurs fois que les intervenants se rendent compte qu’ils ont oublié des feutres nécessaires à la réalisation des activités. C’est le cas lors de la deuxième séance de la « classe » qui porte sur la météorologie. Pour cette séance, les enfants doivent réaliser des moulins à vent et utiliser leur livret. Dana et Marc se rendent compte qu’ils n’ont pas apporté les feutres nécessaires à la réalisation des objets. Ils ont aussi du mal à donner des explications claires aux élèves et Aline doit intervenir pour expliquer aux enfants ce qu’il faut faire. L’enseignante prête également ses feutres personnels aux élèves mais n’est pas contente du déroulement de la séance. Elle m’explique en effet que cet état de fait est, pour elle « un manque de professionnalisme »232 et que ce dernier la dérange, dans la mesure où elle doit prêter son matériel – personnel et pas celui de l’école explique-t-elle- pour pallier la désorganisation des animateurs. Elle me parle aussi d’ « amateurisme »233. Les intervenants

sont conscients de leur désorganisation et m’en parlent à la fin de la séance, me disant que leur prochaine séance sera meilleure. C’est la première fois que j’assiste à une « classe à Paris » dans laquelle les intervenants sont en désaccord l’un avec l’autre en même temps qu’ils oublient des éléments nécessaires à la réalisation des activités du projet.

Ces événements distinguent cette « classe » d’autres projets « classe à Paris » et le fait que les intervenants soient au départ des animateurs me parait être un élément explicatif aux dysfonctionnements qui émergent lors du projet. On peut, à mon sens, parler de dysfonctionnements dans la mesure où certaines activités sont réalisées grâce à la professeure

232. Propos tenus par Aline 233. Propos tenus par Aline

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des écoles qui rétablit les désaccords et les oublis des intervenants pour que les activités puissent être comprises et réalisées par les élèves. Il ne s’agit pas, dans cette analyse, de comparer ces intervenants à d’autres et de montrer qui est le plus professionnel. Toutefois, il me parait intéressant de voir que les intervenants de la « classe » aéronautique ont une façon de mener la « classe » différente des autres intervenants que j’ai rencontrés sur les terrains. Leur formation d’animateurs en centre de loisirs parait être une limite quand il s’agit d’expliquer aux enfants des phénomènes très techniques. En même temps, cette formation fait entrer dans le projet un autre regard sur les élèves en même temps que d’autres pratiques pédagogiques qui ne sont pas homogènes.

Ces différences dans leurs pratiques pédagogiques émergent dans leurs désaccords mais aussi dans leur façon de mener les activités.

Lors de la séance consacrée aux cerfs-volants par exemple, Dana et Marc ne sont pas d’accord sur la façon de mener l’activité. Alors que Marc laisse les élèves réaliser leurs coloriages et leurs découpages eux-mêmes, Dana les aide à colorier et à découper afin que l’objet final soit conforme à ce qui est attendu par le descriptif du projet. Pour Marc, les enfants doivent s’approprier le projet. En d’autres termes, ils doivent réaliser les activités mais il lui importe peu que le résultat soit beau. Ce qui compte, c’est que les enfants réalisent les cerfs-volants par eux-mêmes. La pratique pédagogique de Marc parait se rapprocher de certaines pédagogies alternatives dans lesquelles l’enfant doit créer les objets artistiques par lui-même. Dana quant à elle n’hésite pas à faire les étapes de l’activité pour les enfants afin que l’objet réalisé soit conforme à ce qu’il doit être et qu’il soit présentable aux parents et beau. Ce critère semble important pour Dana : l’objet créé par l’élève doit pouvoir être valorisé par celui qui va le regarder. Alors que certaines montgolfières ont des trous, les intervenants demandent aux enfants de découper et de coller des morceaux de papier qui fonctionneront comme des rustines. Dana propose à plusieurs enfants des morceaux en forme de cœur ou de figures géométriques pour la réparation. Cet événement, s’il peut être considéré comme anecdotique, donne à voir la différence de pratique pédagogique entre les intervenants qui restent marqués par une pratique issue du milieu professionnel de l’animation mais qui ont des attentes différentes devant le projet et les enfants.

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On peut également se demander si le poids de la hiérarchie ne permet pas d’expliquer certaines réactions de Dana car celle-ci semble stressée par ce qui va être dit de la réalisation du projet.

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