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I. 1.2 à l’école comme institution reproductrice des inégalités

III.3 De la posture de cette recherche doctorale

Cette recherche sur les inégalités d’accès à l’art et à la culture chez les élèves des écoles primaires à Paris s’appuie sur un outil de terrain qui est un dispositif d’éducation artistique et culturelle exceptionnel qui sera étudié au chapitre 2. Il questionne plusieurs aspects du rôle de la culture à l’école et dans la réussite d’un parcours scolaire.

De ce point de vue, cette recherche s’inscrit dans la lignée des premières recherches menées en sociologie de l’éducation. Les analyses de P. Bourdieu mises en évidence dans la première partie de ce contexte épistémologique donnent un cadre de réflexion à cette recherche doctorale. Toutefois, cette dernière, parce qu’elle est d’abord anthropologique et qu’elle s’appuie exclusivement sur un terrain dont l’exploration s’est faite par immersion et de manière qualitative, se détache de la sociologie de l’éducation même si elle y reste liée par des questionnements et des concepts communs. L’évolution de la sociologie de l’éducation vers des pratiques moins quantitatives ainsi que vers une prise en compte des différents acteurs du système scolaire renforcent cette idée. Parce que cette thèse s’intéresse aux acteurs et à leurs interactions sur le terrain, elle s’inscrit dans la lignée de l’anthropologie de l’éducation telle qu’elle est d’abord née aux Etats-Unis, en même temps que dans une anthropologie de l’enfant. Mais loin de se contenter de monographies des « classes » du dispositif d’éducation artistique et culturelle qui a été l’outil de terrain de cette recherche, celle-ci s’appuie sur une démarche anthropologique dans laquelle les acteurs du terrain et les relations qui se jouent entre eux sur le terrain sont le terreau de la réflexion du chercheur.

L’anthropologie de l’enfance est donc un élément épistémologique important de cette recherche en anthropologie de l’éducation. Loin d’être uniquement un outil méthodologique permettant de comprendre les enjeux d’un terrain à l’école, c’est une source précieuse de recherches sur l’enfance et l’enfant donnant à ce dernier un statut spécifique et digne d’intérêt par et pour lui-même. Des anthropologues de l’enfant ont mis en évidence les liens entre culture et enfance et ont montré comment passer par l’enfant pour comprendre la culture pouvait être fructueux. Cette analyse a renforcé l’intérêt pour ce sujet de recherche ainsi que sa pertinence. Dans le même temps, cette anthropologie de l’enfant a donné un soutien épistémologique à l’approche mise en pratique dans cette thèse, en particulier pour penser la socialisation par la culture et l’art à l’école en s’intéressant au regard de l’enfant et en prenant en compte sa parole au même titre que celle des adultes membres du dispositif analysé.

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L’anthropologie de l’éducation américaine vient, comme nous l’avons vu de l’« anthropologie culturelle de la transmission de la culture et donc de l’apprentissage »123. Les liens entre éducation et culture sont donc très présents dans le champ de la recherche en anthropologie de l’éducation. Cette recherche doctorale s’interroge sur les inégalités d’accès à la culture et à l’art chez les élèves à l’école primaire. A la différence des Etats-Unis cependant, la notion d’inégalités n’est pas appréhendée à l’aune de la question des minorités mais du point de vue des classes sociales et du territoire. Toutefois, elle interroge les liens entre inégalités, culture et éducation. Ces deux dernières notions sont donc profondément liées dans cette recherche doctorale. En effet, le système éducatif est questionné au regard de l’importance des connaissances culturelles nécessaires à la réussite d’un parcours scolaire en même temps que la recherche actuelle des politiques publiques pour améliorer les connaissances culturelles des élèves de l’école primaire.

Cette recherche doctorale sur l’art et la culture à l’école primaire s’inscrit donc dans la lignée des recherches menées en anthropologie de l’éducation en même temps qu’elle se construit autour de concepts issus d’autres domaines de recherche.

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Conclusion

La constitution du contexte épistémologique de cette thèse de doctorat a mis en évidence le fait que les recherches sur le système éducatif ont été, en France, d’abord menées en sociologie de l’éducation. E. Durkheim est considéré comme le premier sociologue de l’éducation. Toutefois, très vite, les concepts mis en avant par les recherches de P. Bourdieu et J-C. Passeron ont innervé l’ensemble des recherches faites sur l’Ecole en France. A partir d’une conception sociétale liée à la lutte des classes, les sociologues ont montré comment l’institution scolaire était reproductrice des inégalités entre les individus. Cette approche a été remise en cause par certains sociologues comme R. Boudon pour qui les inégalités entre les individus sont d’abord le résultat de calculs faits par les individus eux-mêmes. Cette approche libérale a ouvert la voie à une sociologie de l’éducation centrée sur les différents acteurs du système éducatif. De même, elle a permis à certains sociologues de mener des études à partir d’autres sociologies, on peut par exemple penser à A. Barrère et à son utilisation des méthodes issues de la sociologie du travail. Cela a aussi ouvert la voie à une sociologie plus diversifiée et moins quantitative. C’est pourquoi certains sociologues de l’éducation mènent aujourd’hui des recherches sur des terrains autres que la France – comme nous l’avons montré avec J-Y. Martin ou M-F. Lange en Afrique par exemple- ou utilisent des approches plus qualitatives leur permettant notamment d’explorer les rapports de genre dans le système éducatif. A l’heure actuelle, les recherches menées sur ce dernier se font aussi en sciences de l’éducation. Ce domaine de recherche, récent, s’appuie sur des concepts issus de plusieurs branches de recherche en sciences sociales. Cette recherche doctorale a pour cadre conceptuel large des éléments issus de la sociologie de l’éducation, notamment les concepts mis en évidence par P. Bourdieu. Toutefois, c’est d’abord une recherche anthropologique qui s’appuie en particulier sur une définition de l’enfant telle qu’elle a été pensée par les anthropologues de l’enfant.

Peu répandue, l’anthropologie de l’enfant permet de mener des recherches sur l’Ecole en s’appuyant sur le regard des enfants mais aussi en questionnant la place du chercheur dans son terrain de recherche, en particulier quand celui-ci se déroule dans des lieux d’éducation. Elle est actuellement défendue par certains anthropologues comme J. Delalande dont les recherches permettent une mise en application de cette anthropologie en même temps qu’une conceptualisation de cette dernière, notamment en moyen de la notion d’ « adultocentrisme ». A l’heure actuelle, l’anthropologie de l’enfant tend à se diffuser dans d’autres domaines de

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recherche par sa définition de l’enfant. C'est-à-dire qu’elle se diffuse parce qu’elle est à l’origine d’une définition de l’enfant comme d’un acteur singulier et digne d’intérêt dans les terrains de recherche. L’anthropologie de l’enfant semble également liée à l’anthropologie de l’éducation.

Peu connue en France, elle a fait l’objet de nombreux débats épistémologiques outre Atlantique. En effet, parce qu’elle interroge des aspects précis de l’institution scolaire, elle questionne la notion d’objet d’étude, la méthodologie anthropologique ainsi que la temporalité de l’étude menée. Certains anthropologues de l’éducation américains rapprochent cette anthropologie de l’éducation à la sociologie de l’éducation française. Toutefois, leurs méthodologies et leurs approches de l’objet d’étude et du terrain restent différentes. Cette recherche doctorale s’inscrit dans la lignée des recherches menées en anthropologie de l’éducation tout en ayant été influencée par certains concepts de la sociologie de l’éducation française, d’autres de l’anthropologie de l’enfant ainsi que par le système territorial et éducatif français qui prône une égalité de traitement entre l’ensemble des élèves du territoire national. Cette contextualisation de la recherche donne à la thèse un cadre conceptuel large mais aussi singulier. Le terrain de cette recherche, c'est-à-dire le dispositif des « classes à Paris », prend place dans un contexte épistémologique façonné par plusieurs disciplines.

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CHAPITRE

2

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