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L’exemple d’une classe à Paris et de la mise en place d’une pédagogie sociale

LES « CLASSES A PARIS » : UN DISPOSITIF EXCEPTIONNEL

I.2 Présentation des « classes à Paris » et liens avec la démocratisation culturelle et la pédagogie sociale

I.2.1 L’exemple d’une classe à Paris et de la mise en place d’une pédagogie sociale

La classe « Les animaux dans les arts et les civilisations » à laquelle Camille a participé existe depuis plusieurs années. Elle est ouverte uniquement aux CE2. Elle n’est pas menée par une association mais a été créée par des conférencières de la Ville de Paris qui

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travaillent au sein du Bureau des Musées de la Ville de Paris. Son but est la « découverte de la représentation des animaux à travers les différentes cultures et civilisations des cinq continents. Constater qu'ils ont toujours été un thème d'inspiration et un modèle d'expression pour les artistes du monde entier. Voyager à travers les époques afin d'observer l'éternel lien entre les êtres humains et les animaux »134. Ce qui est posé au centre du projet de cette classe culturelle, c’est la figure de l’animal. A travers elle, les enfants doivent appréhender différentes acceptions culturelles de cette image en comprenant les différents sens qu’elle peut prendre dans des cultures autres que celles qu’il connait. L’animal a été choisi parce qu’il est un thème fédérateur pour les enfants : notre immersion dans cette classe deux années consécutives dans deux arrondissements différents, nos entretiens avec les conférencières ayant mené ce projet, les acteurs du BVSPVP et les enseignants des classes ont renforcé cette idée.

Le projet est construit autour de la visite de plusieurs musées parisiens : deux visites au Louvre – département de l’Egypte ancienne puis de la Mésopotamie-, une visite au musée Cernuschi, une visite au musée de Cluny, une visite au musée du Quai Branly et enfin une visite au musée de la Chasse et de la Nature. Dans ces différents musées s’incarnent des aires géographiques et temporelles, mais surtout culturelles, différentes. La mise en pratique d’une appréhension de la figure de l’animal, se fait par la visite de musées – ou de départements de musées- mettant en valeur les cultures de différents continents : Afrique, Océanie, Europe, Asie. La classe se termine par une création avec une plasticienne. Celle-ci raconte des histoires de la mythologie grecque aux enfants avant de leur proposer de sculpter des animaux merveilleux issus de cette mythologie tels que le Cerbère ou l’Hydre de Lerne. La conclusion du projet, et donc le dernier souvenir auprès des enfants, est artistique et ludique. Dans le même temps, c’est aussi l’occasion de rendre les enfants acteurs dans le projet en les laissant choisir ce qu’ils veulent sculpter. Parce qu’ils ramènent la sculpture à la maison, cette dernière est aussi un moyen de donner à voir aux parents l’aboutissement d’un projet culturel et donc de faire parler les enfants de ce dernier et de ce qui y a été vu, ou appris, aimé ou détesté pendant plusieurs semaines.

La fréquentation des musées se fait, dans cette classe, sur le mode de la répétition. Bien que celle-ci puisse être justifiée par le programme de la classe, il semble qu’elle est aussi un moyen de sensibiliser et d’habituer les enfants aux codes des musées tout en les faisant

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fréquenter plusieurs musées différents. Cette répétition, c'est-à-dire la mise en contact plusieurs fois de suite sur un temps long avec une institution culturelle, semble pouvoir être raccrochée aux pédagogies alternatives qui sont parfois mises en pratique dans des structures scolaires. Ainsi, dans la pédagogie Montessori, la répétition de l’exercice par l’enfant est un moyen essentiel pour ce dernier d’acquérir les connaissances. Dans cette pédagogie, l’enfant est au centre de l’apprentissage dont il choisit le rythme. L’adulte l’accompagne dans ses choix. Dans les « classes à Paris », les enfants suivent les séances qui sont prédéfinies à l’avance même si les intervenants sont censés s’adapter à chaque classe. Ils ne sont donc pas les instigateurs de ce qui va être évoqué au cours des séances. Seule la sculpture avec la plasticienne leur permet de se positionner en tant qu’artistes en herbe en faisant le choix de ce qui va être représenté et la manière de représenter l’animal mythologique. La plasticienne en effet, ne donne que peu de consignes aux enfants quant à ce à quoi doivent ressembler leurs sculptures. La répétition des visites au musée ne semble pourtant pas être due au hasard mais parait s’inscrire dans une pédagogie alternative donnant une ouverture à la culture non pas ponctuellement mais répétitivement afin de donner aux enfants des clefs pour pouvoir revenir plus tard, c'est-à-dire en tant qu’adultes ou accompagnés de leurs parents, dans les institutions culturelles.

La pédagogie sociale s’articule autour de plusieurs penseurs comme Freinet, Korczak, Freire. Elle naît en « s’appuyant sur la révolution de la pensée pédagogique permise par J.-J. Rousseau, se propose de ne plus contraindre les enfants à être des réceptacles passifs d’une pédagogie traditionnelle, mais de faire d’eux des acteurs de leur propre éducation. »135 Cette

pédagogie n’est pas uniforme mais s’appuie sur une volonté de placer l’enfant au centre de son éducation. Ainsi, Freinet s’intéressait d’abord à l’école, alors que Korczak pensait d’abord les enfants tandis que Freire questionnait la « pédagogie pour tous les âges »136. Comme le montre Laurent Ott dans son article, un des intérêts de la pédagogie sociale est de faire des enfants des acteurs de leur éducation et de créer, à travers eux, un lien solide et durable entre les parents et les enseignants. Ainsi, la pédagogie sociale permet de faire remonter vers la sphère familiale des éléments appris par les enfants à l’école et de créer des liens, par ces éléments, entre l’école et les parents, c'est-à-dire entre deux sphères de socialisation. Cette pédagogie alternative est éclairante pour comprendre le fonctionnement des « classes à Paris ». En effet, celles-ci, par les enfants, se veulent aussi être des vecteurs de remontée de la

135. OTT L., Bouleverser les rapports parents/professionnels en s’engageant dans une alliance

commune, par la pédagogie sociale, Enfances & Psy, 2011, 3, n°52, p.135.

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culture vers les parents. C’est un élément qui a souvent été répété lorsque nous avions des discussions –formelles ou informelles- avec les acteurs adultes des « classes à Paris ». En ce sens il semble que les « classes à Paris » fonctionnent comme un lien entre deux sphères de socialisation : l’école et la famille.

Ainsi, les « classes à Paris », parce qu’elles visent à toucher les parents des élèves qui expérimentent un projet, s’inscrivent dans une pédagogie sociale. En effet, le but des classes n’est pas seulement d’ouvrir les élèves à l’art et à la culture mais de toucher les parents en sensibilisant les enfants au monde culturel. Il y a donc une volonté de faire remonter l’ouverture symbolique à la culture des enfants vers les parents. En ce sens, les «classes à Paris» fonctionnent sur une transmission ascendante des informations contenues dans les projets et s’inscrivent dans une pédagogie sociale. Mais le fonctionnement des « classes » et leur pédagogie sociale sont aussi soutenues par une volonté de démocratisation culturelle passant par l’école.

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