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Chapitre 5. Cadre de références

5.2 La perspective actionnelle

5.2.2 La tâche dans la perspective actionnelle

La tâche est l’élément le plus important de la perspective actionnelle. Dans le Cadre

Européen Commun de Référence, elle est présentée comme « une visée actionnelle que

l’acteur se représente comme devant parvenir à un résultat donné en fonction d’un problème

à résoudre, d’une obligation à remplir, d’un but qu’on s’est fixé » (CECR, 2000). La tâche

peut donc être une activité langagière ou non et suscite de la part de l’utilisateur de mobiliser

des connaissances antérieures, d’avoir recours à des stratégies d’apprentissage et d’exploiter

les ressources cognitives dont il a besoin pour parvenir au résultat souhaité.

Pour Coste, « la notion de tâche renvoie à une action finalisée, avec un début, un achèvement

visé, des conditions d’effectuation, des résultats constatables […]. Les tâches peuvent

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mobiliser et combiner divers ordres d’activités, langagières et non langagières […]. Les

dimensions communicationnelles d’une tâche peuvent être multimodales […], combiner des

activités langagière» (Coste, 2009, p. 16). Cette nouvelle conception de la tâche relance la

motivation des élèves à travers la réalisation d’activités réalistes et réalisables présentant un

réel défi intellectuel. Une tâche efficace permet à l’apprenant d’interagir avec

« l’environnement langagier » et « déclenche le processus d’apprentissage qui conduit

l’apprenant à construire ses connaissances par stades successifs » (Catroux, 2006, p. 4).

A chaque étape de la réalisation de la tâche, l’apprenant est capable de vérifier les

compétences acquises et ce qui reste à acquérir. Il est conscient du chemin parcouru et cela le

motive dans son apprentissage. Grâce à la réalisation de la tâche, l’apprenant devient un

acteur actif de son propre apprentissage : « La tâche incite naturellement les apprenants à

entrer activement dans la langue, à comprendre leurs propres processus d’apprentissage et,

pour y parvenir, à se poser constamment des questions sur leur fonctionnement à partir des

exemples repérés » (Narcy-Combes & Walski, 2003, p. 35 cité par Catroux, 2006, p. 4).

L’apprentissage s’effectue à travers l’usage de la langue en communiquant avec autrui afin

de réaliser une tâche qui n’est pas scolaire ni uniquement langagière. Dans cette perspective,

la communication n’est pas une fin en soi, elle n’est pas la finalité de l’apprentissage. L’acte

communicatif s’inscrit dans un cadre plus vaste, il est au service de l’action qui lui donne

tout son sens.

Goullier pense, quant à lui, que la tâche nécessite une action « motivée par un objectif ou un

besoin ». En d’autres termes, il ne peut y avoir tâche, si les apprenants ne sont pas motivés

par la situation d’apprentissage et s’ils ne perçoivent pas clairement « l’objectif poursuivi ».

L’action menée par les apprenants doit aboutir à « un résultat identifiable ». L’apprenant à

chaque étape de son apprentissage doit être en mesure de connaître les objectifs atteints et les

compétences maîtrisées mais également les compétences qui restent à acquérir. L’approche

par la tâche doit permettre à l’apprenant de mesurer à tout instant « le développement de (ses)

compétences grâce au travail d’apprentissage effectué et à la progression suivie par le

professeur » (Goullier, 2006, p. 71).

Riba, dans son article « Conception et validité des tâches évaluatives dans une perspective

actionnelle », souligne l’importance de l’engagement personnel de l’apprenant dans son

apprentissage à travers la réalisation de la tâche. Il insiste sur le fait que la tâche doit être

« authentique » ou perçue comme telle et nécessite des « compétences complexes,

langagières et non langagières ». Elle doit également correspondre au « sentiment d’efficacité

personnelle de l’apprenant » c’est-à-dire que l’apprenant doit être conscient qu’il s’engage

dans une activité et qu’il peut la réussir. Ce sentiment d’efficacité permet à l’apprenant de

« conjuguer degré de contrôle en cours de tâche, degré d’exactitude de l’autoévaluation

effectuée de la sorte et degré de persistance à la tâche » (p. 62). Finalement, Riba souligne

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l’importance, dans la réalisation de la tâche, de « l’effet Nintendo, selon lequel le joueur

accroît volontairement et progressivement son niveau de difficulté ». Il s’agit de réaliser des

tâches dont le degré de difficulté s’accroît progressivement au fur et à mesure de

l’apprentissage (Riba, 2009, p. 62). Cette progression dans la difficulté des tâches proposées

permet également d’éviter l’interruption de la tâche à cause des problèmes rencontrés,

interruption qui créera chez l’apprenant un sentiment d’échec et d’inefficacité, ainsi que des

tensions qu’il faut gérer au sein du groupe. Anzieu et Martin évoquent à ce sujet l’effet

Zeigarnik. Il s’agit d’une «tâche interrompue avant son achèvement [qui] laisse le sujet en

état d’insatisfaction et il se souvient mieux, par la suite, d’une tâche interrompue que d’une

tâche similaire qu’il a pu achever et où la tension a été complètement résolue » (Anzieu &

Martin, 1994, p. 81).

Spincer, quant à lui, trouve qu’il faut réunir plusieurs éléments pour pouvoir parler de « tâche

pédagogique communicative » telle qu’elle est présentée et définie par le cadre Européen

Commun de Références. Ainsi, la tâche est « orientée vers un but » bien déterminé et connu

des apprenants, elle a également un « résultat communicatif identifiable ». Elle doit faire

preuve de « pertinence » et doit avoir « un sens ». Elle est « réaliste et faisable » et sa

réalisation nécessite de la part des apprenants d’utiliser « stratégie et planification ». Sa

réalisation doit également « impliquer » l’apprenant et lui permet de disposer librement de

toutes les « ressources disponibles » dont il a besoin (Spincer, 2009, p. 30).

Tout cela nous pousse à souligner l’importance de rendre les apprenants autonomes dans la

réalisation de la tâche à travers la possibilité « d’agir en collaboration avec d’autres

apprenants »afin de « favoriser les interactions entre les divers partenaires de l’acte éducatif

et créer des occasions de conflits sociocognitifs propices au recul métacognitif nécessaire à

tout acte d’apprendre » (Catroux, 2006, p. 4). Rendre l’apprenant actif et auteur de son

propre apprentissage devient un besoin et une nécessité afin de redonner à l’apprentissage un

intérêt et le rendre attrayant grâce à la réalisation d’activités diverses et pertinentes. Cela

permettra à l’apprenant d'avancer à son propre rythme mais surtout de découvrir en

autonomie et par tâtonnements de nouvelles notions et d’acquérir de nouvelles compétences.

Il s’agit d’une évolution et d'une progression graduelle vers l’autonomie (Griggs, 2009).

Rosen établit une comparaison entre l’approche communicative et l’approche par les tâches

ou la perspective actionnelle. Selon elle, la différence fondamentale entre ces deux approches

se situe dans la formation de l'apprenant afin de devenir « un utilisateur efficace de la

langue » c’est-à-dire quelqu’un qui utilise la langue à bon escient dans des situations diverses

et variées. Il peut faire preuve de la maîtrise de la langue en choisissant des structures

adéquates à chaque situation de communication et il fait preuve également d’ingéniosité et de

créativité en utilisant de nouvelles structures dans de nouvelles situations. Cette différence se

situe également dans « le passage d’un apprentissage individuel (que l’on peut associer à la

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centration sur l’apprenant, caractéristique de l’approche communicative et qui s’exerce

parfaitement lors des jeux de rôle et des simulations) à un apprentissage collaboratif et

solidaire misant sur un agir social et communicationnel (que l’on peut associer, pour tenter le

parallèle, à une centration sur le groupe qui trouve son expression dans la pédagogie du

projet) » (Rosen, 2009, p. 8).

Pour Puren la réalisation d’une tâche se fonde sur quatre exigences :

- les exigences d’ordre langagier font appel à la maîtrise de la langue étrangère,

- les exigences d’ordre cognitif font appel aux habilités telles qu’identifier, trier et

organiser des données,

- les exigences d’ordre pragmatique font appel à un emploi efficace de la langue pour la

réalisation de la tâche dans un contexte donné,

- les exigences d’ordre disciplinaire font appel aux règles et connaissances spécifiques

d’un domaine donné (Puren, 2001, cité par Nissen, 2003, p. 35).

Il nous semble utile d’ajouter, dans notre cas, une cinquième, relevé par Nissen : l’exigence

sociale parce que les apprenants sont amenés à réaliser leur projet en groupe avec ce que cela

implique d’habilités afin de pouvoir gérer le travail du groupe, de favoriser l’entraide et le

partage des connaissances (Nissen, 2003).

Pour atteindre un bon degré de maîtrise de la langue, il est important d’introduire des

activités complexes permettant des échanges fructueux entre les apprenants dans une

démarche de construction des connaissances. D’où l’importance de la notion de scénario

d’apprentissage-action présenté par Bourguignon. De quoi s’agit-il au juste ?