Chapitre 4. Introduction de l’informatique dans les établissements au Liban
4.4 Le cas d’un établissement d’enseignement secondaire au Liban
L’établissement d’enseignement secondaire qui fait l’objet de cette étude et où nous sommes
documentaliste, a introduit l’enseignement de l’informatique dans les classes à partir de
l’année scolaire 1995-1996 avant même le lancement de nouveaux programmes par le
Ministère de l’éducation libanais. Un contrat a été établi entre la direction et une compagnie
informatique qui s’est chargée de fournir les ordinateurs, de former les professeurs chargés
des cours et d’établir le programme de formation à l’intention des élèves. Comme nous
l’avons déjà souligné, le cours est donné vendredi après-midi et samedi matin comme une
activité parascolaire. Très vite, la direction a décidé de franchir le pas et de créer une salle
informatique en l’équipant d’ordinateurs (1998). Il est devenu clair pour la direction que
l’intégration de l’informatique dans le cursus scolaire est très importante et qu’il est
impossible de se contenter d’une heure de cours hebdomadaire en activité parascolaire.
L’enseignement de l’informatique est désormais confié à des professeurs sous contrat direct
avec l’établissement.
A la même date, l’informatisation du CDI et de la BCD a commencé (octobre 1998) avec le
logiciel BCDI2 de Poitiers puis avec la mise à jour du logiciel BCDI3 (mars 2003).
L’établissement a fait appel à une documentaliste française pour former les deux
documentalistes chargées du CDI et de la BCD et les fonds français et anglais ont été saisis.
Un budget a été libéré pour enrichir le fonds surtout en livres documentaires, encyclopédies
et albums de bandes dessinées. Mais il a fallu attendre juin 2003 pour pouvoir enfin
commencer l’informatisation du fonds arabe : il était difficile de trouver un logiciel arabe de
satisfaisant. Finalement, le choix a été arrêté pour le logiciel qui fait partie de la suite
administrative de l’établissement contenant un programme de comptabilité, de gestion de
livrets scolaires
1… Ce logiciel a été retouché à plusieurs reprises à notre demande afin de le
modifier et de lui ajouter certaines fonctions de base que nous avons jugées peu performantes
surtout au niveau du contenu de la notice (les champs à remplir) et de la recherche des
documents.
L’équipement du CDI en ordinateurs a progressivement évolué suite à notre implication
personnelle. A cette époque, nous avons bénéficié de deux stages de formation TIC au Liban
d’une durée d’une semaine chacun (mars et mai 2001) avec des intervenants français
externes et de deux autres en France d’une durée d’un mois chacun (septembre 2001 au
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CEPEC
1de Lyon – juillet 2003 au CLA
2de Besançon). Puis nous avons suivi courant
2004-2005, un master professionnel UTICEF (Utilisation des Technologies de l’Information et de
la Communication dans l’Enseignement et la Formation) à distance à l’Université Louis
Pasteur à Strasbourg (France).
Suite à cette formation, nous avons présenté un projet de travail visant l’intégration des TIC
dans le cursus scolaire et dans les différentes disciplines surtout le français, les SVT,
l’informatique et le CDI. Un nouveau besoin s’est fait sentir : améliorer l’équipement
informatique dans l’établissement surtout au CDI : de 3 ordinateurs en réseau, dépareillés,
récupérés en 1998, le CDI est passé à 7 en 2000, puis à 9 en 2002 et finalement à 10 en 2006.
L’acquisition de 2 ordinateurs supplémentaires a eu lieu à la rentrée scolaire 2007-2008 pour
atteindre 13 postes au CDI dont un ordinateur pour la documentaliste (cf. tableau 7). Tous les
ordinateurs sont en réseau et connectés à Internet avec une imprimante laser couleurs (en
réseau) ainsi qu’un scanner. Le matériel au CDI est sujet à des changements fréquents et les
ordinateurs sont remplacés par d’autres plus puissants et plus performants tous les trois ans
en moyenne.
Année
scolaire
1998 2000 2002 2006 2007
Nombre
d’ordinateurs 3 7 9 10 12
Tableau 7 : Evolution du parc d’ordinateurs au CDI
Dès le début, le CDI était au centre des activités s’appuyant sur les TIC au niveau du
primaire, du complémentaire et du secondaire. Le travail s’est effectué en étroite
collaboration avec les professeurs d’informatique pour lancer des projets interdisciplinaires à
partir de l’année scolaire 2000-2001, entre l’informatique, le français, les SVT et le CDI.
Malheureusement, comme les professeurs d’informatique ne sont pas titulaires - chacun
d’eux enseignant à peine quelques heures dans l’établissement, certains ont uniquement deux
heures de cours hebdomadaires – il était impossible de monter des projets à long terme avec
eux vue leur mobilité : ils ne tardent pas à quitter l’école pour un autre poste plus stable et
meilleur. Pour cette raison, les activités TIC conduites au CDI, malgré leur diversité et leur
richesse, n’ont pas donné les résultats souhaités. Il nous semble qu’il serait intéressant de
monter des projets qui s’inscrivent dans la durée en essayant de composer une équipe de
professeurs intéressés par l’intégration des TIC dans leurs pratiques scolaires au quotidien.
Pour pallier ce problème de compartimentation des connaissances et des matières
d’enseignement, nous avons lancé des projets au CDI (Centre de Documentation et
d’Informations) durant l’année scolaire 1998-1999 visant l’intégration des TIC dans les
1
CEPEC : Centre d’Etudes Pédagogiques pour l’Expérimentation et le Conseil
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différentes disciplines surtout la langue française et les disciplines non linguistiques utilisant
la langue française comme langue d’enseignement. Depuis, nous avons réussi à développer
quelques activités tous les ans. Mais, il est à souligner, que malgré tous les efforts, les
résultats des différentes activités utilisant les TIC, comme la réalisation d’une brochure avec
Word®, créer un album sonore avec PowerPoint®, créer des contes interactifs en utilisant
Front Page Express®, un logiciel éditeur de htm… sont restés plutôt minimes. Il nous semble
que la raison la plus importante d’un tel décalage entre l’effort fourni, les investissements
importants en matériel, heures de travail et les résultats obtenus, réside essentiellement dans
le fait que les disciplines sont toujours très cloisonnées, ce qui empêche les élèves de réaliser
un transfert de leurs connaissances afin de mieux les consolider. En plus, il s’agit chaque fois
d’une activité qui s’étend dans le temps vu qu’elle est réalisée uniquement durant l’heure
hebdomadaire
1du CDI. Du coup, les élèves oublient où ils en sont d’une semaine à l’autre,
ce qu’ils ont réalisé, perdent des documents sur support papier, abîment les disquettes en les
transportant ou en les manipulant.
A chaque séance, il faut consacrer du temps afin que tous les élèves se souviennent du
parcours à accomplir et des étapes déjà réalisées. Tout cela a occasionné une perte de temps
très importante et a causé une démotivation croissante tout au long de la réalisation des
projets, de la part des professeurs et des élèves Il est également à souligner que dans certaines
classes et disciplines, les professeurs continuent à adopter un enseignement frontal,
enseignement qui se base exclusivement sur le livre comme unité de base de
l’enseignement/apprentissage et la rétention de son contenu comme mesure des
connaissances acquises. En effet, comme l’a déjà souligné Perrenoud, « un enseignant qui a
suivi le programme, utilisé la méthode et les moyens d’enseignement et d’évaluation
préconisés n’est aucunement responsable si tout ou partie de ses élèves n’apprennent rien ou
beaucoup moins que ce qui était visé ! » (Perrenoud, 2005, p. 214).
Bon nombre de professeurs accordent peu d’importance à la participation active des élèves
qui n’effectuent aucune recherche, aucune activité à part les leçons et les devoirs. Le manuel
scolaire reste la référence par excellence pour le professeur et pour les apprenants. De plus,
un certain nombre de professeurs ne sont pas encore familiarisés avec les outils offerts par les
TIC ou ne les maîtrisent pas suffisamment pour pouvoir les adopter comme outils de travail
et par la suite parvenir à les intégrer dans une démarche pédagogique active. Tout cela
influence négativement les apprentissages qui demeurent à l’état embryonnaire au risque à
tout moment de se solder par un échec pour l’apprenant et le professeur. Certains chercheurs
ont déjà souligné que le « degré d’utilisation personnelle des TIC détermine la croyance en la
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Il y a beaucoup d’imprévus dans le système de congé au Liban et souvent, des jours fériés (grève, deuil
national, troubles dans un secteur donné…) sont ajoutés à la dernière minute. Du coup, il est très difficile de
prévoir la durée exacte d’un projet et parfois une discipline bénéficiant d’une séance hebdomadaire devient
bimensuelle et parfois même mensuelle.
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facilité d’utilisation des TIC dans le cadre de la pédagogie innovatrice et la vision positive de
l’avenir des TIC dans le milieu éducatif » (Peraya, Viens, & Karsenti, 2002)
Dans l’objectif de donner plus de sens et plus de dynamisme à notre travail de pédagogue, il
nous semble primordial que les différentes disciplines, surtout celles employant la langue
française comme langue d’enseignement, adoptent les mêmes techniques de travail, la même
méthodologie, les mêmes objectifs… pour une meilleure acquisition des compétences
transversales et des méthodes de travail par les élèves. Le CDI et les TIC seront évidemment
au cœur des projets pédagogiques, en raison du rôle important qu’ils jouent dans l’acquisition
des méthodes de travail transversales : recherche d’informations, tri, reformulation,
synthèse… Un travail préliminaire serait d’intéresser et de motiver les professeurs des
différentes disciplines à l’importance de travailler en équipe et de les initier aux TIC.
4.5 Projets TIC dans un établissement d’enseignement secondaire
Dans le document
Usages et effets des TIC dans l'enseignement-apprentissage du français langue seconde : Un exemple au Liban
(Page 68-71)