Chapitre 3. Français langue seconde et français langue étrangère
3.4 Le Cadre Européen Commun de Références pour les langues au Liban
Sous l’impulsion de la Mission Culturelle Française au Liban, on remarque des changements
qui s’effectuent depuis quelques années dans la politique de l’enseignement des langues et ce
au niveau du gouvernement et des établissements publics et privés. Cela est surtout
observable à travers deux actions menées en partenariat entre la Mission Culturelle Française
1
La langue française est une langue d’enseignement obligatoire au Liban dans beaucoup de disciplines
universitaires surtout dans le domaine scientifique même à l’Université Libanaise (UL) qui est l’université
publique. Depuis quelques années, un test de niveau est obligatoire pour les étudiants à l’Université Libanaise,
suivi d’une session de mise à niveau linguistique obligatoire pour ceux et celles qui ne réussissent pas le test.
2
En principe, les sessions au CCF (3 sessions durant l’année scolaire et une en été) sont d’une durée de 40
heures (session réduite) ou 62 heures (session longue), en raison de 3 séances de 6 heures hebdomadaires
courant de l’année scolaire ou de 5 séances de 10 heures hebdomadaires en été.
55
et le Ministère de l’Education et de l’Enseignement Supérieur au Liban d’un côté et entre la
Mission Culturelle Française et un réseau d’établissements privés d’un autre côté.
3.4.1 L’accord-cadre et les tests nationaux
L’enseignement de la langue française au Liban surtout dans établissements publics souffre
d’un handicap important : celui du niveau de compétence linguistique des enseignants
responsables précisément de l’enseignement de la langue française. Afin d’améliorer le
niveau de français chez les professeurs de l’école publique, l’Ambassade de France au Liban
représentée par la Mission Culturelle Française et le Ministère de l’Education et de
l’Enseignement Supérieur au Liban ont signé le 26 juillet 2007 un accord-cadre formé de
trois phases
1:
Phase 1 : Etat des lieux sur le niveau de compétence linguistique des enseignants
(septembre 2007)
Projet A : Enseignants de français cadrés du primaire et du complémentaire de
moins de 58 ans
Projet B : Enseignants des disciplines scientifiques cadrés du complémentaire
de moins de 58 ans
Phase 2 : Certification au niveau de compétences
(à partir de septembre 2007 – 2008)
Projet D : Préparation du DELF (Diplôme d’Études de Langue Française),
niveau B1 et B2
Phase 3 : Création d’un réseau de formateurs de formateurs
Projet C : Réseau de 35 examinateurs et de correcteurs du DELF et du DALF
(Diplôme Approfondi de Langue Française)
(septembre – octobre – novembre 2008)
Projet E : Réseau de formateurs en français scientifique
Préparation du DDiFOS (Diplôme de Didactique du Français sur Objectifs
Spécifiques ; option français scientifique)
(Eté 2009)
Conformément à cet accord-cadre, la Mission Culturelle Française a organisé des tests
nationaux en suivant la répartition par niveau de compétence tel que prescrit par le Cadre
Commun de Référence pour les langues.
1
Bilan de la mise en œuvre de l’accord-cadre signé le 26 juillet 2007 – Rapport non publié, rédigé par la
Mission Culturelle Française pour le Ministère de l’Education et de l’Enseignement Supérieur au Liban (juillet
2008).
56
2166 enseignants de français cadrés du secteur public âgés de moins de 58 ans et ayant en
responsabilité des classes des cycles I, II et III sont inscrits aux tests nationaux. 1764
seulement se sont présentés aux tests :
- 8% de la population est âgée de moins de 30 ans
- 32% a entre 30 et 45 ans
- 60% est âgé de plus de 45 ans
1.
Ce test a permis de positionner les enseignants dans les quatre premiers niveaux de
compétences à communiquer en français sur les six que comporte le Cadre Commun de
Référence pour les langues
2:
- 14% sont positionnés au niveau B2, niveau-cible défini par l’accord-cadre (255
enseignants)
- 37% sont positionné au niveau B1 (656 enseignants)
- 34 % sont positionnés au niveau A2 (603 enseignants)
- 14% sont positionnés au niveau A1 (246 enseignants)
Le rapport observe un lien fort entre la catégorie de « + de 45 ans » et le niveau A1, et entre
les moins de 30 ans et le niveau B2
3. Selon les organisateurs des tests nationaux, ce dernier
point est fort encourageant puisqu’il signifie que « les générations nouvelles d’enseignants
cadrés de français ont atteint le niveau requis de compétence linguistique pour enseigner ».
Un autre point à observer concerne le lien entre le niveau de compétence et le niveau
enseigné. Ainsi en préscolaire ainsi qu’en primaire (cycles 1 et 2), la qualité de
l’enseignement de la langue française est influencée par le niveau insuffisant de compétence
linguistique des enseignants qui les empêche d’assurer un enseignement de qualité dans de
bonnes conditions. Le niveau de compétence des enseignants devient plus élevé plus on
avance dans les cycles.
Le rapport souligne également que sur l’ensemble des enseignants en fonction et qui ont
présenté les tests nationaux, 496 ont déclaré qu’ils n’ont pas de licence d’enseignement mais
un diplôme autre : droit, sciences, Beaux-Arts, gestion…
Cette expérience menée conjointement par le Ministère de l’Education et de l’Enseignement
Supérieur au Liban et la Mission Culturelle Française s’est répandue. Actuellement,
quelques établissements privés sont en phase de négociation et de préparation d’un
accord-cadre avec la Mission Culturelle Française afin d’améliorer le niveau de maîtrise de la langue
1
Le facteur âge intervient dans le choix des enseignants qui devront suivre ultérieurement la formation de mise
à niveau linguistique. Seuls ceux âgés de moins de 45 ans auront droit à ces formations. Faute de moyens
financiers, la formation des enseignants âgés de plus de 45 ans a été jugée « non rentable » par la Mission et le
Ministère.
2
Résultats tirés du « Bilan de la mise en œuvre de l’accord-cadre signé le 26 juillet 2007 », rapport non publié.
3
Le «Bilan de la mise en œuvre de l’accord-cadre signé le 26 juillet 2007 » souligne que la population
d’enseignants qui ont présentés les tests nationaux est « très majoritairement féminine (93%) ».
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française de l’ensemble de leurs enseignants chargés de l’enseignement de la langue
française ou en langue française.
Suite aux tests nationaux, des formations de mise à niveau linguistique ont eu lieu entre
2007et 2010 : 526 enseignants et conseillers pédagogiques du secteur public ont été diplômés
du DELF/DALF
1et un réseau de 37 formateurs libanais habilités DELF/DALF a été formé
(SCAC, 2010). Parallèlement, 114 enseignants et coordinateurs de français du secteur privé
ont suivi une formation linguistique diplômante. Au total, 640 professeurs de et en français
ont suivi des formations de mise à niveau linguistique, dont 326 ont obtenu un diplôme, entre
2007-2010 de 3840 heures de perfectionnement linguistique. Les résultats et les diplômes
obtenus sont indiqués dans le tableau ci-dessous (SCAC, 2010).
Nombre
d’enseignants DELF A2 DELF B1 DELF B2 DELF C1 Habilitation DELF/DALF
326 1 175 56 57 37
Tableau 4 : Répartition des enseignants du secteur public selon leur niveau en DELF
Afin d’encourager davantage les établissements scolaires dans le suivi et l’amélioration du
niveau linguistique des enseignants, l’Ambassade de France a créé le label CELF (Certificat
d’Excellence en Langue française) qui « sera délivré aux établissements à filière scolaire
francophone dont 75% des professeurs de français sont titulaires du DELF B2 et 75% des
professeurs en français titulaires du DELF B1 » (SCAC, 2010). Les premières demandes
d’obtention de ce label pourront être déposées en juillet 2011 auprès de la direction des cours
de la MCFL (Mission Culturelle Française au Liban). Il est à souligner que les formations de
préparation au DELF sont organisées par les Centres Culturels Français et sont payantes.
3.4.2 Mise en pratique du CECR : Exemple d’un établissement privé
au Liban
2Il s’agit d’une expérience scolaire d’application du CECR menée au Liban et élaborée par
l’Unité de français à l’Association Makassed
3. Cette expérience a été appliquée dans trois des
écoles de l’Association. Le rapport souligne trois constats qui sont à la base de
l’expérimentation. Tout d’abord, « le glissement des apprenants vers les filières
anglophones ». Ensuite, « l’incompétence des apprenants à s’exprimer en un français assez
correct à l’oral et à l’écrit, malgré les 15 années d’apprentissage ». Finalement, le rapport
1
DELF : Diplôme d’Etudes de Langue Française / DALF : Diplôme Approfondi de Langue Française
2
Le rapport de cette expérience « Mise en pratique des principes du CECR au Liban, Expérimentation menée
par l’Association Philanthropique Islamique Makassed et encadrée par le CCF » (05/11/2009) a été distribué
au stand de la Mission Culturelle Français au Liban durant le séminaire : « Le Cadre Européen Commun de
Référence pour les langues en contextes scolaires plurilingues : Le cas du Liban », qui s’est déroulé le 05 et le
06 novembre 2009 au Palais de l’UNESCO à Beyrouth.
3
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souligne le découragement des apprenants, des enseignants, des parents et des directeurs des
établissements scolaires vu les moyens déployés et les résultats obtenus. Suite à cela,
l’Association a décidé de mettre en application les compétences visées par le CECR et ce en
vue de l’Acquisition du DELF (Diplôme d’Etude de la Langue Française) et du DALF
(Diplôme Approfondi de la Langue Française), afin de valider le niveau linguistique des
apprenants. La mise en application du projet a suivi une progression dans les classes à partir
du CP (Classe Préparatoire) jusqu’au Baccalauréat. Le projet observe deux années d’arrêt
afin de préparer les apprenants aux épreuves officielles qui sont obligatoires au Liban: le
brevet en classe de EB9/3
èmeet le baccalauréat libanais pour les classes terminales (cf. tableau
5).
Année scolaire Etapes du projet
2006-2007
2007-2008
2008- 2009
2009-2010
Elaboration du projet et les préparatifs
Mise en application de la nouvelle méthodologie : CP, CE1, CE2 et CM1
Mise en application de la nouvelle méthodologie : CP, CE1, CE2, CM1 et CM2
Mise en application de la nouvelle méthodologie : 6
èmeTableau 5 : Calendrier de la mise en application du CECR (Makassed)
Selon le rapport, les résultats, à la fin de l’année scolaire 2008-2009, sont très encourageants
voire excellents puisque les notes des apprenants du CM1 et CM2 qui se sont présentés aux
examens DELF A1 et A2 en mai 2009 ont varié entre « 88 et 54 sur 100 en A1 et 87½et 58
en A2 ». Compte tenu des résultats, une révision des programmes est en cours actuellement
au sein de l’Association.
Le rapport souligne également que les bureaux pédagogiques des différentes associations des
écoles privées ainsi que du CRDP (Centre de Recherche Documentaire et Pédagogique)
attendent les résultats de cette expérimentation afin de prendre de nouvelles décisions
concernant l’enseignement de la langue française dans les établissements scolaires qui
dépendent de leur autorité.
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Chapitre 4. Introduction de l’informatique dans les
Dans le document
Usages et effets des TIC dans l'enseignement-apprentissage du français langue seconde : Un exemple au Liban
(Page 55-60)