Chapitre 6. Les TIC à l’école : pratiques et motivation
6.2 Aspects motivationnels de l’intégration des TIC en milieu scolaire
6.2.3 Intégration des TIC dans les pratiques pédagogiques
Depuis quelques années, chercheurs et pédagogues considèrent les TIC comme des outils au
service des projets pédagogiques. Elles transforment l’enseignement selon les méthodes
utilisées mais également selon les objectifs définis et les critères d’évaluation. Les TIC créent
avec l’enseignement une interaction, liée à leur dynamique même (Charlier, Daele, &
Deschryver, 2002).
Pour ces chercheurs, il est inutile d’imposer une utilisation des TIC en milieu scolaire sans un
travail au préalable concernant leur valeur ajoutée. Le choix technologique devrait être
explicité clairement, analysé à travers ses différentes utilisations et évalué afin de pouvoir
construire une démarche pédagogique appropriée au public ciblé mais également afin d’avoir
un usage des TIC adapté aux objectifs pédagogiques visés (Charlier et al., 2002). De là, la
nécessité de former les enseignants à une utilisation réfléchie et critique des TIC qui devrait
être au service d’un projet pédagogique et non le résultat d’un effet de mode éphémère.
L’intégration des TIC devrait dépasser le stade de fascination devant l’utilisation d’un nouvel
outil pour une utilisation pédagogique appropriée au public et aux objectifs visés. Ainsi,
chaque enseignant sera amené à construire lui-même les usages des TIC qui lui semble les
plus appropriés à la mise en place d’un projet pédagogique. Pour que ces usages soient
effectifs, cela suppose « que les enseignants (non pas individuellement mais en tant que
profession) se les soient appropriés, en aient une maîtrise notable et soient convaincus de leur
utilité, ce qui est encore loin d’être le cas » (Baron, 2000). De leur côté, Deschryver et
Charlier (2000, cité par Charlier et al., 2002) précisent que, pour atteindre cet objectif, les
enseignants seront amenés à développer des compétences diverses : technologiques,
pédagogiques, médiatiques, réflexives et sociales. Ces compétences leur permettront de
construire des usages des TIC nécessaires à l’élaboration d’un projet pédagogique et surtout
de pouvoir les réguler en cas de nécessité.
IsaBelle, Lapointe et Chiasson (2002) analysent la représentation des acteurs du processus
d’innovation et constatent que malgré un développement important, les TIC restent peu
exploitées en milieu scolaire. Les enseignants, malgré une utilisation personnelle, sont trop
hésitants quant à leur intégration dans leur classe. Certains facteurs influencent leur
utilisation et leur intégration réussie à l’école. Parmi ces facteurs, les auteurs évoquent le
soutien des directions et de l’administration, soutien qui devrait encourager les enseignants
tout au long du processus d’intégration. Les auteurs lient également l’intégration des TIC en
milieu scolaire à leur maîtrise par les enseignants et les directeurs et à l’usage qu’ils font
desdites technologies.
Un autre facteur important qui freine l’intégration des TIC en milieu éducatif est lié à la
présence de problèmes sur le plan de la pratique et de la recherche. Lieberman (1995, cité par
Deaudelin et al., 2002) souligne le fait que les situations d’apprentissage négligent souvent
l’expérience des participants et n’adoptent pas un apprentissage basé sur la création, la
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résolution de problèmes et les échanges avec les pairs. Moersch (1995, cité par Deaudelin et
al., 2002) considère que la formation offerte aux enseignants ne leur permet pas d’établir de
liens entre les technologies utilisées et les curricula. Elle ne prend pas non plus en
considération que tous les enseignants ne sont pas prêts à changer leurs pratiques
pédagogiques parce qu’il est dur de s’aventurer en terrain inconnu avec des technologies
encore mal maîtrisées. D’où la nécessité de penser autrement la formation professionnelle
des enseignants parce qu’elle est « un facteur clé de l’implantation d’une innovation comme
celle de l’intégration pédagogique des TIC » (Deaudelin et al., 2002). Cette formation devrait
se baser sur certaines caractéristiques des programmes de développement professionnel afin
de les rendre plus efficaces.
Abdal-Haqq souligne la présence de cinq facteurs dont la présence influence positivement la
formation professionnelle des enseignants. Pour ce chercheur, les programmes de
développement personnels devraient donner aux enseignants la possibilité de mener une
réflexion individuelle et collective au sujet de leurs pratiques pédagogiques. Ils devraient leur
permettre aussi de s’intégrer à leurs pratiques pédagogiques et de miser sur leurs
connaissances. D’autres facteurs seraient liés au fait que les programmes devraient
encourager les enseignants et les soutenir dans le processus de formation et d’intégration des
TIC, comme ils devraient leur permettre de profiter des approches constructivistes de
l’enseignement-apprentissage afin de pouvoir exploiter ainsi des séquences de
formation-pratique-rétroaction. Finalement, Abdal-Haqq souligne l’importance de considérer
l’enseignant en formation comme étant un apprenant adulte. Malheureusement, les
programmes de formation professionnelle des enseignants ne prennent pas en considération
ces facteurs. Du coup, leur impact reste très restreint par rapport à l’intégration des TIC en
milieu scolaire (Abdal-Haqq, 1996, cité par Deaudelin et al., 2002).
D’autres chercheurs soulignent que pour une utilisation efficace des TIC en milieu scolaire, il
est important que l’école, par l’entremise des enseignants, adopte vis-à-vis des TIC une
attitude qui favorise leur intégration et cela à travers un usage habituel, fréquent et
suffisamment régulier des technologies afin de produire une modification des pratiques
pédagogiques (IsaBelle et al., 2002). La même idée est déjà développée par Depover et
Strebelle qui pensent que l’école en favorisant un usage habituel et suffisamment régulier des
TIC modifie les pratiques pédagogiques et influence positivement l’apprentissage (Depover
& Strabelle, 1996).
Versini et Versini insistent également sur une utilisation fréquente et en continu de
l’ordinateur pour obtenir des résultats satisfaisants (A. Versini & J.-M. Versini, 1996). Cet
usage doit donner du sens à l’enseignement-apprentissage et sera accompagné de
modifications des pratiques pédagogiques bénéfiques pour les apprenants (Depover &
Strabelle, 1996). D’autres chercheurs mettent aussi en évidence l’importance d’inscrire le
processus d’intégration des TIC dans « un contexte à la fois organisationnel, structurel et
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culturel » (IsaBelle et al., 2002). Dans le cas contraire, l’introduction des TIC en milieu
scolaire aura peu d’effets et n’influencera pratiquement pas les pratiques pédagogiques des
enseignants ni les résultats scolaires.
« Une utilisation efficace des technologies éducatives crée un changement systémique,
c’est-à-dire un changement dans la culture de l’école. Les TIC amènent les apprenants à faire les
choses différemment. Elles amènent les enseignants à modifier leurs méthodes et leurs
stratégies d’enseignement. Elles amènent la communauté scolaire à adapter ses buts, ses
valeurs et ses croyances en regard de l’enseignement et de l’apprentissage afin de
s’accommoder à la nouvelle culture » (Maurer et Davidson, 1998, traduit et cité par IsaBelle
et al., 2002, p. 328).
Roberts et ses collaborateurs recommandent de garder présent à l’esprit deux points
essentiels concernant l’intégration pédagogique des TIC. Premièrement, la technologie doit
permettre d’exploiter des méthodes pédagogiques axées sur l’apprenant. Deuxièmement, elle
doit être intégrée au programme d’études. En se basant sur l’examen de projets pédagogiques
réussis fondés sur l’utilisation des TIC et sur les travaux de Meltzer et Sherman (1998), ces
chercheurs présentent dix commandements qu’ils considèrent importants comme facteurs de
succès :
– Créer une vision dynamique des TIC qui réponde à des questions axées sur
l’apprentissage et diffuser les résultats aux acteurs pédagogiques
– Fournir un soutien administratif à différents niveaux tels que l’accessibilité du matériel et
l’utilisation des technologies d’apprentissage
– Permettre aux enseignants de formuler clairement leurs besoins et leurs attentes
concernant leur perfectionnement professionnel
– Permettre aux enseignants d’avoir le temps afin d’apprendre à utiliser les TIC dans une
logique de formation-action-rétroaction et de pouvoir échanger entre eux sur leurs
pratiques de classe
– Concevoir une démarche pédagogique adéquate permettant la mise en application des
technologies grâce à une formation pratique et interdisciplinaire qui se base sur une
coopération entre les différents acteurs pédagogiques. Cette formation devrait répondre
aux besoins des enseignants et aux objectifs pédagogiques de l’école
– Faciliter un transfert réussi des apprentissages
– Insister sur les applications possibles de l’apprentissage au niveau de la classe
– Désigner un coordonnateur technique pour le suivi du projet
– Fournir du matériel et en faciliter l’accès
– Accorder du temps aux apprenants afin de manipuler librement les ordinateurs tout en
s'en servant à des fins pédagogiques (Roberts et al., 1998, p. 55).
Ces commandements permettent l’intégration des TIC dans la création de projets
pédagogiques réussis.
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Usages et effets des TIC dans l'enseignement-apprentissage du français langue seconde : Un exemple au Liban
(Page 117-120)