Chapitre 8. Première Expérimentation
8.1 Classes observées et modalités de travail
L’expérimentation que nous avons menée s’inscrit dans le cadre des activités et des projets
réalisés au CDI en collaboration avec des professeurs de différentes disciplines linguistiques
ou non linguistiques (DNL). Deux classes parallèles de EB6/6
èmede 27 et de 28 élèves ont été
choisies pour mener l’expérimentation. Les deux classes ont presque le même niveau, ont
suivi le même cursus scolaire, et ont les mêmes professeurs dans toutes les disciplines
enseignées.
Le groupe classe a toujours mené le projet en présence de deux professeurs : la
professeur-documentaliste et le professeur de la discipline (français, histoire ou sciences). La langue
retenue est la langue française même pour les disciplines non enseignées en français comme
1
Il faut prendre en considération que les élèves n’ont pas pu suivre l’expérimentation durant une quinzaine en
décembre à cause des vacances de Noël, ni en février à cause de l’examen semestriel, ni durant une quinzaine en
avril à cause des vacances de Pâques. Il faut également prendre en considération que les élèves font le contrôle
continu entre octobre, novembre et décembre puis entre mars, avril et mai ce qui réduit davantage le temps
consacré à notre expérimentation.
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par exemple l’histoire
1. Les élèves sont répartis en groupes de 4 ou 5 durant la réalisation des
tâches avec comme consigne de répartir les tâches entre eux et surtout de veiller à échanger
les rôles afin qu’une seule personne ne s’accapare pas un rôle précis. La démarche suivie avec
les deux groupes est exactement la même et elle est menée avec les mêmes professeurs. Seul
le support utilisé pour la présentation du produit final change : une présentation orale avec un
diaporama réalisé sur PowerPoint® pour la classe expérimentale, un panneau mural pour la
classe témoin.
Le groupe classe n’a jamais effectué une recherche documentaire au CDI
2. Les élèves ne
connaissent ni le système de rangement des documents ni le fonds documentaire existant,
encore moins le logiciel de gestion informatique
3. Aucun élève ne vient de l’extérieur de
l’école par contre, il y a deux ou trois élèves qui redoublent la classe de EB6. Les élèves ont
effectué ensemble la totalité de leur cursus scolaire dès la première classe de la maternelle
jusqu’à la classe de EB6
4. Tous se connaissent et ont pris l’habitude de travailler ensemble.
Par contre, ils ne sont pas initiés au travail de groupe, ni à la recherche documentaire et n’ont
jamais réalisé une présentation orale assistée ou non par ordinateur.
Le projet de recherche
5est présenté aux élèves, aux professeurs ou aux coordinateurs, comme
faisant partie du projet d’établissement afin que chacun se sente impliqué dans sa réalisation
et participe sérieusement à l’élaboration et à la réalisation de toutes les étapes. Même les
professeurs et les coordinateurs n’ont pas su qu’il s’agissait d’un projet d’expérimentation de
peur qu’ils n’interviennent d’une façon ou d’une autre pour changer les résultats de l’étude
6.
Par contre, à la fin de chaque étape, les résultats ont été communiqués à tout le monde,
professeurs et coordinateurs, pour que chacun puisse réguler sa démarche et d’apporter les
changements nécessaires à l’amélioration de sa démarche pédagogique.
1
Pour la professeure d’histoire, il s’agit de l’acquisition de compétences transversales donc la langue enseignée
n’a pas d’importance. Par contre, au niveau des contenus, elle a travaillé avec les deux classes sur la traduction
du lexique (du français vers l’arabe) afin de s’assurer de la compréhension et de l’acquisition des notions clés.
2
Depuis la mise en application des nouveaux programmes en 1998, la classe de EB6/6
èmefait partie du primaire.
Elle constitue la 3
èmeclasse du Cycle P2 (grand primaire). Dans l’établissement où se déroule cette étude, les
élèves de EB6 fréquentent plutôt le CDI (Centre de Documentation et d’Informations) que la BCD (Bibliothèque
Centre de Documentation) réservée plutôt pour le primaire, afin qu’ils s’initient plus tôt à la recherche
documentaire.
3
Le logiciel utilisé est BCDI3 de Poitiers. Il est également utilisé à la BCD afin de gérer uniquement le fonds.
Aucune initiation n’est donnée aux enfants afin qu’ils utilisent seuls le logiciel. Les élèves à la BCD se
contentent de consulter « la marguerite des couleurs » pour retrouver les documents dont ils ont besoin ou
choisissent au hasard les livres.
4
En effet, rares sont les élèves qui changent d’établissement scolaire dans les classes maternelles ou primaires
sauf en cas de problèmes liés aux études ou avec la direction ou des problèmes graves d’ordre financier. En plus,
la mobilité professionnelle n’existe quasiment pas au Liban et les gens ne circulent pas trop. Ils cherchent à
travailler presque toujours à côté de chez eux et quand il faut se déplacer, le trajet est effectué dans la journée.
Parfois, le père travaille à l’étranger mais les enfants restent au Liban avec leur mère ou leurs grands-parents et
sont scolarisés dans les établissements locaux.
5
Il est à souligner que le projet a été décidé en commun suite aux réunions des coordinateurs des différentes
disciplines. Certains coordinateurs ont beaucoup hésité avant d’effectuer leur choix. Nous avons pu convaincre
les hésitants de l’utilité de notre projet et nous avons orienté leur choix selon les besoins de notre étude. Le projet
a été finalement choisi à l’unanimité et il a été adopté par tous les professeurs.
6
Dans la majorité de cas, les professeurs travaillent dans un esprit de compétition et non de collaboration. Ils
sont encouragés, directement ou indirectement, par la direction qui tente ainsi de mieux contrôler tout le monde.
Cet état de chose influence énormément le climat de travail et les relations entre le personnel.
151
Les activités réalisées en groupe d’apprentissage favorisent l’amélioration des compétences
des élèves et l’acquisition de nouvelles connaissances. Il reste à savoir s’il est plus rentable en
termes de performance et de travail de constituer des groupes de collaboration homogènes ou
hétérogènes. Beaucoup de chercheurs se sont penchés sur la question et les résultats de leurs
études soulignent que l’apprentissage par collaboration est profitable pour les deux types de
groupes, homogènes et hétérogènes. La différence est observée au niveau des compétences
des élèves. En d’autres termes, les élèves de faibles compétences ont de meilleures
performances dans les groupes hétérogènes quelle que soit la variance sexe observée alors que
les élèves aux compétences élevées sont performants dans les deux groupes (Pudelko et al.,
2002).
Nous avons opté quant à nous pour une répartition en groupes hétérogènes au courant de
l’année scolaire 2008-2009 en suivant la technique préconisée par plusieurs chercheurs telle
qu’elle est présentée par Goupil et Lusignan. Cette technique consiste à répartir les élèves en
les classant en groupes en ordre décroissant selon leurs notes sur des travaux antérieurs.
Chaque élève se voit attribuer une lettre qui représente le groupe de travail puis d’inverser
l’ordre de numérisation (Goupil & Lusignan, 1993).
Pour mettre en application cette technique de formation des sous-groupes de travail, nous
avons choisi de classer les élèves en ordre décroissant selon la moyenne générale obtenue en
fin d’année scolaire précédente (2007-2008) en classe de EB5/CM2 puis de numéroter en
ordre descendant de A jusqu’à E (six sous-groupes) afin de pouvoir les grouper par la suite
chacun selon la lettre obtenue. Ainsi les élèves qui ont obtenu la lettre A sont groupés
ensemble, ceux qui ont eu la lettre B se retrouvent dans le même groupe et ainsi de suite. Le
même procédé a été utilisé pour les regrouper une deuxième fois pour le troisième projet mais
cette fois, le classement est effectué selon la moyenne générale obtenue en français. Puis, pour
la deuxième expérimentation (octobre – novembre 2010), le classement est effectué pour les
quatre classes (EB6/6
èmeet EB8/4
ème, pour la classe expérimentale et la classe témoin) selon la
moyenne obtenue en sciences (SVT) lors du premier contrôle continu de l’année scolaire en
cours (octobre 2010). Cette façon d’agir permet d’avoir dans chaque groupe des élèves ayant
des niveaux hétérogènes mais les groupes eux-mêmes sont homogènes et ont presque le même
niveau ou la même moyenne.
Viau énumère les principes qui permettent à l’enseignant de proposer à ses élèves des
activités d’apprentissage motivantes (Viau, 1997). Nous allons les examiner de plus près en
essayant d’expliquer comment nous les avons mis en application dans le cadre de notre
présent projet.
1. Une activité d’apprentissage doit responsabiliser l’élève en lui permettant de faire
des choix
Le sentiment de contrôlabilité est un élément déterminant de la motivation. L’enseignant doit
pouvoir s’effacer lors d’une activité d’apprentissage afin de permettre à l’élève d'exercer un
certain contrôle sur son apprentissage. L’élève doit avoir la possibilité d’effectuer des choix
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entre les procédures d’apprentissage qu’il aimera mettre en place ou les ressources
documentaires qu’il voudra consulter. Les élèves ont libre accès au fonds documentaire
existant au CDI et sont en mesure de consulter des documents numériques en ligne ou hors
ligne. Ils ont aussi la possibilité de choisir la démarche qui leur semble la plus adéquate pour
trouver les informations dont ils ont besoin pour la réalisation de l’activité d’apprentissage. Ils
ont également la liberté de monter leur présentation comme bon leur semble. Aucun plan de
travail n’est fourni aux élèves. Chaque groupe est sensé réaliser le sien. Les élèves sont
également invités à faire preuve d’originalité en présentant leur projet à l’ensemble de la
classe.
2. Une activité d’apprentissage doit être pertinente sur les plans personnel, social et
professionnel
Il est essentiel que les élèves perçoivent la valeur d’une activité pour qu’ils soient motivés à la
réaliser. Pour cette raison, le point de départ du projet a consisté à permettre aux élèves de
souligner eux-mêmes leurs lacunes et à préciser leurs besoins des compétences à acquérir afin
de pouvoir mener convenablement leur apprentissage. En effet, le choix d’une activité
d’apprentissage se basant sur la recherche documentaire n’est pas gratuit. Il s’agit d’une
activité dont les élèves auront besoin tout le long de leur cursus scolaire et plus tard
universitaire et professionnel vu la quantité d’informations auxquelles ils doivent faire face.
Pour cette raison, il nous semble que cette activité avec ses deux côtés, la recherche
documentaire et la présentation orale, peut s’inscrire dans une démarche de valorisation
puisqu’elle permet aux élèves d’acquérir des compétences dont ils auront besoin tout au long
de leur vie.
3. Une activité d’apprentissage doit être exigeante sur le plan cognitif
Il est important pour l’élève d’avoir une opinion positive quant à sa compétence à accomplir
une activité. Afin d’atteindre cet objectif, il faut que l’activité à réaliser soit complexe et
exigeante au niveau cognitif. Sa réalisation nécessite également la mise en place de stratégies
d’apprentissage et d’autorégulation. Dans notre cas, l’activité proposée aux élèves nécessite
de leur part de mobiliser connaissances et stratégies puisqu’il leur faut planifier, chercher,
analyser, trier, classifier et organiser les informations. Il leur est également demandé de
reformuler et de communiquer les résultats de leur projet à l’ensemble du groupe classe. En
réussissant une activité de telle envergure, l’élève aura une meilleure opinion de ses
compétences, ce qui constitue un élément de motivation pour qu'il s’investisse davantage dans
les activités d’apprentissage proposées en classe.
4. Une activité d’apprentissage doit être interdisciplinaire
Les chercheurs soulignent l’importance de baser les activités d'apprentissage sur la vie
courante où il est souvent nécessaire de recourir à plusieurs types de connaissances afin de
résoudre un problème. Longtemps, les activités scolaires ont été cloisonnées chacune dans un
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domaine spécifique et disciplinaire. L’enseignement parcellaire ne permet guère à l’élève de
s’épanouir et de donner sens à son apprentissage. L’intérêt de notre projet consiste
précisément dans le fait qu’il est interdisciplinaire. Sa réalisation exige de la part des élèves
l’utilisation de connaissances diverses acquises dans des domaines diversifiés. Que ce soit des
compétences liées à la recherche documentaire (recherche et choix de documents, tri
d’informations), des compétences linguistiques (reformulation et rédaction du plan et des
contenus) et technologiques (réaliser la présentation sur PowerPoint® en utilisant à bon
escient les différentes options de base pour la classe expérimentale) ou des connaissances
scientifiques ou historiques… tout cela permet à l’élève de travailler en interdisciplinarité afin
de mieux réaliser les activités d’apprentissage demandées.
5. Une activité d’apprentissage doit être productive
Toute activité d’apprentissage doit aboutir à un produit final, concret et identifiable. Ce
produit donne un autre sens à l’apprentissage : de parcellaire et fragmenté, il devient un tout
cohérent et motivant pour les élèves. Dans notre cas, il s’agit de réaliser une présentation orale
assistée par ordinateur en utilisant le logiciel PowerPoint® pour la classe expérimentale et un
panneau mural pour la classe témoin. Pour cela, les élèves doivent élaborer toutes les étapes
du produit depuis sa conception jusqu’à sa réalisation. Cela leur permet de donner du sens à
leur apprentissage et surtout de réaliser l’intérêt des activités scolaires qu’on leur demande. La
participation active des élèves à la réalisation du produit n’est pas uniquement souhaitée mais
elle doit être exigée et encouragée par l’enseignant. Ainsi, les élèves réalisent mieux l’intérêt
des travaux scolaires qui deviennent source de plaisir et de motivation pour l’apprentissage.
6. Une activité d’apprentissage doit représenter un défi pour l’élève
Il est conseillé que les activités d’apprentissage ne soient pas trop routinières afin de susciter
l’intérêt des élèves. Leur réalisation doit « représenter pour les élèves un défi à relever »
(Viau, 1997). Si Viau conseille l’utilisation des jeux vidéo et des simulations dans le contexte
scolaire afin de stimuler la motivation des élèves, nous avons choisi de réaliser notre activité
d’apprentissage dans un cadre différent de celui de la classe traditionnelle. Pour les élèves, le
fait de travailler l’intégralité de l’activité au CDI a constitué une rupture dans le quotidien
routinier de la classe. A cela s’ajoute la liberté, pour les élèves, de rechercher des documents
susceptibles de répondre à leur questionnement. Pour une fois, ce n’est pas l’enseignant qui
est l’unique source de l’information, mais grâce à la présentation orale, les élèves ont la
possibilité de simuler le rôle de l’enseignant et cela pour expliquer une notion, répondre aux
questions posées ou apporter une information supplémentaire. Ils doivent également expliquer
la démarche qu’ils ont suivie afin de réaliser leur activité. A la fin, en confrontant leurs notes
ils ont pu reconstituer et restituer toutes les informations fournies durant les différentes
présentations.
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7. Une activité d’apprentissage doit permettre aux élèves d’interagir
L’activité d’apprentissage dont il est question est réalisée grâce au travail de groupe. Les
élèves sont répartis en quatre ou cinq membres par groupe. Tout le long de l’activité, ils
doivent discuter ensemble, échanger leurs points de vue, accepter des compromis, se mettre
d’accord sur la démarche à suivre, sur le contenu… pour que l’activité puisse avancer.
Certaines activités ont commencé par un travail individuel comme par exemple l’élaboration
d’un plan de travail ou le tri d’informations et la reformulation. Par la suite, les élèves, par
petits groupes, ont présenté leurs idées et comparé leurs techniques, ils ont négocié les
contenus afin de trouver un compromis satisfaisant pour tout le monde. A plusieurs reprises,
ils ont dû compléter leur travail par un retour aux documents d’origine afin de s’assurer des
contenus ou pour mettre fin à un litige. Cette interaction continuelle a permis,
malgré certaines difficultés au début, d’améliorer la motivation des élèves face à l’activité
d’apprentissage.
8. Une activité d’apprentissage doit se dérouler dans une période de temps suffisante
Il est normal que la réalisation d’une activité d’une telle envergure exige du temps pour être
menée à bon terme. Il faut accorder du temps aux élèves pour qu’ils puissent la réaliser dans
les meilleures conditions et surtout il faut qu'ils aient du temps pour un retour en arrière
concernant chaque étape de l’activité en cours. Il est également vrai que dans une situation
d’enseignement-apprentissage les enseignants se trouvent toujours harcelés par l’horaire
puisque les matières sont découpées en petites séances sans relations entre elles. Grâce à
l’interdisciplinarité, l’activité d’apprentissage a gagné non seulement du sens mais également,
en volume horaire. L’activité d’apprentissage est répartie entre plusieurs disciplines et la
réalisation de chaque étape a nécessité l’intervention de plusieurs professeurs. Ainsi, les
élèves ont disposé d’assez de temps pour bien assimiler ce qu’on leur demande de faire et par
la suite, ils ont pu mettre à exécution la réalisation de l’activité.
9. Une activité d’apprentissage doit comporter des consignes claires
Viau ajoute une dernière condition nécessaire à la motivation des élèves. Elle concerne la
clarté des consignes (Viau, 1997). Selon ce chercheur, une consigne claire et précise permet
d’entretenir la motivation des élèves. Elle les aide également à persévérer dans
l’accomplissement d’activités complexes nécessitant un investissement assez important en
temps et en énergie. Par contre, une consigne vague risque de démotiver les élèves puisqu’ils
sont dans l’incapacité de savoir ce qu’on leur demande de faire, ce qu’on attend d’eux et
surtout quel produit final ils doivent réaliser. Dès le départ, nous avons élaboré avec les élèves
l’activité d’apprentissage en précisant d’emblée le produit final attendu ainsi que les étapes de
réalisation du projet et les critères d’évaluation. A chaque séance, les élèves commencent par
pointer les étapes réalisées, la démarche suivie et ce qui reste encore à faire pour terminer
l’activité. Cela a évidemment pris du temps, mais a permis aux élèves de savoir toujours où ils
en étaient dans la réalisation de leur activité d’apprentissage.
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Dans le document
Usages et effets des TIC dans l'enseignement-apprentissage du français langue seconde : Un exemple au Liban
(Page 150-156)