Chapitre 5. Cadre de références
5.2 La perspective actionnelle
5.2.3 Le scénario d’apprentissage-action
Pour atteindre un bon degré de maîtrise de la langue, il est important d’introduire des
activités complexes permettant des échanges fructueux entre les apprenants dans une
démarche de construction des connaissances. D’où l’importance de la notion de scénario
d’apprentissage-action présenté par Bourguignon. De quoi s’agit-il au juste ?
5.2.3 Le scénario d’apprentissage-action
En se basant sur les orientations du CECR, Bourguignon définit le scénario
d’apprentissage-action comme « une simulation basée sur une série de tâches communicatives, toutes
reliées les unes aux autres, visant l’accomplissement d’une mission plus ou moins
complexe par rapport à un objectif. Cette série d’activités amène à la réalisation de la
tâche finale
1» (Bourguignon, 2007). Pour elle, le « scénario » est formé d’une mission ou
d’un projet que l’apprenant doit réaliser et qui sert de « trame au processus d’apprentissage,
tout en orientant les activités d’apprentissage proposées par l’enseignant ». Il cherche à
atteindre trois objectifs :
- « réactiver des connaissances acquises
- définir les connaissances nécessaires
- construire de nouvelles connaissances dans l’action en prenant conscience des manques »
(Bourguignon, 2009).
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L’accomplissement de la mission donne du sens à la tâche que doit réaliser l’apprenant.
Toujours selon Bourguignon, la tâche est composée d’une succession de micro-tâches se
basant sur des activités de communication langagières : les activités de réception (lire ou
écouter), l’interaction orale (ou écrite si on utilise le courriel ou le clavardage) et les activités
de production (parler et écrire). Elle insiste également sur l’importance de la notion de
« succession », notion essentielle afin de faire « disparaître la possibilité d’action
«
gratuite
»».
Les tâches se basant sur les activités de communication langagière, se succèdent en ordre et
sont au service de la réalisation de la mission ou du projet. Leur utilisation et leur maîtrise
nécessitent des tâches d’apprentissage à part entière puisqu’elles exigent des compétences
spécifiques. Bourguignon souligne également l’impossibilité d’approfondir et de maîtriser
toutes ces activités langagières dans le cadre d’une séquence pédagogique. Néanmoins, il est
important que toutes ces activités aient leur place dans le cadre de la mission à accomplir et
que les activités de réception puissent mener aux activités de production puisqu’«il ne peut y
avoir de production sans recherche d’informations auparavant et c’est bien en organisant les
informations qu’il a trouvées que l’apprenant-usager va pouvoir faire le choix que lui impose
sa mission » (Bourguignon, 2007).
La mise en place d’un scénario-action doit prendre en considération les compétences de
l’apprenant au départ et celles que l’enseignant compte lui faire acquérir suite à la réalisation
de la mission, les difficultés des textes et des activités de communication auxquelles
l’apprenant doit faire face en cours de mission ou à travers la réalisation des micro-tâches. La
difficulté et la complexité des tâches dépendent du niveau linguistique de l’apprenant.
Le scénario d’apprentissage-action donne du sens à l’apprentissage parce qu’il permet aux
apprenants de comprendre les objectifs de l’apprentissage d’une langue et surtout leur font
prendre conscience de l’utilité et de l’importance de la langue en dehors du contexte scolaire
comme véhicule de connaissances et d’informations mais également comme outil de
communication, d’analyse, de négociation… afin de mener à bon terme un projet, d’atteindre
un objectif ou de résoudre un problème. Il ne s’agit plus d’une activité artificielle comme
dans le cas des activités de communication langagière en classe de langue, mais plutôt d’une
activité permettant à l’apprenant d’aborder un problème complexe, de l’étudier et de
l’analyser afin de choisir les outils appropriés pour pouvoir réaliser la tâche qui lui est
assignée. Le scénario d’apprentissage-action donne à l’apprenant la possibilité de trouver
lui-même une méthode de travail et de construire ainsi son apprentissage.
Bourguignon relève trois objectifs pour l’apprentissage par l’action. Tout d’abord, il permet
de réactiver les connaissances antérieures puisque l’apprentissage n’est pas une action qu’on
recommence toujours à partir de zéro, puis de définir les connaissances nécessaires dont
l’apprenant a besoin pour réaliser la tâche et finalement, il permet de construire de nouvelles
connaissances tout en prenant conscience des acquis effectués à chaque étape de la
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réalisation du scénario mais également des lacunes à combler. « Le scénario
d’apprentissage-action vise à développer des compétences, c’est-à-dire l’aptitude à mobiliser des
connaissances correctes et pertinentes par rapport à un problème posé qui nécessite de faire
un choix »(Bourguignon, 2006).
L’intérêt du scénario d’apprentissage-action est de donner du sens à l’apprentissage et
d’impliquer les apprenants dans leur apprentissage puisqu’il exige d’eux qu’ils mobilisent les
connaissances acquises dans une production orale ou écrite. Il les motive également et suscite
leur intérêt, il exige d’eux de s’atteler à la résolution d’un problème nécessitant un
investissement important en temps et en activités. Il permet également de réunir les
différentes disciplines autour d’un scénario intéressant et fédérateur, ce qui décloisonne les
apprentissages et suscite un regain d’intérêt de la part des apprenants pour l’apprentissage
devenu ainsi plus cohérent et plus motivant.
La progression des apprenants et leur passage d’une tâche à l’autre les rapprochent de
l’objectif final à atteindre. L’apprenant passe ainsi d’un premier niveau de compétences qui
est le sien en situation de départ pour atteindre un niveau de compétences plus avancé à la fin
de la mission. La construction des apprentissages et l’acquisition des compétences se font à
travers les micro-tâches proposées tout au long de la mission à accomplir. Il ne s’agit plus
d’un apprentissage parcellaire et fragmenté mais d’un tout cohérent et bien organisé. La
gratuité de l’apprentissage n’a pas de place dans un scénario d’apprentissage-action qui
donne tout son sens à l’apprentissage et réactive la motivation des apprenants pour
l’apprentissage d’une langue dans toute sa richesse. Le scénario d’apprentissage-action
permet également à l’apprenant de communiquer et d’agir en langue-cible et ce afin de mieux
la pratiquer, l’apprendre et la maîtriser.
Le scénario d’apprentissage-action se base donc sur l’accomplissement d’une mission
« contextualisée », liée de ce fait à une thématique. « Ceci veut dire que pour accomplir sa
mission, l’apprenant devra retenir les informations d’ordre culturel nécessaires à
l’accomplissement de sa mission» (Bourguignon, 2007). Afin d’atteindre cet objectif,
l’enseignant commence par rassembler des textes contenant des informations autour du
thème choisi, lui permettent de tracer les grandes lignes de la mission à accomplir.
Le choix des textes est dicté par leurs difficultés langagières et leur potentiel d’informations.
Cela signifie que ce choix se base sur le niveau linguistique des apprenants et leur éventuelle
possibilité à les comprendre et les exploiter malgré leur différence de niveaux et
l’hétérogénéité des groupes. Les textes doivent également être complémentaires au niveau
des informations fournies pour qu’ils puissent permettre à l’apprenant de s’acquitter de sa
mission et de réussir la tâche qui lui est assignée. L’étape suivante sera pour le professeur de
définir les objectifs langagiers à atteindre par l’apprenant à travers la réalisation de la mission
qui passe par la production. Bourguignon souligne que « le type de production demandée
devra correspondre à l’aptitude d’un élève du niveau visé» (Bourguignon, 2007).
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Délimiter les objectifs à atteindre et les éléments à évaluer permet à l’enseignant de mieux
viser les éléments qui feront ainsi l’objet de l’apprentissage et permet également à
l’apprenant d’avancer dans son apprentissage tout au long de la réalisation du scénario.
L’enseignant doit être vigilant afin de pouvoir repérer les difficultés linguistiques
susceptibles d’entraver la compréhension des textes et la collecte d’informations. Pour cette
raison, il doit mettre en place des activités d’aide afin de pallier tout manque de techniques
de travail et de connaissances préjudiciables à la réalisation de la tâche. La recherche
d’informations plus que le support lui-même devient une étape importante de l’apprentissage
de la langue « En préparant un scénario d’apprentissage-action, ce n’est pas tant le
support qui doit faire l’objet d’une analyse approfondie, que la mission qui est
demandée, car c’est elle qui va guider de manière intégrée les tâches communicatives
demandées
1aux élèves en relation avec les activités de communication langagière qui seront
les unes après les autres au service de l’accomplissement de la tâche finale » (Bourguignon,
2007).
Selon Bourguignon, cette démarche permettra à l’enseignant de « concevoir sa séquence
selon un processus et non plus autour d’un
«produit
»» et à l’apprenant de concevoir
l’apprentissage comme un tout et non comme des éléments détachés ou des disciplines
cloisonnées chacune dans une tranche d’horaire qui lui est allouée. Le scénario
d’apprentissage-action motive l’apprenant dans la réalisation de la tâche parce qu’il s’agit
d’une activité qui s’inscrit dans la durée, à travers différentes disciplines et dont l’exécution
donne du sens à l’apprentissage.
Dans le document
Usages et effets des TIC dans l'enseignement-apprentissage du français langue seconde : Un exemple au Liban
(Page 88-91)