• Aucun résultat trouvé

Conclusion du chapitre

Chapitre 2 : Entre utilitarisme et archéologisme : le presbytère en Révolution

3.2. Le « système de Paris » face au droit canonique : statuts des chapitres et « question capitulaire » au XIX e siècle

3.2.1. Le « système de Paris »

L’ordo canonicus à l’époque concordataire se présente au premier abord comme un monde homogène, marqué par l’uniformité des statuts donnés par les évêques à leurs chapitres. En 1823, au moment d’approuver les statuts des chapitres des diocèses nouvellement érigés, le ministre de l’Intérieur peut ainsi parler de « statuts communs à tous les diocèses3 ». Il faut remarquer tout d’abord que tous les évêques sans exception ont érigé un chapitre dans leur cathédrale. Malgré les réticences qu’il exprimait à la veille du Concordat, Mgr Champion de Cicé, devenu archevêque d’Aix, établit rapidement un chapitre métropolitain4. C’est le cas également des évêques anciens constitutionnels. Certes, la conduite des prélats rapidement et pleinement rétractés, qui ne sont plus constitutionnels que « pour mémoire5 », tels Charrier de La Roche, puis, après 1803-1804, Leblanc de Beaulieu ou Primat, peut sembler peu significative. Cependant, les anciens constitutionnels qui persistent dans leur refus de rétracter purement et simplement leur adhésion à la Constitution civile du clergé ne se distinguent pas sur ce point du reste de l’épiscopat de 1802. Claude Le Coz, difficilement et tardivement rétracté6, ou Jean-Pierre Saurine, évêque de Strasbourg, qui proteste hautement de sa non-

1 L’intégralité des questions posées en juillet 1813 à Pie VII est reproduite ibid., p. LXXXIX. 2 Ibid., p. XLVIII.

3 A.N., F1938172, Lettre du ministre de l’Intérieur au grand aumônier, 4 septembre 1823. 4 L. LEVY-SCHNEIDER, op. cit., p. 200, 443.

5 J. LEFLON, Étienne-Alexandre Bernier, t. I, op. cit., p. 238. 6 A. LATREILLE, Napoléon et le Saint-Siège, op. cit., p. 356-359.

176

rétractation même après le sacre de Napoléon1, érigent leur chapitre dans les premiers mois de la réorganisation2. Bien que le chapitre d’Angoulême ne soit officiellement constitué que le 25 novembre 18083, sa formation tardive ne résulte pas de réticences de Mgr Lacombe vis-à-vis de l’institution capitulaire, mais de la difficulté du prélat à se conformer aux attentes du gouvernement. En effet, l’évêque propose dès le 2 avril 1803 une première liste de chanoines à l’agrément des autorités4, ce qui témoigne de sa volonté d’établir un chapitre dans les mêmes délais que les autres évêques. À Dijon, l’ancien curé syndicaliste Mgr Reymond, qui n’a pourtant rien renié de ses engagements constitutionnels, fait connaître dès l’été 1802 à ses diocésains son intention d’établir un chapitre5 et permet même à ce dernier de reprendre dès 1803 les armes de l’ancien chapitre6.

Les directives de Caprara expliquent probablement le ralliement de l’ensemble de l’épiscopat au projet de restauration de l’ordo canonicus. Mgr de Dampierre, évêque de Clermont, mentionne ainsi explicitement les facultés qui lui ont été déléguées par le légat et le décret exécutorial du 9 avril 18027, tandis qu’à Soissons Mgr de Beaulieu déclare agir « pour [se] conformer aux décrets apostoliques [qu’il a] reçus avec respect8 ». Mgr Simon, évêque de Grenoble, se réfère non seulement aux lois canoniques et aux décrets du concile de Trente, mais aussi aux demandes qui lui ont été faites par Pie VII9. Les injonctions romaines ont donc été suivies d’effets. Certes, un mémoire qu’André Latreille estime d’origine épiscopale, remis au pape en septembre 180410, déplore le fait que « dans certaines églises il n’y a point de chapitre proprement dit11 ». Toutefois, l’inexistence des chapitres dans certains diocèses paraît liée non au refus d’obéir aux injonctions de Caprara, mais principalement à des retards ou à des difficultés dans l’exécution du Concordat, comme le montre le cas du chapitre d’Angoulême, dont la formation tardive et laborieuse a généré de volumineux dossiers qui éclairent les tâtonnements qui marquent l’organisation des chapitres.

Les projets soumis par Mgr Lacombe à Portalis montrent en effet que l’uniformité qui

1 Fernand L’HUILLIER, « La doctrine et la conduite d’un évêque concordataire ci-devant assermenté : Saurine »,

Revue historique, t. CLXXXV, 1989, p. 286-317.

2 V. PETIT, Catholiques et Comtois, op. cit., p. 43 ; B. XIBAUT, La cathédrale de Strasbourg, op. cit., p. 48. 3 A.D. 16, 2V12, Ordonnance de Mgr l’évêque d’Angoulême, 25 novembre 1808.

4 A.E. 16, Lettre du ministre des Cultes à l’évêque d’Angoulême, 2 floréal an XI.

5 B.E.P.D., L21630, Lettre circulaire de M. l’Évêque de Dijon, an X (dimanche de la Trinité 1802), p. 11. 6 Jean-Pierre ROZE, Saint-Bénigne de Dijon depuis la Révolution, Éditions Universitaires de Dijon, Dijon, 2015,

p. 82.

7 A.N., F193810, Ordonnance de M. l’évêque de Clermont pour l’érection d’un Chapitre dans son Église Cathédrale,

23 brumaire an XI.

8A.E. 2, 5D1/1803, Constitution et statuts généraux du chapitre de l’église cathédrale de Soissons, 29 août 1803.

9 A.E. 38, Décret d’érection de l’Église de Grenoble, avril 1802. 10 A. LATREILLE, Napoléon et le Saint-Siège, op. cit., p. 364. 11 A.S.V., Ep. Nap. Francia 4, fasc. 6, Mémoire, s. d. [1804].

177

caractérise le monde capitulaire au XIXe siècle ne s’est pas imposée dès les premiers mois du Concordat, mais résulte des pressions exercées sur les évêques par l’administration des Cultes. Bien qu’en l’absence d’une proposition de statuts ou d’une justification claire des choix de l’évêque, il soit impossible d’en avoir la certitude, l’ancien métropolitain constitutionnel de Bordeaux semble dans un premier temps avoir voulu tenter de placer son nouveau chapitre dans le sillage des conseils épiscopaux et des presbytères constitutionnels. Le 12 germinal an XI, le

prélat propose en effet un chapitre composé de deux vicaires généraux et dix chanoines, soit douze membres. Ce chiffre, alors que le gouvernement limite à huit le nombre des canonicats titulaires, conduit Portalis à rejeter le premier projet épiscopal1. Mais surtout, l’évêque, dans la deuxième liste qu’il soumet au ministre, fait figurer parmi les membres titulaires de son chapitre trois curés en titre, l’un cumulant les fonctions curiales avec le vicariat général, les deux autres avec le canonicat. Si les ecclésiastiques sans charge d’âmes restent majoritaires, la composition du chapitre rend manifeste la volonté de Mgr Lacombe de faire entrer dans son conseil des curés en exercice. Le prélat semble ainsi s’efforcer de poursuivre les expériences constitutionnelles, qu’il déborde même en faisant entrer dans son chapitre non seulement deux curés de la ville épiscopale, mais encore un curé de Dordogne peu susceptible d’assister régulièrement au chœur.

Cette deuxième liste se heurte à un nouveau refus de Portalis, qui reproche à l’évêque d’anéantir son chapitre en même temps qu’il le crée et lui demande donc de réformer encore la composition de son chapitre pour la rendre conforme aux vues du gouvernement2. Sous la pression des autorités, Mgr Lacombe consulte au début de l’année 1807 six chapitres, qui lui font alors connaître leurs usages. Ainsi, la norme concordataire s’élabore certes sous la direction de l’administration des Cultes, mais dans un échange entre diocèses qui favorise l’uniformisation des pratiques. Mgr Lacombe semble s’être logiquement tourné tout d’abord vers les chapitres des diocèses voisins de Bordeaux, de La Rochelle, de Limoges et de Poitiers, tandis que la correspondance avec le chapitre de Soissons peut s’expliquer par l’appartenance de Mgr de Beaulieu au groupe des anciens constitutionnels et celle avec le chapitre de Rennes3 à la présence en son sein du chanoine Joseph-Élisabeth Lanjuinais, frère de l’ancien président du Comité ecclésiastique de la Constituante, membre du conseil épiscopal de Le Coz et

1 A.E. 16, Lettre du ministre des Cultes à l’évêque d’Angoulême, 2 floréal an XI.

2 A.E. 16, Lettre du ministre des Cultes à l’évêque d’Angoulême, 1er complémentaire an XII.

3 A.D. 16, 2V12, Extrait des statuts de chapitres cathédraux, s. d. ; Lettre de l’abbé Talendier, chanoine de Limoges,

14 février 1807 ; Usages du diocèse de Soissons, s. d. ; Questions posées à Messieurs les chanoines de Poitiers par les chanoines d’Angoulême, s. d. ; Questions posées à Messieurs les chanoines de Limoges, s. d. ; Questions posées à Messieurs les chanoines de Bordeaux, s. d.

178 secrétaire du concile national de 17971.

Toutefois, lorsque le 25 novembre 1808 l’évêque donne enfin des statuts à son chapitre, il se conforme finalement en tout aux statuts du chapitre de Paris, qui lui ont été communiqués probablement par Portalis le 30 janvier 18072. En effet, à l’époque du Concordat, Bonaparte, dans l’esprit des articles organiques, désire obtenir une uniformité de statuts dans toutes les cathédrales de France. En 1841, lors du conflit qui les oppose à Mgr Affre3, les chanoines de Paris n’hésitent pas, pour ôter toute valeur canonique aux statuts qu’ils contestent, à leur prêter une origine toute civile en attribuant leur rédaction à Portalis lui-même4. L’orientation résolument épiscopale, entièrement conforme aux articles organiques, des statuts parisiens peut rendre vraisemblable cette attribution. Mgr Affre lui-même, bien qu’il juge l’assertion des chanoines insultante pour le cardinal de Belloy, se contente de répondre que le véritable rédacteur importe peu dès lors que les statuts ont été publiés en vertu de la délégation du Saint-Siège et revêtus de la signature de l’archevêque5. Cependant, pour le chanoine de Sambucy, la rédaction des statuts parisiens, destinés à être adoptés par l’ensemble des cathédrales de France, n’est pas l’œuvre du chargé des Cultes de Bonaparte, mais de l’abbé Bernier, alors évêque nommé d’Orléans :

Ce travail devait être confié à une réunion d’évêques choisis ; mais malheureusement l’abbé Bernier, toujours aux aguets dans les bureaux du gouvernement, s’empara de cette affaire, et s’élevant au-dessus de tout, comme aux armées de la Vendée, sans égard pour les règles canoniques et sans consulter les statuts d’aucune Église, il dressa un projet de code capitulaire, et il y porta son esprit de domination jusqu’au scandale6.

Cette version des faits, qu’adopte l’abbé Pelletier7, est corroborée par l’influence considérable exercée par Bernier dans l’organisation de la métropole de Paris avant sa prise de possession du siège d’Orléans8, ainsi que par son implication, à la même époque, dans les projets d’uniformisation des pratiques de l’Église de France, par exemple en matière liturgique9, même s’il est possible que cette implication ait précisément poussé les auteurs de tendance

1 L’Ami de la Religion, vol. LXXXIV, 1835, n°2427, p. 288-289. Voir aussi Michel LAGREE, « Rennes », dans

L’Église de France et la Révolution. Histoire régionale. 1. L’Ouest, op. cit., p. 54.

2 A.D. 16, 2V12, Copie des statuts du chapitre de Paris, 30 janvier 1807.

3 Claude SAVART, « Monseigneur Affre et le chapitre de Notre-Dame », RHEF, t. LXXXVIII, 2002, p. 429-437. 4 A.S.V., Nunz. Parigi 58, Mémoire des chanoines de Paris à Mgr Affre, 25 mars 1841.

5 A.S.V., Nunz. Parigi 61, Principes sur les droits des Chapitres pendant la vie de l’Evêque, par l’archevêque de

Paris, s. d. [1843].

6 Louis de SAMBUCY, De l’harmonie des évêques avec leurs chapitres, Gustave Martin Libraire, Paris, 1845, p. 96. 7 V. PELLETIER, Des chapitres cathédraux en France, op. cit., p. 62.

8 Alfred MEYER, L’abbé Bernier. Apôtre de la Vendée, négociateur du Concordat, évêque d’Orléans, Presses

Universitaires de France, Paris, 1923, p. 229.

9 « Je suis chargé d’un travail immense celui de la redaction de la nouvelle Lithurgie Gallicane » (A.S.V., Ep. Nap.

179

romaine à lui prêter, comme figure par excellence du despotisme épiscopal, l’ensemble des mesures qu’ils jugent gallicanes et anticanoniques1. L’attribution à Bernier des statuts parisiens est du moins conforme aux principes de son administration épiscopale, qui excluent tout partage de l’autorité entre le prélat et les chanoines2. En effet, les statuts donnés par le cardinal de Belloy à son chapitre le 7 mai et approuvés par les consuls le 2 août 18023 consacrent le pouvoir absolu de l’évêque sur le chapitre.

Article 8. Les chanoines ne forment point un corps particulier, et ne s’assemblent jamais pour délibérer sans la permission de l’évêque.

Article 9. L’évêque préside les assemblées du chapitre, soit par lui-même, soit par l’un de ses vicaires généraux par lui commis à cet effet.

Article 10. Il détermine les matières qui sont mises en discussion et demande l’avis des chanoines sans être astreint à s’y conformer.

Article 11. Il nomme seul aux différens titres dans la cathédrale et aux différentes fonctions qui s’y exercent.

Article 12. Les chanoines lui donnent connaissance des abus, et ne peuvent, dans aucun cas, les réformer par eux-mêmes4.

Pour l’abbé Pelletier, les statuts parisiens se réduisent ainsi à un « article unique, savoir, que tout à la métropole demeure entre les mains du prélat5 ». Pour l’abbé de Sambucy, Bernier, « au mépris des lois canoniques, devait bientôt inscrire sur sa bannière : Le chapitre,

c’est moi6 ». La nomination aux canonicats, mais aussi aux autres fonctions de la cathédrale, tant ecclésiastiques que laïques, appartient désormais exclusivement à l’évêque, qui peut à son gré empêcher le chapitre de se réunir. L’ordre des offices lui-même dépend désormais de la décision du prélat. Si la volonté d’accroître le pouvoir de l’évêque est évidente, il est également possible de voir dans les statuts du chapitre de Notre-Dame une tentative de réponse aux critiques qui visaient les chapitres à la fin de l’Ancien Régime. Il était reproché aux chapitres de s’être séparés des évêques ; désormais, le chapitre n’est reconnu comme corps qu’en tant qu’il est uni à l’évêque qui en est la tête. Les statuts parisiens prennent également le contrepied de la pratique, souvent dénoncée avant la Révolution, des chanoines qui excluaient l’évêque de leurs assemblées capitulaires. Au contraire, les chanoines du Concordat ne peuvent s’assembler pour délibérer sans être convoqués par l’évêque ou par le grand vicaire commis à cet effet. Les

1 Il est ainsi possible de remarquer que V. PELLETIER, Des chapitres cathédraux en France, op. cit., p. 3-4, ménage

Portalis et son œuvre alors qu’il accable Bernier et, plus généralement, les évêques qu’il juge gallicans.

2 J. LEFLON, Étienne-Alexandre Bernier, t. II, op. cit., p. 307-308. 3 J.-O. BOUDON, « La reconstruction concordataire », loc. cit., p. 416.

4 La version des statuts parisiens ici reproduite est celle des statuts du chapitre de Versailles (A.E. 78, IV/A1), qui

se conforment avec exactitude à la rédaction parisienne.

5 V. PELLETIER, Des chapitres cathédraux en France, op. cit., p. 60. 6 L. de SAMBUCY, De l’harmonie, op. cit., p. 97.

180

statuts de Paris réalisent ainsi de vieilles aspirations épiscopales gallicanes qu’il aurait été impensable de remplir sans la destruction révolutionnaire de l’ancienne organisation ecclésiastique. Le chapitre concordataire est incontestablement le chapitre de l’évêque.

La décision du cardinal de Belloy de faire des grands vicaires des membres à part entière du chapitre (article 1) pourrait également être motivée par le désir de couper court aux critiques formulées à l’époque de la Révolution. Cet article des statuts, désigné comme une « chose insolite » dans un mémoire remis à Pie VII à l’époque du sacre1 et entièrement contraire aux normes et aux pratiques d’Ancien Régime, résulte peut-être de la volonté d’augmenter le nombre des chanoines, comme le pense l’abbé Pelletier2. Cependant, il pourrait également avoir pour but de répondre aux critiques qui visaient les vicaires généraux. En effet, à la fin de l’Ancien Régime, ceux-ci sont peut-être plus violemment décriés encore que les chanoines. Dénoncés notamment par Maultrot3 comme les créatures complaisantes des évêques, les grands vicaires sont pour Mgr de Savine les vrais responsables du despotisme épiscopal4 ; les Réunis notent encore qu’ils portent un « titre inconnu à l’antiquité5 », d’apparition récente dans l’Église. Probablement considérés par l’archevêque comme des collaborateurs indispensables, les grands vicaires sont donc intégrés à un corps qui peut quant à lui s’autoriser de l’antiquité du presbytère ou du moins des décrets conciliaires.

Comme le note Mgr Pisani, le nom de chanoine, au moment du Concordat, « faisait peur », ce qui conduit le cardinal de Belloy à installer les premiers membres du chapitre sous le titre archaïsant de « prêtres métropolitains6 ». Une telle appellation témoigne de la prise en compte par le prélat des remises en cause, sinon des expériences constitutionnelles. La réunion des vicaires généraux et des chanoines dans un même collège de prêtres cathédraux ou métropolitains, en même temps qu’elle renforce l’emprise épiscopale sur le chapitre, où elle fait entrer des prêtres révocables ad nutum, au gré de l’évêque, permet donc peut-être de ménager les assermentés ou les autorités, qui les soutiennent encore à l’époque de la reformation du chapitre. Enfin, il est encore possible de relever que l’article 4 des statuts donne au supérieur du grand séminaire rang parmi les chanoines, ce qui peut rappeler la présence des vicaires directeurs au sein des conseils épiscopaux constitutionnels.

Ce n’est donc pas seulement à cause de l’énorme disproportion entre les ressources

1 A.S.V., Ep. Nap. 4, fasc. 6, Mémoire, s. d. [1804].

2 V. PELLETIER, Des chapitres cathédraux en France, op. cit., p. 68. 3 G.-N. MAULTROT, Les droits du second ordre, op. cit., p. 374. 4 Ch. de LA FONT DE SAVINE, Examen des principes, op. cit., p. 123. 5 Seconde Lettre Encyclique, op. cit., p. 82.

181

humaines et matérielles dont disposaient les anciens chapitres et celles qui sont allouées aux chapitres concordataires que le rétablissement de l’ordo canonicus ne peut être regardé comme un retour à l’Ancien Régime. Comme le note l’abbé Pelletier, qui allègue le rétablissement de la hiérarchie catholique en Angleterre en 1850, il aurait été envisageable, même sans dotation, de rétablir des chapitres en pleine jouissance de leurs droits et de leurs prérogatives1, même si Rome était alors en réalité peu disposée à de semblables accommodements inconnus à la loi canonique2. L’insuffisance des moyens et le petit nombre des chanoines ne suffisent donc pas à rendre compte des restrictions drastiques posées par les statuts parisiens aux droits des chapitres. La subordination du chapitre à l’évêque ne découle pas seulement des contraintes matérielles imposées par la situation difficile des premières années du Concordat, mais peut être considérée comme le résultat de trois causes principales. La première est le cadre fixé par les articles organiques, qui donne une extension inédite à la juridiction épiscopale. Roger Limouzin-Lamothe et Jean Leflon avancent ainsi l’hypothèse que Bonaparte lui-même, témoin, en tant que neveu de chanoines corses, de l’esprit d’indépendance des anciens chapitres, a voulu y mettre bon ordre3. La deuxième cause est la nécessité de tenir compte à la fois des critiques formulées à la fin de l’Ancien Régime et de ménager le clergé assermenté. Enfin, la troisième est une forme plus pratique que théorique de « gallicanisme épiscopal » qui profite du Concordat pour « courber sous son autorité le clergé du second ordre4 ». Le chapitre concordataire est refondé de manière à ne pouvoir en aucun cas devenir le rival de l’évêque.

Il reste cependant à déterminer la portée pratique réelle des statuts donnés par le cardinal de Belloy à son chapitre. Il est avéré que les statuts parisiens, comme l’écrivent en 1841 les chanoines de Notre-Dame5, ont été envoyés aux évêques de France par Portalis, qui s’efforce d’obtenir autant que possible l’uniformité des statuts des cathédrales en incitant par exemple les prélats à adopter comme l’archevêque de Paris la réunion de la cure de la cathédrale au chapitre6. Les statuts des chapitres que les évêques envoient au gouvernement pour les faire approuver semblent au premier abord témoigner d’une adoption unanime du modèle parisien7, attribué par l’abbé Pelletier à la pression morale exercée par le gouvernement consulaire sur l’épiscopat8. Ce constat d’uniformité doit pourtant être nuancé. À Soissons, les statuts soumis

1 V. PELLETIER, Des chapitres cathédraux en France, op. cit., p. 102-103. 2 R. F. TRISCO, « An American Anomaly », loc. cit., p. 145.

3 R. LIMOUZIN-LAMOTHE et J. LEFLON, Mgr Denys-Auguste Affre, op. cit., p. 77.

4 L. LEVY-SCHNEIDER, L’application du Concordat, op. cit., p. 158. Sur les limites de cette expression, voir Charles

LEDRE, « Un archevêque français au concile de 1811 », RHEF, t. XXXII, n°120, 1946, p. 99.

5 A.S.V., Nunz. Parigi 58, Mémoire des chanoines de Paris à Mgr Affre, 25 mars 1841. 6 A.D. 16, 2V12, Lettre du ministre des Cultes à l’évêque d’Angoulême, 20 mai 1807. 7 A.N., F193803 à 3818.

182

le 4 octobre 1802 à l’approbation du gouvernement reproduisent si fidèlement l’original parisien qu’il a été omis de remplacer les mentions de la métropole par celle de la cathédrale, ce qui témoigne de l’improvisation dans laquelle l’envoi a été effectué1. De plus, le 29 août précédent, Mgr de Beaulieu a donné à son chapitre des statuts qui en plusieurs points s’écartent notablement des statuts parisiens, et il est certain que les premiers n’ont pas été remplacés par

Outline

Documents relatifs