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Chapitres et société en Révolution : les chanoines en France de l'Ancien Régime à la monarchie de Juillet

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Academic year: 2021

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Chapitres et société en Révolution : les chanoines en

France de l’Ancien Régime à la monarchie de Juillet

François Hou

To cite this version:

François Hou. Chapitres et société en Révolution : les chanoines en France de l’Ancien Régime à la monarchie de Juillet. Histoire. Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2019. Français. �NNT : 2019PA01H104�. �tel-02614313�

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UNIVERSITE PARIS I PANTHÉON SORBONNE

ÉCOLE DOCTORALE D’HISTOIRE

Laboratoire de rattachement : Centre d’histoire du

XIXe

siècle

THÈSE

Pour l’obtention du titre de Docteur en histoire

Présentée et soutenue publiquement

le 28 novembre 2019 par

François HOU

Chapitres et société en Révolution. Les chanoines en France

de l’Ancien Régime à la monarchie de Juillet

Volume I

Sous la direction de M. Philippe Boutry

Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Membre du Jury

M. Jacques-Olivier Boudon, professeur à Sorbonne Université

Mme Isabelle Brian, professeure à l’Université de Lorraine

M. Paul Chopelin, maître de conférences à l’Université Lyon 3

M. Sylvain Milbach, maître de conférences habilité à l’Université

Savoie Mont Blanc

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Résumé

Rupture brutale dans la vie des chapitres français, la Constitution civile du clergé du 12 juillet 1790 marque souvent le terme des études consacrées à l’histoire de l’ordo canonicus. La thèse se propose au contraire d’examiner la reconstitution concordataire des chapitres de cathédrales jusqu’à l’extinction de l’ancien clergé au milieu du XIXe siècle. En effet, l’étude du clergé intermédiaire que forment les chapitres de chanoines permet de mieux saisir les évolutions de la société cléricale de la fin du système bénéficial d’Ancien Régime à l’âge des notables. La thèse suit deux principaux axes. Le premier est celui de l’ecclésiologie. Il s’agit de mettre en évidence la signification de la suppression révolutionnaire des chapitres et de leur réorganisation concordataire. Héritier du presbytère antique et sénat de l’Église diocésaine, investi de la juridiction épiscopale pendant la vacance du siège, le chapitre cathédral peut-être désigné comme un lieu ecclésiologique qui permet d’étudier les rapports entre évêques et prêtres, entre Église locale et Église universelle alors que s’accélère le mouvement vers Rome du catholicisme français. Le second axe est l’étude prosopographique des chanoines français de 1789 à 1848, menée à partir d’un échantillon de douze diocèses. La thèse s’attache à reconstituer à la fois l’itinéraire révolutionnaire des chanoines d’Ancien Régime, qui fournissent le noyau des nouveaux chapitres après 1802 et les carrières des chanoines du Concordat, qui forment, malgré leur subordination à l’autorité épiscopale, une élite intermédiaire intégrée à un nouveau régime de notabilité cléricale.

Summary

The Civil Constitution of the Clergy (12th July 1790) was a brutal rupture in French canonial life and is therefore often taken as an end date for studies of the history of the ordo canonicus. This dissertation, however, proposes to examine the reconstruction of the old canonial chapters under the Concordat until the disappearance of the old clergy in the middle of the 19th century. indeed, studying the intermediary clergy as represented by the canonical chapters, allows us to gain a better understanding of the evolutions of clerical society from the end of the beneficiary system, at the close of the Ancien Régime, to the rise of the "notables" society. The dissertations follows a twin methodological axis. The first approach is that of ecclesiology: this approach will aim to explain the significance of the revolutionary suppression of cathedral chapters and their reorganisation under the Concordat. Heir to the ancient presbyterium, senate of the diocesan Church and endowed with the episcopal jurisdiction when the see is vacant, the cathedral chapter can be regarded as an ecclesiological locus in which to study the relationships between bishops and priests, universal and local Church, ar a time when the movement towards Rome in French Catholicism is picking up speed. The second approach resides in the prosopographical study of French canons from 1789 to 1848, on the basis of a sample of twelve dioceses. The thesis will endeavour to reconstruct both the revolutionary experience of the Ancien Régime canons, who make up the core of the new chapters after 1802, and the careers of the canons of the Concordat, who, despite their subordination to episcopal authority, came to constitute an intermediary élite integrated within a new system of clerical notability.

Mots-clés

Chapitres cathédraux – Histoire religieuse – Histoire sociale – Prosopographie – Ecclésiologie

Keywords

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Remerciements

Je tiens à exprimer tout d’abord ma gratitude à mon directeur de thèse, Philippe Boutry, qui a accepté d’encadrer mes recherches et m’a prodigué de précieux conseils.

Mes remerciements vont également aux membres du jury, qui ont accepté de lire le résultat de mes recherches : Jacques-Olivier Boudon, Isabelle Brian, Paul Chopelin et Sylvain Milbach.

Je voudrais aussi remercier Monsieur le chanoine Jean-Robert Armogathe, qui m’a le premier suggéré d’orienter mes recherches en direction des chapitres cathédraux ; Gilles Pécout et Rahul Markovits, qui ont été mes tuteurs à l’École Normale Supérieure ; Anne Massoni, de l’Université de Limoges ; Dominique Kalifa, directeur du Centre d’histoire du XIXe siècle.

Mes recherches n’auraient pu être menées à bien sans l’aide et le travail du personnel des archives. Je souhaiterais remercier spécialement pour leur assistance et leur disponibilité les archivistes des évêchés d’Arras, Angoulême, Chartres, Clermont, Dijon, Grenoble, Soissons, Toulouse, Versailles. Je voudrais remercier notamment Madame Patricia Fernandez, des archives de l’évêché de Soissons, pour son extrême serviabilité.

Je souhaite remercier les membres du Centre d’histoire du XIXe siècle et les équipes

d’enseignement de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et de l’Université Savoie Mont Blanc qui m’ont accompagné au long de ma thèse.

Je tiens à exprimer ma reconnaissance à ma famille qui m’a soutenu et encouragé dans tout le cours de mes études, mes parents, mes grands-parents, mon frère Laurent, mes sœurs Sophie, Chanroth et Chantha.

Je remercie particulièrement Vincent Cinotti, Raphaël Guérin, Catherine et Sophie Hou, Nolwenn Le Cam, Grégoire Letellier, Cécile Margelidon, Étienne Naud, Jean-Benoît Poulle et Sundar Ramanadane, qui ont généreusement participé à la relecture de cette thèse.

Je remercie Mgr Francis Bestion, évêque de Tulle, le révérend père Jean-Christophe de Nadaï O.P., Messieurs les abbés Christophe Callier, François-Marie Chautard, Pierre-Marie Gainche, Patrick de La Rocque, Alain Lorans, Hubert Martellière, Nicolas Portail et Guillaume de Tanoüarn pour l’intérêt qu’ils ont pu accorder à mes recherches ainsi que pour le soutien et les conseils qu’ils m’ont prodigués.

Je remercie Philippe Guy pour ses précieuses indications en matière liturgique.

Je remercie Marie-France Aguettant, Paul-Henri Hennequin et Lucile Thach pour leur soutien amical. Je remercie également tous les tralas et autres camarades de l’ENS qui ont dû supporter mes préoccupations chanoinesques et ma multitude de points Lamennais et Maultrot, avec une pensée spéciale pour sœur Clotilde O.P. et sœur Marie-Jehanne d’Arc O.P.

Je souhaiterais remercier mes étudiants, tant de Tolbiac que de Jacob-Bellecombette, sans lesquels le risque aurait été grand de m’égarer dans ma thèse.

Je remercie, à titre posthume, Johann Adolf Hasse, dont la musique m’a toujours été d’un grand secours dans les moments de perplexité, le révérend père Réginald Garrigou-Lagrange O.P., qui m’a si souvent aidé à ordonner mes idées, Gabriel-Nicolas Maultrot, dont les écrits m’ont procuré un véritable plaisir de lecture, et enfin tous mes chers chanoines auxquels cette thèse est dédiée.

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Liste des sigles utilisés

A.D. 02 : Archives départementales de l’Aisne. A.D. 16 : Archives départementales de la Charente. A.D. 21 : Archives départementales de la Côte-d’Or. A.D. 22 : Archives départementales des Côtes-d’Armor. A.D. 28 : Archives départementales de l’Eure-et-Loir. A.D. 31 : Archives départementales de la Haute-Garonne. A.D. 38 : Archives départementales de l’Isère.

A.D. 57 : Archives départementales de la Moselle. A.D. 62 : Archives départementales du Pas-de-Calais. A.D. 63 : Archives départementales du Puy-de-Dôme.

A.D. 64 : Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques. A.D. 78 : Archives départementales des Yvelines.

A.E. 02 : Archives de l’évêché de Soissons. A.E. 16 : Archives de l’évêché d’Angoulême.

Corr. Chabrignac : Correspondance de l’abbé de Chabrignac. A.E. 21 : Archives de l’évêché de Dijon.

A.E. 31 : Archives de l’archevêché de Toulouse. A.E. 38 : Archives de l’évêché de Grenoble. A.E. 62 : Archives de l’évêché d’Arras. A.E. 63 : Archives de l’évêché de Clermont. A.E. 78 : Archives de l’évêché de Versailles.

AHRF : Annales historiques de la Révolution française.

A.M. 57 : Archives municipales de Metz. A.N. : Archives Nationales.

AP : Archives parlementaires de 1787 à 1860.

A.S.V. : Archivio Segreto Vaticano.

Concil. Relat. Dioec. : Congregazione del Concilio, Relationes Dioecesium. Nunz. Parigi : Nunziatura di Parigi.

B.C.U. 63 : Bibliothèque de Clermont Universités (Bibliothèque du Patrimoine de Clermont-Ferrand).

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B.E. 21 : Bibliothèque d’étude et patrimoniale de Dijon. B.S.P.R. : Bibliothèque de la Société de Port Royal.

CE : Collection ecclésiastique d’Augustin Barruel. RDC : Revue de droit canonique.

RHEF : Revue d’histoire de l’Église de France.

Les sources sont citées autant que possible selon la graphie d’origine.

Hors des citations, les multiples graphies de certains noms propres nous ont contraint à faire des choix. Les principales variantes sont indiquées dans les répertoires biographiques fournis en annexe (volume II).

Par commodité, le titre de Mgr est systématiquement attribué aux évêques d’Ancien Régime et aux évêques concordataires.

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Introduction

Lorsque le 2 novembre 1808, le chapitre de la cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême, réorganisé depuis peu, se réunit sous la présidence de l’évêque, l’ancien constitutionnel Dominique Lacombe, le procès-verbal de la séance est symboliquement consigné dans le même registre, interrompu le 4 décembre 1790, dont se servait l’ancien chapitre cathédral dispersé en exécution de la Constitution civile du clergé du 12 juillet 17901. La reprise des registres d’Ancien Régime est exceptionnelle dans la mesure où ceux-ci, saisis par l’administration et versés aux nouvelles archives départementales, ne sont généralement pas à la libre disposition des chapitres reconstitués à la faveur du Concordat du 15 juillet 1801. Cependant, la volonté d’affirmer la continuité entre l’ancien et le nouveau chapitre que manifeste l’acte des chanoines d’Angoulême n’est pas isolée. Au début de la Restauration, l’abbé de Guérines, vicaire général de Clermont, s’efforce d’obtenir du département que les archives du chapitre soient remises aux chanoines afin de « faire connoitre l’origine l’antiquité et les traditions de l’eglise d’auvergne2 ». Malgré les vicissitudes des temps, il ne semble faire aucun doute pour le grand vicaire qu’il s’agit, par-delà la césure révolutionnaire, de la même Église et partant du même chapitre.

Ces deux exemples ne peuvent certes dissimuler la distance qui sépare les chapitres du Concordat de leurs devanciers d’Ancien Régime. Bien que le terme de chapitre continue de renvoyer à la même définition – un collège de clercs attachés au chœur d’une église où ils célèbrent l’office divin – c’est surtout ce contraste entre anciennes et nouvelles compagnies capitulaires qui a retenu l’attention des historiens. « Les chanoines qui avaient fait trembler les évêques furent réduits à une dizaine de membres aux fonctions décoratives », résume Jean Godel en 19703. « Le prestige des chanoines, même s’il va être rehaussé extérieurement d’un certain nombre de colifichets, et, a fortiori, leurs moyens d’existence, ne correspond pas à ce qu’il était sous l’Ancien Régime », ajoute trente ans plus tard Gérard Cholvy4. Pour Pierre Pierrard, les chapitres cathédraux du XIXe siècle sont tout simplement « réduits à rien5 ». Le constat de la décadence de l’institution capitulaire à l’époque concordataire explique très

1 A.D. 16, G33722, Conclusions capitulaires du chapitre d’Angoulême, délibération du 2 novembre 1808. 2 A.N., F193810, Lettre de l’abbé de Guérines, destinataire non identifié, 23 août 1816.

3 Jean GODEL, « L’Église selon Napoléon », AHRF, t. XLII, 1970, p. 228.

4 Gérard CHOLVY, « La reconstruction des diocèses après le Concordat : une restauration ou une rénovation ? »,

dans Gérald CHAIX (dir.), Le diocèse. Espaces, représentations, pouvoirs (France, XVe-XXe siècle), Cerf, Paris,

2002, p. 89.

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probablement que chapitres et chanoines du XIXe siècle soient restés largement condamnés au « purgatoire historique » (Philippe Loupès1) auxquels d’importants travaux ont arraché leurs prédécesseurs de l’époque moderne depuis les années 1970 et l’importante thèse de Georges Viard sur le rôle du chapitre de Langres dans la Réforme catholique2. Il est même possible d’avancer que la redécouverte des chapitres d’Ancien Régime s’est en partie effectuée aux dépens de leurs successeurs concordataires : pour Philippe Loupès, principal artisan du renouveau des recherches consacrées à l’univers capitulaire des XVIIe et XVIIIe siècle, c’est à

cause d’une « vision très XIXe siècle » que l’ordo canonicus à l’époque moderne a été jugé de

peu d’intérêt3 ; c’est donc au prix d’une dépréciation parfois caricaturale des chapitres du Concordat qu’ont été justifiées les recherches sur les chapitres d’avant 1789.

Le renouveau historiographique a profité principalement aux chapitres médiévaux4, qui ont bénéficié de plusieurs thèses5, mais aussi depuis 1991 de l’ambitieux programme des Fasti

Ecclesiae Gallicanae, dirigé par Hélène Millet, qui vise à constituer un répertoire

prosopographique des chanoines et dignitaires des diocèses de France de 1200 à 1500. Néanmoins, Philippe Loupès remarque en 2009 que l’ordo canonicus sous l’Ancien Régime constitue désormais un « secteur qui commence à être passablement défriché6 ». Si au début des années 1960, l’étude consacrée par Michel Vovelle au riche et puissant chapitre de Chartres

au XVIIIe siècle7 reste assez isolée8, depuis la publication en 1985 de la thèse de Philippe Loupès

1 Philippe LOUPES, Chapitres et chanoines de Guyenne aux XVIIe et XVIIIe siècles, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris, 1985, p. 15.

2 Georges VIARD, Chapitre et réforme catholique au XVIIe siècle : le chapitre cathédral de Langres de 1615 à 1695, thèse dactylographiée, Université de Nancy, Nancy, 1974, 2 volumes.

3 Philippe LOUPES, « Milieu capitulaire et carrières canoniales en Guyenne aux XVIIe et XVIIIe siècles », p. 61. 4 Jacques PYCKE, « Cathédrales, collégiales et chanoines séculiers. Quelques livres récents », Revue d’histoire

ecclésiastique, t. LXXXVI, 1991, p. 355-371

5 Robert GANE, Le chapitre de Notre-Dame de Paris au XIVe siècle : étude sociale d’un groupe canonial, Université de Saint-Étienne, Saint-Étienne, 1999 ; Anne MASSONI, La collégiale Saint-Germain l’Auxerrois de Paris

(1380-1510), Pulim, Limoges, 2009 ; Hélène MILLET, Les chanoines du chapitre cathédral de Laon (1272-1412), Collection de l’École française de Rome, Rome, 1982. Quelques chapitres étrangers ont également retenu l’attention des historiens ; on peut citer par exemple la récente thèse de Julia CONESA SORIANO, Entre l’Église et

la ville : le chapitre et les chanoines à Barcelone au sortir de la guerre civile catalane (1472-1500), thèse de

l’Université Paris IV, 2017.

6 Philippe LOUPES, « Olivier Charles, Chanoines de Bretagne. Carrières et cultures d'une élite cléricale au siècle

des Lumières, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, 456 p., ISBN 2868479170. », Revue d’histoire

moderne et contemporaine, t. LVI, 2009, n°3, p. 194.

7 Michel VOVELLE, « Un des plus grands chapitres de France à la fin de l’Ancien Régime : le chapitre cathédral

de Chartres », dans Actes du 85e Congrès des Sociétés Savantes, Chambéry-Annecy, 1960, Imprimerie Nationale, Paris, 1961, p. 235-277.

8 Il faut signaler cependant quelques exceptions, notamment Léon CAHEN, « Le chapitre de

Saint-Germain-l’Auxerrois dans la première moitié du XVIIIe siècle et son union au chapitre de Notre-Dame », Revue d’histoire

moderne et contemporaine, t. II, 1900, n°3, p. 268-284 ;Eugène JARRY, « Le chapitre de Saint-Martin aux XVIIe et

XVIIIe siècles », RHEF, Paris, t. XLVII, n°144, 1961, p. 117-147 ; Paul LESPRAND, « L’anoblissement du chapitre de la cathédrale de Metz », Archives de la Société d’Histoire et d’Archéologie de la Lorraine, t. XXIX, 1920, p. 109-142 ; Louise WELTER, « La vie du chapitre cathédral de Clermont au XVIIIe siècle », dans Bulletin historique et

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sur les chapitres et les chanoines de Guyenne sous l’Ancien Régime, les études sur les chapitres tant cathédraux que collégiaux1 se sont multipliées. Les chapitres bénéficient en effet de l’intérêt porté aux corps intermédiaires et aux élites2 et par conséquent aux corps ecclésiastiques extérieurs au clergé paroissial diocésain, communautés de prêtres séculiers3 ou chanoines réguliers tels les génovéfains, à la fois curés et religieux, bien étudiés par Isabelle Brian4. Ils profitent enfin du renouveau des études consacrées aux musiciens d’Église, notamment grâce aux travaux de Bernard Dompnier5. La plus importante étude récente sur le monde capitulaire séculier à l’époque moderne est probablement celle d’Olivier Charles, qui privilégie, à la monographie consacrée à un chapitre, l’étude des neuf chapitres cathédraux bretons au XVIIIe

siècle, en adoptant une double optique, sociologique, par la définition du milieu capitulaire au moyen de la constitution d’un fichier prosopographique des chanoines, et culturelle, pour évaluer la manière dont les chanoines assimilent les évolutions de leur temps6.

Dans le sillage des remarquables travaux plus anciens de John McManners, qui ont mis en évidence le poids des chanoines dans la société urbaine provinciale7, ces recherches ont établi les liens étroits du monde canonial à la petite noblesse et aux oligarchies locales, qui tendent à faire du chapitre de la cathédrale le pendant ecclésiastique des cours de justice. Par leur aisance financière au moins relative, leur mode de vie, leurs liens avec les élites urbaines

scientifique de l’Auvergne, t. LXXI, 1951, p. 69-88 ; ID., « Le chapitre cathédral de Clermont. Sa constitution, ses privilèges », RHEF, t. XLI, n°136, 1955, p. 5-42.

1 Pierre CUBIZOLLES, Le noble chapitre de Saint-Julien de Brioude, chez l’auteur, Aurillac, 1980 ; Robert

FAVREAU, « Le chapitre de Sainte-Radegonde et son quartier au XVIe siècle », dans Frédéric CHAUVEAU et Jacques PERET (dir.), Terres marines. Études en hommage à Dominique Guillemet, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2006, p. 189-196 ;Anne MASSONI (dir.), Collégiales et chanoines dans le centre de la France du Moyen

Âge à la Révolution, Presses Universitaires de Limoges, 2010 ; Catherine SAINT-MARTIN, Les chanoines de

Saint-Sernin à Toulouse, Empreinte Éditions, Portet-sur-Garonne, 2000.

2 Guy CHAUSSINAND-NOGARET, Jean-Marie CONSTANT et Arlette JOUANNA, Histoire des élites en France du XVIe

au XXe siècle, Tallandier, Paris, 1991.

3 Stéphane GOMIS, Les « enfants prêtres » des paroisses d’Auvergne, Presses de l’Université Blaise-Pascal,

Clermont-Ferrand, 2006.

4 Isabelle BRIAN, Messieurs de Sainte-Geneviève. Religieux et curés de la Contre-Réforme à la Révolution, Cerf,

Paris, 2001.

5 Bernard DOMPNIER (dir.), Maîtrises et chapelles aux XVIIe et XVIIIe siècles. Des institutions musicales au service

de Dieu, Presses Universitaires Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand, 2003 ; ID. (dir.), Louis Grénon. Un musicien

d’Église au XVIIIe siècle, Presses Universitaires Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand, 2005 ; ; ID. (dir.), Les cérémonies

extraordinaires du catholicisme baroque, Presses Universitaires Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand, 2009 ; ID. (dir.), Les bas chœurs d’Auvergne et du Velay. Le métier de musicien d’Église aux XVIIe et XVIIIe siècles, Presses

Universitaires Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand, 2010. Voir aussi Christophe LEDUC, « À l’ombre de la cathédrale. Les enfants de chœur du chapitre métropolitain de Cambrai (XVIIe-XVIIIesiècles) », dans Jean-Pierre BARDET, Jean-Noël LUC, Isabelle ROBIN-ROMERO et Catherine ROLLET (dir.), Lorsque l’enfant grandit. Entre dépendance et

autonomie, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, Paris, 2003, p. 645-655.

6 Olivier CHARLES, Chanoines de Bretagne. Carrières et cultures d’une élite cléricale au Siècle des Lumières,

Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2004.

7 John McMANNERS, French Ecclesiastical Society under the Ancien Régime. A study of Angers in the Eighteenth

century, Manchester University Press, Manchester, 1960, p. 6-7 ; voir aussi ID., Church and Society in

Eighteenth-century France, t. I, The clerical establishment and its social ramifications, Clarendon Press, Oxford, 1998, p. 401-414.

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et la considération dont ils jouissent, les chanoines de cathédrales peuvent être désignés comme les représentants d’une aristocratie ecclésiastique1. « Citadelles du passé », selon l’expression de Bernard Plongeron2, décriés par les philosophes du fait de leur inutilité sociale, arc-boutés sur la défense de leurs privilèges et de leurs préséances face aux assauts des autorités civiles et religieuses, les chapitres cathédraux apparaissent comme le « reflet de la société d’Ancien Régime3 ». Solidaires du monde stable de la société d’ordres4, ils sont entraînés dans son rapide effondrement après 1789 : la destruction de l’ordo canonicus par l’article XX du titre I du décret

du 12 juillet 1790 semble le corollaire ecclésiastique naturel de la régénération politique et administrative de la France nouvelle.

Dès lors, la renaissance des chapitres à la faveur de l’article XI du Concordat passé le 15

juillet 1801 entre le Saint-Siège et la République française est souvent conçue comme une survivance anachronique et presque symbolique de l’Ancien Régime aboli. Pour Philippe Loupès, les chanoines du Concordat « ressemblent un peu à ces mauvais acteurs qui se laissent prendre à leur propre jeu5 ». « Les chapitres [concordataires], écrit Olivier Charles, ne sont plus que l’ombre de leurs homologues du XVIIIe siècle6. » Théâtre, ombre, illusion : les mots qui

qualifient les chapitres reconstitués mettent en doute jusqu’à leur réalité pour les réduire à une simple apparence. C’est oublier sans doute l’importance qui a pu leur être prêtée. À Bernier qui lui conseille de seulement recommander à l’épiscopat français l’érection d’un chapitre dans l’église cathédrale, le cardinal Caprara, légat du pape Pie VII, répond fermement que la formation des chapitres ne relève pas d’un acte de surérogation, mais de la stricte nécessité7. En effet, si les chapitres sont reconstitués, ce n’est pas par nostalgie de l’Ancien Régime, mais parce que leur existence est jugée indispensable par les autorités de l’Église d’après les décrets du concile de Trente8.

Malgré l’osmose incontestable entre les anciens chapitres et la société d’ordres et de

1 Philippe NELIDOFF, « Chanoines et bénéficiers du chapitre métropolitain d’Albi (1678-1790) », dans Philippe

NELIDOFF (dir.), Les cités épiscopales du Midi. Colloque tenu à Albi organisé par le Centre albigeois d’histoire

du droit, Presses du Centre universitaire Jean-François Champollion, Albi, 2006, p. 166.

2 Bernard PLONGERON, La vie quotidienne du clergé au XVIIIe siècle, Hachette, Paris, 1974, p. 113.

3 Nathalie DA SILVA, « Devenir chanoine de la cathédrale de Clermont », dans Bernard DOMPNIER (dir.), Vocations

d’Ancien Régime. Les gens d’Église en Auvergne, Société des Amis des Universités de Clermont-Ferrand,

Clermont-Ferrand, 2005, p. 203.

4 O. CHARLES, Chanoines de Bretagne, op. cit., p. 98.

5 Ph. LOUPÈS, Chapitres et chanoines de Guyenne, op. cit., p. 445. 6 O. CHARLES, Chanoines de Bretagne, op. cit., p. 109.

7 A.S.V., Ep. Nap. Francia 9, fasc. 4, Note du cardinal Caprara à l’abbé Bernier, 18 décembre 1801.

8 Session XXIV, canons XII-XVI, dans Giuseppe ALBERIGO (dir.), Les conciles œcuméniques. Les décrets. T. II.

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corps que permettait l’ancien système bénéficial ruiné par la Révolution1, l’ordo canonicus n’est pas réductible à ses liens à un monde auquel il a survécu, sous une forme certes diminuée, mais en conservant ses principales prérogatives, à commencer par le gouvernement du diocèse

sede vacante, jusqu’aux remaniements du droit canonique consécutifs au concile Vatican II,

amplifiés sur le terrain par la crise concomitante du recrutement sacerdotal. La suppression révolutionnaire des chapitres a en effet une réelle signification ecclésiologique qu’il importe de prendre au sérieux pour mieux saisir la portée de leur reconstruction après 1802, tandis que les tentatives d’adaptation de l’institution aux nouvelles réalités sociales et culturelles issues de la Révolution méritent un examen attentif. « Le chapitre métropolitain [d’Albi] au XIXe siècle

constitue toujours une sorte d’aristocratie du clergé local », notent Olivier Cabayé et Philippe Nélidoff2. Ceux-ci, auteurs de l’une des rares monographies retraçant l’histoire d’un chapitre français de ses origines médiévales à son effacement postconciliaire, insistent sur le signe important de reconnaissance sociale et ecclésiale que représente pour un prêtre la nomination au canonicat au XIXe siècle3. À la suite de Balzac, qui écrit dans le Curé de Tours que le

canonicat est pour une partie du clergé « ce que doit être la pairie pour un ministre plébéien4 », ce constat invite à mieux considérer l’insertion du personnel canonial dans la société de la « France révolutionnée5 ».

Enjambant la « zone grise6 » académique des années 1789-1815, notre objet d’étude présente une bibliographie inévitablement éclatée.

Les premières histoires religieuses de la Révolution, élaborées avant même la fin de la Révolution par des penseurs contre-révolutionnaires et marquée par l’omniprésence du providentialisme et du thème du complot7, ont montré peu d’intérêt pour des ecclésiastiques largement demeurés à l’écart de la grande épreuve du serment du début de 1791, qui retient toute l’attention des observateurs. Ainsi l’une des premières histoires du serment, composée

1 Olivier PONCET, « Un anti-romanisme bien tempéré ? Le système bénéficial entre papauté, monarchie et société

(France, XIIIe-XVIIIe siècle) », dans Philippe LEVILLAIN (dir.), « Rome, l’unique objet de mon ressentiment ».

Regards critiques sur la papauté, Collection de l’École française de Rome, Rome, 2011, p. 39-61.

2 Olivier CABAYE et Philippe NELIDOFF, Histoire du chapitre de la cathédrale d’Albi, Presses de l’Université de

Toulouse 1 Capitole, Toulouse, 2017, p. 610.

3 Ibid., p. 629.

4 Honoré de BALZAC, Le Curé de Tours, Gallimard, Paris, 1976, p. 40.

5 Claude MAZAURIC, « France révolutionnaire, France révolutionnée, France en Révolution : pour une clarification

des rythmes et des concepts », AHRF, n°272, 1988, p. 129-130.

6 Paul CHOPELIN, Annie CREPIN, Antonino DE FRANCESCO, Rémy HEME DE LACOTTE, Peter MCPHEE, Igor

MOULLIER et Daniel SCHÖNPFLUG, « 1815 début de l’histoire “contemporaine” ? », AHRF, n°378, 2014, p. 119.

7 Bernard PLONGERON, « Débats et combats autour de l’historiographie religieuse de la Révolution française :

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aussitôt après la crise par le réfractaire Clément Bossard, directeur de séminaire à Paris et après le Concordat chanoine de Grenoble, écarte-t-elle délibérément les membres des chapitres.

Nous ne parlons point des chanoines de Notre-Dame, ni de ceux de six ou sept collégiales de Paris ; ces corps n’étoient plus rien aux yeux de la loi, à l’époque du décret1.

Bossard énonce ainsi dès 1791 la principale cause du peu d’intérêt suscité par l’itinéraire révolutionnaire des anciens chanoines. La seule exception concerne les chanoines mis à mort pendant la Terreur. Ceux-ci, comme « victimes2 » de la Révolution, trouvent en effet sous la Restauration une place dans les martyrologes des abbés Guillon3 et Carron4, qui constituent la première ébauche de la « volumineuse littérature hagiographique » dénoncée plus tard par Albert Mathiez5.

Les histoires religieuses de la Révolution par diocèse ou par département6 qui se constituent à partir du milieu du XIXe siècle et principalement dans les décennies qui suivent le

premier centenaire de 1789 grâce au retour aux sources archivistiques et à l’adoption des méthodes de l’histoire positive et critique marquent une nouvelle étape dans l’historiographie religieuse de la Révolution7. Souvent produites par des ecclésiastiques, elles s’ouvrent généralement par un état du diocèse institution par institution avant de se poursuivre par un exposé chronologique scandé par les épisodes du serment et de la persécution. Si les chapitres sont donc mentionnés, et parfois magnifiés lorsqu’ils rendent publique leur opposition à la Constitution civile du clergé, l’attitude de leurs membres est loin de susciter le même intérêt que celle du clergé paroissial. Il faut néanmoins signaler une très précoce (1856) histoire du chapitre de Rouen pendant la Révolution, qui s’efforce de reconstituer les itinéraires individuels

1 Clément BOSSARD, Histoire du serment à Paris, chez les marchands de nouveautés, Paris, 1791, p. 70.

2 Voir Stéphane BACIOCCHI et Philippe BOUTRY, « Les “victimes” ecclésiastiques de la Terreur », dans Michel

BIARD (dir.), Les politiques de la Terreur (1793-1794), Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2008, p. 447-460.

3 Aimé GUILLON DE MONLEON, Les martyrs de la foi pendant la Révolution, Germain Mathiot, Paris, 1821, 4

volumes.

4 Guy-Toussaint-Julien CARRON, Les Confesseurs de la foi dans l’Église gallicane à la fin du dix-huitième siècle :

ouvrage rédigé sur des mémoires authentiques, Leclère, Paris, 1820, 4 volumes.

5 Albert MATHIEZ, « Coup d’œil critique sur l’histoire religieuse de la Révolution française, dans Contributions à

l’histoire religieuse de la Révolution française, Alcan, Paris, 1907, p. 2.

6 On peut citer Odon DELARC, L’Église de Paris pendant la Révolution française, 1789-1801, 3 volumes, Desclée

de Brouwer, Paris, 1893 ; Paul PISANI, L’Église de Paris et la Révolution, 4 volumes, Picard et fils, Paris, 1908-1911 ; ou, pour les diocèses de notre échantillon, J.-M. ALLIOT, Le clergé de Versailles pendant la Révolution

française, Librairie de l’Évêché, Versailles, 1913 ; Jean-Pierre-Gabriel BLANCHET, Le clergé charentais pendant

la Révolution, Imprimerie Despujols, 1898 ; Régis CREGUT, Le diocèse de Clermont pendant la Révolution, Louis-Bellet, Clermont-Ferrand, 1914 ; Augustin-Victor DERAMECOURT, Le clergé du diocèse d’Arras, Boulogne et

Saint-Omer pendant la Révolution, Imprimerie de la Société du Pas-de-Calais, Arras, 1884-1886, 4 tomes ;

Édouard FLEURY, Le Clergé de l’Aisne pendant la Révolution. Études révolutionnaires, Dumoulin, Paris, 1853, 2 tomes ; Pierre HARISTOY, Les paroisses du Pays Basque pendant la période révolutionnaire, Éditions Harriet, Bayonne, 1981.

7 S. BACIOCCHI et Ph. BOUTRY, « Les “victimes” ecclésiastiques de la Terreur », loc. cit., p. 449 ; B. PLONGERON,

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des chanoines de leur dispersion au Concordat et accorde une place importante aux querelles ecclésiologiques du Directoire1 alors que l’étude bien plus tardive (1903) de Jean Meuret2 sur le chapitre de Paris se contente de reproduire les déclarations capitulaires de 1789-1790.

Poursuivies par les travaux d’Émile Sevestre sur les diocèses normands3, des chanoines Paul Lesprand4 et Jean Eich5 sur la Moselle ou encore par la remarquable thèse de Jules Gallerand sur le Loir-et-Cher6, les histoires religieuses locales érudites adoptent à partir de l’entre-deux-guerres un ton plus serein7 ; elles accordent davantage d’attention aux prêtres non astreints au serment constitutionnel, tandis que la thèse complémentaire de Charles Ledré8, tout en attirant l’attention sur la figure de l’abbé Baston, chanoine de Rouen, ouvre la voie à une histoire des controverses ecclésiologiques révolutionnaires où prend place la décision de supprimer les chapitres. En revanche, la « révolution copernicienne9 » des années 1960-1970, malgré la thèse de Bernard Plongeron sur les réguliers de Paris10, consacrée à des clercs qui ne sont pas tenus au serment, n’a pas apporté d’avancées significatives dans la connaissance des chanoines en Révolution : ceux-ci continuent à être évoqués en passant dans le cadre d’études locales, telles la très solide monographie de Jean-Claude Meyer sur la Haute-Garonne, qui insiste par exemple sur le rôle déterminant joué par l’abbé du Bourg, chanoine de la métropole, à la tête du clergé réfractaire toulousain11.

Comme en témoignent en 2009 Philippe Bourdin et Philippe Boutry12, l’intérêt que

1 Pierre LANGLOIS, Essai historique sur le chapitre de Rouen pendant la Révolution (1789-1802), Fleury, Rouen,

1856.

2 Jean MEURET, Le chapitre de Notre-Dame de Paris en 1790, Picard, Paris, 1903.

3 Émile SEVESTRE, L’acceptation de la Constitution civile du clergé en Normandie (janvier-mai 1791), Imprimerie

Barnéoud, Laval, 1917 ; ID., L’enquête gouvernementale et l’enquête ecclésiastique sur le clergé de Normandie

et du Maine de l’an IX à l’an XIII, 2 volumes, Picard, Paris, 1918 ; ID., Liste critique des ecclésiastiques

fonctionnaires publics insermentés et assermentés en Normandie (janvier-mai 1791), Picard, Paris, 1922 ; ID., Les

problèmes religieux de la Révolution et de l’Empire en Normandie (1787-1813), Picard, Paris, 1924.

4 Paul LESPRAND, Le clergé de la Moselle pendant la Révolution, chez l’auteur, Montigny-lès-Metz, 1934-1937,

3 volumes.

5 Jean EICH, Nicolas Francin, évêque constitutionnel de la Moselle, Le Lorrain, Metz, 1962 ; ID., Histoire

religieuse du département de la Moselle pendant la Révolution. 1re partie. Des débuts à l’établissement de l’Église

constitutionnelle, Le Lorrain, Metz, 1964.

6 Jules GALLERAND, Les cultes sous la Terreur en Loir-et-Cher (1792-1795), Grande Imprimerie de Bois, Blois,

1928.

7 Voir par exemple le programme défini par Eugène LAVAQUERY, « L’histoire religieuse de la Révolution française

dans le cadre diocésain », RHEF, t. XX, n°87, 1934, p. 216-230.

8 Charles LEDRE, Une Controverse sur la Constitution Civile du Clergé. Charrier de La Roche, métropolitain des

Côtes de la Manche, et le chanoine Baston, Librairie Emmanuel Vittes, Paris, 1943.

9 B. PLONGERON, « Débats et combats », loc. cit., p. 277.

10 Bernard PLONGERON, Les réguliers de Paris devant le serment constitutionnel. Sens et conséquences d’une

option (1789-1801), Vrin, Paris, 1964.

11 Jean-Claude MEYER, La vie religieuse en Haute-Garonne sous la Révolution (1789-1801), Association des

publications de l’université de Toulouse-Le Mirail, Toulouse, 1982.

12 Philippe BOURDIN et Philippe BOUTRY, « L’Église catholique en Révolution : historiographie récente », AHRF,

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suscitent les chanoines dans l’historiographie religieuse de la Révolution est donc plus récent. Tandis que Paul Chopelin leur a accordé une attention soutenue dans ses travaux sur le diocèse de Lyon1, Philippe Bourdin a retracé avec soin l’itinéraire social et politique de Pascal-Antoine Grimaud, chanoine de la collégiale Saint-Pierre de Clermont, puis vicaire épiscopal de l’Allier2, mettant ainsi en lumière les milieux de la bourgeoisie provinciale pieuse qui constituent largement le vivier des vocations canoniales à la fin de l’Ancien Régime, et s’est employé à montrer comment les chanoines sont devenus à la fin du XVIIIe siècle l’une des cibles

principales de l’anticléricalisme ; sans s’aventurer sur le terrain proprement ecclésiologique, il éclaire ainsi les motifs qui ont conduit à l’extinction des chapitres prononcée par l’Assemblée3. Philippe Bourdin note également que les « choix politiques, religieux et plus largement professionnels (prestation ou non du serment, installation au sein du clergé constitutionnel, clandestinité ou émigration, abandon de l'état ecclésiastique) » des anciens chanoines pendant la décennie révolutionnaire « mériteraient une étude particulière4 ». Il faut noter de plus que la redécouverte des ecclésiologies révolutionnaires, malgré quelques aperçus significatifs des positions romaines fournis par Gérard Pelletier5, n’a guère donné lieu jusqu’ici à des travaux abordant méthodiquement et en tant que tel le problème à la fois théologique et disciplinaire posé par la suppression et le remplacement des chapitres. C’est cette double lacune qu’il s’agit à présent de combler.

Moins abondantes que l’historiographie révolutionnaire, les études sur la réorganisation concordataire relèvent surtout des deux genres, du reste souvent étroitement liés, de la monographie diocésaine et de la biographie épiscopale. Ces deux genres dominent largement l’histoire de la reconstruction concordataire et des décennies qui la suivent, sans que l’on puisse observer à cet égard de rupture notable depuis les travaux érudits de la fin du XIXe siècle, qui poursuivent parfois les monographies révolutionnaires6. Focalisées sur le retour de la paix religieuse et l’épineux problème de la circonscription des paroisses, ces recherches ne

1 Paul CHOPELIN, Ville patriote et ville martyre. Lyon, l’Église et la Révolution (1788-1805), Letouzey et Ané,

2010 ; ID., « Le chapitre primatial et la cathédrale de Lyon pendant la Révolution », Bulletin de la Société

historique archéologique et littéraire de Lyon, t. XXXIV, 2004-2005, p. 273-329.

2 Philippe BOURDIN, Le Noir et le Rouge. Itinéraire social et politique d’un prêtre révolutionnaire, Presses

Universitaires Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand, 2000.

3 Philippe BOURDIN, « Collégiales et chapitres cathédraux au crible de l’opinion et de la Révolution », AHRF,

n°331, 2003, p. 29-54.

4 Ibid., p. 54.

5 Gérard PELLETIER, Rome et la Révolution française. La théologie et la politique du Saint-Siège devant la

Révolution française (1789-1799), Collection de l’École française de Rome, Rome, 2004, p. 142-143.

6 Voir par exemple Régis CREGUT, Mgr Duwalk de Dampierre et l’organisation concordataire du diocèse de

Clermont (1802-1804), Louis Bellet, Clermont-Ferrand, 1910 ; ID., Mgr Duwalk de Dampierre. L’épiscopat

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mentionnent souvent les chanoines qu’au moment d’évoquer l’érection des nouveaux chapitres cathédraux, dont la composition n’est généralement abordée que de manière extrêmement sommaire1. L’importance accordée à partir du milieu du XXe siècle aux processus de déchristianisation et à la prise en compte de la question sociale par l’Église n’ont pas été favorables aux chanoines : Christiane Marcilhacy commence ainsi par noter que le chapitre cathédral d’Orléans ne joue aucun rôle dans l’œuvre de rechristianisation du diocèse2, tandis que Paul Droulers ne parle guère du chapitre métropolitain dans son remarquable ouvrage sur le diocèse de Toulouse sous Mgr d’Astros3. Quelques biographies épiscopales mentionnent néanmoins les relations qu’entretiennent les prélats avec leurs chapitres : c’est le cas par exemple des deux biographies d’archevêques de Paris de Roger Limouzin-Lamothe4 ou de la biographie du cardinal de La Tour d’Auvergne par Georges Lacroix5.

Comme on l’a vu, les travaux consacrés aux nouveaux chapitres sont extrêmement rares. La petite étude du chanoine Autexier sur le chapitre de Poitiers délaisse la composition du chapitre pour traiter exclusivement du problème des statuts, il est vrai essentiel et négligé6. L’étude de Bernard Xibaut sur le chapitre de Strasbourg restitue avec précision la reconstruction

1 Thierry BLOT, Reconstruire l’Église après la Révolution. Le diocèse de Bayeux sous l’épiscopat de Mgr Charles

Brault, Cerf, Paris, 1997, p. 115 ; Marius FAUGERAS, Le diocèse de Nantes sous la Monarchie censitaire

(1813-1822-1849), Imprimerie Lussaud Frères, Fontenay-Le-Comte, 1964, t. I, p. 20 ; Pierre GENEVRAY,

L’administration et la vie ecclésiastique dans le grand diocèse de Toulouse (Ariège, Haute-Garonne, arrondissement de Castelsarrasin) pendant les dernières années de l’Empire et sous la Restauration, Privat,

Toulouse, 1941, p. 409 ; J. GODEL, La reconstruction concordataire dans le diocèse de Grenoble, op. cit., p. 144 ; Claude LANGLOIS, Le diocèse de Vannes au XIXe siècle (1800-1830), Kincksieck, Paris, 1974, p. 123 ; Charles

LEDRE, La réorganisation d’un diocèse français au lendemain de la Révolution. Le cardinal Cambacérès,

archevêque de Rouen (1802-1818), Plon, Paris, 1943, p. 289-292 ; Jean LEFLON, Étienne-Alexandre Bernier,

évêque d’Orléans, et l’application du Concordat, Plon, Paris, 1938, t. II, p. 67 ; Yves LE GALLO, Clergé, religion

et société en Basse-Bretagne de la fin de l’Ancien Régime à 1840, Éditions Ouvrières, Paris 1991, t. I, p. 305 ; Léon LEVY-SCHNEIDER, L’application du Concordat par un prélat d’Ancien Régime. Mgr Champion de Cicé,

archevêque d’Aix et d’Arles (1802-1810), Rieder & Cie, Paris, 1921, p. 200-202 ; L. PEROUAS et P. D’HOLLANDER, La Révolution française, une rupture dans le christianisme ?, op. cit., p. 276 ; Vincent PETIT,

Catholiques et Comtois. Liturgie diocésaine et identité régionale au XIXe siècle, Cerf, Paris, 2011, p. 43.

2 Christiane MARCILHACY, Le diocèse d’Orléans sous l’épiscopat de Mgr Dupanloup (1849-1878), Plon, Paris, 1962, p. 192.

3 Paul DROULERS, Action pastorale et problèmes sociaux sous la monarchie de Juillet chez Mgr d’Astros,

archevêque de Toulouse, censeur de La Mennais, Vrin, Paris, 1954.

4 Roger LIMOUZIN-LAMOTHE, Monseigneur de Quelen, archevêque de Paris. Son rôle dans l’Église de France de

1815 à 1839 d’après ses Archives privées, t. I, La Restauration, Vrin, Paris, 1955, p. 143, 257 ; t. II, La Monarchie

de Juillet, 1830-1839, Vrin, Paris, 1957, p. 273-274 ; Roger LIMOUZIN-LAMOTHE et Jean LEFLON, Mgr

Denys-Auguste Affre, archevêque de Paris (1793-1848), Vrin, Paris, 1971, p. 69-77.

5 Georges LACROIX, Un cardinal de l’Église d’Arras. Charles de La Tour d’Auvergne. 49 ans d’épiscopat

concordataire, Imprimerie de la Centrale, Lens, s. d., p. 235-247.

6 Armand AUTEXIER, Le chapitre cathédral de Saint-Pierre de Poitiers après le Concordat de 1801, Extrait du

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du chapitre, mais s’arrête en 18201. Si l’on excepte un article2 de Jacques-Olivier Boudon sur le chapitre de Notre-Dame de Paris, exceptionnel tant par ses effectifs que par sa situation au cœur de la capitale, il serait possible d’appliquer désormais à la période concordataire le constat dressé par Olivier Charles à propos de l’époque moderne : « Les meilleurs travaux, tant sur les hommes que sur les institutions, se trouvent dans des études qui ne leur sont pas proprement consacrées3. » Ainsi, dans sa thèse sur les prêtres du diocèse de Belley, Philippe Boutry a mis en lumière les mécanismes d’attribution des canonicats entre faveur et mérite4. En établissant que 28,8% des évêques du XIXe siècle ont été chanoines, Jacques-Olivier Boudon montre que

le canonicat concordataire ne peut être réduit à une simple retraite, mais reste souvent une étape importante dans la carrière de nombreux vicaires généraux et évêques5. Samuel Gicquel, dans sa thèse prosopographique sur le clergé des diocèses de Vannes et de Saint-Brieuc, distingue trois principaux types de chanoines du XIXe siècle : la nomination au canonicat peut aussi bien

récompenser de longs services que constituer une mise à l’écart honorable ou permettre à un prêtre de s’adonner à la promotion d’idées ou d’œuvres nouvelles. « Le chapitre cathédral, écrit Samuel Gicquel, malgré la diminution de ses pouvoirs, n’est donc pas qu’une institution poussiéreuse occupée par des prêtres inaptes physiquement à tout autre ministère6. »

Problématisation

Nous avons fait le choix d’examiner les métamorphoses de l’ordo canonicus de la préparation des États généraux de 1789 à la chute de la monarchie de Juillet en 1848. Dès 1964, pour éclairer le contexte religieux très déprimé du diocèse d’Orléans au milieu du XIXe siècle,

Christiane Marcilhacy rappelait la « part de l’histoire » et cherchait, très en amont de la Révolution, les premières traces du processus de détachement religieux dès les premières décennies du XVIIIe siècle7. En 1973, Bernard Plongeron s’affranchit nettement du cadre

1 Bernard XIBAUT, La cathédrale de Strasbourg au lendemain de la grande Révolution. Mutations et continuité

(1800-1820), Ercal, Strasbourg, 1987.

2 Jacques-Olivier BOUDON, « Le chapitre et les chanoines de Paris face à la reconstruction concordataire

(1802-1840) », RHEF, t. LXXXVIII, 2002, p. 415-428.

3 O. CHARLES, Chanoines de Bretagne, op. cit., p. 18.

4 Philippe BOUTRY, Prêtres et paroisses au pays du curé d’Ars, Cerf, Paris, 1986, p. 266-278. 5 J.-O. BOUDON, L’épiscopat français à l’époque concordataire, op. cit., p. 201-209.

6 Samuel GICQUEL, Prêtres de Bretagne au XIXe siècle, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2008, p. 101.

7 Christiane MARCILHACY, Le diocèse d’Orléans au milieu du XIXe siècle, Sirey, Paris, 1964, p. 415-476. Dans son étude plus récente sur le même diocèse, Gaël RIDEAU (De la religion de tous à la religion de chacun. Croire et

pratiquer à Orléans au XVIIIe siècle, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2009, p. 348) estime que la mutation

religieuse à l’œuvre antérieurement à la Révolution « invite à reconsidérer la rupture qu’elle constitue dans ce domaine ».

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chronologique traditionnel afin de mieux saisir les permanences intellectuelles et culturelles et la continuité des grands thèmes théologiques de part et d’autre de la césure révolutionnaire1. De même, Louis Pérouas et Paul D’Hollander font le choix d’une « période révolutionnaire largement taillée2 », de 1775 à 1822, pour dresser un bilan des conséquences de la déchristianisation révolutionnaire tant sur le corps ecclésial que sur les structures de la vie religieuse dans le Limousin, où le clergé aspire avant tout à la restauration de la situation religieuse antérieure3. Pour Michel Lagrée, la période formée par la fin de l’Ancien Régime, la décennie révolutionnaire et l’époque napoléonienne peut être conçue comme un tout complexe, marqué par la référence constante au passé4. Enfin, depuis les années 1990, plusieurs travaux de recherche en histoire sociale5 ont montré l’intérêt d’enquêtes sur des groupes sociaux enjambant la césure de la Révolution afin précisément d’évaluer les conséquences de cette dernière.

Il peut certes paraître plus difficile d’adopter un tel cadre chronologique élargi pour traiter des chapitres cathédraux alors que la Révolution et le Concordat représentent « deux ruptures fortes dans l’histoire capitulaire6 ». Cependant, le constat de cette double rupture doit être nuancé. En 1803, un rapport du Conseil d’État exprime le vœu que les chapitres cathédraux alors en cours de reconstitution retrouvent l’ « attribution principale et majeure dont ils étaient investis autrefois7 ». En 1855, une note destinée à Hippolyte Fortoul, ministre des Cultes de Napoléon III, juge encore les décrets du 10 avril 1802 érigeant les nouveaux diocèses « extrêmement favorables » aux chapitres cathédraux, qu’ils « rétablissent dans les droits et les privilèges reconnus ou confirmés par le Concile de Trente8 ». C’est ainsi qu’Olivier Charles peut noter la « plus ou moins grande volonté d’assurer une certaine continuité entre chapitres d’Ancien Régime et chapitres concordataires9 ». L’étude des aspects ecclésiologiques et

1 Bernard PLONGERON, Théologie et politique au siècle des Lumières (1770-1820), Droz, Genève, 1973. Le t. X de

l’Histoire du christianisme, dirigé par Bernard Plongeron, adopte une périodisation comparable quoique plus large (Les défis de la modernité (1750-1840), Desclée de Brouwer, Paris, 1997).

2 Louis PEROUAS et Paul D’HOLLANDER, La Révolution française, une rupture dans le christianisme ? Le cas du

Limousin (1775-1822), Les Monédières, Treignac, 1988, préface de Michel Vovelle, p. 5.

3 Ibid., p. 385.

4 Michel LAGREE, Mentalités, religion et histoire en Haute-Bretagne au XIXe siècle. Le diocèse de Rennes,

1815-1848, Klincksieck, Paris, 1977, p. 29.

5 Philippe GARDEY, Négociants et marchands à Bordeaux, de la guerre d’Amérique à la Restauration

(1780-1830), Presses de l’Université Paris-Sorbonne, Paris, 2009 ; Olivier PETRE-GRENOUILLEAU, L’argent de la traite.

Milieu négrier, capitalisme et développement : un modèle, Aubier, Paris, 1996 ; Sylvain TURC, Les élites

grenobloises des Lumières à la monarchie de Juillet. Noblesse, notabilités, bourgeoisies (1760-1848), Presses

Universitaires de Grenoble, Grenoble, 2009.

6 O. CHARLES, Chanoines de Bretagne, op. cit., p. 110. 7 A.N., F192650, Rapport du Conseil d’Etat, 15 pluviôse an XI. 8 A.N., F192649, Note destinée au ministre des Cultes, 28 juillet 1855. 9 O. CHARLES, Chanoines de Bretagne, op. cit., p. 109.

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canoniques liés à la suppression, puis à la renaissance des chapitres rend ainsi malaisé de séparer les dernières années de l’Ancien Régime, la Constitution civile du clergé et l’élaboration du nouveau cadre concordataire.

La double rupture de 1790-1801 est également atténuée par la relative continuité du personnel canonial. Comme l’a souligné Michel Lagrée, la réorganisation concordataire s’opère avec un personnel clérical d’Ancien Régime1. En effet, c’est tout d’abord par les ecclésiastiques qui composent les chapitres que se justifie une étude de l’ordo canonicus qui ne fasse pas de la décennie révolutionnaire l’épilogue de l’histoire des anciens chapitres. Bien que la situation soit très variable d’un diocèse à l’autre, les chanoines de l’Ancien Régime constituent une part notable des effectifs des nouveaux chapitres, non seulement dans les premières années de la réorganisation concordataire, mais encore jusqu’à une date avancée du XIXe siècle : à sa

reconstitution en 1821, quatre des huit titulaires du chapitre de Notre-Dame de Chartres sont des membres de l’ancien chapitre2. Les mêmes ecclésiastiques ont souvent connu successivement les compagnies d’Ancien Régime, leur destruction révolutionnaire et la réorganisation concordataire. Avec les individus survivent également les anciens usages3. « Malgré le Concordat et les prescriptions des Ordinaires, note ainsi le biographe de Mgr d’Astros, archevêque de Toulouse, des usages abolis subsistaient toujours ; les temps anciens et les temps nouveaux se croisaient dans l’administration de la nouvelle Église comme le style de deux âges dans certaines cathédrales4. » Il s’agit donc, à la suite des travaux de Bernard Plongeron5, de mieux saisir la réalité d’une génération entre baroque et romantisme, qui a largement fait les premières décennies du XIXe siècle : le Concordat ne peut être considéré comme un point zéro à partir duquel se mesurent les effets de la restauration religieuse6.

L’absence de toute véritable rupture institutionnelle dans l’histoire des chapitres à l’époque concordataire rend malaisé de fixer une limite chronologique à notre étude. La fin de la monarchie censitaire en février 1848 a finalement été retenue. C’est vers 1848 que décèdent les derniers chanoines vétérans de l’Ancien Régime. Le milieu du siècle correspond également à la disparition de grandes figures épiscopales qui ont contribué à façonner l’Église de France dans la première moitié du siècle, telles Mgr de La Tour d’Auvergne à Arras et Mgr d’Astros à

1 M. LAGREE, Mentalités, religion et histoire en Haute-Bretagne, op. cit., p. 29. 2 A.N., F199062, Nominations de chanoines, diocèse de Chartres, 10 novembre 1821.

3 Voir par exemple André LATREILLE, « Un épisode de l’histoire religieuse de la Restauration. La question de

l’administration du diocèse de Lyon », RHEF, t. XXX, n°117, 1944, p. 81-82.

4 Jean-Baptiste CAUSSETTE, Vie du cardinal d’Astros, archevêque de Toulouse, Vaton, Paris, 1853, p. 273-274. 5 Bernard PLONGERON et Jean GODEL, « 1945-1970. Un quart de siècle d’histoire religieuse. À propos de la

génération des « secondes lumières » (1770-1820) », AHRF, t. XLIV, 1972, p. 181-203.

6 Bernard PLONGERON, « Théologie et politique au siècle des Lumières (1770-1820) », AHRF, t. XLV, 1973, p.

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Bayonne, puis Toulouse, qui meurent tous deux en 1851. « La Révolution, en réalité, note Jean Leflon, durait encore avec ceux qui l’avaient faite ou subie1. » La période envisagée est ainsi suffisamment longue pour mettre en évidence l’évolution de l’ordo canonicus des premières années du Concordat marquées par les souvenirs de l’Ancien Régime et de la Révolution à l’installation progressive dans le « long XIXe siècle2 » à mesure que disparaît l’ancien clergé et que s’instaure une forme de normalisation des relations entre Église et État dans le cadre d’un système concordataire3 désormais stabilisé.

Le milieu du XIXe siècle peut également apparaître, selon les mots de 1849 de Mgr de

Salinis, évêque d’Amiens, comme une « époque de transition et de régénération4 » marquée par la « révolution ultramontaine » (Yves-Marie Hilaire5) qui transforme en profondeur le catholicisme français dans son ensemble6. Jusqu’alors point de référence en matière liturgique, le chapitre tend à perdre son rôle au profit de l’ordre bénédictin restauré en 1833 alors que s’accélère, entre 1845 et 1860, le mouvement de romanisation liturgique. C’est ainsi à cette époque que l’on assiste à un profond renouvellement de l’épiscopat : au cours de la seule année 1849 sont nommés Mgr Dupanloup à Orléans, Mgr de Salinis à Amiens, Mgr Pie à Poitiers et Mgr de Dreux-Brézé à Moulins7. L’arrivée aux affaires de cette nouvelle génération épiscopale marque pour les chapitres un tournant potentiellement significatif, puisque l’évêque est désormais seul collateur des canonicats. La fin de la monarchie censitaire en 1848, entre disparition des derniers ecclésiastiques ordonnés avant la Révolution, renouvellement de l’épiscopat, achèvement de la stabilisation du système concordataire et accélération du mouvement vers Rome de l’Église de France, peut donc être désignée comme limite à cette étude. Malgré un caractère inévitablement arbitraire, elle permet d’envisager une période suffisamment longue pour permettre l’examen non seulement de la reconstruction capitulaire consécutive au Concordat, mais aussi de l’évolution des chapitres avant les mutations

1 Jean LEFLON, Étienne-Alexandre Bernier, évêque d’Orléans, et l’application du Concordat, Plon, Paris, 1938,

t. II, p. 45.

2 Jacques LAFON, Les prêtres, les fidèles et l’État. Le ménage à trois du XIXe siècle, Beauchesne, Paris, 1987, p. 12.

3 Le système concordataire, qui ne se réduit pas à l’accord passé entre Bonaparte et Pie VII, peut se comprendre

comme l’ « ensemble des institutions qui se greffent sur le Concordat » (Claude LANGLOIS, « Incertaine actualité du système concordataire en France », Vingtième Siècle, n°66, 2000, p. 108). Il renvoie ainsi non seulement aux articles organiques, mais aussi aux pratiques adoptées dans les rapports entre Église et État.

4 Cité par Casimir de LADOUE, Vie de Mgr de Salinis, évêque d’Amiens, archevêque d’Auch, Tolra et Haton, Paris, 1864, p. 250.

5 Yves-Marie HILAIRE, Une chrétienté au XIXe siècle ? La vie religieuse des populations du diocèse d’Arras, Lille, 1977, t. I, p. 270.

6 Philippe BOUTRY, « Le Mouvement vers Rome et le renouveau missionnaire », dans Jacques LE GOFF et René

REMOND (dir.), Histoire de la France religieuse, t. III, Du Roi Très-Chrétien à la laïcité républicaine (XVIIIe-XIXe siècles), Seuil, Paris, 1991, p. 423-452.

7 Jacques-Olivier BOUDON, L’épiscopat français à l’époque concordataire (1802-1905), Cerf, Paris, 1996, p.

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25 religieuses de la seconde moitié du siècle.

Il s’agira donc de mettre en évidence la résistance de l’institution capitulaire aux bouleversements révolutionnaires et à la nouvelle organisation ecclésiastique en même temps que ses adaptations et mutations. Pourquoi la Constitution civile du clergé prononce-t-elle l’extinction des chapitres cathédraux ? Pourquoi leur reconstitution est-elle jugée nécessaire au moment du Concordat ? Comment les chapitres s’adaptent-ils d’une part à la disparition de la société d’Ancien Régime et du système seigneurial auquel ils étaient étroitement liés, d’autre part à la nouvelle organisation concordataire, qui place les chapitres dans la dépendance étroite des évêques ? Jusqu’à quel point le milieu capitulaire témoigne-t-il de l’amalgame entre les deux clergés réfractaire et constitutionnel souhaité par Bonaparte et connaît-il après le Concordat une démocratisation de son recrutement ? Quelle place les canonicats occupent-ils désormais dans les carrières ecclésiastiques ? Les chapitres accueillent-ils une nouvelle élite cléricale ?

Il s’agira ainsi, en entreprenant à la fois l’histoire institutionnelle et ecclésiologique des chapitres et l’histoire sociale et culturelle du groupe défini que forment les chanoines, d’évaluer la portée du double bouleversement révolutionnaire et concordataire et de mettre en évidence l’évolution des mobilités sociales et de leurs limites au sein du clergé au cours de la période qui suit la Révolution.

Méthode et échantillon

Philippe Loupès plaçait ses travaux, portant à la fois sur les chapitres et les chanoines, sous le signe de la dualité, ce qu’il justifiait par les interférences entre hommes et compagnies et par la volonté de conduire l’analyse des groupes dans leurs différents aspects aussi bien juridiques que sociaux, économiques et spirituels1. Cette dualité s’impose d’autant plus que les chapitres cathédraux n’ont plus d’existence de 1791 à 1802, de sorte que seuls s’offrent à l’étude, pour la décennie révolutionnaire, les itinéraires des ci-devant chanoines.

Nous n’aborderons pas dans le cadre de cette thèse les aspects économiques de la puissance des chapitres. Le temporel des chapitres, entièrement liquidé à la suite de la nationalisation des biens du clergé décrétée le 2 novembre 1789, n’est pas reconstitué après le Concordat et relève donc uniquement de l’Ancien Régime, ce qui rend impossible tout point de comparaison de part et d’autre de la coupure révolutionnaire. Nous ne reviendrons donc pas sur

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l’importante question de la vente des biens des chapitres à partir de 1791. L’institution capitulaire fera en revanche l’objet d’une enquête ecclésiologique et canonique dans le sillage des recherches entreprises depuis les années 1960 par Bernard Plongeron pour restituer la logique interne des problèmes religieux et des attitudes du clergé révolutionnaire1. L’exclusion des chapitres collégiaux s’imposait quant à elle pour deux raisons liées à la nature même de notre sujet et de notre questionnement. D’une part, les collégiales ne sont pas reformées après le Concordat ; d’autre part, d’un point de vue ecclésiologique, elles sont dépourvues des attributions juridictionnelles des chapitres de cathédrales. Il s’agira, en se fondant sur l’abondante littérature de controverse religieuse de la Révolution, les archives romaines, les statuts concordataires et les registres capitulaires conservés aux archives diocésaines, de resituer l’extinction et la reconstruction des chapitres dans les débats ecclésiologiques de l’époque révolutionnaire élargie.

Les chanoines seront quant à eux étudiés grâce aux méthodes de la prosopographie. L’approche prosopographique vise à constituer la biographie collective d’un corps ou d’un groupe de personnes en lui appliquant les méthodes statistiques du recensement par l’établissement, la juxtaposition et le croisement de notices individuelles2. Il s’agit de dégager ainsi, au moyen d’une comparaison entre des fiches individuelles établies suivant le même modèle, Souvent utilisée en histoire religieuse médiévale, elle a contribué au renouveau de l’histoire religieuse moderne en permettant une étude fine des carrières ecclésiastiques3, mais aussi à celui de l’histoire religieuse contemporaine, notamment grâce aux travaux de Jacques-Olivier Boudon4. Malgré l’originalité qui résulte du célibat, qui modifie le rôle de la famille, le clergé peut s’étudier comme d’autres corps sociaux5. La méthode prosopographique permet précisément de mener une histoire sociale du fait religieux6.

L’approche prosopographique s’avère particulièrement appropriée à l’étude des

1 Bernard PLONGERON, Conscience religieuse en Révolution. Regards sur l’historiographie religieuse de la

Révolution française, Picard, Paris, 1969, p. 179.

2 Christophe CHARLE, Jean NAGLE, Marc PERRICHET et Michel RICHARD, Prosopographie des élites françaises.

Guide de recherche, CNRS-IHMC, Paris, 1980, p. 6 ; Claude NICOLET, « Prosopographie et histoire sociale : Rome et l’Italie à l’époque républicaine », Annales ESC, t. XXV, 1970, p. 1210-1228.

3 Viviane BARRIE-CURIEN, Clergé et pastorale en Angleterre au XVIIIe siècle. Le diocèse de Londres, Éditions du CNRS, Paris, 1992 ; Ségolène de DAINVILLE-BARBICHE, Devenir curé à Paris, institutions et carrières

ecclésiastiques, Presses Universitaires de France, Paris, 2005.

4 Jacques-Olivier BOUDON, « De la biographie à la prosopographie dans l’histoire religieuse contemporaine », dans

Benoît PELLISTRANDI (dir.), L’histoire religieuse en France et en Espagne, Collection de la Casa de Velázquez, Madrid, 2004, p. 121-135.

5 Jean-Marie MAYEUR (dir.), L’histoire religieuse de la France. 19e-20e siècle. Problèmes et méthodes, Beauchesne, Paris, 1975, p. 204.

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