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Le chapitre, tête du presbytère : l’opinion de deux chanoines richéristes et jansénistes

théologique, canonique et historique

1.2. Les doctrines gallicanes du presbytère à la fin du XVIII e siècle

1.2.3. Le chapitre, tête du presbytère : l’opinion de deux chanoines richéristes et jansénistes

L’affirmation de la décadence des chapitres semble donc un lieu commun dans la littérature ecclésiastique de la fin de l’Ancien Régime. Elle est largement acceptée par la majeure part du personnel capitulaire, qui se résigne à sa subordination à l’autorité épiscopale. Comme l’a montré Michel Vovelle pour le cas de Chartres, les chapitres ont à la fin du XVIIIe

siècle abandonné l’essentiel de leurs prétentions pour se rallier à un conformisme qui ne tranche guère sur l’orthodoxie épiscopale officielle2. Auteur en 1762 d’un Traité des droits et des

obligations des Chapitres des Églises Cathédrales, François Ducasse, chanoine de Condom,

estime la « subordination des Chapitres aux Évêques […] tellement fondée sur les principes de la Religion, qu’il seroit inutile d’en chercher d’autres preuves que celles qui sont prises de la supériorité de l’Épiscopat à tous les autres ministeres de l’Église3 ». Cette position reflète vraisemblablement le consensus dominant dans le milieu des cathédrales. Confrontés aux attaques des pasteurs du second ordre, les chanoines défendent néanmoins avec vigueur leur prééminence : comme clergé de la ville épiscopale, le chapitre cathédral doit conserver le premier rang dans le diocèse4. Malgré l’acceptation par la plupart des compagnies de l’affirmation de la puissance épiscopale, quelques membres de chapitres encore marqués par

1 Ibid., p. 541.

2 M. VOVELLE, « Un des plus grands chapitres de France », loc. cit., p. 241.

3 François DUCASSE, Traité des droits et des obligations des Chapitres des Églises Cathédrales, tant pendant que

le Siege Épiscopal est rempli, que durant la Vacance du Siege, chez Antoine Birosse, Toulouse, 1762, p. 19.

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l’héritage contestataire du début du siècle continuent, dans les dernières décennies de l’Ancien Régime, à porter la cause des droits des chapitres non seulement face au clergé paroissial, mais aussi face au premier ordre triomphant. C’est le cas notamment d’Augustin Clément du Tremblay et d’Edme Moreau, respectivement trésorier et chanoine de la cathédrale d’Auxerre, qui publient, à l’occasion d’une controverse avec les curés du diocèse, deux ouvrages1 qui leur permettent d’exposer un point de vue canonial sur les origines et la dignité de l’institution capitulaire.

En 1779, après que l’abbé Frappier, chanoine d’Auxerre a affirmé que les fidèles peuvent satisfaire au précepte pascal en communiant à la cathédrale, le curé Claude Salomon publie anonymement des lettres où il affirme la supériorité des curés sur les chanoines. Ceux- ci, principalement destinés à la louange divine, sont étrangers aux fidèles2 ; dépourvus de fonctions pastorales, ils ne tiennent pas à la hiérarchie proprement dite et ne sont pas nécessaires à l’Église3. Il provoque ainsi la réponse vigoureuse des deux membres du chapitre4. L’abbé Clément, par la suite évêque constitutionnel de Versailles, est aujourd’hui bien connu comme membre extrêmement actif du mouvement janséniste européen à la fin de l’Ancien Régime5. Le chanoine Moreau, qui dénonce la morale des « casuistes relâchés », les « missions jésuitiques » et le « poison » des Théologies de Tournely, Collet ou Poitiers6, ne dissimule pas davantage sa proximité avec les milieux jansénisants, et ce n’est probablement pas sans raison que son ouvrage, plus développé que le mémoire de Clément, est publié non à Auxerre, mais à Amsterdam. La réponse aux attaques des curés d’Auxerre est donc l’œuvre de deux chanoines profondément marqués par le long épiscopat jansénisant de Charles de Caylus, qui a durablement transformé le diocèse et la cathédrale d’Auxerre en bastions jansénistes7. Selon Edmond Préclin, les deux auteurs, qu’il désigne comme des « richéristes convaincus », donnent

1 Jean-Charles-Augustin CLEMENT,Mémoire sur le rang que tiennent les chapitres de cathédrale dans l’ordre

hiérarchique, contre les principes de trois Lettres publiées à Auxerre en 1779, s. n., Auxerre, 1780 ; Edme

MOREAU, Fonctions et droits du clergé des églises cathédrales, s. n., Amsterdam, 1784.

2 Claude SALOMON, Lettres d’un Auxerrois à M. Frappier, Chanoine de l’Église Cathédrale d’Auxerre, & Agent

des Réparations du Chapitre, s. n., Auxerre, 1779, p. 42.

3 Claude SALOMON, Lettre à un ami, Sur la dignité des Curés & des Chanoines, où l’on fait voir qui sont ceux qui

représentent vraiment l’ancien Presbytère, & qui tiennent le plus à la Hiérarchie, s. n., Auxerre, 1780, p. 19.

4 Ibid., p. III-IV. Sur ce conflit, cf. E. PRECLIN, Les Jansénistes au XVIIIe siècle,op. cit., p. 368-372.

5 Emmanuel LACAM, Correspondances et voyages d’un intermédiaire culturel : l’abbé Jean-Charles Augustin

Clément (1754-1771). Entre Rome et Madrid, un réformateur janséniste dans l’Europe méditerranéenne, thèse de

l’École Nationale des Chartes, 2013 ; Mario ROSA, « Riformismo religioso e giansenismo in Italia alla fine del settecento », dans Paolo CORSINI et Daniele MONTANARI (dir.), Pietro Tamburini e il giansenismo lombardo. Atti

del Convegno internazionale del 250° della nascita (Brescia, 25-26 maggio 1989), Morcelliana, Brescia, 1993,

p. 1-30.

6 E. MOREAU, Fonctions et droits du clergé des églises cathédrales, op. cit., p. 198, 199, 203.

7 Dominique DINET, « Le jansénisme et les origines de la déchristianisation au XVIIIe siècle. L’exemple des pays

de l’Yonne », dans Léo HAMON (dir.), Du jansénisme à la laïcité. Le jansénisme et les origines de la

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de « nouveaux développements aux doctrines relatives à l’origine du presbytère, avec le dessein clairement exprimé de maintenir l’union entre les membres du bas-clergé1 ».

Le récit de l’origine des chapitres que proposent Clément et Moreau ne se distingue guère de celui du Dictionnaire de Durand de Maillane ou des Conférences d’Angers. Dans les trois premiers siècles de l’Église, alors que les fidèles étaient très peu nombreux, le clergé était réuni dans la ville épiscopale autour de l’évêque, qui était encore en mesure de tout faire par lui-même ; les prêtres ne faisaient donc que suppléer à ses fonctions lorsqu’il n’était pas en mesure de s’en acquitter2. C’est ce clergé primitif, qui ne forme qu’un seul corps avec l’évêque, qui reçoit le nom de presbytère. Fort de l’autorité de l’épître de saint Ignace aux Tralliens, le chanoine Moreau désigne le presbytère comme une partie indispensable de la constitution de l’Église : « Il n’y a point d’Église sans Évêque ; point d’Évêque sans Presbytere3. » En effet, les lois de l’Église « proscrivent le gouvernement arbitraire, comme la source d’une infinité de maux » ; Dieu lui-même, qui dans l’Évangile défend aux apôtres de dominer sur l’Église à la manière des rois des nations, « a voulu que tout fut fait & que tout fut décidé en commun4 ». Sur ce point, les chanoines se trouvent pleinement d’accord avec l’abbé Salomon5. Les divergences apparaissent non lorsqu’il s’agit de déterminer contre la puissance épiscopale les droits essentiels du presbytère, mais lorsqu’il s’agit d’interpréter les changements intervenus dans la discipline ecclésiastique à partir du IIIe siècle. Après la fin de la persécution, l’accroissement du nombre des fidèles conduit à la distribution des diocèses en districts auxquels sont affectés des prêtres appelés plébains, ce qui conduit à distinguer les prêtres de la ville, ou prêtres cathédraux, des prêtres de la campagne, ou prêtres parrocaux. Les premiers, estime Moreau, ont toujours eu sur ces derniers la prééminence en vertu de la proximité qu’il a pu conserver avec l’évêque6 :

Car quoique tous les Prêtres & les Diacres d’une Église ne fissent qu’un même corps avec l’Évêque, fussent ses coopérateurs & ses conseillers dans le gouvernement de son Diocese, cependant les Prêtres ruraux, éloignés de sa personne, ne pouvoient exercer ces fonctions auprès de lui. Au contraire, le Clergé de la Cathédrale n’étant jamais séparé de l’Évêque, continua de les exercer, & eut tous les avantages qui en sont la suite7.

Les prêtres cathédraux, puis les chanoines de la cathédrale, succèdent donc au presbytère auprès de l’évêque pour former son sénat. Tandis que les Conférences d’Angers

1 E. PRECLIN, Les Jansénistes du XVIIIe siècle, op. cit., p. 370, 372.

2 E. MOREAU, Fonctions et droits du clergé des églises cathédrales, op. cit., p. 2-3. 3 Ibid., p. 6.

4 Ibid., p. 2.

5 C. SALOMON, Lettre à un ami, op. cit., p. 50.

6 E. MOREAU, Fonctions et droits du clergé des églises cathédrales, op. cit., p. 22-24. 7 Ibid., p. 25.

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insistent sur la dignité du ministère, Moreau souligne celle de la prière publique dans l’église épiscopale, fonction propre des chapitres dont l’usage nécessaire remonte aux apôtres :

Dès la naissance de l’Église, il y eut un office divin célébré sous les yeux de l’Évêque & dans son Église ; que cet office étoit composé des mêmes heures qui le partagent encore, & que la priere publique ne fut pas regardée comme un ministere moins important que les autres occupations, quelque saintes & quelque importantes qu’elles puissent être. De toutes les fonctions des Prêtres, dit St. Bernard, la premiere est la priere, qui sanctifie les autres. L’homme plante & arrose, dit St. Paul, mais c’est Dieu qui donne l’accroissement. St. Augustin ajoute que cet accroissement n’est accordé qu’à la priere1.

Par ses fonctions orantes exercées publiquement, à la suite du presbytère, dans l’église mère du diocèse, le chapitre se trouve donc surnaturellement à la source du ministère accompli par les prêtres dans les églises paroissiales. Bien que leur accomplissement ne nécessite pas le caractère sacerdotal dans tous ses membres, les chanoines qui ont reçu l’ordination ne sont pas moins prêtres que les curés et ne sont donc pas moins qu’eux de droit divin. Ils apparaissent ainsi comme les dignes successeurs des prêtres qui composaient l’ancien presbytère.

De plus, Moreau s’attache à réfuter l’assertion des curés selon laquelle les chanoines sont étrangers au soin des âmes. En effet, la cathédrale demeure une cure, même réduite, que les chanoines desservent solidairement, comme le prouve la juridiction qu’ils exercent sur les sujets qui leur sont soumis, auxquels ils administrent les sacrements sans avoir besoin d’en recevoir l’autorisation de l’évêque. Par ce seul fait, les chanoines sont égaux aux curés2 ; mais ils leur sont encore supérieurs par les fonctions qu’ils remplissent dans l’ensemble du diocèse.

Les Curés ont la jurisdiction immédiate sur le peuple ; les Chanoines ont la jurisdiction sur tout le Diocese. Ils sont censés l’exercer avec l’Évêque pendant sa vie ; ils l’exercent seuls après sa mort pendant la vacance du siege3.

Il est donc doublement faux de dire que les chanoines n’ont pas charge d’âmes, bien que leur juridiction sur le peuple soit médiate.

On regarde ordinairement une Prébende canoniale comme un bénéfice simple. On se trompe : il est à charge d’ames encore plus qu’une Cure.

En effet, un curé n’est chargé que des âmes de sa paroisse, tandis qu’un chanoine est chargé des âmes de tout le diocèse4. Les chanoines méritent donc d’être appelés les « premiers Prêtres & les premiers Hiérarques du Diocese5 ». « L’origine, écrivent encore les deux chanoines, est plus que ce qui en émane ; la source, plus que le ruisseau ; la tête, plus qu’aucun

1 Ibid., p. 17. 2 Ibid., p. 132-133. 3 Ibid., p. 134-135. 4 Ibid., p. 156. 5 Ibid., p. 133.

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des Membres1. » Cette doctrine n’est pas propre à Moreau et à Clément, mais semble avoir été partagée du moins par les autres membres du chapitre d’Auxerre, qui la reprennent avec vigueur en 1789 dans leurs Représentations consécutives au règlement royal du 24 janvier :

L’Église Cathédrale, Mère de toutes les autres, renferme dans son sein, tous les degrés hiérarchiques : elle est Oratoire, à raison des fondations qui s’y acquittent : Cure, plus ou moins étendue selon que l’administration de détail a paru compatible avec l’Administration générale : Archipresbytère, comme étant le Siège de la première Dignité après la Pontificale ; Église Episcopale, centre de Communion, Sénat & premier siège du Diocèse2.

Le texte imprimé par le chapitre d’Auxerre, parfaitement conforme sur ce point aux écrits de Moreau et de Clément, est peut-être celui qui résume le mieux les titres que font valoir à la fin de l’Ancien Régime les chapitres cathédraux pour se désigner comme les représentants du clergé. L’église cathédrale est à la fois celle de l’église et celle de son chapitre. « Comme il est inoui, estime en effet Clément, qu’on ait jamais conçu la fondation d’un Siége sans son Église Cathédrale, la subsistance de ce Siége sans un Clergé adhérent à la Chaire seroit chose également inouie3. » En tant que telle, la cathédrale est une église parfaite, une église totale qui « renferme dans son sein tous les degrés hiérarchiques », du moins tous les ordres majeurs, de l’épiscopat au sous-diaconat. Sacramentellement autosuffisante, elle peut ainsi être « Mère de toutes les autres » églises, qui n’en ont pas seulement été détachées, mais ne peuvent exister sans elle. Par l’office canonial, elle est l’ « oratoire » d’où s’élève la prière publique et perpétuelle du diocèse, source de toutes les grâces que le ministère des curés répand dans les paroisses. En vertu de cette vision à la fois historique, théologique et spirituelle, les chanoines qui composent le clergé des cathédrales forment donc des « Corps représentans-nés de leurs Diocèses respectifs4 ». Les chapitres représentent éminemment leurs diocèses parce qu’ils sont les successeurs du corps primitif de leur clergé et parce qu’ils renferment en eux la quintessence du ministère dont le clergé paroissial déploie les différents aspects auprès des peuples.

Toutefois, les deux chanoines d’Auxerre se gardent d’affirmer l’identité du presbytère et du chapitre de la cathédrale et professent sur ce point une doctrine plus restrictive que les

Conférences d’Angers. Certes, Moreau écrit que le chapitre est le « représentant de tout le

Clergé du Diocese auprès de l’Évêque5 » et s’indigne d’un mandement où Mgr de Juigné, archevêque de Paris, réduit son chapitre métropolitain à une « image de l’ancien Clergé de sa

1 J.-Ch.-A. CLEMENT, Mémoire sur le rang, op. cit., p. 114.

2 A.N., L542, Représentations du chapitre d’Auxerre au Roi, au sujet du règlement du 24 janvier 1789, p. 20. 3 J.-Ch.-A. CLEMENT, Mémoire sur le rang, op. cit., p. 77.

4 A.N., L542, Représentations du chapitre d’Auxerre au Roi, au sujet du règlement du 24 janvier 1789, p. 22. 5 E. MOREAU, Fonctions et droits du clergé des églises cathédrales, op. cit., p. 25.

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Cathédrale1 ». Cependant, le chapitre n’est pour lui que le « Presbytere de la Cathédrale2 ». Il n’est pas le presbytère, mais un presbytère, la « premiere & la principale partie » de l’ancien corps du clergé3. Le mémoire rédigé conjointement par Moreau et Clément est à cet égard plus explicite encore. « Dans aucun tems, expliquent les deux chanoines, le Chapitre de Cathédrale n’a réuni à ses droits […] ceux du Presbytere entier4. » En effet, ces droits appartiennent désormais au synode diocésain ; le chapitre n’est que le « reste du Presbytere5 ». Ainsi, pour les deux chanoines, il ne fait guère de doute que les curés, tant de la ville que de la campagne, forment une partie du presbytère6. Le chapitre, cependant, est la partie de l’ancien corps qui s’est trouvée en mesure de continuer ses fonctions auprès de l’évêque ; il est le « Corps subsistant7 » du presbytère, le « Presbytere perpétuel » de l’Église diocésaine8. Les chanoines peuvent donc reprendre ce qu’écrit Van Espen du chapitre de la cathédrale : quodammodo totius

Dioecesis Clerum repraesentat. Le chapitre représente, mais « en quelque sorte » seulement,

tout le clergé du diocèse9. « Le Chapitre ne représente donc tout le Clergé […] que pour supléer à son absence, tant qu’elle dure10. » Le rôle représentatif du chapitre découle donc de l’impossibilité pratique de tenir le synode constamment assemblé.

Dans le synode, qui semble ainsi identifié au presbytère, il est loin cependant de perdre tout rôle. Moreau et Clément s’emploient en effet à réfuter l’idée, reçue dans certains milieux jansénisants11, selon laquelle le chapitre n’est pas membre nécessaire du synode. Au contraire, écrit Moreau, « soit qu’il y assistât en corps ou par députés, il tenoit toujours le premier rang, & opinoit le premier12 ». En effet, il s’agit, pour les deux chanoines d’Auxerre, de montrer que les chapitres ne sont pas étrangers aux diocèses. Si tous les prêtres en titre font partie du presbytère, le chapitre n’a jamais cessé d’être « à la tête de ce Presbytere13 » et conserve tous ses droits malgré les exemptions que se plaisent à relever ceux qui veulent restreindre ses prérogatives :

L’idée d’une déchéance des droits primitifs des Chapitres, opérée par leurs exemptions même, qui les ait séparés de l’Évêque, n’a été imaginée récemment que par l’esprit de domination ou

1 Ibid., p. 97. 2 Ibid., p. 103. 3 Ibid., p. 88.

4 J.-Ch.-A. CLEMENT, Mémoire sur le rang, op. cit., p. 54. 5 Ibid., p. 72.

6 E. MOREAU, Fonctions et droits du clergé des églises cathédrales, op. cit., p. 198. 7 J.-Ch.-A. CLEMENT, Mémoire sur le rang, op. cit., p. 61.

8 Ibid., p. 71. 9 Ibid., p. 123. 10 Ibid., p. 55.

11 C. SALOMON, Lettre à un ami, op. cit., p. 78.

12 E. MOREAU, Fonctions et droits du clergé des églises cathédrales, op. cit., p. 72. 13 J.-Ch.-A. CLEMENT, Mémoire sur le rang, op. cit., p. 122.

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d’adulation1.

C’est en effet « par l’Institution divine2 » que les chapitres ont été placés à la tête du presbytère, si bien qu’une déchéance de leurs droits essentiels est théologiquement impossible. Certes, comme Durand de Maillane et La Blandinière, Moreau déplore les exemptions, mais il en attribue l’origine au despotisme des évêques. Après les troubles du Xe siècle, l’évêque « voulut gouverner son Diocese ; mais il voulut le gouverner en militaire3 ». C’est pour se protéger des abus de l’autorité épiscopale que les chanoines se sont alors tournés vers les papes pour obtenir des exemptions.

Pour avoir la paix, il fallut s’accommoder. L’Évêque & le Chapitre partagerent tout. Ils partagerent la chaire : l’Évêque se chargea de l’Avent & du Carême ; le Chapitre se chargea de la Dominicale qu’il fait prêcher par son Théologal. Ils partagerent la jurisdiction spirituelle & temporelle4.

Loin d’avoir abandonné leur part dans le gouvernement diocésain, les chapitres en ont donc été dépossédés au mépris des saints canons. L’abus dont les évêques se sont rendus coupables ne suffit pas cependant à entraîner la prescription du droit des chapitres ; c’est ce que prouvent les papes et les conciles, qui conformément aux anciennes règles « qualifient toujours les Chapitres de conseil de l’Évêque & de sénat de l’Église 5 ». C’est ce que prouve surtout le maintien des chapitres dans leur droit de gouverner l’Église sede vacante, que Moreau explique en recourant à la thèse élaborée par le cardinal De Luca. Ce droit, estime le chanoine, n’est rien d’autre que la « suite de celui qu’il a d’être le conseil de l’Évêque dans le gouvernement de son Église. Il la gouverne après sa mort, parce qu’il l’aidoit à la gouverner pendant sa vie6. » Il s’agit ainsi de repousser les attaques de l’abbé Salomon, pour qui le chapitre n’exerce la juridiction qu’ « en passant7 » : pour Moreau, le chapitre ne cesse jamais d’être en possession de la juridiction. Le droit des chapitres n’est donc pas perdu irrémédiablement, mais seulement empêché par le despotisme épiscopal. Le chapitre en effet « ne s’est pas formé lui-même ».

Il ne s’est donné aucun de ses titres, il les tient des Apôtres ; ils sont inhérents à sa constitution, ils sont imprescriptibles. S’ils n’exercent plus maintenant leurs fonctions, c’est par un abus contraire à l’institution primitive des choses, mais on ne peut jamais les priver du droit de les exercer ; ils les conserveront tant que l’Église durera. Des obstacles puissans survenus dans le douzieme siecle les empêchent d’en jouir ; s’ils étoient levés, ce Presbytere rentreroit de lui-même & par sa nature dans l’exercice de toutes ses fonctions. C’est un ressort actif, sans cesse comprimé par un poids

1 Ibid., p. 34. 2 Ibid., p. 2.

3 E. MOREAU, Fonctions et droits du clergé des églises cathédrales, op. cit., p. 66. 4 Ibid., p. 68.

5 Ibid., p. 69. 6 Ibid., p. 76.

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étranger ; éloignez ce poids, vous verrez ce ressort agir avec toute la force de son élasticité1.

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