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Une Église sans chapitres : le projet pré-concordataire de M gr

Conclusion du chapitre

Chapitre 2 : Entre utilitarisme et archéologisme : le presbytère en Révolution

3.1. Chapitre cathédral et système concordataire

3.1.1. Une Église sans chapitres : le projet pré-concordataire de M gr

Champion de Cicé

La reformation d’une Église de France sans chapitres a été très sérieusement envisagée à la veille du Concordat. Dans la perspective des négociations en vue d’une convention entre la France et le Saint-Siège, Mgr Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux, adresse le 20 novembre 1800 au cardinal Caprara, engagé dans les négociations du Saint-Siège avec la République française, un mémoire sur le rétablissement du culte catholique en France que Léon Lévy-Schneider désigne comme un « écrit de première importance1 », caractéristique d’un « gallicanisme épiscopal » qui n’a rien de théorique, mais se résume principalement à une politique de fait consacrant les droits absolus de l’épiscopat dans le gouvernement de l’Église de France2. Le prélat juge irréparables les dommages causés par la Révolution, si bien qu’il « convient de considérer la France comme une table rase ou nous pouvons tracer les dessins des différentes institutions que la Religion doit reclamer du Gouvernement ». L’impossibilité d’un retour pur et simple à l’Ancien Régime, qui rend nécessaire d’innover, conduit l’archevêque à écarter la reconstitution des anciens chapitres :

Quelques soient mes vœux pour le rétablissement de nos Chapitres Cathédraux, nous ne pouvons nous en flatter. Leur composition si inégale, si disproportionnée feroit seule un prétexte suffisant en faveur d’un nouvel ordre de choses, où l’esprit de l’ancienne institution seroit maintenu, sans contrarier les circonstances actuelles.

L’ancien chapitre pourrait donc être avantageusement remplacé par un « Conseil Episcopal composé de huit Pretres au moins, et de seize au plus, lesquels seroient nommés par

1 L. LEVY-SCHNEIDER, L’application du Concordat, op. cit., p. 110. L’auteur, qui s’est appuyé sur la version non

datée du mémoire conservée à Aix-en-Provence, l’estime fautivement postérieur à décembre 1800.

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l’Evêque et lui serviroient habituellement de conseils sous le titre de Vicaires-Généraux avec voix simplement consultative1 ». Mgr de Cicé n’exclut pas que ces prêtres exercent des fonctions pastorales : les membres du conseil pourront posséder une cure avec une dispense annuelle de l’évêque.

Si Léon Lévy-Schneider juge ces propositions « bien curieuses2 », celles-ci paraissent moins étranges dès lors qu’elles sont comparées aux expériences constitutionnelles. Aux dispositions de la Constitution civile du clergé, l’archevêque de Bordeaux reprend la nomination par l’évêque et approximativement le nombre des vicaires, tandis que l’éventuelle intégration au conseil de l’évêque de curés en exercice peut rappeler la réorganisation de l’Église constitutionnelle après la Terreur. Certes, les propositions de Mgr de Cicé portent peut- être la marque d’un prélat administrateur, ancien agent général du clergé, comme le suggère Léon Lévy-Schneider. Cependant, elles trahissent également l’influence des réformes ecclésiastiques de la Constituante. En effet, au nom des circonstances, des besoins des fidèles et de la nécessité d’éviter le schisme, l’archevêque de Bordeaux s’efforce, jusqu’à son refus du serment, de faire accepter les réformes provisoirement par Rome3. Bien plus nettement que Mgr de Boisgelin, Mgr de Cicé apparaît donc comme un prélat extrêmement conciliant, qui juge les mesures décrétées en 1790 acceptables, voire utiles à condition d’être canoniquement régularisées par le concours de l’Église.

Mgr de Cicé se sépare sur deux points de la réforme constitutionnelle des cathédrales. Tout d’abord, l’archevêque, qui ne considère pas l’évêque comme le curé de la cathédrale, ne fait pas des membres du conseil les vicaires de la cathédrale, mais propose, pour y remplir les fonctions paroissiales, la nomination de quatre « vicaires secondaires ». Le prélat s’emploie cependant surtout à donner un sens incontestablement épiscopaliste à l’institution du conseil. Non seulement les vicaires généraux que propose le mémoire sont à la nomination de l’évêque et, comme les chanoines, ne possèdent que la voix consultative, mais, comme les vicaires généraux d’Ancien Régime, ils sont également révocables, même si leur amovibilité est tempérée par la nécessité du consentement du conseil. Le mémoire ne dissimule pas la raison d’une telle proposition. « Par là, écrit Mgr de Cicé, le nouvel Evêque sera à peu-près sur d’avoir dans son Conseil quelques hommes de son choix. » L’archevêque de Bordeaux reprend donc l’habituelle critique des exemptions dont bénéficiaient certains chapitres dans le choix de leurs

1 A.S.V., Ep. Nap. Francia 9, fasc. 1, Mémoire de Mgr Champion de Cicé au cardinal Caprara, 20 novembre 1800. 2 L. LEVY-SCHNEIDER, L’application du Concordat, op. cit., p. 112.

3 A.S.V., Ep. Nap. 23, fasc. 10, Traduction italienne d’une lettre de l’archevêque de Bordeaux au cardinal de Bernis

du 29 juillet 1790. Sur l’attitude de Mgr de Cicé face à la Constitution civile, voir L. LEVY-SCHNEIDER,

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membres, mais en la poussant, comme certains constituants, à son aboutissement logique, en faveur de l’autorité épiscopale. Puisque le conseil nécessaire de l’évêque doit être composé d’ecclésiastiques qu’il a lui-même nommés, il convient qu’un prélat ne soit pas lié à cet égard par les choix de son prédécesseur, mais puisse à sa guise remanier le collège de ses vicaires.

Cet infléchissement épiscopaliste est confirmé par le rôle que l’archevêque attribue au conseil pendant la vacance. S’il envisage que la juridiction lui soit alors dévolue comme elle le serait à un chapitre cathédral ou au premier vicaire des conseils constitutionnels, il pourrait être « jugé plus expédient de l’attribuer au Métropolitain ».

Cette derniere forme paroitra peut-être plus convenable pour inspirer encore plus au Conseil le sentiment de sa dépendance du caractere episcopal, et pour éloigner l’abus qu’il seroit peut-être tenté de faire de sa perpétuité pour s’y soustraire1.

Aux yeux d’un grand prélat d’Ancien Régime, l’existence des chapitres n’a donc rien d’indispensable au bon gouvernement de l’Église. Sous prétexte de prévenir les dérives presbytériennes que des mesures ambiguës ont pu favoriser dans l’Église constitutionnelle, l’essentiel est pour Mgr de Cicé d’assurer la prééminence des évêques dans la nouvelle organisation. Ainsi, les vœux de rétablissement des chapitres cathédraux ne semblent pas contrariés seulement par les circonstances, mais plus profondément par la conception de l’administration ecclésiastique que porte l’archevêque. La destruction des anciens chapitres apparaît en effet comme une occasion d’amélioration de l’administration diocésaine par la formation de conseils entièrement placés dans la dépendance de l’autorité épiscopale.

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