• Aucun résultat trouvé

Les presbytères de la seconde Église constitutionnelle

Conclusion du chapitre

Chapitre 2 : Entre utilitarisme et archéologisme : le presbytère en Révolution

2.3. Remplacer les chapitres : les expériences constitutionnelles

2.3.3. Les presbytères de la seconde Église constitutionnelle

Malgré son échec, l’instauration des conseils épiscopaux n’est pas la dernière tentative de résurrection de l’ancien presbytère dans l’Église constitutionnelle. Certes, au sortir de la Terreur, le Comité des évêques réunis autour de Grégoire prend nettement ses distances vis-à- vis de la Constitution civile du clergé1. Comme le note Fabrice Vigier, l’Église constitutionnelle change de nature en cessant d’être libérale comme elle avait pu l’être à ses débuts2. La rupture que constitue pour le clergé constitutionnel la réorganisation de 1795 a bien été relevée dès 1928 par l’abbé Gallerand, qui parle, pour le diocèse du Loir-et-Cher, d’une « Église grégorienne » qu’il oppose à l’Église constitutionnelle de 17913. Les historiens ont ainsi pu qualifier cette Église de seconde Église constitutionnelle4 ou d’Église gallicane- constitutionnelle5. Pourtant, bien que les Réunis se montrent soucieux de préserver l’autorité épiscopale, leur effort de réorganisation ne marque nullement la fin des expériences collégiales visant à associer le second ordre au gouvernement de l’Église. En effet, ils tendent désormais à revenir aux traditions gallicanes plus anciennes. Plus clairement que l’Église constitutionnelle de 1791, la seconde Église constitutionnelle fait de la Tradition, ou, plus précisément, du recours à l’Antiquité, la règle efficace et légitime de sa doctrine et de sa discipline6. De surcroît, le recours à des prêtres pour diriger les diocèses est alors une nécessité en raison de la vacance de nombreux sièges. Aux chapitres de l’Ancien Régime et aux conseils épiscopaux de la Constitution civile, les Réunis, par référence explicite à l’Antiquité, tentent ainsi de substituer les presbytères, dont ils s’efforcent de préciser clairement les attributions. Cette nouvelle expérience mérite d’autant plus d’être examinée qu’elle a été directement confrontée aux anciens chapitres.

Les Réunis s’emploient à conjurer toute tentation richériste. Dans une proposition pour le rétablissement du culte rédigée en décembre 1794, il est rappelé que l’administration

1 Jeanne-Marie TUFFERY-ANDRIEU, « La nouvelle Église gallicane et la Tradition, de 1795 à 1801 », RDC, t. LXII,

2012, n°1, p. 111-125.

2 Fabrice VIGIER, « Entre Ancien Régime et Concordat : l’Église constitutionnelle du département de la Vienne en

1791-1792 », dans Anouchka VASA, Entre deux eaux. Les secondes Lumières et leurs ambiguïtés (1789-1815), Le Manuscrit, Paris, 2012, p. 111.

3 J. GALLERAND, Les cultes sous la Terreur en Loir-et-Cher, op. cit., p. 580-584. 4 J. F. BYRNES, Priests of the French Revolution, op. cit., p. 210.

5 B. PLONGERON, « L’Église constitutionnelle [gallicane] à l’épreuve du Directoire : réorganisation, liberté des

cultes, papauté et concile national de 1797 », dans Hervé LEUWERS (dir.), Du Directoire au Consulat : 2.

L’intégration des citoyens dans la Grande Nation, Université Charles de Gaulle – Lille 3, Lille, 2000, p. 149-164.

Si l’appellation d’Église gallicane a été utilisée par les Réunis eux-mêmes, cette désignation ne paraît pourtant pas entièrement satisfaisante dans la mesure où elle n’aurait pas été moins revendiquée par le clergé de la mouvance de Rome.

140

apostolique « repose sur les évêques » et « ne peut être suffisamment rempli (sic) par le clergé du second ordre, dont les travaux et le caractère ont une destination plus concentrée1 ». Cependant, comme l’a montré Rodney Dean, il s’agit également, pour les évêques constitutionnels, d’insuffler un véritable esprit républicain et révolutionnaire dans l’organisation et les structures de la vie ecclésiastique2, ce qui se traduit par la poursuite de la réflexion amorcée à l’époque de la Constitution civile du clergé sur le gouvernement collégial, tant à l’échelle de l’Église universelle qu’à celle de l’Église de France ou celle de l’Église diocésaine. La Lettre encyclique du 15 mars 17953 marque l’abandon par les évêques réunis de toute tentative de recréer ou de maintenir les vicaires épiscopaux lorsqu’elle définit la composition des deux conseils de l’évêque :

Le premier est composé de tous les Pasteurs du second ordre du Diocèse : il est sage et juste que les Évêques ne fassent aucun reglement général, et n’admettent aucun changement important dans les rits, usages et reglemens de discipline générale de leur Diocèse, sans avoir pris l’avis de ce conseil. Le second, conformément au régime de l’ancienne Eglise […] est composé des Curés de la ville épiscopale, et des Prêtres que l’Évêque emploie pour le Gouvernement du Diocèse. Il convient que dans l’administration ordinaire, l’Évêque ne fasse rien d’important, sans en avoir conféré avec eux.

On peut noter qu’outre les règlements de discipline générale, qu’il s’agit de garantir contre toute dérive novatrice comparable à celle du mariage des prêtres en 1793, en les faisant reposer sur le consensus des curés, ce qui rappelle la réclamation des quatre curés parisiens, l’encyclique transfère au synode l’une des attributions majeures des anciens chapitres cathédraux, la fixation des rites liturgiques à la demande de l’évêque. En revanche, le rôle consultatif traditionnel des chapitres dans l’administration ordinaire revient au conseil composé des curés de la ville épiscopale. L’encyclique reprend ainsi mot pour mot la phrase appliquée au chapitre des chanoines sous l’Ancien Régime. Significativement, les évêques réunis emploient, pour évoquer cette prérogative de leur conseil, une formulation très prudente : il « convient » seulement que le bon évêque recoure dans son gouvernement aux lumières de ses conseillers. L’encyclique dissipe donc l’équivoque qu’avait laissé subsister la Constitution civile du clergé et qu’avaient tenté d’exploiter les contempteurs de l’épiscopat.

Ce conseil dès les premiers tems de l’Église etoit designé sous le nom de Presbytere : à lui appartient le gouvernement du Diocèse pendant la vacance du Siége4.

1 Cité par Rodney J. DEAN, L’abbé Grégoire et l’Église constitutionnelle après la Terreur, chez l’auteur, Paris,

p. 29.

2 Ibid., p. 37.

3 Sur l’élaboration de la première encyclique des évêques réunis, voir ibid., p. 29-37 notamment.

4 Lettre encyclique de plusieurs évêques de France à leurs frères les autres évêques et aux églises vacantes,

141

L’encyclique s’écarte donc de la voie tracée par Henri Reymond ou par les quatre curés parisiens pendant l’affaire Aubert : c’est le conseil restreint de l’évêque, il est vrai désormais composé de curés, qui est désigné comme l’héritier du presbytère. Si le nouveau presbytère de l’Église gallicane d’après la Terreur a pour but de retrouver les usages de l’Église des premiers siècles, il renoue également avec les traditions capitulaires de collégialité resserrée sur la proposition de l’ancien chanoine d’Auxerre Augustin Clément, chez qui se tiennent leurs assemblées à partir du 21 novembre 17941, même si le mémoire sur l’organisation des presbytères est d’après Grégoire l’œuvre de Pierre-Jean Agier, canoniste fortement influencé par les consultations d’Ancien Régime de Maultrot2.

La seconde Lettre encyclique des évêques réunis précise ces dispositions provisoires. Les évêques réaffirment alors leur rejet de toute atteinte qui pourrait être faite à l’intégrité de la puissance épiscopale en prenant soin, afin de prévenir toute objection ultérieure, de donner du « presbytérianisme » condamné une définition large :

L’Église gallicane condamne le presbytérianisme, c’est-à-dire, non-seulement l’opinion de ceux qui nient la nécessité de l’Episcopat, mais celle qui tend à atténuer le pouvoir d’ordre et de jurisdiction qu’il a reçu de Jesus-Christ pour gouverner l’Église 3.

L’Église gallicane s’affirme donc nettement dans l’encyclique comme une Église épiscopale4. Les évêques sont « revêtus d’un pouvoir qui les élève au-dessus de leurs frères5 » ; la décision leur est explicitement réservée6. Cependant, leur pouvoir est un « ministère d’humilité7 ». En effet, le gouvernement de la « république chrétienne » n’est pas monarchique8. S’il n’appartient qu’aux évêques de régir et de gouverner l’Église, les prêtres « par la sagesse de leurs conseils, doivent concourir au gouvernement de l’Église9 ». La coopération des prêtres au gouvernement ecclésiastique est donc désignée comme nécessaire, conformément aux traditions gallicanes de collégialité, mais son étendue est désormais clairement délimitée : cette participation ne peut exister que dans le respect d’une « exacte subordination » à l’épiscopat.

Considérés sous le point de vue du gouvernement, les Prêtres, quoiqu’inférieurs aux Évêques, les

1 J. BOUSSOULADE, « Le Presbytérianisme dans les conciles », loc. cit., p. 20.

2 [Henri GREGOIRE] Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois, député à l’Assemblée Constituante et à la

Convention Nationale, Sénateur, membre de l’Institut, Éditions de Santé, Paris, 1989, p. 139.

3 Seconde Lettre Encyclique de plusieurs évêques de France réunis à Paris, Imprimerie-Librairie Chrétienne, Paris,

1795, p. 42-43.

4 J.-M. TUFFERY-ANDRIEU, Le concile national, op. cit., p. 62. 5 Seconde Lettre Encyclique, op. cit., p. 8

6 Ibid., p. 10. 7 Ibid., p. 8. 8 Ibid., p. 9. 9 Ibid., p. 18.

142

aident de leurs conseils, et s’associent en quelque sorte, au pouvoir que J. C. a donné aux Évêques de gouverner l’Église 1.

L’association des prêtres au pouvoir épiscopal se restreint donc à l’influence que leurs avis peuvent exercer sur la décision de l’évêque. C’est dans ce cadre résolument épiscopaliste que prennent place les différentes assemblées ecclésiastiques que l’encyclique détaille longuement. Le synode diocésain, première assemblée de prêtres du second ordre que présente la lettre, apparaît comme l’instrument qui permet à la juridiction épiscopale de s’exercer dans sa plénitude. L’encyclique met en effet tout en œuvre pour que le recours au gouvernement collégial ne soit pas l’occasion d’une dénaturation du gouvernement ecclésiastique. Tandis que les « droits de l’autorité légitime » ne peuvent dans aucun cas être contestés, la puissance épiscopale se réserve quant à elle la possibilité de s’exercer dans tout son « appareil » dans les cas de « grande nécessité2 ». L’insistance sur le gouvernement collégial va donc de pair avec un souci constant de préserver l’intégrité des prérogatives épiscopales. Si elle doit permettre d’éviter le « despotisme » associé à l’épiscopat d’Ancien Régime, la collégialité semble avant tout conçue comme un relai ou une extension de l’autorité de l’évêque désormais en mesure de parler comme représentant de l’ensemble de son clergé.

Le presbytère n’est mentionné dans l’encyclique qu’après le synode diocésain et le synode rural. La première définition qu’en donnent les évêques réunis explique peut-être qu’il ne vienne qu’en troisième place :

Tous les Prêtres d’un Diocèse composoient autrefois le Presbyterium. C’étoit le Sénat de l’Église, le conseil de l’Évêque3.

En effet, cette définition, présentée comme celle de l’Antiquité chrétienne, correspond étroitement à celle qui est donnée du synode diocésain. Le presbytère permanent n’existe que par défaut, à cause de l’impossibilité pratique de tenir le synode constamment assemblé dans la ville épiscopale. La distinction entre synode diocésain et presbytère n’est donc qu’accidentelle. Le second n’est qu’une réduction du premier, rendue nécessaire par les circonstances et non par une institution divine ou apostolique. L’influence des consultations d’Ancien Régime de Maultrot4, dont l’encyclique reprend la doctrine avec exactitude, est ici sensible. Pourtant, loin de consacrer dans la nouvelle Église gallicane le richérisme, les définitions proposées garantissent au contraire dans les faits le libre et plein exercice de l’autorité épiscopale. Les évêques réunis, soucieux de prévenir toute résurgence du presbytérianisme qu’ils ont

1 Ibid., p. 19. 2 Ibid., p. 78. 3 Ibid., p. 81.

143

condamné, prennent soin de ne pas exagérer la dignité de leurs coopérateurs. La place qu’ils ménagent à la définition large du presbytère, défendue depuis les premiers temps de la Révolution par les partisans les plus résolus de l’association des prêtres du second ordre au gouvernement de l’Église, permet ainsi paradoxalement aux évêques de restreindre les prérogatives de l’instance collégiale avec laquelle leur administration doit ordinairement composer.

Afin de mieux fixer le rôle et les devoirs des nouveaux presbytères, l’encyclique les oppose à deux figures qui lui servent de repoussoir. La première est celle des chapitres cathédraux, qui « prirent la place » des presbytères, mais « ne succédèrent pas, en même temps, aux droits attachés à ces respectables assemblées » ou en « négligèrent l’exercice », puisqu’ils « avoient cessé depuis long-temps d’être le conseil nécessaire de l’Évêque » au profit du conseil formé par les grands vicaires, « titres inconnus à l’antiquité, que l’on auroit peine à justifier », attribués par la seule faveur de l’évêque à ses « créatures1 ». À cause de leurs défaillances, les anciens chapitres n’ont donc pas réellement succédé aux presbytères. Sur ce point, les Réunis ne renient donc en rien l’ecclésiologie fonctionnelle de la première Église constitutionnelle. Le second contre-modèle que propose l’encyclique est logiquement celui des conseils épiscopaux de la Constitution civile du clergé. Celle-ci a eu le mérite de faire disparaître les grands vicaires, symboles de l’ancien despotisme épiscopal, mais les a remplacés par une autre institution tout aussi inadéquate2. La condamnation des conseils épiscopaux, facilitée par la conduite de nombreux vicaires pendant la Terreur, découle de celle du presbytérianisme : les rédacteurs déplorent l’ « anarchie d’un grand nombre de conseils épiscopaux », résultat des « tentatives récentes pour renouveller l’erreur du Presbytéranisme » qui a eu pour conséquence une « éclatante & scandaleuse insubordination3 » dans le gouvernement de l’Église.

Les nouveaux presbytères n’existeront donc que dans une subordination claire à l’autorité épiscopale. Composé de douze membres pris parmi les curés de la ville épiscopale et, si ceux-ci ne sont pas en nombre suffisant, parmi les curés des paroisses rurales les plus proches, le presbytère est le « conseil habituel de l’Évêque ». Ayant déjà exposé dans leur première encyclique les attributions du presbytère du vivant de l’évêque, les Réunis s’attachent principalement à préciser son rôle pendant la vacance. Le problème se pose alors en effet avec une acuité particulière en raison de la viduité de nombreuses Églises du fait de la mort ou de l’abdication de leurs évêques pendant la Terreur. Pendant la vacance, le presbytère peut

1 Seconde Lettre Encyclique, op. cit., p. 82. 2 Ibid., p. 83-84.

144

s’adresser collectivement aux prêtres du diocèse par mandement. Il envoie des prêtres aux paroisses qui en manquent, examine les candidats aux ordres sacrés et les présente à l’ordination avec des lettres de dimissoire. La définition des attributions du presbytère porte inévitablement la marque de la situation dans laquelle se trouve alors l’Église constitutionnelle : c’est au presbytère qu’il revient de repousser du ministère les prêtres apostats et de régler la pénitence des ecclésiastiques et des laïcs « simplement tombés » pendant la persécution1. Cependant, le presbytère « ne met ordre qu’à ce qui est urgent & à ce qui ne peut attendre la decision du Prélat à élire ». Cette règle « prescrite par les Canons » rappelle incontestablement les limites de la juridiction capitulaire sede vacante. Il s’agit de prévenir toute velléité de presbytérianisme en réaffirmant la centralité du rôle de l’épiscopat2.

L’organisation des presbytères ne va pas sans difficultés. À Paris le presbytère parvient, non sans mal, à se former officiellement le 26 mars 1795 à l’initiative de trois curés, parmi lesquels deux des quatre signataires de la Réclamation adressée aux évêques lors de l’affaire du curé Aubert3 ; à Versailles, la tentative de quelques prêtres de former un presbytère en février 1795 se solde tout d’abord par un échec4. À Verdun, le clergé ne parvient pas à constituer un presbytère, si bien que l’ancien conseil épiscopal semble être resté en fonction5. À Évreux, c’est tout d’abord au métropolitain de Rouen qu’il revient d’exercer la juridiction. Un conseil presbytéral de seize prêtres n’est formé qu’en juillet 1797 ; il est tout d’abord prévu d’y faire entrer deux chanoines insermentés de l’ancien chapitre cathédral6, ce qui pourrait être le signe des doutes qu’une partie du clergé constitutionnel nourrit à propos de la régularité canonique des actes du nouveau conseil. Pour rassurer prêtres et fidèles sur leur validité, les chefs constitutionnels tentent d’obtenir la caution canonique que représenterait la participation de membres de l’ancien chapitre.

La formation des presbytères semble en effet s’être souvent heurtée à la réticence des prêtres, peu convaincus de son bien-fondé. Ainsi un mémoire intitulé Qu’est-ce que le

Presbytère ?, publié anonymement à Paris en 1797 par des prêtres constitutionnels, évoque-t-il

les « frayeurs » et les « perplexités » que soulève souvent le mot de presbytère parmi les curés

1 Ibid., p. 84-85.

2 Seconde Lettre Encyclique, op. cit., p. 86.

3 Les trois curés à l’origine de la formation du presbytère de Paris sont Brugières, Clausse et Leblanc de Beaulieu.

Sur la mise en place du presbytère parisien, voir R. J. DEAN, L’abbé Grégoire et l’Église constitutionnelle, op. cit., p. 99-103.

4 Ibid., p. 135-137.

5 Ch. AIMOND, Histoire religieuse de la Révolution dans le département de la Meuse, op. cit., p. 375-376. 6 André GOUDEAU, « Le clergé constitutionnel du diocèse d’Évreux pendant la vacance du siège épiscopal (1793-

1798) », dans S. LEMAGNEN, Ph. MANNEVILLE (dir.), Chapitres et cathédrales, op. cit., p. 610, 613. Les deux chanoines refusent cependant de siéger au presbytère d’Evreux.

145

de ville épiscopale, qu’il s’agit d’engager à se conformer au vœu des évêques réunis. Ces prêtres

conçoivent très-bien qu’il s’agit là d’une réunion de prêtres, craignent qu’on ne veuille ressusciter le presbytéranisme, et former une assemblée peu différente d’un consistoire huguenot1.

Ces réserves, qui montrent que la crainte du presbytérianisme n’est pas l’apanage des évêques réunis, prouvent aux yeux de l’auteur du mémoire qu’on a « perdu de vue ce qui se pratiquoit dans les plus beaux siècles de l’église, & qu’on ignore jusqu’à son langage2 », mais les malheurs de la persécution sont précisément une occasion providentielle de retour à la pratique des premiers siècles du christianisme tels que les conçoit la tradition gallicane3. La définition proposée, inspirée de la discipline primitive, est donc peu originale :

Le presbytere est l’assemblée des prêtres, d’abord réunis dans l’église mère, ensuite distribués dans les différens titres ou paroisses de la ville, qui gouvernoient en commun avec l’évêque, & formoient son conseil habituel ; qui, par une suite nécessaire, gouvernoient seuls après sa mort, jusqu’à ce qu’on lui eût donné un successeur, & même quelquefois pendant sa vie, lorsqu’une force majeure, telle que la violence des persécutions, privoit les fidèles de la présence de leur évêque4.

Le mémoire n’écarte pas pour autant la définition large du presbytère que proposait la seconde encyclique des évêques réunis. Les curés de campagne ont « foncièrement le même droit » que les curés de la ville à concourir au gouvernement de l’Église, dont ils ne sont exclus de fait que par l’ « impuissance physique […] qui les empêche de l’exercer habituellement5 ». La brochure développe donc assez fidèlement la doctrine du presbytère esquissée par les deux encycliques. La prééminence de l’évêque sur le second ordre est constamment rappelée, et la liste des prérogatives du presbytère pendant la vacance du siège est rigoureusement reprise de la seconde encyclique6.

Comme l’a noté Rodney Dean, la formation des presbytères manifeste la volonté du clergé constitutionnel de procéder conformément aux règles canoniques7. Ce souci ne peut que contraindre l’auteur du mémoire à aborder la question de la juridiction capitulaire sede vacante. L’auteur estime avoir prouvé, grâce aux monuments de l’Antiquité chrétienne, que dans la primitive Église le sénat de l’évêque était formé de l’assemblée des prêtres.

Dans la suite, vers le dixième ou onzième siècle, les chapitres de cathédrale qui n’étoient que des corps de clercs que les évêques gardoient auprès d’eux pour les aider dans la célébration de l’office,

1 B.S.P.R., RV42=10, Mémoire sur cette question : Qu’est-ce que le Presbytere ? Et quels sont ses Droits, ainsi

que ses Devoirs, pendant la vacance du Siége ?, Leclère, Paris, 1797, p. 1.

2 Ibid., p. 2. 3 Ibid., p. 11. 4 Ibid., p. 2. 5 Ibid., p. 16. 6 Ibid., p. 12.

146

s’arrogèrent, privativement au reste du clergé, les fonctions de conseil épiscopal ; & ce fut vers la même époque qu’ils s’attribuèrent aussi le droit exclusif de nommer les évêques1.

Comme Grégoire2, l’auteur désigne donc les droits des chapitres cathédraux comme une pure et simple usurpation. En se formant en presbytère, les curés de la ville épiscopale, loin

Outline

Documents relatifs