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Conclusion du chapitre

Chapitre 2 : Entre utilitarisme et archéologisme : le presbytère en Révolution

2.2. Les chapitres cathédraux dans l’ecclésiologie réfractaire (1790 1792)

2.2.1. Les positions de l’épiscopat

L’opposition à la suppression des chapitres cathédraux sans le concours de l’Église

1 L. CHARRIER DE LA ROCHE, Réfutation de l’instruction pastorale de M. l’évêque de Boulogne sur l’autorité

spirituelle, Leclère, Paris, p. 83.

2 Ibid., p. 87.

3 L. CHARRIER DE LA ROCHE, Examen des principes, op. cit., p. 49. 4 H. GREGOIRE, Légitimité du serment civique, op. cit., p. 25. 5 Ibid., p. 24.

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semble avoir été unanime au sein de l’épiscopat, conformément à la ligne de conduite définie par Mgr de Boisgelin, qui recommande secrètement aux évêques d’exprimer les regrets que leur inspire la dispersion des chanoines sans y opposer cependant de résistance active1. Les canons du concile de Trente, la juridiction que les chapitres tiennent de l’Église et l’importance de la prière publique sont alors les raisons les plus fréquemment invoquées par les prélats. La nouvelle organisation, estime Mgr de Clermont-Tonnerre, évêque de Châlons, « nomme de plein droit des Vicaires de l’Episcopat » et « transporte arbitrairement la jurisdiction spirituelle à ceux qui ne l’ont point2 ». « Est-il bien conforme à l’esprit de l’Église de détruire ces corps antiques et vénérables, chargés d’acquitter, au nom du peuple, le tribut d’hommage et de prieres qui est dû à l’Être Suprême ? » demande l’évêque de Grenoble3. L’atteinte à la prière publique est également au cœur des préoccupations de l’évêque de Dax, qui voit dans l’office divin, la majesté et la solemnité du culte […] des moyens de salut que l’église ménagera toujours aux fidèles4 ». Quant à Mgr Asseline, évêque de Boulogne, auteur d’une Instruction pastorale qui connaît une large diffusion, il retient principalement de la « suppression des Églises cathédrales » l’atteinte à l’indépendance de la puissance spirituelle5.

Confrontés à la mise en œuvre de la Constitution civile, plusieurs évêques appuient leur opposition aux décrets sur des conceptions du presbytère favorables aux chanoines. Pour Mgr de Bourdeilles, évêque de Soissons, l’avis donné par son presbytère, avec celui qu’il a reçu en consultant ses supérieurs et l’Esprit-Saint, est l’un des motifs qui le déterminent à refuser de prêter le serment que lui demandent les administrateurs du département de l’Aisne.

L’esprit de l’église, m’imposoit un autre devoir, dont la pratique ne pouvoit qu’être chère à mon cœur, celui de recueillir, dans la circonstance où je suis placé, les vœux de mon vénérable presbytère ; et j’y ai trouvé de nouvelles sources de lumières comme de consolation6.

Après son départ en exil, le prélat peut ainsi reprocher aux prêtres jureurs d’avoir méprisé non seulement la voix du pape et l’exemple des évêques de France, mais aussi l’ « adhésion non moins magnanime de la très-grande majorité du presbytère7 ». Dans un

1 A. MATHIEZ, Rome et le clergé français, op. cit., p. 346.

2 Lettre pastorale de M. l’Évêque de Châlons-sur-Marne au Clergé Séculier et Régulier et aux Fidèles de son

Diocèse, Guerbart, Paris, 1791, p. 6.

3 A.D. 38, L649, Déclaration de M. l’Évêque de Grenoble à MM. les administrateurs du Directoire du Département

de l’Isère en réponse à leur arrêté du 5 janvier 1791, 15 janvier 1791.

4 Instruction pastorale de M. l’évêque d’Acqs, sur le gouvernement de l’église (27 décembre 1790), CE IX, p. 335-

336.

5 A.D. 21, L1138, Mandement de M. l’Évêque de Dijon, portant adoption de l’Instruction pastorale de M. l’Évêque

de Boulogne, sur l’Autorité spirituelle de l’Église, 24 novembre 1790, p. 13.

6 Déclaration de M. l’Évêque de Soissons adressée à Messieurs les administrateurs du département de l’Aisne, en

réponse à leurs lettre & acte de délibération du 8 octobre, Imprimerie de Crapart, Paris, 1790, p. 5.

7 Mandement et ordonnance de M. l’évêque de Soissons, pour la publication du Bref monitorial de N.S.P. le Pape,

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diocèse où les assermentés forment la majorité écrasante du clergé paroissial1, le presbytère dont Mgr de Bourdeilles salue l’attitude ne peut désigner l’ensemble des curés ou des prêtres du second ordre. Cependant, le « presbytère » qui donne son adhésion aux positions du prélat le 8 octobre 1790 n’est pas composé seulement des chanoines de Saint-Gervais, mais aussi des curés de la ville et des paroisses voisines2. En effet, l’évêque de Soissons ne fait ici que se conformer aux traditions de son diocèse, qui est l’un des seuls à avoir conservé depuis l’Antiquité un cardinalat formé des prêtres attachés aux églises de la ville et des principaux faubourgs, c’est- à-dire des chanoines cathédraux et des curés les plus importants3.

La définition que Mgr de Bourdeilles propose du presbytère n’est donc pas représentative des positions de l’épiscopat. Dans les autres diocèses, bien que les évêques, au moment de déterminer l’attitude à tenir face aux décrets de la Constituante, consultent souvent les curés de ville en même temps que le chapitre, seul ce dernier est désigné comme le presbytère. Ainsi Mgr de Mérinville, évêque de Dijon, distingue-t-il, dans le clergé de sa ville épiscopale son « vénérable Presbytere » des « coopérateurs dans le ministère pastoral » et des « dignes Prêtres qui partagent avec eux la conduite des ames4 ». Mgr de Gain, évêque de Tarbes, insiste quant à lui sur le fait que le chapitre est le presbytère que l’Église universelle a donné à chaque évêque5. L’abbé Reymond peut reprocher à l’archevêque de Vienne d’entendre de même par presbytère le seul chapitre de la cathédrale6, tandis que l’évêque de Verdun Mgr Desnos, dénonce dans le conseil épiscopal constitutionnel un « Presbitère nouveau7 » et désigne son chapitre comme le « seul et véritable presbytère8 ».

Cette position, qui semble la plus répandue parmi les évêques, se situe dans la continuité de la doctrine en vigueur à la fin de l’Ancien Régime et de celle que défend Mgr de Boisgelin à la Constituante. Elle paraît cependant plus nettement favorable aux chapitres. En effet, alors que sous l’Ancien Régime les évêques s’efforcent de montrer qu’ils ne sont pas tenus de consulter les chanoines, ils s’attachent, à l’époque de l’application de la Constitution

1 Jacques BERNET, « Les serments à la Constitution civile du clergé en Picardie. Problèmes de méthodologie et

d’interprétation », dans Alain LOTTIN (dir.), Église, vie religieuse et Révolution dans la France du Nord, Université Charles de Gaulle (Lille III), Villeneuve-d’Ascq, 1990, p. 29.

2 Copie de la lettre de M. l’Évêque de Soissons aux curés de son diocèse, 8 octobre 1790, p. 1.

3 Louis-Victor PECHEUR, Annales du diocèse de Soissons, t. I, Imprimeries de l’Argus Soissonnais, Soissons, 1863,

p. 93.

4 A.D. 21, L1138, Lettres de l’Évêque de Dijon, 2 février 1791, p. 1.

5 Lettre pastorale de M. l’évêque de Tarbes, au Clergé séculier et régulier, et aux fidèles de son diocèse, en leur

adressant l’Instruction pastorale de M. l’évêque de Boulogne, sur l’autorité spirituelle, CE IX, p. 276.

6 A.D. 38, L649, Lettre de l’abbé Reymond à l’archevêque de Vienne, 26 novembre 1790.

7 A.N., D/XXIX/bis, Déclaration de M. l’évêque de Verdun adressée à Messieurs les administrateurs du directoire

du district de Verdun, 19 novembre 1790.

8 Instruction pastorale de M. l’évêque de Verdun, qui interdit tous les prêtres de son diocèse qui ont prêté le

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civile, à mettre en évidence leur union indissoluble à leur chapitre. À Laon, Mgr de Sabran évoque l’honneur qu’il a d’être le chef de son chapitre1 ; Mgr de Fontanges, archevêque de Toulouse, désigne son chapitre comme le « corps respectable des ministres que l’Église [lui] a donné pour coopérateurs », auxquels il est uni d’une « union intime […] cimentée par la plus pure charité2 ». Mgr Dillon, archevêque de Narbonne, se fait un devoir d’écrire à son chapitre métropolitain pour « épancher [son] cœur en son sein » et « faire part à [son] respectable presbytère de la conduite » qu’il a tenue face aux décrets3. « Vous n’avez point cessé d’être mes freres, mes premiers coopérateurs, la gloire & le soutien de ma Chaire épiscopale », écrit à ses chanoines Mgr de Mérinville4. En réponse à Treilhard, qui insistait sur la division qui s’était introduite entre évêque et chapitre, dénaturant l’institution antique, les prélats se montrent soucieux d’apparaître comme la tête du corps de leur presbytère, dont l’appui presque unanime leur est précieux dans un contexte de division du clergé paroissial. À l’époque de la crise du serment, désigner comme le presbytère diocésain le chapitre cathédral, souvent presque unanimement hostile aux réformes, permet aux évêques d’appuyer leur opposition à l’organisation constitutionnelle, même lorsque celle-ci est acceptée par la majorité des prêtres de paroisse.

2.2.2. Une « oraison funèbre » des chapitres cathédraux : l’évolution de

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