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Une succession imparfaite : l’orthodoxie épiscopale des Conférences d’Angers

théologique, canonique et historique

1.2. Les doctrines gallicanes du presbytère à la fin du XVIII e siècle

1.2.2. Une succession imparfaite : l’orthodoxie épiscopale des Conférences d’Angers

Le jugement porté par les Conférences ecclésiastiques du diocèse d’Angers est plus complexe. Commencées au début du XVIIIe siècle par l’abbé Babin les Conférences, sont poursuivies au milieu du siècle par les chanoines Vauthier et Audebois de La Chalmière, avant d’être achevées à la demande de l’assemblée du clergé de France par Jean-Pierre Cotelle de La Blandinière, curé en Anjou, puis directeur du séminaire d’Angers, grand-vicaire et archidiacre de Blois. Réputées pour leur « doctrine parfaitement exacte », notamment en matière de morale,

1 Ibid., p. 686. 2 Ibid., p. 271.

3 « Les Chapitres des Cathédrales représentant l’ancien Praesbiterium, qui n’étoit composé que de Prêtres & de

Diacres, on ne devroit en rigueur y admettre que des Ecclésiastiques qui eussent reçu l’un de ces deux Ordres » (ibid., p. 257).

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présentant l’avantage d’être écrites en français dans un style clair, elles bénéficient d’une large diffusion dans le clergé. Encore citées par certains évêques au début de la période concordataire1, elles sont republiées à partir de 1829 avec des notes de l’abbé Gousset2, ce qui témoigne de l’autorité qu’elles conservent jusqu’à une date avancée du XIXe siècle grâce à leurs doctrines conformes, du moins pour l’essentiel, aux thèses romaines sur la nature hiérarchique du pouvoir dans l’Église3.

La question du presbytère est traitée dans la troisième conférence sur la hiérarchie, publiée pour la première fois en 1785 par l’abbé de La Blandinière, théologien aux « opinions très modérées4 ». Hostile aux jansénistes, adversaire de Maultrot, La Blandinière se montre un défenseur résolu de l’épiscopat. Son exposé sur le presbytère peut donc apparaître comme un état de la question telle que la posait à la fin de l’Ancien Régime un clergé paroissial soucieux d’orthodoxie dans le cadre du gallicanisme modéré promu par les évêques5. En effet, lui-même ancien curé, l’abbé de La Blandinière destine avant tout son ouvrage aux prêtres de paroisse. Ainsi la question du presbytère suit-elle immédiatement celle du rang que tiennent les curés dans la hiérarchie et précède celle de la distinction entre évêques et prêtres dans les premiers temps de l’Église6 : il s’agit pour les Conférences non de traiter spéculativement d’un problème ecclésiologique, mais d’établir les droits et les devoirs des curés dans leurs rapports avec ceux des évêques et des chapitres cathédraux.

L’abbé de La Blandinière indique tout d’abord la première difficulté que pose le terme de presbytère, devenu « très-célèbre et d’un grand usage ». Si le mot est bien scripturaire, il n’apparaît en réalité qu’une seule fois dans le Nouveau Testament, « dans un sens très- différent » de celui qui lui est donné à la fin du XVIIIe siècle. En effet, saint Paul l’emploie pour

1 Voir par exemple A.D. 16, 2V12, Ordonnance de Mgr l’évêque d’Angoulême, 25 novembre 1808, où Mgr

Lacombe cite les Conférences précisément pour exposer le rôle du chapitre cathédral.

2 François BABIN, Conférences ecclésiastiques du diocèse d’Angers, Nouvelle édition classée dans un ordre

méthodique, mise en harmonie avec nos lois et nos usages, et augmentée de notes nombreuses et d’observations importantes. Actes humains, Gaume frères, Paris, 1829, préface de la nouvelle édition, p. V-VIII.

3 Serge CHASSAGNE, « Angers », dans L’Église de France et la Révolution. Histoire régionale. 1. L’Ouest,

Beauchesne, Paris, 1983, p. 67.

4 Ibid., p. VII.

5 Le genre littéraire des conférences ecclésiastiques renvoie en effet explicitement aux sessions de formation du

clergé paroissial promues par les évêques réformateurs à la suite du concile de Trente pour instruire le clergé et favoriser l’observation de la discipline dans le respect de la hiérarchie, cf. Estelle MARTINAZZO, « Les conférences ecclésiastiques et la réforme des prêtres des paroisses du diocèse de Toulouse au XVIIe siècle », dans Annales du

Midi. Revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, 2010, vol. 122, n°269, p. 5-22 ;

Marc VENARD, « Entre obligation et sociabilité, les conférences ecclésiastiques », dans Bernard DOMPNIER et Marc VENARD, Les associations de prêtres en France du Moyen Age à l’époque contemporaine, actes du colloque

organisé les 15, 16 et 17 septembre 2005, RHEF, t. XCIII, 2007, p. 41-50.

6 Jean-Pierre COTELLE DE LA BLANDINIERE, Conférences ecclésiastiques du diocèse d’Angers. Nouvelle édition,

classée dans un ordre méthodique, mise en harmonie avec nos lois et nos usages, et augmentée de notes nombreuses et d’observations importantes. Sur la hiérarchie, t. I, Gaume Frères, Paris, 1830, p. VI.

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parler de l’assemblée des anciens, qui a imposé les mains à son disciple Timothée1, ce qui signifie qu’il ne peut désigner des prêtres du second ordre, mais seulement des évêques, seuls à pouvoir imposer les mains au nouvel évêque lors de son sacre2. Le principal fondement scripturaire du presbytère, repris « à cause de la similitude d’expression » par les pontificaux et par les auteurs ecclésiastiques pour évoquer l’ordination des prêtres, risque donc aux yeux de l’abbé de La Blandinière d’occasionner de la confusion dans un contexte marqué par les revendications du second ordre. Dans l’usage courant, le presbytère ne doit pas être entendu au sens que lui donne l’apôtre, mais comme un « corps ou collége de prêtres existant dans chaque église particulière ». Si l’auteur traite de la question, c’est donc pour répondre à certains usages contemporains qu’il juge abusifs et dangereux :

Il est souvent question de l’ancien presbyterium et de ses prérogatives dans des écrits modernes, composés pour relever la dignité et soutenir les droits, et aussi quelquefois les prétentions des pasteurs du second ordre, dont on veut que le corps ait succédé à ce presbyterium primitif.

Or, note La Blandinière,

le presbytère de l’Église primitive n’est point précisément un corps de pasteurs du second ordre distingué des autres prêtres, il se rapporte à des temps très-antérieurs à cette distinction, et encore plus à la division des diocèses en paroisses3.

Les Conférences mobilisent alors les autorités patristiques récurrentes dans les écrits relatifs au presbytère. Saint Ignace d’Antioche, dans son Épître aux Tralliens, donne le titre de presbytère aux prêtres qui, présidés par l’évêque, forment un seul corps et constituent le sénat de l’Église4 ; l’expression est reprise par la suite par saint Jérôme dans son commentaire du livre d’Isaïe5. La lettre envoyée par le clergé de Rome au clergé de Carthage après le martyre du pape Fabien, alors que saint Cyprien est en exil, montre quant à elle la part prise par le presbytère dans le gouvernement du diocèse, particulièrement pendant la vacance du siège6. L’abbé de La Blandinière se montre cependant particulièrement soucieux d’écarter les mauvaises interprétations de la doctrine des Pères. L’ancien presbytère, estime-t-il en s’autorisant de la lettre du pape Sirice contre Jovinien en 3907, n’était pas formé seulement par les prêtres, mais par tout le corps du clergé réuni autour de l’évêque ; il comprenait donc

1 Première épître à Timothée, chapitre IV, verset 14.

2 J.-P. COTELLE DE LA BLANDINIERE, Conférences ecclésiastiques, op. cit., p. 479. Les Conférences entendent ici

combattre l’opinion exprimée notamment par Gabriel-Nicolas MAULTROT, L’Institution divine des Curés et Leur

Droit au Gouvernement Général de l’Église, s. n. l., 1778, part. I, p. 167, pour qui saint Paul ne parle pas de la consécration épiscopale de Timothée, mais de son ordination sacerdotale.

3 J.-P. COTELLE DE LA BLANDINIERE, Conférences ecclésiastiques, op. cit., p. 480. 4 Ibid., p. 481.

5 Ibid., p. 486. 6 Ibid., p. 481. 7 Ibid., p. 482.

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également les diacres et les clercs mineurs, même si les prêtres y tenaient le premier rang. La Blandinière se sépare donc de l’opinion de Durand de Maillane ; il refuse à la fois la thèse selon laquelle tous les prêtres du second ordre composent le presbytère à raison de leur prêtrise et l’ « idée fausse » qui fait du presbytère la réunion des « prêtres-cardinaux », titulaires d’une église et coopérateurs de l’évêque dans le ministère apostolique.

[L’antiquité chrétienne] représente, à la vérité, ces prêtres-cardinaux comme ayant le titre de leur église, y exerçant les fonctions sacrées ; mais jamais comme ayant des droits particuliers dans le gouvernement général du diocèse, comme formant seuls le presbytère, comme étant aux droits du corps du clergé. Le titre équivalent à celui de curé et cet office sacerdotal étoient si peu nécessaires pour jouir de ces droits, que les prêtres ou curés de la campagne, lorsqu’ils y furent fixés et par-là séparés du corps du clergé de la ville, n’en jouissoient pas ; et par cette raison ils étoient regardés comme inférieurs à ce corps primitif, dont ils n’étoient point les membres.

Tout l’effort de l’abbé de La Blandinière vise ainsi à dissocier fonctions curiales et appartenance au presbytère. Il déclare en effet ne pas vouloir « exposer » les droits des curés en les liant uniquement à ceux de l’ancien presbytère1 ; cependant une telle entreprise reflète également la volonté de l’auteur de défendre la juridiction épiscopale : si les curés ne sont pas membres du presbytère, ils ne possèdent aucun droit à être associés au gouvernement de l’Église.

En effet, ce n’est ni l’ordre de la prêtrise, ni l’exercice du ministère, qui fonde les attributions du presbytère, mais l’appartenance à un corps de clergé dont l’évêque est le chef. Si lors de la formation des paroisses rurales, le presbytère, « corps de l’église matrice », est devenu un « corps séparé », il conserve son « ancienne prérogative d’être le premier corps du clergé, comme l’ayant autrefois formé seul, et comme étant celui de l’église dont toutes les autres étoient dérivées ». Une fois encore, l’abbé de La Blandinière insiste sur la proximité et la solidarité du presbytère avec l’évêque comme cause de son prestige et de sa part dans l’administration ecclésiastique :

Immédiatement présidé par l’évêque, ayant avec lui des rapports plus intimes, il en tiroit une considération particulière qui l’élevoit au-dessus des autres, et il ne la perdit pas en se retirant de la conduite des âmes, lorsque la division complète des diocèses réduisit tout en paroisses. Comme il conserva toujours avec l’évêque la même union, les mêmes relations, que l’évêque lui donnoit la même confiance, la même part dans le gouvernement du diocèse, que la chaire de l’évêque, symbole de son autorité, étoit placée dans l’église à laquelle ce clergé étoit attaché, il conserva toujours son premier état et sa prééminence, en qualité de clergé de l’église principale : Clerus

majoris ecclesiae.

Ainsi, si le presbytère, en raison du changement général opéré dans les diocèses au

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début de l’ère constantinienne par la conversion des peuples, qui suppose un clergé plus nombreux et l’établissement de paroisses rurales, « n’est plus et ne peut plus être ce qu’il étoit dans les premiers siècles1 », il n’en a pas moins subsisté. En effet, pour La Blandinière, le presbytère est un « corps divinement établi2 ». Il relève de la constitution irréformable de l’Église et ne peut donc disparaître en raison du changement des circonstances :

Le corps dont il faisoit partie s’est perpétué, et subsiste encore dans le clergé de l’église cathédrale où il fut établi dans son origine, et il s’y est maintenu par une succession continue et non interrompue3.

La notion de subsistance à laquelle recourt l’abbé de La Blandinière pour exprimer le rapport entre les presbytères de l’Antiquité chrétienne et les chapitres cathédraux qui leur ont succédé doit probablement être entendue dans son sens le plus fort de mode d’existence substantielle, propre et incommunicable4. Il ne s’agit nullement pour les Conférences d’Angers de suggérer que des éléments de l’ancien presbytère existent également dans le corps des curés, mais au contraire de souligner la continuité d’un corps qui ne cesse pas d’être le même par-delà le changement des formes extérieures qu’il a pu prendre dans l’histoire. Certes, le clergé de l’église cathédrale, lorsqu’il a été érigé en chapitre, a été déchargé du soin des âmes, auquel l’évêque a pourvu par la multiplication des paroisses. Mais le saint ministère n’appartient pas essentiellement aux attributions du presbytère : en cessant de l’exercer, celui-ci continue de « partager avec [l’évêque] le soin de la police extérieure et du gouvernement du diocèse » et ne perd donc pas sa raison d’être5.

Ainsi La Blandinière peut-il affirmer que « la plupart des prérogatives, des titres et des droits qui appartenoient à l’ancien presbytère et au corps primitif du clergé, se sont perpétués dans le chapitre de l’église cathédrale ». La preuve en est que le concile de Trente, repris en 1624 par le concile de Bordeaux, applique aux chapitres les termes de « consistoire sacré » ou de « sénat de chaque église » qu’utilisaient saint Ignace et saint Jérôme lorsqu’ils parlaient du

1 Ibid., p. 484. 2 Ibid., p. 481. 3 Ibid., p. 485.

4 Voir, sur le sens à donner à cette expression difficile, les débats contemporains sur son usage dans la constitution

Lumen Gentium (n. 8) du second concile du Vatican, Benoît-Dominique de LA SOUJEOLE, Le sacrement de la

communion. Essai d’ecclésiologie fondamentale, Éditions Universitaires de Fribourg, Fribourg, 1998, p. 86 ;

Patrick de LA ROCQUE, « Le présupposé œcuménique de Lumen Gentium », dans Penser Vatican II quarante ans

après. Actes du VIe congrès théologique de Si si, no no, Rome, janvier 2004, Courrier de Rome, Rome, 2004, p. 297-308 ; Charles PIETRI, « L’ecclésiologie patristique et Lumen Gentium », dans Le deuxième concile du

Vatican (1959-1965). Actes du colloque organisé par l’École française de Rome, Publications de l’École française de Rome, vol. 113, 1989, n°1, p. 524 ; Joseph RATZINGER, « L’ecclésiologie de la Constitution conciliaire Lumen

Gentium », dans Documentation Catholique, n°2223, 2000, p. 311.

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presbytère1. De plus, il revient au chapitre de l’église cathédrale d’exercer comme le faisait l’ancien presbytère le droit de gouverner le diocèse pendant la vacance, qui n’est rien d’autre que la suite naturelle de la part prise au gouvernement de l’Église pendant la vie de l’évêque.

C’est ainsi qu’on voit, malgré les changements qui sont arrivés dans l’église matrice, érigée enfin en chapitre, ses principales prérogatives s’y perpétuer, s’y conserver par une succession non interrompue, parce que c’est toujours le même corps, quoique la forme en ait changé, et que la destination et les fonctions ne soient plus toutes entièrement les mêmes2.

Pour conforter cette doctrine, l’abbé de La Blandinière répond à deux objections. La première concerne les cathédrales de nouvelle érection, dont les chapitres n’ont pu hériter des droits de presbytères qui n’ont jamais existé. Cette difficulté est aisément résolue : les nouvelles cathédrales ont été érigées sur le modèle des anciennes, et possèdent donc les mêmes droits en vertu de l’uniformité de la discipline de l’Église. La seconde objection, qui s’autorise d’un plaidoyer d’Omer Talon, avocat général au Parlement de Paris au milieu du XVIIe siècle, touche en revanche à un point capital de l’argumentation de La Blandinière :

Si les choses étoient remises au même état où l’administration se faisoit en commun entre l’évêque et les prêtres de son diocèse, la puissance appartiendroit plus légitimement aux curés, qui dans la vérité représentent ce sénat ou presbyterium de la primitive Église, qu’aux chanoines3.

En effet, il appartenait alors aux fonctions du presbytère de seconder l’évêque dans l’exercice du ministère. Pour l’abbé de La Blandinière, l’objection tombe dans la mesure où l’ancien état de l’administration ecclésiastique n’existe plus : pour Talon lui-même, il n’est pas possible et peut-être pas souhaitable d’y revenir. Mais aux yeux de l’auteur des Conférences, cette objection méconnaît surtout le principe essentiel de succession, qui assure la continuité et la perpétuation du corps :

Pour avoir les droits et le titre d’un corps, il ne suffit pas d’en exercer quelques-unes des fonctions, mais il faut être ce corps-là même. Or, tel est le chapitre de l’église cathédrale, qui par une succession constante remonte jusqu’à l’ancien corps du clergé4.

Il convient de distinguer un corps des fonctions qu’il a pu exercer sans qu’elles relèvent de ses attributions essentielles. Les curés, s’ils ont conservé quant à eux les fonctions pastorales de l’ancien presbytère, n’en sont plus membres ; ils ne sont donc pas le presbytère. En revanche, La Blandinière affirme nettement l’identité du presbytère et du chapitre cathédral, qui apparaît ainsi comme une institution nécessaire, parée du prestige de l’antiquité.

La doctrine des Conférences d’Angers n’est cependant pas entièrement claire. En effet,

1 Ibid., p. 486. 2 Ibid., p. 487. 3 Ibid., p. 488. 4 Ibid., p. 489.

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l’auteur, après avoir établi l’identité du presbytère et du chapitre, remarque néanmoins, lorsqu’il s’interroge sur la dignité respective des chanoines et des curés, qu’il n’existe « dans le fond aucun corps qui représente parfaitement l’ancien presbytère ». La Blandinière estime ainsi que « si quelque assemblée pouvoit le représenter exactement, ce ne pourroit être que le synode1 », qui n’est cependant pas, contrairement au presbytère ou au chapitre, un corps subsistant, mais une assemblée passagère. De telles expressions suggèrent que le chapitre n’est pas pleinement le presbytère et semblent donc inconciliables avec ce que les Conférences se sont précédemment efforcées de démontrer. Il est possible cependant que La Blandinière juge ici que le chapitre ne représente pas parfaitement l’ancien presbytère dans la mesure où il n’en rend pas exactement l’image, ce qui ne l’empêche pas d’être pleinement, conformément aux titres que lui accordent les canons, le sénat de l’Église et le conseil de l’évêque : si le chapitre possède légitimement les droits du presbytère, il n’a pas la perfection de son prédécesseur.

C’est ce qui semble ressortir de la comparaison que fait La Blandinière de la dignité des curés et des évêques. Si les membres des chapitres ne sont considérés que sous le rapport de leur obligation journalière de chanter l’office divin, les curés leur sont supérieurs. En effet, une telle obligation n’exige pas le caractère sacerdotal, tandis que les fonctions curiales d’administration des sacrements, de prédication et de gouvernement des âmes sont « vraiment hiérarchiques » et « renferment le double pouvoir d’ordre et de juridiction », si bien qu’elles peuvent être désignées comme les « plus importantes de la religion ». L’exposé de l’abbé de La Blandinière est bien ici celui d’un ancien curé. Cependant,

si l’on considère les chanoines des cathédrales, […] par les droits de leur ancien état qu’ils ont conservé, par la dignité de l’église matrice, par la constitution primitive qui les unit indivisiblement à l’évêque, pour le soulager dans le gouvernement du diocèse, par le droit inhérent au chapitre de représenter l’évêque durant la vacance du siége, on ne peut alors leur disputer la prééminence2.

C’est ce que montre la soumission que les curés doivent au chapitre pendant la vacance du siège. Privés de la dignité de pasteurs, les chanoines des cathédrales l’emportent néanmoins sur les curés par leur appartenance à un corps indissolublement uni à l’évêque. C’est donc de la défense des droits de l’épiscopat, qui se trouve au cœur des conférences de l’abbé de La Blandinière sur la hiérarchie, que découle son affirmation de la dignité et des droits des chapitres cathédraux. C’est, pour l’auteur des Conférences, la doctrine de Fleury, qu’invoquent à tort ceux qui prétendent tant restreindre la juridiction de l’évêque que faire du corps des pasteurs le véritable successeur du presbytère3. La Blandinière retourne encore contre les

1 Ibid., p. 490. 2 Ibid., p. 492. 3 Ibid., p. 495.

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défenseurs du second ordre l’autorité du concile de Mérida, dont ils se réclament souvent. Ce concile, tenu au VIIe siècle, exhorte les évêques à placer dans leur cathédrale les curés les plus méritants et talentueux, ce qui prouve précisément que c’est au clergé de l’église cathédrale, et

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