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L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES PHYSIQUES EN FRANCE ET EN SUISSE ROMANDE À L’ARTICULATION

5.4 Le traitement des données et la construction de traces secondaires

5.4.2 Le synopsis et ses modalités

Dans les travaux en didactique, il existe différentes formes de synopsis, qui répondent à des questions de recherches différentes (pour un exemple en didactique du français, cf. Schneuwly, Dolz & Ronveaux, 2006).

Dans la lignée de Ligozat (2008), nous considérons que le synopsis consiste à découper le cours de l’action saisi par les enregistrements vidéo en une série d’épisodes reliés à des durées temporelles et à subsumer ces épisodes sous des dénominations communes. Le synopsis se présente typiquement sous forme de tableaux, ce qui permet de créer des emboitements, c’est-à-dire une hiérarchie d’épisodes et de sous-unités d’épisodes.

Pour notre part, nous avons choisi de créer deux types de synopsis : le premier résume l’action filmée en donnant une vue d’ensemble de l’unité d’enseignement entière (le synopsis « macroscopique ») ; le second fournit un résumé de l’action au niveau d’un unique enjeu d’apprentissage choisi (le synopsis « mésoscopique »). Un exemple de ce dernier type de synopsis est donné dans le Tableau 2 (p. 126).

Sensevy (2013) a conceptualisé les fonctions du synopsis. Au-delà de rendre possible l’appréhension d’une quantité importante de données, selon Sensevy (2013) :

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« Le principe synoptique repose sur deux grands types de rapprochement, de mise en contiguïté. Un rapprochement interne, qui défait l’irréversibilité du temps, qui permet d’observer la genèse d’une pratique et de comparer entre eux différents moments de cette genèse. Un rapprochement externe (« horizontal », entre les deux colonnes, correspondant à la comparaison des deux classes, dans le tableau précédent), qui défait la différenciation spatiale (et temporelle), qui permet d’observer simultanément deux pratiques et de les comparer entre elles » (p. 24)

Autrement dit, le synopsis rapproche et met en connexion des faits, séparés spatialement ou temporellement (comparaison de deux moments d’une même séquence ou de deux moments provenant de deux pratiques différentes), que la perception ne pouvait pas réunir jusque-là, car ils étains « noyés » dans le flux indifférencié de l’action. Ce mouvement de rapprochement de certains moments permet de porter un nouveau regard sur les données et d’en dégager des phases et des évènements significatifs, en réponse à certains questionnements particuliers :

« le synopsis invite à l’exploration plus fine de certaines unités de ce découpage. Il peut inciter par exemple à se demander ce qui a déterminé le passage d’une scène à une autre, ou ce qui explique la présence de telle ou telle récurrence, ou à conjecturer, pour une scène particulière, la présence d’événements potentiellement pertinents, dont l’étude permettra l’élucidation de l’action » (Sensevy, 2013, p. 26)

Le synopsis, en faisant « discuter » des moments disjoints jusque-là, provoque un renouvellement de notre perception de certains évènements, qui deviennent alors candidats pour une analyse approfondie au niveau microscopique : il prépare donc le terrain pour la transition entre une analyse des niveaux mésoscopique et microscopique.

Bien que le synopsis soit produit dans « une certaine forme de suspension (provisoire) du jugement et de neutralité interprétative » (Sensevy, 2013, p.22), il reste le fruit de choix particuliers de découpages. Il importe donc de clarifier les implicites de la structuration de l’action à l’œuvre derrière la production du synopsis.

Premier type de structuration de l’action : les enjeux d’apprentissage (niveau macroscopique)

Le premier type de structuration correspond aux enjeux d’apprentissage visés par l’enseignant : il s’agit des objectifs qu’il se fixe, visibles à travers la succession et l’articulation des tâches de la séquence. La transition entre deux enjeux successifs est indiquée par des ré-orientations de l’action, impulsées par l’enseignant, qui correspondent à des modifications importantes du milieu et/ou du contrat. Celles-ci sont inférables dans le protocole à partir des « marqueurs » linguistiques spécifiques qui accompagnent ces changements (« voilà », « alors, maintenant… », etc.) et des tours de parole qui comportent une nouvelle consigne ou une modification importante de la consigne précédente.

Plusieurs niveaux caractérisent les enjeux d’apprentissage : il existe des enjeux et des sous-enjeux. Par exemple, l’enjeu global à l’échelle d’une séquence (enjeu de niveau N+1) est : « Etude des propriétés des états de l’eau, des changements d’état de l’eau et des mélanges

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aqueux » ; Le premier sous-enjeu de cet enjeu global (enjeu de niveau N) est : « Introduction de la catégorisation des états de la matière (solide, liquide, gaz) » (cf. enjeu N1 du Tableau 2, p. 126) ; le premier sous-enjeu de cet enjeu de niveau N (enjeu de niveau N-1) est : « Identification du thème d’étude : les formes que peut prendre l’eau » (cf. enjeu N11 du Tableau 2, p. 126) ; etc.

Le synopsis « macroscopique » se limite au passage en revue des emboîtements des enjeux d’apprentissage tandis que le synopsis « mésoscopique » présente d’autres formes de structurations de l’action que nous présentons ci-après.

Second type de structuration de l’action : les phases d’action (niveau mésoscopique)

Au sein du niveau N-1, dernier niveau hiérarchique des enjeux, nous recensons les phases d’action, c’est-à-dire les étapes mises en place afin d’atteindre l’enjeu. Par exemple, l’enjeu « identification du thème d’étude : les formes que peut prendre l’eau » (cf. enjeu N11 du Tableau 2, p. 126) est découpé en plusieurs phases d’action :

- Dans la première phase qui se déroule en collectif (N11a), Amélie demande aux élèves de dessiner ou écrire toutes les choses auxquelles ils pensent à propos de l’eau.

- Dans la seconde phase (N11b), les élèves représentent ou écrivent ce que l’eau évoque pour eux.

- Dans la troisième phase (N11c), une synthèse collective a lieu et mène au recueil d’une diversité de mots ayant trait à l’eau : couleur bleue ; piscine ; à boire ; la mer ; la vie ; le bateau ; une bouteille ; jacuzzi ; tsunami, etc. À l’issue de cette phase, l’enseignante déclare que le nouveau thème d’étude de cette unité d’enseignement, ce sont les formes que peut prendre l’eau.

La transition entre deux phases d’action successives est indiquée par des petites ré-orientations de l’action, qui correspondent à des petites modifications du milieu et/ou du contrat. Elles sont typiquement indiquées par certains marqueurs linguistiques spécifiques (« je vous laisse réfléchir en groupe », « qu’avez-vous trouvé ? ») ou des changements d’organisation sociale. Ces transitions sont le plus souvent impulsées par l’enseignant mais il arrive parfois que les élèves parviennent à imposer eux-mêmes des transitions, en obligeant l’enseignant à faire des retours en arrière ou à prendre en compte une nouvelle perspective dans la thématique abordée. Chaque phase d’action laisse également apparaître des micro-évènements liés aux objets du milieu qui permettent d’avoir accès aux principaux objets de savoir qui se construisent dans la phase. Ainsi, les apports principaux dans la mésogenèse sont recensés (en italique) et les résultats d’institutionnalisation apparaissent (en gras italique) (cf. Tableau 2, p. 126). Ajouter du contenu à la structure synoptique contribue à clarifier la nature des situations, autour desquelles interagissent enseignant et élèves.

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Conclusion

Au final, transcription et synopsis répondent à des finalités semblables au sein de notre méthodologie de recherche :

- Ils résument l’action filmée : en opérant une réduction des données, ils rendent possible l’appréhension d’un ensemble important de données, sans perdre de vue leur structure temporelle.

- Ils reconfigurent l’information : en opérant un rapprochement, une mise en contiguïté de faits disjoints, ils permettent la comparaison de deux moments d’une même séance ou de deux moments de deux pratiques différentes.

Enjeux de

niveau N niveau N-1 Enjeux de

Phases d’action

Apports principaux dans la mésogenèse en termes de contenus

Résultats d’institutionnalisation en gras

Organisation sociale- Empan temporel

Introduction de la catégorisation des états de la matière (solide, liquide, gaz) N1 Identification du thème d’étude : les formes que peut prendre l’eau N11

Introduction du nouveau thème & Consigne

Le nouveau thème d’étude est l’eau.

Consigne : dessiner ou écrire toutes les choses auxquelles vous pensez à propos de l’eau

On rencontre l’eau à plein d’endroits différents.

Collectif - S1(20’ – 23’)

N11a

Représentation ou rédaction des idées à propos de l’eau

Individuel - S1(23’ – 27’)

N11b

Mise en commun des idées à propos de l’eau & identification du thème d’étude

Idées à propos de l’eau : Couleur bleue/La piscine/À boire/

Transparent/Liquide/La mer/ La vie/ La neige/ La glace/Une bouteille/ Beau/Tsunami/ Jacuzzi/ Etc.

Le nouveau thème d’étude est les formes que peut prendre l’eau.

Collectif - S1(27’ – 30’) N11c Description et dénomination de l’eau dans la nature à travers 20 photographies N12

Contexte de l’étude & Consigne

Consigne : dans les photographies 1 à 20, où se trouve l’eau ? Sous quelle forme est l’eau ?

Collectif - S1(30’ – 31’)

N12a

Identification de l’endroit où se trouve l’eau et du nom du phénomène sur les 20 photographies

1 Rosée/2 verglas/3 Iceberg/4 Glaçons/5 Vapeur d’eau/6 Givres sur les voitures/7 Brouillard/ 8 Nuages/9 Pluie/ 10 Mer/11 lac/12 Rivière/13 Glacier/14 Banquise/15 Gelée/16 Buée/17 Brume/18 Cristal de glace/19 Neige/20 Grêlons

Collectif - S1(31’ – 40’)

N12b

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La création de ces deux types de traces prépare la discussion entre les différentes échelles d’analyse des pratiques de classe (macroscopique, mésoscopique, microscopique) et anticipe l’identification des extraits significatifs au sein des phases d’action choisis.

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