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Analyse des évènements significatifs : articulation du triplet de genèses avec l’analyse a priori du dispositif d’enseignement pour accéder à la

L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES PHYSIQUES EN FRANCE ET EN SUISSE ROMANDE À L’ARTICULATION

5.4 Le traitement des données et la construction de traces secondaires

5.4.3 La structure de l’analyse

5.4.3.2 Analyse des évènements significatifs : articulation du triplet de genèses avec l’analyse a priori du dispositif d’enseignement pour accéder à la

logique interne de l’action des participants

La succession des extraits significatifs est ensuite analysée, au niveau microscopique, à l’aide d’une articulation entre l’analyse en termes de triplet de genèses et l’analyse a priori de la situation, de sorte à accéder à la logique de l’action des participants en contexte.

En effet, en définissant l’action en classe comme un ensemble complexe de gestes et de discours qui constitue un flux indifférencié d’évènements, nous considérons que la logique de ces gestes et discours dépend de la manière dont les acteurs interprètent la situation et des buts qu’ils se donnent pour amorcer et mener une action. Il peut exister en classe des logiques concomitantes portées par différents acteurs (lors des travaux de groupes, par exemple) et des logiques interrompues (lorsque l’action est réorientée vers un nouvel objectif sous l’influence de l’introduction d’un nouvel élément dans le milieu, par exemple).

Nous avons déjà mis en avant (cf. 1.3) que :

- D’une part, l’analyse a priori vise à appréhender les possibles et les nécessaires engendrés par une situation didactique, en s’interrogeant notamment sur les implicites de la situation qu’un élève doit parvenir à décoder, sur les ressources sur lesquelles il peut s’appuyer, sur les obstacles à prévoir en fonction de ces paramètres, sur les régulations que l’enseignant doit anticiper.

- D’autre part, l’analyse en termes de triplet de genèses prend en compte le caractère conjoint de l’action de l’enseignant et de élèves, selon trois angles : l’évolution des objets et des rapports aux objets que ceux-ci construisent au cours du temps ; le partage des responsabilités dans cette construction ; la progression du savoir.

L’articulation de ces deux analyses permet de donner une interprétation des actions des participants et donc de reconstruire la logique d’action des élèves et de l’enseignant, d’abord au niveau (microscopique) d’un seul extrait significatif. Pour un exemple de l’analyse d’un extrait significatif, cf. Tableau 3, p. 131.

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Description de la situation : En collectif, Louise demande aux élèves de catégoriser le brouillard sous un des trois états de l’eau : gaz, liquide, solide.

Analyse a priori (extraits) :

Les ressources disponibles pour traiter de cette question sont susceptibles de provenir de deux origines distinctes. En effet, les objets « brouillard », « liquide » et « gaz » possèdent une existence dans les pratiques langagières de la vie quotidienne, d’une part et dans celles de la classe de Louise, d’autre part :

- Dans la vie quotidienne, le rapport à l’objet « brouillard » tend à le placer sous l’état gazeux. En effet, le brouillard apparaît blanc, alors que l’eau liquide « habituelle » est incolore ; on ne peut pas le mettre dans un récipient, comme les liquides usuels ; etc. D’un autre côté, il occupe un grand volume non délimité dans l’espace, un peu à la manière des gaz. Dans cette institution, les propriétés du brouillard paraissent se rapprocher davantage d’une vision naïve de l’objet « gaz » que d’une vision naïve de l’objet « liquide ». - Dans la classe de Louise, les précédentes institutionnalisations ont associé

systématiquement la présence de gouttelettes à l’état liquide de l’eau, notamment à travers l’exploration d’un document de référence. D’autre part, lors d’une discussion précédente sur la nature de la buée, l’enseignante a fait remarquer que lorsqu’on passe ses doigts sur la buée (en mimant le geste), ils ressortent mouillés, ce qui a aussi permis de la classifier sous l’état liquide. En résumé, une modélisation primitive de l’état liquide a été instaurée et des critères pour reconnaître cet état ont été institutionnalisés : présence de gouttes, fait d’être mouillé à son contact. La buée a aussi été catégorisée comme liquide. Tous ces éléments sont susceptibles de founir des points d’appui au raisonnement des élèves.

Extrait L4 : Le brouillard est-il un liquide ou un gaz ?

1. Ens : et alors moi je vous en dis un/ vous me dites si vous pensez que c'est liquide solide ou gazeux/ le brouillard↑

2. Els: c'est gazeux [intermède disciplinaire]

3. Ens: le brouillard alors qu'est-ce que vous en pensez /Marwah↑ 4. Mar: gazeux (sonnerie)

5. Ens: gazeux/ est-ce que vous êtes d'accord avec Marwah↑/ t'es d'accord (à Sof) ↑ 6. Sof: oui (opine)

7. You : ça fait de la fumée/ ça fait du gaz

8. Sof: c'est parce qu'en fait le brouillard/ quand tu vois du brouillard tu fais ça mais c'est pas comme l'eau liquide (passe la main devant lui) tu fais ça peut pas l'attraper/ c'est comme/ c’est/ transparent/ tu

9. Far: oui mais maîtresse le gaz/ le brouillard quand t'es dans le brouillard/eh ben fait tu sors tu sors du brouillard t'as de la buée et dans la buée y a des gouttelettes donc c'est des

gouttelettes

10. Ens: donc/ qu'est-ce que vous en pensez/ Farel il dit/ c'est de la buée/ le brouillard/ c'est des gouttelettes parce que/ quand on va dans la brouillard ça fait comme des gouttelettes et y en a d'autres qui pensent que c'est du gaz donc ce qu'on va faire c'est qu'on va pas le marquer le

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brouillard/ on relira notre documentaire sur l'évaporation et la condensation et on essayera de voir si on le met ici ou ici [sous gaz ou liquide] le brouillard d'accord ↑

Analyse [méso/topo/chronogenèse] :

L’enseignante oriente la discussion sur un phénomène en particulier (« le brouillard », TdP 1). Plusieurs rapports à l’objet « brouillard » émergent alors :

- Certains élèves identifient le brouillard à de l’eau sous l’état gazeux (TdP 2), dont Marwah, Younès et Sofiane (TdP 4-8) ; pour défendre ce point de vue, Younès assimile le brouillard à de « la fumée » et à « du gaz » (TdP 7) ; quant à Sofiane, il déclare que le brouillard ne ressemble pas à de l’eau liquide, puisqu’on ne peut pas se saisir d’une poignée de brouillard comme on le ferait avec de l’eau liquide (TdP 8).

- Farel, au contraire, soutient que puisqu’on ressort du brouillard couvert de buée et que la buée est composée de gouttelettes, alors le brouillard est aussi fait de gouttelettes (TdP 9) [mésogenèse].

L’enseignante prend une position basse d’accompagnement en encourageant les élèves à développer leurs idées sur le statut du brouillard (TdP 3, 5). Les élèves trouvent là une occasion privilégiée de partager leurs idées au niveau du collectif et de débattre entre eux (Younès, Sofiane et Farel se répondent sans intervention de l’enseignante durant 3 tours de parole). À la fin, l’enseignante diffuse le raisonnement de Farel et organise la contradiction entre son opinion et celle des premiers élèves qui pensent que le brouillard est du gaz (TdP 10). Enfin, elle fournit une règle d’action qui permet de trancher entre les deux groupes : la relecture d’un document scientifique de référence (TdP 10) [topogenèse].

À la fin de l’extrait, le statut du brouillard n’est pas complètement élucidé [chronogenèse]. Interprétation en termes de logique d’action de l’enseignant et des élèves :

La logique d’action des élèves s’éclaire, au regard de l’analyse a priori :

- Younès qui assimile le brouillard à de la fumée et du gaz et Sofiane, qui met au jour des caractéristiques du brouillard qui diffèrent du comportement d’un liquide usuel se fient aux rapports aux objets « brouillard », « liquide » et « gaz » issus de la vie quotidienne. - Farel, de son côté, mobilise les signes révélateurs de l’état liquide déjà mis en évidence

dans la classe de Louise : l’existence de gouttelettes et le fait d’être mouillé au contact d’un liquide. Comme la buée vient d’être « basculée » du côté des liquides (car elle est faite de gouttelettes puisqu’elle mouille les doigts) et que lorsqu’on traverse le brouillard, on ressort couvert de buée, il est cohérent d’assimiler brouillard et buée. Le brouillard est alors aussi fait de gouttelettes : il est liquide. Farès parvient ainsi à articuler le faisceau d’indices de reconnaissance de l’état liquide déjà existants dans la référence commune et à en ajouter un (la présence de buée devient suffisante pour démontrer l’état liquide d’un objet).

Quant à l’enseignante, elle se met en position basse d’accompagnement car elle peut se reposer sur la référence commune qu’elle a co-construite (et notamment, sur la modélisation

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primitive de l’état liquide déjà donnée). En effet, celle-ci vient contraindre efficacement l’évolution des rapports que certains élèves entretiennent avec les objets de la situation ; elle donne un cadre productif au développement de nouveaux rapports aux objets « brouillard », « liquide » et « gaz » pour certains élèves (notamment, Farès). À la fin de l’extrait, il lui suffit d’organiser la contradiction entre les rapports à ces objets qui restent sur une vision naïve de l’état liquide et ceux qui reflètent une appropriation de la modélisation primitive de l’état liquide déjà-là. Le recours au document de référence montrera, à coup sûr, lesquels de ces rapports aux objets « brouillard », « liquide » et « gaz » l’institution scolaire privilégie. La nature de la référence commune éclaire donc la position d’accompagnement et les variations topogénétiques que l’enseignante adopte tout au long de l’extrait.

Tableau 3 : Exemple de l’analyse d’un extrait significatif

L’analyse qui permet de remonter à la logique d’action des participants est renouvelée pour l’ensemble des évènements significatifs d’une classe donnée.

L’objectif est de confronter les conclusions formées à partir d’un seul extrait à l’ensemble des extraits de la séquence d’une même classe (principe de triangulation des données). Lorsque la récurrence de la logique d’action de l’enseignant et/ou des élèves est attestée sur l’ensemble des extraits, nous pouvons inférer des schémas d’action à l’échelle de l’unité d’enseignement observée.

5.4.3.3 Investigation des questions de recherche à partir des schémas

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