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DIDACTIQUES RELATIFS À L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES PHYSIQUES À L’ARTICULATION PRIMAIRE-SECONDAIRE

2.2 Quelques savoirs épistémologiques et didactiques relatifs à l’enseignement des propriétés de la matière

2.2.2 Les études des conceptions et du changement conceptuel

2.2.2.2 Les changements d’état

Les conceptions des enfants concernant les changements d’état faisant intervenir l’état gazeux (évaporation, condensation, ébullition) ont été répertoriées dans de nombreuses études (Osborne & Cosgrove, 1983 ; Lee & al., 1993 ; Johnson, 1998a, 1998b ; Bar & Galili, 1994 ; Bar & Travis, 1991; Paik, 2015 ; Séré & Tiberghien, 1989 ; Coştu & Ayas, 2005 ; Tytler,

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2000 ; Prain, Tytler & Peterson, 2009 ; Tytler & Peterson, 2001 ; Holgersson & Löfgren, 2004 ; Laval, 1985).

L’évaporation

Ces études nous conduisent à établir la typologie suivante des conceptions des enfants à propos de l’interprétation du phénomène d’évaporation :

- E1 - les conceptions qui établissent une description factuelle des évènements : « l’eau sèche » ou bien « l’eau disparaît ».

- E2 - les conceptions qui se limitent à inclure le terme « évaporation », sans élaborer davantage : « l’eau s’évapore ».

- E3 - les conceptions qui comportent des déclarations causales ou associatives faisant office d’explication : « la flaque sèche à cause du choc thermique entre le soleil chaud et l’eau froide » ou bien « l’eau se dissout à l’intérieur des vêtements ».

- E4 - les conceptions qui prônent un déplacement ou un changement de position de l’eau mais en s’abstenant de se prononcer sur une modification de forme ou d’état physique de l’eau. Deux sous-catégories de conceptions composent ce groupe : celles qui mentionnent l’absorption de l’eau par le support ou le contenant (« chaque goutte d’eau est absorbé par le sol, l’une après l’autre » ou « l’eau imbibe le verre, comme une éponge ») et celles qui mentionnent un déplacement vers le haut, en faisant parfois référence à des éléments de savoir du cycle de l’eau (« l’eau s’en va dans l’air, dans l’atmosphère, dans le ciel, au plafond, dans les nuages, dans le soleil » ou « l’eau va former la pluie »).

- E5 - les conceptions qui attribuent à l’eau un changement de forme ou d’état physique, que ce changement aboutisse à une forme perceptible (« l’eau se transforme en brouillard, en buée ») ou à une forme imperceptible (« l’eau devient de la vapeur » ou « l’eau devient de l’air »).

D’autres conceptions ont été mises en lumière : certains enfants pensent que le chauffage (par le Soleil ou une autre source de chaleur) est indispensable au phénomène d’évaporation ; d’autres estiment qu’il est nécessaire qu’il existe une différence de température entre le liquide et son environnement ; d’autres encore perçoivent l’évaporation comme un phénomène se produisant dans tout le volume du liquide. Enfin, certains enfants considèrent que l’évaporation est le résultat de la décomposition des molécules d’eau en hydrogène et oxygène, et donc, que les gaz correspondants sont produits et s’échappent vers l’atmosphère.

La condensation

À propos de la condensation, la majorité des travaux se sont concentrés sur l’interprétation que les enfants proposent par rapport aux gouttelettes d’eau qui apparaissent sur les parois extérieures d’un verre, sorti du réfrigérateur ou bien rempli de glaçons. Les recherches font apparaître une typologie de ces conceptions :

- C1 - les conceptions qui établissent une description factuelle des évènements : « il y a des petites gouttes d’eau sur le verre ».

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- C2 - les conceptions qui comportent des déclarations causales ou associatives faisant office d’explication : « le verre est froid donc ça fait apparaitre des gouttes d’eau de l’autre côté ».

- C3 - les conceptions qui défendent un déplacement de l’eau de l’intérieur du verre vers ses parois extérieures: « l’eau traverse le verre » ou « l’eau passe de l’intérieur à l’extérieur ».

- C4 - les conceptions qui font état d’une confusion entre la matière et l’énergie : « le froid a traversé le verre et a produit de l’eau », « l’eau a été fabriquée par le froid » ou « l’air sec et le surface froide du verre réagissent pour former de l’eau ».

- C5 - les conceptions qui font intervenir l’eau présent dans l’air, que l’état de l’eau soit clairement spécifié (« les petites gouttes sont issues de la vapeur d’eau contenue dans l’air ») ou non spécifié (« l’eau qui est dans l’air se colle au verre »).

Le point nodal des difficultés des enfants se situe dans la reconnaissance de la vapeur d’eau comme étant un des constituants de l’air. Il est très important de remarquer que, du point de vue des enfants, la présence de vapeur d’eau dans l’air n’est jamais une donnée allant de soi, et ce, même s’ils possèdent des connaissances abouties à propos de la transformation inverse, c’est-à-dire l’évaporation. Johnson (1998b) donne un exemple éclairant à ce propos :

« At interview 4, after these pupils had given an account of the evaporation of (…) water, they were then asked again about the condensation, but still could not offer a suggestion by reversing the process. The continuing presence of water vapour in the atmosphere really does seem to present an extra challenge to pupils. The order of questioning did not seem to matter. This does not necessarily mean the pupil thinks the water has been 'annihilated', rather, the pupil just cannot seem to think of it still being there » (p. 705).

Autrement dit, même les enfants qui ont bien assimilé que l’évaporation est la transformation de l’eau liquide en vapeur d’eau ne pensent pas la présence de cette vapeur d’eau dans l’environnement comme un état permanent et ne songe pas à la remobiliser lorsqu’il s’agit de rendre compte de la condensation. Ce même auteur conclut que la compréhension de l’évaporation et celle de la condensation sont intrinsèquement liées : « until one understands both evaporation and condensation it could be argued that one really understands neither » (p. 708).

L’ébullition

D’abord, certaines études (Paik, 2015) rapportent des difficultés des enfants à trouver des critères pertinents pour distinguer l’évaporation de l’ébullition : les enfants pensent souvent que l’ébullition est liée à une augmentation de température, contrairement à l’évaporation. Rares sont ceux qui invoquent la présence de bulles (ébullition) ou son absence (évaporation) ou bien le caractère surfacique (évaporation) ou volumique (ébullition) de la vaporisation considérée. Au cours de l’expérience d’ébullition de l’eau, les enfants n’ont en général aucun mal pour remarquer les bulles dans l’eau ou le brouillard au-dessus de l’eau bouillonnante (qui résulte de

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la condensation de la vapeur qui vient d’être produite) mais utilisent une palette de termes inadéquats pour caractériser le brouillard (« fumée », « vapeur », etc.) et ne font pas forcément le lien entre ces phénomènes et la baisse du niveau de l’eau. Quant aux bulles, plusieurs conceptions d’élèves ont été relevées à propos de leur nature :

- Les bulles sont faites en/de chaleur7.

- Les bulles sont constituées d’air, avec parfois un mécanisme explicatif : « en versant l’eau, l’air déjà présent dans le récipient a été emprisonné : ce sont donc des bulles d’air » ou bien « l’eau contient forcément de l’air pour que les poissons puissent respirer d’où les bulles ».

- Les bulles sont constituées d’un mélange d’eau (liquide) et d’air (gazeux). - Les bulles sont constituées d’oxygène et d’hydrogène.

- Les bulles sont constituées d’eau, l’état de l’eau étant spécifié (vapeur d’eau ou eau à l’état gazeux) ou non.

Des controverses ont vu le jour dans la littérature à propos de la nature du changement d’état faisant intervenir l’état gazeux qui est compris en premier par les enfants (évaporation ou ébullition) : Bar et Galili (1994) défendent l’idée que les enfants s’approprient beaucoup plus précocement le phénomène d’ébullition qui est davantage rapide et spectaculaire que l’évaporation tandis que Johnson (1998b) affirme que la compréhension de ce phénomène par les enfants demeure superficielle pendant longtemps et qu’elle se limite en réalité à l’acceptation d’un transfert de matière de l’eau vers l’air, sans tenir compte du changement d’état subi par l’eau.

De très rares études portent sur la représentation du palier de température, c’est-à-dire la simultanéité de la stabilisation de la température de l’eau et de son ébullition : Laval (1985) relève l’étonnement des enfants :

« L'invariance de la température pendant le changement d'état est un

phénomène difficile à admettre - on chauffe et la température ne s'élève plus - la cause et l'effet ne varient plus dans le même sens. Aussi les enfants ont tendance à écarter ce phénomène qui les gêne et à ne pas considérer la transformation en train de s'opérer mais plutôt son résultat » (p. 121)

Séré & Tiberghien (1989) notent que :

« la température de changement d’état dans les cas où il y a chauffage de la substance, est considérée par la majorité des élèves comme la température maximum que cette substance peut atteindre et non comme la température pour laquelle il y a coexistence de deux phases » (p. 922)

Bilan

La majorité des conceptions erronées au sens des auteurs que nous avons cités a été imputée à la difficulté des enfants à appréhender la nature de l’état gazeux, passage incontournable mais

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difficilement franchissable pour l’apprentissage des changements d’état faisant intervenir les gaz. Les enfants ont également tendance à considérer chaque changement d’état (évaporation, ébullition, condensation) comme indépendant les uns des autres et ont des difficultés à en reconnaître la réversibilité.

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