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Analyse du document institutionnel de référence pour les sciences physiques au primaire et au secondaire inférieur : le PER 2011

L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES PHYSIQUES EN FRANCE ET EN SUISSE ROMANDE À L’ARTICULATION

3.2 L’enseignement des savoirs liés aux phénomènes physiques au primaire et au secondaire en Suisse romande

3.2.2 Analyse du document institutionnel de référence pour les sciences physiques au primaire et au secondaire inférieur : le PER 2011

Le PER, promu en 2011, avait l’objectif principal de proposer une formation unifiée à tous les élèves romands de l’école obligatoire. En sciences, l’unification ne s’arrête pas là puisque le PER affiche une forte continuité entre le primaire supérieur et le secondaire inférieur. D’abord,

11 Lien du PER Sciences de la Nature : https://www.plandetudes.ch/web/guest/sciences-de-la-nature/

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les dénominations des domaines d’étude sont similaires : tout au long de la scolarité obligatoire, les élèves étudient les « Phénomènes Naturels et Techniques », le « Corps humain » et la « Diversité du vivant » dans le cadre des Sciences de la nature. Remarquons d’ailleurs que les références aux disciplines académiques telles que la physique, la chimie, la biologie, la géologie sont absentes au profit d’un autre découpage des savoirs des sciences de la nature, qui se maintient tout au long de la scolarité obligatoire. Ensuite, les enseignants du primaire et du secondaire ont accès à des recommandations générales identiques et ils sont donc soumis aux mêmes exigences en termes d’objectifs d’enseignement des sciences. Enfin, la structure et la syntaxe des textes se recoupent en grande partie, notamment au niveau des thèmes abordés et de la présentation des éléments d’une démarche scientifique à acquérir. Nous prenons donc l’option de présenter globalement le PER, tout en précisant au fur et à mesure les déclinaisons qu’il peut prendre en fonction du niveau considéré (primaire ou secondaire).

Le PER 2011 se décompose en deux parties distinctes : des « commentaires généraux » communs à l’ensemble des disciplines scientifiques (Mathématiques, Phénomènes naturels et techniques, Diversité du vivant, Corps humain), suivis d’une progression des enseignements / apprentissages au fil des quatre années du primaire ou des trois années du secondaire inférieur. Enjeux et objectifs principaux de l’enseignement des sciences

La première partie, que nous nommons « Recommandations générales » par symétrie avec les programmes français, s’étale sur 4-5 pages. Elle développe les enjeux et objectifs principaux de l’enseignement des sciences :

- L’enseignement des sciences est d’abord censé donner aux élèves des outils qui leur permettent de comprendre et de rendre compte du monde environnant :

« Le domaine Mathématiques et Sciences de la nature fournit à l’élève des instruments intellectuels d’appréhension et de compréhension du réel » (MSN, 2011, p. 7).

- Cet enseignement doit également contribuer au développement de capacités spécifiques à la discipline, qui s’inspirent de celles maîtrisées par la communauté scientifique :

« Le domaine vise, à permettre aux élèves, d’identifier des questions, de développer progressivement la capacité de problématiser des situations, de mobiliser des outils et des démarches, de tirer des conclusions (…) » (MSN, 2011, p. 7).

- L’enseignement des sciences doit aussi favoriser la maîtrise de capacités transversales « Face aux évolutions toujours plus rapides du monde, il est nécessaire de

développer chez tous les élèves une pensée conceptuelle, cohérente, logique et structurée, d’acquérir souplesse d’esprit (…) » (MSN, 2011, p. 7).

Cet objectif transparaît dans un paragraphe dévolu entièrement aux « Capacités transversales » (MSN, 2011, p. 10) qui renvoie à une section du PER du même nom (CT), dans laquelle on trouve les entrées « Collaboration », « Communication », « Pensée créatrice », etc.

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- L’enseignement des sciences est censé encourager les élèves à prendre conscience de certaines conséquences de leurs décisions quotidiennes :

« Par un questionnement sur le monde qui les entoure, on favorise chez eux une prise de conscience des conséquences de leurs actions sur leur environnement » (MSN, 2011, p. 7).

- Cet enseignement doit également favoriser la compréhension des controverses sociétales liées à des thématiques scientifiques :

« Il est important que chacun possède des outils de base lui permettant de comprendre les enjeux des choix effectués par la communauté, de suivre un débat sur le sujet (…) » (MSN, 2011, p. 7).

Cet objectif transparaît également dans un paragraphe dévolu à la « Formation générale » (MSN, 2011, p. 10) qui renvoie à une section indépendante du PER (FG), et dont les entrées thématiques (« Santé et bien-être », « Interdépendances sociales, économiques, environnementales », « Vivre ensemble et exercice de la démocratie », etc.) se prêtent facilement à un enseignement qui réserve une place importante aux relations entre les sciences et techniques, la société et l’individu.

- Enfin, un objectif de l’enseignement des sciences se situe au niveau de la langue de scolarisation, dont il est censé développer la maitrise autant à l’oral à travers la pratique du débat qu’à l’écrit à travers l’orthographe et la syntaxe.

Les objectifs développés dans les recommandations générales sont nombreux et se font le reflet de différents enjeux sociétaux à l’œuvre derrière la réduction du curriculum. Nous y reviendrons lors de la comparaison avec les programmes français.

Progression thématique des enseignements en physique

Dans la discipline « Phénomènes naturel et techniques », la deuxième partie du PER se concentre sur la progression thématique des enseignements / apprentissages en sciences physiques au fil des quatre années du primaire ou des trois années du secondaire inférieur. Pour chacun des deux niveaux, elle se présente sous la forme d’un tableau qui met en regard une « Progression des apprentissages », avec des « Attentes fondamentales » qui traduisent les exigences minimales requises en fin de cycle et des « Indications pédagogiques » à destination des enseignants. Elle est découpée en deux sections : la première section concerne le « développement de la démarche scientifique » et la deuxième est relative aux entrées thématiques de la discipline (électricité, mécanique, etc.).

Dans la suite, nous nous concentrons d’abord sur les points communs entre le primaire et le secondaire (la démarche scientifique, les entrées thématiques) avant d’approfondir leurs différences (la modélisation au secondaire, les savoirs propositionnels et l’ouverture sur l’extérieur de la salle de classe au primaire).

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La « démarche scientifique » : un enjeu longitudinal au primaire et au secondaire inférieur

Dans le PER, la « démarche scientifique » est présentée sous la forme d’une liste de capacités méthodologiques qui semblent inspirées de la pratique des scientifiques : formaliser une question ou une problématique, émettre des hypothèses, mettre en place un processus d’expérimentation, etc.

Ces capacités sont progressivement approfondies du début de l’école primaire jusqu’à la fin du secondaire inférieur. Nous voyons, par exemple, sur la Figure 10, comment la capacité relative à la formulation d’hypothèses évoluent : de « L’élève formule au moins une question et/ou une hypothèse qui utilise(nt) les éléments de la situation au sujet d’une problématique » au primaire (à gauche), on en vient à « L’élève, face à une situation, énonce une hypothèse pertinente/des hypothèses pertinentes » au secondaire (à droite). Plus généralement, les exigences attendues des élèves s’affermissent progressivement du primaire au secondaire en même temps que leur marge d’autonomie est censée s’accroître. L’exposition de la démarche scientifique témoigne d’une réelle continuité tout au long de l’école obligatoire.

À un autre niveau d’analyse, nous constatons que la « démarche scientifique » ne se présente pas vraiment comme une méthode de reconstruction des savoirs scientifiques dans la classe mais plutôt comme une série de « capacités » élémentaires dont la reconstitution pour former un puzzle cohérent en classe est à la charge de l’enseignant. Peu d’indications lui sont fournies à propos de l’enchaînement des « capacités » au sein d’une tâche donnée : Faut-il mettre en œuvre l’ensemble des « capacités » à travers une démarche globale ? Est-il possible de les faire travailler indépendamment ? Que prend finalement en charge l’élève dans un cas ou dans l’autre ? L’exposition disjointe des « capacités » nous permet de conclure que l’objectif n’est pas tant de faire agir l’élève dans le cadre de la mise en œuvre d’une démarche globale que de le confronter, le plus souvent possible au cours de la scolarité obligatoire, avec un échantillon étendu de capacités dérivées de celles employées par la communauté de référence. Nous approfondirons ce point à la lumière de la comparaison Suisse romande-France.

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Continuité des entrées thématiques au primaire et au secondaire

La répartition et la succession des entrées thématiques font preuve d’une cohérence et d’une continuité importantes sur l’ensemble de la scolarité obligatoire : les thèmes « Propriétés de la matière », « Mécanique », « Électricité » et « Énergie » sont peu à peu développés du début de l’école primaire à la fin du secondaire (cf. Figure 11).

D’autre part, le PER favorise l’étude de phénomènes scientifiques familiers aux élèves : l’enseignement scientifique doit leur permettre de rendre compte des faits auxquels ils sont accoutumés, à travers l’étude du fonctionnement de petits outils technologiques au primaire (casse-noix, fouet mécanique, sonnette, pendule, etc.) ou la modélisation de situations usuelles au secondaire (l’ébullition de l’eau, l’arc-en-ciel, les combustions, etc.). Ce parti-pris imprègne fortement le plan d’études, autant au primaire qu’au secondaire et le plan d’études va jusqu’à affirmer à plusieurs reprises que c’est lui qui a contraint la nature des savoirs introduits :

« Une perception correcte des phénomènes de la vie quotidienne nécessite une base de connaissances scientifiques, notamment sur les thèmes de la matière, de la mécanique, de l’électricité, de l’énergie et des couleurs. Dans cette perspective, les grandeurs étudiées sont la masse, le volume, la température, la pression, etc. » (MSN 36, p. 38).

Explorons à présent les différences significatives qui apparaissent entre le primaire et le secondaire, en se basant sur un exemple relatif aux propriétés de la matière (cf. Figure 11).

Figure 10 : Extrait du PER à propos de la démarche scientifique. Au primaire : à gauche (MSN 26, 2011, p. 33)/Au secondaire : à droite (MSN 36, 2011, p. 39)

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Au primaire : savoirs propositionnels et ouverture sur l’extérieur de la classe

Au primaire, les attentes vis-à-vis des élèves sont peu nombreuses et concentrées sur la mémorisation de savoirs propositionnels :

« l’élève décrit le cycle naturel de l’eau »

« l’élève sait que l’air est une matière » (Figure 11, à gauche)

D’autre part, le plan d’études promeut les connexions pouvant être établies entre l’enseignement des sciences et « l’extérieur » de la salle de classe. Par exemple, il est possible de lire dans les indications pédagogiques du thème « Matière » :

« Cette problématique [la matière] permet aussi une réflexion sur l’utilisation de l’eau par l’Homme. (…) Un tri des matières utilisées à domicile pourra être réalisé en fonction de leur potentiel de recyclage. L’expérimentation des mélanges est un bon point de départ pour aborder la notion de pollution. » (MSN 26, p. 37).

Ce mouvement d’ouverture est susceptible de mener à une considération accrue des problématiques quotidiennes et sociétales liées aux sciences et techniques.

Au secondaire : primauté de la modélisation

Au secondaire, les exigences vis-à-vis des élèves se modifient radicalement. Les élèves sont supposés exercer des compétences de modélisation, c’est-à-dire être capable de construire,

Figure 11 : Extrait du PER à propos des propriétés de la matière. Au primaire : à gauche (MSN 26, 2011, p. 37)/Au secondaire : à droite (MSN 36, 2011, p. 41)

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d’affiner ou d’utiliser des modèles scientifiques pour expliquer et prévoir des faits du monde empirique :

« L’élève utilise un modèle moléculaire pour interpréter ou prévoir (…) la dilatation, la diffusion dans les liquides et les gaz, changement de température (…) » (cf. Figure 11, à droite).

Cette prégnance de la modélisation se retrouve dans l’entièreté du plan d’études du secondaire, en se déclinant suivant le thème considéré (« modèle de la réaction chimique », « modèle trichromique », « modèle circulatoire du courant », « modélisation des chaînes de transfert d’énergie », etc.). À chaque fois, les modèles cités sont placés en vis-à-vis des phénomènes physiques qu’ils sont censés expliquer. La syntaxe du plan d’études présente la particularité de maintenir ensemble, dans un mouvement intégratif, outils théoriques, faits expérimentaux et savoir-faire propres aux sciences.

Les moyens d’enseignement genevois (2010) renforcent cette mise en avant de la modélisation en affirmant que le cours relatif aux propriétés de la matière vise essentiellement à :

Faire acquérir aux élèves une certaine aisance dans l’utilisation d'un modèle moléculaire pour prévoir et expliquer des phénomènes observés à l’échelle humaine. (p. 1)

L’insistance sur l’usage de ce terme est donc soutenue par l’ensemble des ressources officielles dont disposent les enseignants du secondaire, ce qui n’est pas surprenant puisque les concepteurs des plans d’étude et ceux des moyens d’enseignement genevois se recoupent partiellement.

Conclusion

En sciences physiques, le plan d’études affiche une certaine continuité entre le primaire et le secondaire inférieur tant au niveau des recommandations générales, que des thèmes abordés et de la présentation des éléments de démarche scientifique. De plus, les connaissances et démarches amenés en classe sont destinées à être appliquées prioritairement aux phénomènes de la vie quotidienne : le nouveau regard scientifique porté sur des faits anciennement connus amène les élèves à prendre conscience de l’intelligibilité du monde.

Cependant, ce que recouvre le plan d’études se décale au fil des cycles : au primaire, les savoirs sont introduits en faisant appel à toutes les facettes de l’expérience quotidienne d’un jeune enfant tandis qu’au secondaire, apparait une véritable disciplinarisation des actes d’enseignement, à travers la mise en place de modalités spécifiques d’accès à la connaissance (isolement d’un phénomène pour le modéliser et ainsi, proposer une explication ou une prévision).

3.2.3 Conclusion

Les objectifs de l’enseignement scientifique

Dans les recommandations générales, les objectifs de l’enseignement des sciences concernent l’élucidation des évènements du monde naturel à l’aide des concepts et des savoir-faire relevant

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d’une démarche scientifique, la prise de conscience de l’impact des décisions quotidiennes à l’échelle individuelle et collective et enfin la compréhension des tenants et aboutissants des controverses sociétales liées aux sciences et technologies.

La spécificité d’ouverture de la classe sur le monde extérieur mise en avant au primaire laisse une part importante aux interconnexions sciences-société et rend ce cycle plutôt cohérent au niveau des objectifs tels qu’ils apparaissent dans les recommandations générales d’une part et dans le tableau de progression des apprentissages d’autre part. Inversement, le secondaire affiche un décrochage sur ce point puisque le tableau de progression des apprentissages ignore les enjeux relatifs aux problématiques sociétales liées aux sciences et technologies.

Au primaire et au secondaire : La « démarche scientifique »

La « démarche scientifique » est présentée sous la forme d’une liste de capacités méthodologiques qui semblent créées à partir d’un découpage systématique de la pratique des scientifiques. Le plan d’études ne fournit pas d’ordre particulier ni de mode d’emploi contraignant l’utilisation de ces différentes capacités pour engager un processus de reconstruction des savoirs en classe.

Nous reviendrons plus bas sur les origines de cette élémentarisation de la pratique des scientifiques dans l’enseignement des sciences à travers la comparaison avec les programmes français, qui use de la même rhétorique dans le tableau à trois colonnes.

Au secondaire : la « modélisation »

Dans l’ensemble des documents prescriptifs du secondaire, les élèves sont censés faire preuve d’aptitudes de modélisation afin d’interpréter des phénomènes particuliers (fonctionnement d’un moteur, combustion, évaporation, etc.) sur la base de connaissances déjà-là (modèle des transferts d’énergie, modèle de la réaction chimique, modèle moléculaire, etc.).

La configuration de la modélisation dans les textes emprunte, de notre point de vue, à certains travaux de didactique des sciences francophones déjà cités dans et dont nous résumons les grandes lignes :

- Tiberghien (1994) distingue deux niveaux de connaissance qui apparaissent en classe de sciences physiques : le « monde des théories et des modèles » et le « monde des objets et des évènements » (cf. 2.1.1)

- À partir du même découpage, des ingénieries didactiques fondées sur la confrontation entre constructions théoriques et faits expérimentaux ont été développées (Larcher, Chomat & Méheut, 1990 ; Séré, 1992 ; Genzling, 1988 entre autres). Ces ingénieries s’affichent souvent sous la forme d’une succession d’activités de structure similaire : présentation d’un modèle primitif – introduction d’un phénomène – application/enrichissement du modèle primitif afin d’expliquer le phénomène et/ou de prédire son évolution – introduction d’un nouveau phénomène – application/enrichissement du modèle qui a déjà été complété à l’étape précédente – etc. Cette manière de reconstruire le savoir dans la classe s’appuie donc sur une structure « cyclique » de l’avancée des savoirs (cf. 2.2.3).

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Ces résultats de didactique des sciences (la théorie des deux mondes, d’une part et les ingénieries didactiques cycliques basées sur la modélisation, d’autre part) semblent constituer les références didactiques privilégiées par rapport à l’introduction de la modélisation dans le plan d’études romand.

3.3 Comparaison interinstitutionnelle de l’enseignement des

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