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Stratégies de financement par catégorie de producteurs

Dans le document UNIVERSITE MONTPELLIER I (Page 184-189)

CHAPITRE IV : TYPOLOGIE DES PRODUCTEURS ANALYSE DES BESOINS ET STRATEGIES DE FINANCEMENTDES BESOINS ET STRATEGIES DE FINANCEMENT

4.3. BESOINS DE FINANCEMENT DU MENAGE DES PRODUCTEURS SUIVIS

4.4.2. Stratégies de financement par catégorie de producteurs

4.4.2. Stratégies de financement par catégorie de producteurs

Cette répartition des besoins de financement montre une dispersion très forte entre catégorie de producteurs. Dans une approche d’évaluation financière, le producteur, pour faire face à ses dépenses quotidiennes, doit disposer d'un certain montant financier mobilisable immédiatement (actif dans son bilan de trésorerie). Cela laisse supposer que le producteur dispose tout d'abord d'un certain nombre d'actifs qui vont être utilisés comme capital de départ. Ces éléments constituent son patrimoine qui est renforcé par les ressources obtenues à travers ces activités génératrices de revenu et/ou par le fruit de ses stratégies de recherche de financement. Le tableau 4.18 présente les modes de prise en charge des besoins de financement par catégorie de producteurs. On constate que les besoins de financement des producteurs diffèrent selon les types d’activités en 2006. Les besoins de financement des activités agricoles sont couverts de 75 à 85 % par le crédit agricole par catégorie de producteurs, tandis que ceux des activités non agricoles sont assurés par les fonds propres.

Pour les activités agricoles, seuls le riz et la tomate sont financés par le crédit agricole de la CNCAS.. Même dans la couverture de ces deux cultures, seul un nombre limité d’intrants

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sont pris en charge. Par exemple, les frais de main d’œuvre, de récolte, de transformation et de commercialisation, etc.) ne sont pas couverts par le crédit Ceci limite la prise en charge des besoins agricoles par le crédit formel. Ainsi les producteurs les plus pauvres qui ont l’opportunité d’accès au crédit financent à 85 % leurs activités agricoles à crédit. Ces producteurs ont des activités moins diversifiées. Par ailleurs, 79 % de ce groupe ne pratiquent que le riz (hivernage) et la tomate (en contre saison. Seule une minorité de ce groupe (21 %) a au moins deux cultures de diversification (dont l’une est la tomate) en plus du riz d’hivernage.

Ceci justifie la contribution en moyenne de 15 % de leurs fonds propres pour couvrir leurs besoins de leurs activités agricoles. On note également que les ressources propres de ce groupe sont tirées, pour la plupart, des revenus agricoles. En effet, seuls 7 % d’entre eux ont des revenus provenant des activités extra-agricoles. En somme, ce groupe de producteurs «les pauvres » a largement intérêt à accéder au crédit pour pérenniser les activités de leur principale source de revenus. Ils n’ont pas assez d’extra ressources pour s’autofinancer. Ceci limite aussi leurs options de diversification. Le gain tiré des activités agricoles peu diversifiés et le revenu provenant du peu d’activités extra-agricoles servent aussi à prendre en charge les besoins fondamentaux qui sont estimés en moyenne à un peu plus d’un million FCFA (tableau 4.18). Cela montre la précarité du revenu de ce groupe et l’insuffisance de ses moyens de subsistance. Ils comptent de temps à autre sur les aides et dons.

Le deuxième groupe des producteurs « pauvres » couvre également à 80 % de leurs besoins de financement des activités agricoles par le crédit (tableau 4.18). Ce groupe qui dispose en moyenne de superficie légèrement plus relevée que les « plus pauvres » ont aussi des limites dans leur capacité d’autofinancement. Leur fonds propres participe à hauteur de 20 % dans la prise en charge de leurs activités agricoles limitées en majorité (75 %) au riz d’hivernage et la tomate industrielle de contre saison. Ceux parmi eux qui ont deux cultures de diversification en plus du riz ne représentent que 25 % et que dans ces trois cultures, les deux sont assurées de crédit. Leurs ressources sont dominées par les activités agricoles, seuls 14 % d’entre eux ont des sources de revenus d’origine non agricole. Par conséquent, ce groupe tire également profit des opportunités d’accès au crédit pour la continuité de leurs activités. En même temps, ses ressources limitées assurent également ses besoins fondamentaux de base. Aucune source de crédit n’est citée pour la prise en charge de ses besoins en 2006. Toutefois, ces producteurs sollicitent des crédits informels de temps à autre pour suppléer la déficience de leurs ressources. Ils bénéficient également des aides et don.

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Le troisième groupe n’est toujours pas autonome des besoins de crédit qui couvrent en moyenne 78 % de ses activités agricoles. Néanmoins, son niveau de participation dans le financement de ses activités agricoles par ses ressources propres semble être plus relevé que les deux premiers groupes. En effet, 33 % de ces producteurs « moyens » ont au moins deux cultures de diversification de contre saison en plus du riz d’hivernage. Cela montre un niveau de diversification varié entre la tomate et les autres cultures maraîchères pour un sur trois producteurs de ce groupe. En plus, ils ont en majorité (73 % des producteurs du groupe) des sources de revenus non agricoles. Ceci augmente leur capacité d’endettement et de diversification. Ainsi, ils pratiquent en dehors des cultures parrainées par le crédit, l’oignon l’arachide ou le maïs pour la plupart. Cette diversification est aussi facilitée par la taille plus grande de leur superficie emblavée parmi tous les groupes (en moyenne 2,7 ha). Cette catégorie de producteurs «moyens» a malgré ses opportunités de ressources compte toujours sur le crédit pour ses activités agricoles, mais elle est moins vulnérable que les deux premiers groupes. Par le biais de ces diverses ressources, il prend en charge les besoins de financement non agricoles qui constituent le double de celui des activités agricoles (tableau 4.18).

Le groupe des producteurs « nantis » assure en moyenne 25 % de ses besoins de financements par ses fonds propres. Ceci est en partie du par le niveau élevé des producteurs de ce groupe qui ont une seconde profession non agricole. En effet, 83 % d’entre eux ont des sources de revenus non agricoles. L’accroissement supposé induit de ces ressources sert à financer des cultures de haute intensité culturale. En effet, leurs activités agricoles ne se limitent pas seulement sur les deux principales cultures parrainées par le crédit officiel. Ils pratiquent également en dehors de ces cultures, l’oignon et la patate douce pour la plupart. L’intensité culturale imposante pour ces deux cultures justifie une grande partie de contribution de leurs propres ressources. En contre partie, ces cultures sont jugées de forte valeur ajoutée, et cela peut produire des incidences positives sur leur niveau de revenu et augmenter leur capacité d’investissement dans le secteur agricole comme non agricole. Vu leur niveau élevé de ressources par rapport aux autres groupes (terre, équipements, activités diversifiées, revenu, etc.), on aurait pensé que cette catégorie de producteurs est capable de s’autofinancer pour ses activités agricoles. La réalité apparente à travers les résultats de cette étude est que ces producteurs utilisent ce créneau de crédit accessible pour eux pour financer une bonne partie de leurs activités agricoles et orienter leurs propres ressources sur l’acquisition des biens non agricoles qui peuvent générer des revenus.

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En effet, sur 13 millions de dépenses en 2006 par les producteurs « nantis », les 9 millions FCFA sont destinés aux besoins fondamentaux et que 32 % de ces ressources sont consacrés à des besoins de prestige et de luxe (mobiliers de maison et autres équipements ménagers). Ces biens sont considérés comme des actifs qui ont une certaine influence sur la capacité d’investissement ou d’endettement dans le cas de recherche de crédit. Cependant, la gestion du choix des producteurs sur les priorités de financement déteint sur la durabilité ou l’avancement par rapport à leur classe respective. En effet, le producteur fonctionne comme une entreprise, si elle est mal gérée, elle risque à tout moment de se retrouver en situation d'insolvabilité ce qui se traduirait par une cassation de son activité et une mise en liquidation.

On entend par insolvabilité, l'incapacité qu'aurait une entreprise à s'acquitter à un moment donné d'une dette par manque de liquidité. Cette situation peut arriver à toute entreprise qui ne prend pas suffisamment conscience de l'importance d'une gestion saine de ses finances, et ce, même dans le cas ou l'entreprise connaît une bonne activité économique. Ceci est aussi valable pour un producteur. Pour éviter de se trouver dans l'incapacité d'honorer une dette, le producteur doit être conscient de ses besoins financiers et doit y apporter une réponse appropriée.

Par ailleurs, le crédit agricole est un crédit à caution solidaire. Les producteurs sont organisés en groupement d’intérêt économique (GIE) pour l’obtention de crédit sur les cultures de riz et de tomate. Ainsi pour des économies d’échelle et un suivi technique, les producteurs sont organisés en petit groupe à partir des mailles hydrauliques (disposition des parcelles autour de la source principale d’eau). Ceci leur permet de discuter sur les cultures à faire par campagne, d’évaluer leurs besoins de financement et de réguler correctement les tours d’eau. La totalité de ces GIE sont de type production et se forment en union ou section villageoise, interlocuteur de la banque. Certains sont à la fois de type production et services (18 % des unions de la vallée) car détenant des machines de prestations (tracteur, offset, moissonneuses, batteuses, décortiqueuses ou rizerie). L’origine de la création de ces formes d’organisation est l’obtention de crédit et d’appui technique et d’encadrement. En effet, l’intervention des services d’appui (ONG, puissance publique ou privée) et les institutions classiques de financement passe par ces formes d’organisation pour faciliter l’accès et la diffusion de leurs services. Les producteurs de l’échantillon appartiennent aux quatre grandes Unions de la vallée : Union de MBoundoum sur un patrimoine foncier de 3 425 ha, de Dagana (en trois sections A, B et C) sur 2 913 ha, de Bokhol (en 3 sections DASDE, DJGO et MBENGUE) sur 965 et de la cuvette de Guédé sur 761 ha. Dans l’ensemble 95 % des GIE de ces Unions sont

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de nature mixte (hommes et femmes). Néanmoins, la spécialisation de certains GIE (riziculture) impose le type de groupement masculin (5 %).

Pour les sources de financement mutualistes disponibles au niveau de la zone, la procédure reste la même. Ce sont les membres du ménage qui sont affiliés à ces institutions, surtout les femmes dans le sociétariat de la microfinance. Celle-ci, selon les producteurs, ne s’intéresse pas, pour la plupart à l’investissement de l’agriculture, domaine jugé très aléatoire. D’autres institutions ont, par contre certes la volonté de procéder au financement de l’agriculture, mais elles n’ont pas assez de moyens pour fiancer tous les GIE de la place. Ainsi donc, l’argent n’est pas utilisé pour financer les grandes cultures comme la riziculture. Les femmes, qui en majorité utilisent ces mutuelles, le font pour le petit commerce. La plus part des femmes dans les ménages des producteurs enquêtés se sont adhérées à des mutuelles qui ne s’engagent que peu sur le financement de l’agriculture. Parmi les mutuelles de la zone, une à deux acceptent de financer l’agriculture et notamment le maraîchage dans son volet commercialisation. En plus, certaines mutuelles font des séances de causeries, procèdent à des séances de formation et participent à la construction de magasins de stockage des récoltes. Ces activités rentrent dans le cadre d’activités d’appui et de soutien aux agriculteurs.

Il est donc évident que le GIE est la forme d’organisation la plus répandue, il n’y a pas du tout d’entreprise personnelle (sauf dans les prestations de services mécanisés). Dans la zone d’étude, les agriculteurs sortent d’une situation de léthargie totale (problème des impayés, retrait des parcelles ou abandon de parcelles vétustes, etc.). Ils sont dans une phase de restructuration intéressante qui met au devant une catégorie d’agriculteurs jeunes, formés et ambitieux qui ont envie « d’autre chose ». Toutefois, il est saisissant de noter le contraste entre la volonté des acteurs d’accéder à plus de financement, à développer des activités d’envergure et la faiblesse de leurs organisations de base. Cet échec organisationnel, imputé à des manquements dans le passé sur le crédit (faible remboursement, déviation d’objectifs de crédit, etc.) conduit à un changement de mentalité et un nouveau plaidoyer auprès des autorités et bailleurs de fonds pour une restructuration de l’offre et son accroissement.

Cependant, pour arriver à jouer pleinement leur rôle, les associations ont besoin non seulement de mieux se structurer, d’être mieux formées mais surtout de régler les conflits latents ou exprimés dans l’exercice du pouvoir des «leaders inamovibles» et leur reconnaissance. Ainsi, « l’union fait la force » tant clamée par les acteurs cache mal un manque d’organisation.

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