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PROBLEMATIQUE DE THESE

Dans le document UNIVERSITE MONTPELLIER I (Page 91-100)

Face à la crise alimentaire mondiale actuelle et au défi de la lutte contre la pauvreté en milieu rural quelles sont les principales contraintes à lever en vue d’améliorer substantiellement le niveau de vie de ces populations ? La réponse à cette question soulève plusieurs pistes de réflexions et de débats contradictoires. Dans le contexte du Sénégal où plus de 60 % des populations rurales sont occupées par les activités agricoles, la réponse à cette lancinante question est vite orientée vers l’amélioration des conditions de promotion de l’agriculture.

Cette dernière reste à la fois une incontournable source de revenus et d’emplois pour les ménages ruraux. En effet, elle joue une double fonction pécuniaire et nourricière au niveau des unités familiales. Dans cette agriculture, le riz occupe une place importante dans les systèmes de production de la vallée du fleuve Sénégal. Il est le moteur de l’économie locale tant par ses effets induits sur les activités connexes (prestation de services mécanisés, de transformation, de fourniture d’intrants, etc.) que par l’importance de sa contribution au revenu des agriculteurs. Le riz constitue la céréale la plus prisée dans l’alimentation des Sénégalais. Cependant, la production locale ne couvre qu’un tiers des besoins alimentaires du pays entraînant une sortie de devises estimées à 130 milliards de FCFA par an pour soutenir les exportations, soit 16 % du déficit de la balance commerciale (MAE, 2008).

La situation semble inquiétante d’autant plus que le marché mondial du riz est marginal et devient de plus en plus étroit avec l’actuelle crise alimentaire mondiale. Ceci a conduit l’État à promouvoir la culture du riz dont l’intensification et l’accroissement des productions devraient contribuer à améliorer la satisfaction des besoins céréaliers de qualité. Pourtant, malgré cette volonté affichée, l’effort des producteurs d’accroître leur production et sécuriser leurs besoins alimentaires restera vain sans l’amélioration et l’innovation des technologies productives. Malgré les potentialités et marges de progrès des systèmes irrigués, l’intensification de la riziculture dans cette zone reste confrontée à plusieurs contraintes en amont comme en aval de la production. Parmi ces obstacles d’intensification, on note la problématique du financement.

Ainsi, devant la rareté des ressources des producteurs, l’accès aux facteurs d’amélioration ou de progrès pose le débat sur l’accès au financement et de son impact sur le changement espéré dans les outputs agricoles. Dans la réalité, le financement du secteur agricole est limité par plusieurs facteurs. L’offre de crédit est souvent réduite par faute d’institutions financières durables dans le secteur. Comme illustré dans la littérature, l’instabilité dans les choix

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institutionnels de financement du monde rural dans les pays en voie de développement rend difficile la pérennité des institutions dans le secteur agricole. Les choix politiques ne répondent pas, le plus souvent, à la demande des populations auxquelles le système est destiné. Cela contribue fortement à l’échec des systèmes financiers du secteur agricole. En plus, l’offre de crédit fléchit substantiellement dès lors que la rentabilité soit menacée ou les conditions de garantie, telles que perçues par les institutions de crédit, se dégradent. Cette situation est plus alarmante chez les petits producteurs dépourvus de ressources. Par conséquent, cela induit des disparités non seulement dans l’accès au crédit, mais également dans la satisfaction des besoins réels et multiples des agriculteurs.

Le système est aussi discrédité par de multiples dysfonctionnements dont l’existence d’informations imparfaites entre acteurs du marché financier. Ceci est d’autant plus inquiétant que dans certains pays sous-développés, on note la carence de l’Etat, dans ses tâches régaliennes d’instauration de cadre institutionnel juridique et réglementaire. Ceci affaiblit l’action publique de contrôle et de sanction en cas de défaillance. On remarque aussi l’absence d’organisations professionnelles dynamiques et compétentes à grande échelle, qui peuvent identifier la demande parcellaire et diversifiée des producteurs à la place de l’Etat qui s’est désengagé. La coordination des biens et services par le marché, conceptualisé dans le schéma de la libéralisation du secteur agricole, ne saurait prospérer (Wampfler, 2004). En effet, cela suppose que le consommateur (ici le producteur), du fait de la disponibilité de l’information, fait son choix en fonction de son intérêt entre les différentes offres induites par la concurrence née de cette libéralisation. Ainsi, il prend le meilleur bien ou service en termes de rapport qualité prix, de type et mode de financement le plus avantageux, etc.; et en connaissance de cause. Dans la réalité, ses hypothèses ne sont pas totalement vérifiées, ainsi donc le marché ne peut tout seul réguler et assurer l’émergence d’une offre de services, particulièrement des services financiers adaptés à la demande. Cette distorsion crée également des déséquilibres dans la régulation de la demande et de l’offre de biens et services.

L’ensemble de ces manquements définis par des concepts revisités dans la littérature et retrouvés également dans le marché financier de la vallée du fleuve Sénégal, retracent les risques de défaillance du système et ses conséquences sur la disponibilité de l’offre de financement des activités agricoles. Ces défaillances, pour la plupart des systèmes de crédit agricole, hypothèquent la satisfaction des besoins réels de financement de la majorité des agriculteurs.

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Le rôle du crédit dans le développement économique et social a fait l’objet d’une littérature abondante. Un examen de cette littérature a aussi montré que plusieurs études antérieures ont évalué l’impact du financement agricole sur les exploitations familiales ou ménages agricoles ou sur de simples producteurs par rapport à des projets ou programmes d’appui.

Malheureusement, les éclairages apportés par la littérature sur les enjeux de l’accès au crédit ont pour la plupart, des insuffisances sur certains aspects de la question, tandis que d’autres, sauf de rares cas, n’ont pas approfondi la réflexion sur les impacts réels par catégorie de producteurs en tenant compte des différentiels de situation. Pour la plupart du temps, l’attention des bailleurs de fonds et des experts de crédit s’est porté avant tout sur les institutions elles-mêmes. Le développement institutionnel devient alors l’objectif immédiat, au lieu d’être un moyen au service d’un objectif recherché sur les populations pour lesquelles ces institutions ont été créées.

Ainsi la performance institutionnelle était privilégiée au détriment d’une réflexion sur l’adéquation des services financiers eux-mêmes et leur impact sur les clients. Les grands critères de succès étaient le nombre de clients atteints, le pourcentage de couverture des coûts et la fin de la dépendance envers les subventions. L’idée dominante était que la standardisation des produits financiers permettrait aux institutions de crédit, et particulièrement la microfinance de passer à une échelle large, d’atteindre l’équilibre financier, et de se pérenniser. Il semblait implicitement évident que le client serait satisfait de tels services. Quelles sont alors les questions relatives aux bénéficiaires à côté de celles des IMF et des bailleurs ? Pourtant au delà des principes, il paraît essentiel d’évaluer l’impact des financements sur les utilisateurs. D’abord, il s’agit d’adapter les systèmes de crédit aux besoins des utilisateurs car il ne s’agit pas de reproduire des modèles préfabriqués (cas du micro-crédit au Bengladesh). Cela nécessite également de vérifier que le système de crédit est bien l’outil pour lequel il a été crée (ex. lutte contre la pauvreté que l’on annonce ou qu’il réalise des plus values attendues des activités couvertes..).

Effectivement, quelques études ont évolué et fortement contribué à inverser cette vision, et à remettre le client au centre du débat. Il n’en demeure pas moins que la plupart de celles-ci ont une approche globalisante, tandis que d’autres sont restrictives dans le temps et dans l’espace.

L’impact individualisé par type de culture et par catégorie de producteurs est généralement peu investi. De même, par manque de données fiables de séries chronologiques, certaines évaluations restent restrictives, statiques et souvent peu appropriées. Les premiers travaux et

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études de cas sur l’impact des institutions de financement ont en parallèle démontré que mesurer l’impact est une tâche beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît (Lapenu, 2003). Les tenants des études d'impact « classiques » se sont d’abord opposés aux partisans d’études légères et bon marché, réputées en général peu rigoureuses. Les difficultés méthodologiques étant difficiles à contourner, il est rapidement apparu que des compromis entre l’ambition de rigueur scientifique et les moyens disponibles seraient nécessaires (Wampfler, 2004). Par ailleurs, les changements importants en matière de stratégies de demande de financement en relation avec le niveau d’expériences et d’éducation des populations, aux caractéristiques de l’environnement, etc., peuvent apporter des ajustements sur les attitudes et comportement des facteurs impactés. Ces éléments sont aussi rarement pris en compte dans la variation des impacts du financement agricole et limitent ainsi la portée des recommandations de ces études. La prise en charge de l’ensemble de ces dimensions apporte un plus dans la compréhension des enjeux sur l’apport du crédit, sa réelle contribution au développement agricole et ses limites objectives.

Si le crédit est défini comme un indicateur de régulation de pauvreté et de multiplicateur de croissance via les grands agrégats de l’économie (production, consommation, épargne/investissement, etc.), il est crucial d’évaluer son impact direct sur la productivité des agriculteurs en relation avec leur environnement et conditions d’existence. Le producteur10, avec son exploitation familiale agricole, est multidimensionnel de par la composition de son ménage et de par la diversité de ses activités et besoins. Ainsi, le degré de pauvreté et de vulnérabilité varie constamment d’un ménage agricole à un autre dans le monde rural dans les pays en voie de développement. Par conséquent, la nature complexe et diversifiée des besoins de financement du monde rural rend complexe le mécanisme de satisfaction des besoins de financement. Egalement de par ses dotations en ressources (capital, terre, équipement, revenus), les producteurs avec leur ménage sont différenciés en capacité et ainsi en stratégies de recherches de financement. Ainsi, donc il est crucial de comprendre l’articulation des différents besoins, opportunités et contraintes de financement par catégorie de producteurs.

De même, il est utile d’évaluer les effets attendus de l’accès différencié au crédit dans la transmission de productivité et d’efficacité via l’utilisation des intrants dans les pays en voie de développement où l’agriculture constitue le pilier du développement économique et social.

10L’unité d’observation de ces travaux est le producteur, qui est par la suite rapporté à la dimension de son ménage. En système irrigué de la vallée, le périmètre rizicole est attribué au chef d’exploitation pour le ménage. Dans la suite du texte, le terme « producteur » sera utilisé au sens du financement et de l’ensemble des préoccupations de son ménage agricole.

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Il est montré que bien que les populations rurales soient décrites comme les plus pauvres dans les pays en voie de développement, force est de constater qu’elles ne sont pas homogènes.

Cette diversité forge des dynamiques et trajectoires différenciées de développement. Même s’il s’avère que l’accès au crédit peut améliorer le niveau de vie des populations rurales, on se poserait la question de savoir sur quelle tranche de cette population rurale compter, avec l’accès au crédit, pour une dynamique réelle de développement ? En effet, les producteurs de part leur appartenance à des niveaux de structures, de fonctionnement et de performances variables ont des besoins hétéroclites et développent des stratégies de financement distinctes.

Ainsi, le rationnement de crédit ne saurait automatiquement gage de succès pour tout le monde. L’approche globalisant cache en effet, des disparités criardes entre groupes de producteurs ainsi que les freins spécifiques à surmonter pour chacun. Les principes de financement adéquat exigent l’élaboration de paramètres de soutien financier distincts, selon le principe d’un financement comparable pour des groupes dont les besoins et stratégies sont comparables. La typologie des besoins de financement et les stratégies par type de producteurs sont des enjeux encore peu élucidés dans la problématique de financement du secteur agricole. Par ailleurs, l’Etat et les bailleurs de fonds continuent de s’interroger sur le devenir de l’agriculture qui constitue un pilier essentiel dans la lutte contre la pauvreté. Dans ce contexte, sur quels acteurs ou groupes d’acteurs compter pour la relance de l’agriculture ? Jusqu’ici les politiques de réduction de la pauvreté et de soutien budgétaire des bailleurs ont clairement misé sur le financement de l’agriculture pour enrayer le cycle de la pauvreté rurale sans une discrimination positive. L’une des grandes questions sans réponses est qui en profite ? En réalité, après la réalisation des conditions physiques (infrastructures, routes, pistes de production, etc.) pour tout le monde, il urge d’évaluer la réalisation économique (accès aux facteurs de production) à travers l’accès aux capitaux par typologie de producteurs.

Avec la mondialisation des échanges, la fin des protections et le retrait de l’Etat, de nouveaux pôles de décision se structurent. Cette pluralité des régulations, qu’imposent les nouveaux compromis économiques et sociaux, soulève aussi le débat sur les conditions et déterminants d’accès au crédit. Avant la libéralisation, les services financiers étaient centralisés dans un dispositif public avec une coordination qui permettait d’identifier la demande, les contraintes liées à cette demande par les usagers et la transmission de l’information entre demande et offre. Avec la libéralisation, la coordination par le marché, selon l’esprit du système, reste restrictive. L’évaluation des besoins est supposée se faire par le marché avec la rencontre de la demande et de l’offre. Cependant, la demande des besoins de financement du secteur

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agricole est isolée et souvent mal formulée par les producteurs concernés entraînant ainsi une

« information imparfaite » qui théoriquement hypothéquerait le fonctionnement du marché.

Ces mutations posent le questionnement sur les mécanismes de fonctionnement des institutions de crédit, de leur offre globale en relation avec la demande réelle. D’autre part, cela soulève le débat sur les facteurs d’accès des producteurs au regard de ce processus de décentralisation du dispositif des services financiers publics et privés et leurs conséquences sur la performance technique et économique de leurs activités. Par conséquent, il est crucial de comprendre la dynamique organisationnelle du marché financier global, son accessibilité et ses effets induits sur l’efficacité technique des producteurs selon leurs trajectoires de développement. L’orientation de la réflexion devrait mettre l’accent sur l’impact réel différencié du rationnement du crédit sur les diverses catégories de producteurs qui sont de très pauvres à relativement plus aisés.

La demande de financement du secteur agricole (exploitation, investissement ; production, commercialisation, etc.) est immense. Cependant, l’offre de crédit est limitée en volume et dans l’espace. La microfinance a été ciblée comme alternative du fait de sa décentralisation et de son ouverture vers les couches les plus pauvres. De multiples expériences avec l’apport de la microfinance ont été abordées par la littérature et les résultats obtenus sont très contrariés (travaux du CIRAD et du CERISE). Cela accentue le débat sur le rôle de la microfinance dans la prise en charge du financement du secteur agricole. Le Sénégal a préféré renforcer l’intervention de l’Etat dans l’institutionnalisation du crédit au moment où les solutions de libéraliser le secteur se posent avec acuité dans le monde. En effet, l’intermédiation financière met en interface, en dehors des principaux acteurs (épargnants et demandeurs de capitaux), l’Etat et ses partenaires financiers. Ce système n’est plus sous le contrôle du jeu du marché, mais avec les interactions du politique. Au moment où l’on mise sur l’efficacité attendue de la privatisation, ce dispositif nous ramène à de l’interventionnisme Etatique (négociation sur les taux d’intérêts, sur les remboursements, etc.). Quelles sont les conséquences sur le fonctionnement du système financier global ? En plus le système de crédit est bâti autour des cultures stratégiques comme le riz, la tomate industrielle, le coton et l’arachide. Quelles sont les implications que cela indique ? La particularité de ce type de financement par culture incite à de profondes introspections. En réalité, ce ciblage peut s’avérer contraignant pour la satisfaction d’autres besoins réels de priorité chez les producteurs ciblés. La fongibilité du crédit permettant son utilisation dans d’autres besoins que sur ceux pour lesquels il a été consenti, pose le problème de l’efficacité de l’évaluation de l’accès et de l’utilisation du crédit

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avec les potentialités de risques de détournement d’objectifs encourus. Ainsi, la complexité et la diversité des besoins de financement, en relation avec la fongibilité du crédit, rendent difficiles la lisibilité de l’évaluation de l’impact des politiques institutionnelles de crédit sur le niveau de vie des producteurs. Quelle est l’ampleur de cette nature dans les conditions de la vallée ? Sous ce rapport et dans une perspective de capitalisation des connaissances, il devient nécessaire de revisiter la trajectoire de tel mode de financements. Quel est l’impact d’un tel système de crédit sur la performance et la productivité des filières appuyées et notamment sur celle du riz. En outre, les politiques publiques ont toujours été élaborées dans le sens de consolider la politique d’adaptation du financement à des types d’opérations (production, transformation, aménagement, etc.) sur les différentes cultures ciblées. Dans ce contexte, quels sont les impacts et limites d’une telle approche ? Ces pistes de réflexions ont été jusque là peu ou pas explorées et constituent des éléments de discussions.

Avec ce mode de financement parapublic11, on note la présence de la microfinance en zone rurale pour diversifier les alternatives de financements. Cette diversité de sources de financement n’empêche pas des questionnements sur leur implication dans la prise en charge des besoins réels des producteurs. La combinaison de ces deux sources différentes de financement (l’une sur les cultures ; et l’autre, peut-être, sur les autres segments de la demande de financement) règle t- elle les problèmes de fongibilité de crédit ? A quels niveaux ces deux sources assurent –elles les besoins du secteur rural ? Par ailleurs, les besoins de financement des producteurs d’unités économiques et sociales différentes, ainsi que les difficultés ou opportunités qu’ils peuvent rencontrer pour la gestion du crédit et de l’épargne (capacité d’autofinancement) varient en fonction de la diversité des situations. Les producteurs forment des ménages et des entreprises rurales informelles dont leur gestion économique est complexe et variée. Ainsi, la densité de la taille de leur ménage, le degré et la diversité de leurs activités (agricole comme non agricole), la dispersion de leurs moyens, leur niveau d’insertion dans les marchés, la part de leur activité agricole dans les activités économiques, etc., vont influer sur les besoins de financement des différentes catégories de producteurs. Ainsi, l’évaluation de l’impact de leur accès à des produits financiers doit prendre en compte cette complexité. Cette très grande diversité des besoins assortie d’une forte diversité des contraintes, varie considérablement en fonction des systèmes de production des ménages et de l’environnement institutionnel (marché, crédit, etc. Des interrogations légitimes se posent sur l’efficacité d’un tel système de financement sur la productivité du riz.

11 On entend parapublic, un dispositif mixte en association du privé et du public avec la dominance du public

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Certes, le financement n’est pas la seule contrainte d’amélioration de la filière, mais constitue

Certes, le financement n’est pas la seule contrainte d’amélioration de la filière, mais constitue

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