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Questions de recherche

Dans le document UNIVERSITE MONTPELLIER I (Page 101-107)

2.3. OBJECTIFS ET QUESTIONS DE RECHERCHE

2.3.2. Questions de recherche

La libéralisation du secteur agricole entreprise par l’Etat a augmenté l’incertitude et les risques de financement de l’activité agricole. Cette raréfaction de l’offre de financement et les conditions contraignantes pour celle qui existe, ont contribué pour beaucoup à la paupérisation des populations agricoles et rurales. Cependant, plusieurs tentatives de financement de ce secteur se sont intervenues sans tenir compte de la complexité des besoins de financement et système d’activités des producteurs et de leur ménage d’appartenance. Cela nécessite d’appréhender ces besoins de financement dans leur diversité et implique une évaluation des incidences différenciées de l’accès au crédit agricole sur l’amélioration des conditions des divers types de producteurs. Egalement beaucoup de questions se posent entre les défaillances du système financier de l’agriculture, ses conditions d’accès et la performance économique du secteur ; et leurs interrelations probables de causalités sur la diversité des besoins et contraintes de financement des diverses catégories de producteurs. Cette présente thèse tente de mener la réflexion sur ces questionnements qui restent peu investis, particulièrement au Sénégal.

Les recherches de l’impact de l’accès au crédit sur la production rizicole sont articulées autour de six questions majeures :

1/. Depuis l’introduction du secteur financier dans la Vallée, comment les réformes institutionnelles du financement du secteur agricole ont-elles évolué et affecté l’agriculture en général et de la production rizicole en particulier ? La première partie de la question relate l’évolution des réformes institutionnelles de crédit sur la prise en charge des besoins du financement de l’agriculture, et notamment la riziculture. Cette question cherche à retracer la trajectoire de l’offre de financement sur l’agriculture à travers les mécanismes suscités par les réformes. Ces dernières ont cheminé avec différentes approches ; des idéologies Keynésiennes du « tout financement pour sortir du sous-développement » des années post-indépendances jusqu’à l’économie institutionnelle avec l’expansion des institutions de microfinance. Cette question s’interroge aussi sur l’évolution des conditions d’accès à ces ressources et leurs limites.

La deuxième partie de la première question s’interroge sur comment l’accès peut-il contribuer à l’amélioration de la performance rizicole dans la vallée ? Elle a trait au rapprochement entre

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l’évolution des mécanismes de financement aux performances du secteur agricole et particulièrement de la production rizicole. Cette question cherche à comprendre les changements intervenus dans les politiques institutionnelles de crédit à l’agriculture familiale et leurs effets sur les stratégies de production. Il s’agit aussi de comprendre comment ces réformes se sont manifestées dans les marchés des intrants commerciaux et des services et des ressources domestiques que les agriculteurs utilisent pour la production de riz. Le crédit formel de la CNCAS a été longtemps la seule alternative de financement du monde rural, et particulièrement pour la production rizicole. Durant ces quinze à vingt dernières années se sont apparues les institutions de microfinance. Quelles sont les contraintes de leur offre sur le secteur agricole. En effet, leur capacité à financer l’agriculture de façon efficiente est fortement questionnée au regard des performances de la filière. Comment évolue la combinaison des différentes offres de financement.

2/. La deuxième interpellation porte sur la compréhension des facteurs qui déterminent l’accès au crédit. Autrement, l’offre de services financiers existe pour quel type de ménage agricole, de communauté et principalement pour quelle catégorie de producteurs, etc. S’il est vrai que les politiques institutionnelles de crédit visent de façon générale, l’ensemble des agriculteurs, il se trouve que certains ont accès, tandis que d’autres n’en ont pas. Quelles sont les motivations qui sous-tendent cette différentiation ? Quels sont alors les facteurs de comportement ou d’environnement qui justifient cela au niveau individuel, au niveau ménage et au niveau de la communauté? Cette question fait l’introspection sur les facteurs exogènes comme endogènes au ménage agricole qui favorisent ou entravent l’accès au crédit.

3/. Une fois que ces changements sont bien compris, il est alors possible de répondre à la troisième question, comment l’accès et l’utilisation du crédit contribuent-ils à l’accroissement différencié de la production de riz via l’augmentation de l’utilisation des intrants ? Cette question tente ainsi d'examiner les raisons qui sont à l'origine des changements d’attitude à la demande d’intrants au regard de l’accès au crédit et de son utilisation ou non. Est-ce que l’accès au crédit peut par exemple, modifier l’attitude de demande d’engrais ou de semences sélectionnées. Existe-t-il aussi d’autres paramètres qui peuvent justifier l’incitation à la demande d’intrants ? Cette question se concentre sur les changements induits par l’accès au crédit dans le niveau et la variabilité de la demande des intrants et leurs effets sur la productivité pour les diverses catégories de producteurs de la

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zone. Elle interpelle ainsi un examen des changements de comportement des producteurs dans la prise de décisions au regard de ces nouvelles incitations.

4/. La quatrième question est de comprendre dans quelles mesures l’accès au crédit conditionne t-il l’efficacité techniques de la production rizicole ? Ou comment l’utilisation de l’accès au crédit peut-elle favoriser l’efficacité technique ? Cette question tente de déterminer l’impact de l’accès et son utilisation sur les facteurs d’efficacité. Elle s’interroge sur les liens probables entre l’accès au crédit et les facteurs d’efficacité technique de production. Quels sont les linkages qui sous-tendent l'accessibilité au crédit à l’efficience technique ?

5. / La cinquième question porte sur l’impact de l’accès au crédit différencié sur le niveau de revenus des diverses catégories de riziculteurs ? Autrement comment l’accès au crédit contribue t-il à l’amélioration des revenus des types de producteurs de la zone. En effet, les producteurs ayant des trajectoires différentes, des systèmes d’activités et de besoins variés, il est attendu que l’accès au crédit soit vécu différemment.

6/. Enfin, la dernière question est d’ordre prospectif sur celle de savoir quelles sont les implications politiques des résultats de cette réflexion ? Ou quelles sont les conséquences à long terme des politiques institutionnelles de crédit sur la productivité et l’efficacité technique rizicole. Cette question cherche à évaluer les changements dans la variabilité à plus long terme de l'économie de la production de riz par suite de l’implication des politiques d’accès au crédit. A cette fin, quelles sont les implications de politiques institutionnelles d’accès au crédit stimulantes à l’efficacité technique de la production de riz et ses conséquences sur les possibilités d’amélioration différenciée des conditions de vie des catégories de producteurs.

2.3.3. Hypothèses

Nous allons développer des hypothèses (ou affirmations) qui, à priori, semblent répondre à nos questions centrales de recherche. Ces affirmations sont basées sur des constats de situation dont nous ne disposons pas souvent d’informations vérifiées à nos jours. Cependant, elles seront confirmées ou infirmées selon les résultats de nos analyses empiriques.

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La problématique du développement agricole a toujours été posée en termes de cercle vicieux.

Les pratiques culturales rudimentaires, l’utilisation peu efficace des intrants en temps opportuns se traduisent par un niveau faible de productivité. Le surplus est donc quasi inexistant, par conséquent la riziculture de façon particulière ne peut pas autofinancer sa modernisation. Le maintien de ces vieilles pratiques entraîne une stagnation voire une baisse dans la productivité agricole, et rizicole en particulier. Ces phénomènes risquent de s’accélérer avec l’ouverture des frontières sur les échanges qui exposent les producteurs à une concurrence accrue avec des agriculteurs du nord ayant des niveaux de productivité plus élevés. Cependant, cette mondialisation des échanges créent aussi des nouvelles opportunités aux producteurs, surtout avec le riz où on constate actuellement que les exportateurs (comme les pays Asiatiques) deviennent des importateurs de riz sur le marché mondial. La nature de l’incidence de cette mondialisation sur les riziculteurs du pays varie selon la gestion de la filière. On suppose qu’un crédit approprié pour l’utilisation à temps d'intrants améliorés, selon les normes et l’échelonnement des itinéraires techniques recommandées par la recherche, et en fonction des besoins réels et différenciés selon les catégories de producteurs, permettrait de gagner des marges de productivité, voire de revenus élevés, et de casser ainsi le cercle vicieux. Ainsi, le système doit constituer la base d’une expansion auto-entretenue de la riziculture performante. En effet, il est reconnu que la durabilité du système financier dépend fortement de la garantie de remboursement des crédits induits par une rentabilité des investissements.

L’accès au crédit peut aider les producteurs selon leur niveau de besoins complexes à augmenter leur capacité de risque et altère leurs stratégies de pratiques culturales. Par exemple, la connaissance d’une disponibilité de crédit en cas de mauvaise campagne agricole peut induire le producteur à un changement de comportement de risque en adoptant, par exemple de nouvelles technologies plus risquées. Ainsi, l’accès au crédit peut induire le producteur (de nature très timide en preneur de risque « aversion au risque ») à prendre plus de risque, et donc moins hésitant aux initiatives d’innovations technologiques. On peut s'attendre aussi à un accroissement de la demande des intrants, et particulièrement de l'engrais. En effet, le lourd investissement nécessaire en infrastructures hydro-agricoles, et les facteurs de production élevés dans ces systèmes (coût hydraulique, intrants, etc.) impliquent des soucis ou des réflexes de rentabilisation d’où l’importance et la justification de l'utilisation importante en engrais si il y a des possibilités d'accès au crédit, car l'engrais est perçu avec les semences sélectionnées comme facteurs de rendement et de qualité.

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En réalité, ce que nous proposons de démontrer dans cette thèse, c’est que l’accès efficace au crédit fait la différence au niveau de l’utilisation efficiente des intrants en quantité et en qualité au moment opportun. Ceci procure des niveaux élevés de rendement. Ainsi, les producteurs qui peuvent bénéficier de ces conditions d’accès en tirent profit et améliorent leurs niveaux de production et de revenus. Cependant, pour le cas particulier du Sénégal et des riziculteurs de la vallée, le système de crédit est, en effet désorganisé et entraîne des dysfonctionnements dans la gestion des opérations culturales. Le crédit arrive souvent tard et pénalise l’utilisation optimale des intrants selon le moment approprié du calendrier cultural requis. Ce type de système favorise davantage les producteurs les plus aisés en milieu rural disposant de ressources et de moyens palliatifs au système actuel défaillant du crédit. Ces moyens leur servent de garantie ou de « faire valoir »12 et leur permettent d’accéder aux intrants à temps en attendant la mise à disposition du crédit. Ils peuvent ainsi anticiper sur l’achat de ces intrants au moment opportun (sous forme de garantie et de caution) et bénéficier des retombées attendues sur le rendement dans le respect des itinéraires techniques selon le calendrier cultural recommandé.

Les producteurs dépourvus de moyens et qui ont accès au crédit, sont obligés par contre, d’attendre l’arrivée tardive du crédit pour l’utilisation des intrants à des périodes souvent non adaptées induisant des niveaux de rendement les moins élevés. Etant ainsi endettée (coût supplémentaire du crédit) avec les niveaux des rendements les moins élevés, cette catégorie de producteurs rentre difficilement dans leurs fonds investis. Par ailleurs, les producteurs pauvres n’ayant pas accès au crédit sont, par conséquent les plus grands perdants. Ils ont des difficultés d’accéder aux intrants à temps et en quantités et qualités suffisantes. Ceci induit des niveaux de rendement très bas pour cette catégorie de producteurs. Par ailleurs, il faut noter que la gestion du calendrier cultural n’explique pas seul le niveau faible des rendements.

On sait aussi que la qualité des semences, le niveau de dose des intrants consommés et le mode d’application de ces intrants ; de même que l’utilisation de technologies améliorées sont aussi, entre autre, des facteurs explicatifs d’amélioration de rendement. Comme déjà indiqué dans les hypothèses retenues, l’accès au crédit peut effectivement inciter à ces types de bonnes pratiques et de comportement. C’est tenté de démontrer cette assertion que nous nous sommes investis d’appréhender et d’analyser la notion de l’impact de l’accès et de l’utilisation du crédit par une démarche méthodologique.

12 Le statut de producteur « aisé » en milieu rural permet d’obtenir facilement du crédit auprès de l’entourage car cela constitue une caution morale de privilégié et généralement perçu comme quelqu’un de « solvable »

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Après une investigation théorique, nous tenterons, dans une seconde partie empirique de la méthodologie, de décrire une base de données sur les producteurs de la vallée du fleuve Sénégal, ce qui nous permettra dans l’analyse économétrique, de déterminer d’une part les facteurs déterminants à l’accès au crédit, et d’autre part de tester l’effet de l’accès sur l’utilisation du crédit, sur la demande des intrants, sur le niveau d’efficacité technique et de revenu par typologie de producteurs. Au préalable, une attention sera portée sur l’analyse de la typologie des producteurs, leurs besoins et stratégies de financement ; et sur l’analyse des conditions de l’offre des institutions de financement dans la vallée du fleuve Sénégal. Afin d’améliorer le mécanisme d’offre de crédit qui, selon nous, reste un moyen facilitant l’accès au crédit à une grande masse de producteurs dépourvus de ressources pour l’amélioration de leurs conditions de production, nous tenterons dans notre conclusion de faire quelques recommandations sur l’implication des politiques de crédit.

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CHAPITRE III : METHODOLOGIE

Après une revue bibliographie de différentes méthodes d’évaluation d’impact, ce chapitre discute en premier sur le cadre conceptuel et le fondement de base théorique de la méthodologie des « effets de traitement » utilisée pour évaluer l’impact de l’accès et l’utilisation du crédit. La formulation de ce cadre conceptuel induit à poser et répondre aux trois questions suivantes : impact de quoi (l’accès au crédit), sur quoi (productivité et revenu) et pour qui (les riziculteurs de la vallée selon leur diversité). La réponse à ce triptyque permet de déterminer les facteurs d’impact et les résultats impactés sur les populations cibles. Avec cette méthode « effet de traitement », les concepts clefs de l’estimation du modèle d'analyse seront définis. L’Effet Moyen de Traitement (ATE) utilisée nous permettra d’identifier les facteurs déterminants à l’accès au crédit et à la demande des intrants ; et d’autre part, d’évaluer l’impact de l’accès et de l’utilisation du crédit sur l’amélioration du revenu des diverses catégories de producteurs. Ensuite, la deuxième partie est réservée à la méthode d'analyse de production frontière et ses justificatifs théoriques. Cette méthode nous permettra d’évaluer les facteurs d’efficacité technique de production. La troisième section traite de l'échantillonnage (méthodes de choix sur les zones et sites d'étude ; et sur les unités d’observation). La quatrième section porte sur l'identification des variables du modèle de l'étude. Enfin, la dernière section a trait à la conclusion d’ordre général sur les limites et avantages de la méthode.

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