• Aucun résultat trouvé

existant ou espérées entre les ONG et les organisations intergouvernementales

A) Les statuts consultatifs

Le statut consultatif qui est proposé aux organisations non gouvernementales par l’article 71 de la Charte n’est qu’un « régime de la consultation (qui) ne concerne que

les rapports bilatéraux entre les organisations internationales gouvernementales et les OING concernées. Symboliquement un terme agrégatif qualifie les acteurs non publics des relations internationales. Il n’instaure aucun droit objectif susceptible d’être opposé à des tiers (…) ne confère pas à ses destinataires la personnalité internationale ; le statut consultatif est un trompe l’œil. »6 Un strapontin juridique donc qui « ne confère pas à ses destinataires la personnalité internationale (ni) le

droit de vote, (n’offrant) aux OING (que) très peu de chances de peser sur les décisions des OIG ».7 Mais il marque en soi un grand pas : la reconnaissance du rôle positif des organisations non gouvernementales, dignes d’être consultées.

5

Marcel Merle, Idem, p. 8

6

Marcel Merle - L’internationalité des institutions et le droit – Pedone 1995

7

Le « statut consultatif » du Conseil économique et social des Nations Unies a été accordé pour la première fois à une ONG en 1948. Le premier ensemble de règles en régissant le mécanisme a été adopté en 1950. Une révision a eu lieu en 19688. Celle-ci a permis au système perdurer pendant près de trente ans, jusqu'à ce que la mobilisation des ONG lors du Sommet sur le Développement durable tenu à Rio en 1992 pousse à une nouvelle modification, intervenue en 1996. La résolution 1996/31 du Conseil économique et social des Nations Unies adoptée le 25 juillet 1996 est désormais la base juridique qui organise aujourd'hui les relations aux fins de consultation entre

l'Organisation des Nations Unies et les organisations non gouvernementales.

La réforme de 1996 a cherché à mieux définir tout d’abord qui peut être éligible au statut. L’un des critères qui a été considéré comme les plus importants a été l’autonomie des ONG par rapport aux Etats. Le nouveau règlement définit en effet une ONG comme « une organisation qui n'a pas été constituée par une entité publique ou

par voie d'un accord intergouvernemental, même si elle accepte des membres désignés par les autorités publiques, à condition que ceux-ci ne nuisent pas à sa liberté d'expression. Ses moyens financiers doivent provenir essentiellement des cotisations de ses affiliés. Toute contribution financière reçue directement ou indirectement d'un gouvernement doit être déclarée à l'ONU ». Le Conseil économique et social souhaite

avoir pour interlocuteurs des organismes indépendants, qui ne soient pas des chevaux de Troie des Etats membres, sans être trop puissants toutefois.

D’autre part, les organisations non gouvernementales doivent exercer leur activité

« dans les domaines de compétence » du Conseil économique et social. Leurs buts et

leurs objectifs doivent être en harmonie avec ceux de l'ONU, et elles doivent s'engager à soutenir ces derniers et les faire connaître. La réforme de 1996 attend des ONG une indépendance d’esprit encadrée par le partage de valeurs et de stratégies.

La forme institutionnalisée que constitue le statut s’est diversifiée et emprunte aujourd'hui trois formes : la consultation, l'accréditation et l'association. Initialement conçues pour le Conseil économique et social, elles ont été progressivement étendues, avec des variantes, à l’ensemble des organes qui lui ont été rattachés : Organisation

8

Mondiale de la Santé (OMS), Commission des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED), Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la Culture (UNESCO), Organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture (OAA) … à quelques exceptions près.

1) Trois statuts offrant des avantages différenciés

La résolution 1996/31 établit 3 types de relations de consultation, en fonction de la

nature et de l'ampleur du champ des activités de l’ONG, et du concours qu'elle peut apporter au Conseil économique et social et à ses organes subsidiaires :

a) le statut consultatif général (dit usuellement « de catégorie I ») est accordé aux ONG qui, à la fois, s'intéressent à la plupart des activités de la galaxie des institutions rattachées au Conseil économique et social des Nations Unies et ont de nombreux adhérents représentatifs des différentes régions du monde.

b) le statut consultatif spécial (« de catégorie II ») est attribué aux ONG compétentes et actives dans un certain nombre de domaines seulement.

c) l'inscription sur la liste ( roster ) signifie que l'ONG peut apporter une contribution utile au Conseil économique et social des Nations Unies dans un domaine déterminé. Les ONG bénéficiant déjà d'une reconnaissance de type consultatif auprès d'une institution spécialisée ou d'un autre organe des Nations Unies figurent également sur cette liste (avec mention de l'organisation qui les a reconnues). Celle-ci est aujourd’hui composée aux 2/3 d'ONG ayant été reconnues selon des mécanismes autres que ceux du Conseil économique et social.

Les ONG admises au titre des catégories I et II doivent remettre un rapport quadriennal susceptible de remettre en cause leur admission au statut, (alors qu’aucun mécanisme de surveillance des 6409 ONG inscrites sur la liste n'est prévu). Elles bénéficient de privilèges importants en termes d’accès à l’information dans toutes les instances de l’ONU (à l’exception d’une partie des séances du Conseil de sécurité) et

9

de la possibilité de diffuser leurs propres analyses. Celles ayant le statut I ont, en outre, régulièrement, un droit à un temps de parole collectif dans les réunions intergouvernementales (qu’elles doivent se partager). Elles sont en outre associées à la préparation de certains évènements.

Un Comité chargé des ONG composé de 19 Etats-membres élus se prononce sur les candidatures au statut consultatif et à ses différentes catégories. Marcel Merle souligne que le statut est « octroyé unilatéralement et discrétionnairement (…), n’est pas

acquis de plein droit et (…) demeure précaire et révocable »10

La préparation technique du travail du Comité chargé des ONG incombe à la Section

des ONG du Département des Affaires économiques et Sociales (DESA) du Secrétariat

de l'ONU. Elle est chargée de recevoir les demandes nouvelles (plusieurs centaines par an), de vérifier que les dossiers concernant l'octroi ou la modification du statut consultatif sont complets ainsi que de sélectionner et traiter toutes les demandes soumises au Comité des ONG. La Section doit, à ce titre, vérifier que l’ONG répond aux critères juridiques et politiques d’admission : origine privée de la création, autonomie par rapport aux Etats, caractère bénévole de l’activité et ancienneté d’au moins trois ans.

Cette Section doit aussi recevoir et traiter les rapports quadriennaux que les 2091 ONG11 déjà dotées d'un statut consultatif sont tenues d’adresser. Elle participe également au processus d'accréditation des ONG auprès des très nombreuses conférences organisées par les Nations Unies, et doit entretenir des relations étroites avec les organes directeurs de la Conférence des ONG dotées d'un statut consultatif (sorte de syndicat de celles-ci). La faiblesse de ses effectifs rend très improbable l’accomplissement intégral de ces obligations.

2) Les exceptions à la règle théorique

Les dispositions adoptées en 1996 ont été perçues par de nombreuses ONG nationales comme une incitation à demander à être admises au bénéfice du statut consultatif

10

Marcel Merle – Un imbroglio juridique, Ibid., p. 8

11

auprès du Conseil économique et social, possibilité qui leur était offerte jusque là de manière beaucoup plus restreinte : l’article 71 de la Charte stipule en effet que «ces

dispositions peuvent s'appliquer à des organisations internationales et, s'il y a lieu, à des organisations nationales après consultation du membre intéressé de l’organisation. » La Section des ONG a dû faire face, depuis la réforme, à une

inflation de demandes nouvelles : 600 en 1998, 750 en 1999, près de 1000 les années suivantes, dont un cinquième émanant d'ONG nationales.

Du fait de l’impossibilité pour la Section, faute d’effectifs suffisants, d’assumer sérieusement ses tâches de vérification, l’appréciation de l’opportunité d’admettre ou de maintenir une ONG au bénéfice du statut consultatif, relève essentiellement de l’appréciation des Etats membres. Or ceux-ci ne s’intéressent qu’aux aspects politiques des dossiers. Les objections qui ont été formulées à l’admission ou les demandes d’exclusion n’ont, depuis que le dispositif existe, été dues qu’à des critères politiques : prosélytisme chrétien en terre d’Islam, attitude violemment critique à l’égard d’un gouvernement…

De ce fait, toute ONG candidate et « sans histoire » - y compris grâce à une existence discrète ou une complicité intellectuelle avec le gouvernement - pourvu qu’elle existe formellement depuis trois ans, est accueillie sans difficulté. Et, si elle répond ponctuellement aux enquêtes quadriennales, elle ne sera jamais inquiétée. En conséquence, l’écrasante majorité de la confrérie des ONG bénéficiant des statuts consultatifs des catégories I et II est constituée d’organismes inconnus du grand public : organismes professionnels et syndicaux, associations philosophiques et sectes iréniques, groupes d’experts du développement et de l’environnement, voire créatures des gouvernements. A ce sujet, le journaliste Jean Claude Buhrer remarque que « par

leur ténacité, les ONG sont devenues des partenaires indispensables de la communauté internationale, mais leur franc-parler n’est pas toujours pour plaire (…) L’ONU a accepté un nombre croissant d’ONG qui n’en portent que le nom et défendent les positions de leurs gouvernements, dont elles sont censées en principe être indépendantes .»12

12

D’autre part, la Section et le Comité sont assez démunis pour s’opposer aux candidatures de sectes. Selon les époques, selon la composition des secrétariats et des comités chargés d’instruire les dossiers de candidature, les efforts de ces dernières pour être admises sont plus ou moins couronnés de succès. On reviendra sur ce point un peu plus loin.