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existant ou espérées entre les ONG et les organisations intergouvernementales

B) L’Union Européenne ou le modèle du Comité économique et social

4) Les propositions de réforme

A la différence des autres organisations intergouvernementales, l'Union Européenne est une organisation qui se pense comme un processus évolutif ponctué d’étapes. Aussi un débat y a-t-il cours en permanence sur les améliorations possibles de son fonctionnement institutionnel.

La question de la relation avec les organisations représentatives des sociétés civiles est loin, dans ce cadre, d’y être un élément important. Ces dernières années, ce sont beaucoup plus les problèmes de pondération entre les différentes formes de l’exécutif et au sein de chacune d’entre elles, entre les Etats membres, dans la perspective de l’élargissement, qui ont mobilisé les esprits. Elle y a toutefois sa place.

La Convention sur l’Avenir de l’Europe50, qui avait l’ambition de proposer une réforme de cet équilibre, a bien illustré le faible enjeu qu’a représenté le sujet pour les « conventionnels » : un article I-46 traite du « principe de démocratie participative ». Il est ainsi libellé : «1. Les institutions de l’Union donnent, par les voies appropriées,

aux citoyens et aux associations représentatives la possibilité de faire connaître et d’échanger publiquement leurs opinions sur tous les domaines d’action de l’Union. 2. Les institutions de l’Union entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives de la société civile. 3. En vue d’assurer la cohérence et la transparence des actions de l’Union, la Commission procède à de larges consultations des parties concernées. » Aucun mécanisme d’organisation de la

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dont le mandat et la composition ont été fixés par la déclaration de Laeken adoptée lors du Sommet européen de décembre 2001

concertation avec les « associations représentatives de la société civile » n’est prévu. Le chapitre relatif au Comité économique et social n’ajoute rien51.

On peut aujourd’hui résumer l’essentiel des débats au sein des institutions européennes autour des positions exprimées par les différents acteurs institutionnels :

- Le Comité Economique et Social, se référant à l'article 257 du Traité de Nice qui l’a désigné comme « le représentant institutionnel de la société civile organisée », insiste pour que les textes européens reconnaissent formellement le dialogue civil, «condition

sine qua non d'une démocratie participative ». Il se propose pour « développer un rôle d'intermédiaire fondamental entre les institutions de l'Union Européenne et la société civile organisée » et devenir le forum de la société organisée52, ce qui supposerait de modifier ses méthodes de travail et sa composition en ayant le souci d'y faire entrer plus de représentants d'ONG. Pourrait être créé en son sein un « Observatoire du

Dialogue social 53». Il se déclare aussi favorable au « système du statut consultatif, à

la lumière notamment des pratiques en vigueur au sein de l'ONU et des ses organisations spécialisées, et du Conseil de l'Europe » et à la définition de critères

précis de représentativité54. Le CES propose aussi d’approfondir la distinction entre «dialogue social » et « dialogue civil 55».

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Les choses avaient pourtant bien démarré : le 28 février 2003, Le Monde titrait ainsi un article de Thomas Ferenczi sur six colonnes : « La société civile tente de peser sur l’élaboration de la constitution. » Milieux socioprofessionnels ou académiques, cercles de réflexion, ONG, les associations participent activement aux débats de la Convention. Elles ont proposé de nombreux amendements sur des thèmes tels que la justice sociale, l’égalité entre hommes et femmes ou la culture (…) Elles ont été entendues au moyen de rencontres, d’échanges de toutes natures, d’enquêtes, elles ont pu s’exprimer au moyen de contributions via le forum ouvert à cet effet sur Internet….La Convention a distingué quatre catégories d’organisations : les régionales ou sous-régionales, qui plaident pour une plus grande démocratie locale ; la seconde est celle des socio-professionnels, c'est-à-dire les unions patronales et syndicales ; la troisième est celle des milieux académiques et cercles de réflexion ; la quatrième, enfin, rassemble les ONG, qui sont les plus nombreuses et les plus diverses, puisqu’elles s’intéressent, entre autres, aux droits de l’homme, à l’égalité entre hommes et femmes, à la lutte contre la pauvreté, à l’environnement, au développement, à la culture ou à la religion. »

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En tant que « point de rencontre de la société civile organisée », avis CES 535/2001

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Comité Economique et Social - avis adopté le 13 juillet 2000 n°CES 811/2000

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Le CES a adopté, le 25 avril 2001, un avis d'initiative (CES 535/2001) intitulé : « La société civile organisée

et la gouvernance européenne : contribution du Comité à l'élaboration du Livre blanc » qui définit des critères de représentativité pour les organisations des sociétés civiles.

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- La Commission Européenne se contente de proposer des améliorations techniques56 : la mise au point d'un Guide des bonnes pratiques pour la consultation, la définition de critères de sélection des ONG invitées à un dialogue plus régulier, une amélioration de sa transparence et des progrès en matière de communication. Le Livre blanc sur la

gouvernance européenne qu’elle a adopté le 25 juillet 2001 propose de « consulter davantage (les ONG), en contrepartie de meilleures garanties d'ouverture et de représentativité des organisations consultées », de mettre au point un «code de conduite fixant des normes minimales sur le sujet, le moment, les publics et les méthodes » et des accords de partenariat « dans certains secteurs où la consultation est déjà bien établie(…) en contrepartie (...) de garanties d'ouverture et de représentativité57». D’autre part, « l'Union doit s'ouvrir davantage aux acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux des autres parties du monde.»

- Le Comité européen des associations d'intérêt général (CEDAG), réseau des principales coordinations nationales et d’associations nationales ou régionales, dans sa réponse58 au Livre Blanc, a plaidé pour que les associations soient reconnues comme

partenaires à tous les niveaux de l'élaboration et de la mise en œuvre de toutes les politiques à tous les niveaux territoriaux. La plate-forme des ONG européennes du secteur social a proposé, quant à elle, de reconnaître trois formes de dialogue au niveau européen : le dialogue politique, le dialogue social et le dialogue civil, et regretté que le dernier soit le seul qui n'ait pas encore de structure définie. Concernant l’éventuelle création d’un statut consultatif, les avis sont partagés au sein des ONG : si les deuxièmes Assises des associations d'Europe, tenues en décembre 2001 à Strasbourg, ont préconisé « l'adoption d'un véritable ‘statut européen consultatif’

semblable à celui qui leur est accordé, depuis 50 ans, par le Conseil de l'Europe », on

ne peut pas dire que cette demande soit vraiment portée par l’ensemble du milieu.

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Comité Economique et social - La Commission et les organisations non gouvernementales : le renforcement

du partenariat ; Document de discussion adopté le 18 janvier 2000. Il propose une amélioration de la

transparence et des progrès en matière d’information : publication sur un Internet de la liste des comités et groupes de travail qui font participer de manière structurée des ONG.

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Elle propose de « créer, d'ici à la fin de 2001, une vaste base de données en ligne, fournissant des

informations détaillées sur les acteurs de la société civile actifs au niveau européen, qui devrait avoir pour effet d'améliorer leur organisation interne » (la base de données CONECCS a depuis été lancée, qui présente les 700

organismes consultatifs) ; de mettre au point un «code de conduite fixant des normes minimales sur le sujet, le

moment, les publics et les méthodes » ; de proposer des accords de partenariat « dans certains secteurs où la consultation est déjà bien établie (devant) inciter les organisations de la société civile à rationaliser leurs structures internes, à donner des garanties d'ouverture et de représentativité et à affirmer leurs capacités de relayer l'information ou de mener des débats dans les Etats membres. »

- Les collectivités locales européennes, qui disposent d’un Comité des régions (concernant également les villes) pour les représenter, se plaignent de ce que cet organisme consultatif ne soit que peu associé aux travaux de l'Union Européenne et revendiquent qu’un rôle plus important lui soit confié, y compris en tant que représentantes des sociétés civiles de niveau infra national.

Le débat demeure ouvert. L'Union européenne a pour territoire une des régions du monde où les ONG sont les plus nombreuses, actives et organisées : parmi les 135 000 ONG que répertorie, dans le monde,

l’Union des Associations Internationales

aujourd’hui, 65 000 sont européennes. Ces organisations ont souvent été à l'origine des mouvements internationaux en faveur de la défense et du respect des droits et de la promotion du développement, dont l'Union Européenne est l’un des porte-parole institutionnels. Leur succès populaire traduit la prise de conscience des citoyens européens face aux enjeux de la mondialisation, et leur aspiration à l’affirmation des valeurs européennes de démocratie et de solidarité. Les démonstrations de rue de Nice, fin 2000, ont montré que l'Union Européenne affrontait un risque politique en tenant à distance les ONG qui souhaitent débattre de ses orientations politiques. Comment, à côté d'une participation représentative à travers l'élection de députés européens et des nominations au Comité Economique et Social, leur faire une place dans un dispositif institutionnel ?

Le Comité Economique et Social, créé pour structurer le « dialogue social », déclare avoir vocation à être le cadre d’un « dialogue civil » qui fait défaut. Le Parlement européen, lui-même marginalisé, souhaite aussi être partie prenante et, s’inspirant de l’exemple du Conseil de l’Europe, où l’Assemblée Parlementaire joue un rôle actif, demande que l’Union Européenne se dote du mécanisme des statuts consultatifs, qui lui serait rattaché. La Commission, incarnation d’une administration dévouée à l’idéal européen, menacée de perdre de son pouvoir dans le cadre de la nouvelle constitution qu’a préparée la Convention, se verrait bien dans la fonction d’animateur de la relation avec la société civile. Celle-ci est prise à témoin par des institutions soucieuses surtout de consolider leur pouvoir au moment où les cartes se redistribuent.

58 22 mars 2002

Ce débat intègre deux facteurs d’incertitudes : d’une part l’élargissement en cours à des pays où les organisations de la société civile sont à un stade de fébrile créativité - ce qui signifie aussi une faible visibilité quant à leur représentativité, leur autonomie et leur gestion - accentue la difficulté de faire des choix organisationnels. D’autre part, dans le cadre de la politique de coopération internationale européenne, la recherche, à l’imitation des pratiques de la Banque mondiale, d’ONG représentatives des « sans

voix » dans les pays en développement pour ouvrir un dialogue alternatif à celui

confisqué par les gouvernements « partenaires », renvoie la société civile européenne au questionnement sur l’universalité de ses valeurs.

Au total, les prises de position de la Commission européenne, du Comité Economique et Social et du Parlement européen, voire du Comité des Régions, au-delà de leur intérêt sur le fond, soulignent que l’enjeu du débat sur la place de la société civile dans les institutions européennes est l’équilibre à venir des pouvoirs au sein des institutions européennes. Les ONG sont prises à partie comme pions dans un jeu d’intérêts. Elles démontrent néanmoins des capacités manœuvrières importantes, conscientes de détenir un pouvoir particulier, parfaitement repéré par certains penseurs contemporains. Ainsi Jürgen Habermas voit-il dans l’Union Européenne un projet fondateur d’autres manières de gouverner en démocratie, où les organisations des sociétés civiles ont un rôle à jouer : « Le prochain mouvement d'intégration, celui qui conduira à la

socialisation post nationale, ne dépendra pas du substrat d'un quelconque ‘peuple européen’, mais du réseau de communication que formera un espace public politique à l'échelle européenne, fondé sur une culture politique commune, porté par une société civile comportant des groupements d'intérêts, des organisations non étatiques, des initiatives et des mouvements civiques, et qui occupera des arènes où les partis politiques pourront se référer directement aux décisions des institutions européennes et développer, par-delà la formation de groupes parlementaires, un système de partis européens. »59