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A l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), une relation sous contrôle

existant ou espérées entre les ONG et les organisations intergouvernementales

B) A l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), une relation sous contrôle

De création très récente, en 1998, l’Organisation Internationale de la Francophonie exprime, dans les dispositions statutaires qui organisent ses relations avec les ONG, formellement empruntées au modèle onusien, une partie des évolutions de la communauté internationale vis-à-vis des acteurs non gouvernementaux, tant en ce qui concerne leur identification que pour ce qui est du type de coopération recherché. L’observation de son attitude vis-à-vis des organisations de la société civile est d’autant plus intéressante qu’il s’agit d’une institution internationale à caractère politique (créée en réponse au Commonwealth et plus encore à l’expansion internationale de la culture anglo-saxonne) qui met en présence, centralement, une ancienne puissance coloniale et ses ex-colonies qui ne partagent pas, sur un certain nombre de valeurs essentielles, les mêmes choix.

Le Sommet de Hanoi de novembre 1997 a adopté une Charte de la Francophonie visant à refonder et compléter une architecture institutionnelle dont certains éléments avaient été mis en place dès les années 1960. La Charte a, en particulier, cherché à redéfinir les dispositions qui lient l'Organisation Internationale de la Francophonie et les Organisations Internationales Non Gouvernementales (OING). Les relations entre les instances de la francophonie et les ONG ont été formalisées lors de la 1ère Conférence des OING francophones organisée à Paris les 24 et 25 octobre 1994 par l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), devenue Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) en 1996.

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1) Trois catégories de relations organisées en filtres successifs

Les directives prévoient que l'Organisation Internationale de la Francophonie peut entretenir des relations avec des ONG internationales répondant à certaines conditions : exercer ses activités dans des domaines jugés prioritaires par les instances de l'institution, disposer d'une administration et de « moyens lui permettant de communiquer régulièrement avec ses membres dans les différents pays. » Cette

dimension internationale peut être d'échelle régionale, « au sens géographique ou

culturel de ce mot. » Des dispositions veillent à assurer une large représentation aux

OING des pays du Sud.

Trois catégories de relations sont prévues, calquées sur les trois statuts consultatifs onusiens, mais selon un système de probation et de gradation. L’admission dans la catégorie la moins intéressante, dite C, est de la responsabilité du seul Secrétaire général de la Francophonie, « s'il le juge utile à la réalisation des objectifs de l'Agence

et au rayonnement de la Francophonie », qui se contente d'informer de ses décisions –

positives ou négatives - le Conseil Permanent de la Francophonie. Le passage dans les catégories supérieures se fait par décision du Conseil Permanent sur proposition du

Secrétaire général de la Francophonie.

Les OING candidates se soumettent à des obligations de transparence analogues à celles que demandent les Nations Unies. Le bénéfice des statuts consultatifs donne accès à l’information la plus large sur les activités de l’organisation et, pour les deux premières catégories, en tant qu’observateur, à certaines réunions si, de l'avis du

Secrétaire général, elle est susceptible d'apporter une « contribution importante aux travaux. »

La catégorie intermédiaire, dite catégorie B, ne concerne aujourd'hui que 18 OING. Elle délivre un statut de consultant : à la demande du Secrétaire général de la

Francophonie, ces ONG peuvent être invitées à fournir des avis et à apporter leur

concours à des enquêtes, études ou publications de l'Agence, à contribuer par leurs

activités à l'exécution de certaines parties des programmes. En outre ces organisations sont consultées sur certains projets et invitées aux conférences périodiques de l’Organisation Internationale de la Francophonie.

La catégorie A, dont la composition est décidée par le Conseil permanent, c’est à dire les représentants des chefs d’Etat et de gouvernement, également sur proposition du Secrétaire général, ne comprend aujourd'hui que 13 OING et donne accès à des relations de concertation et d'association. Seules les OING ayant une composition largement internationale, une compétence éprouvée dans l'un des domaines prioritaires dégagés par la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement et ayant, d'une manière régulière, apporté une contribution majeure à l'action des instances de la Francophonie peuvent y prétendre. Les organisations admises dans cette catégorie bénéficient de tous les avantages reconnus aux deux catégories précédentes et sont en outre associées « aussi étroitement et régulièrement que possible » aux programmes définis par les instances et relevant de leur champ d'intérêt, tant au stade de la réflexion qu'à celui de la mise en œuvre.

C’est aussi le Secrétaire général de la Francophonie qui propose au Conseil

Permanent de la Francophonie de rétrograder une OING à la catégorie inférieure.

Le dispositif de consultation prévu par la Charte de l’Organisation Internationale de

la Francophonie est donc un système de filtres successifs donnant au Secrétaire

général de la francophonie un pouvoir très étendu d’appréciation des ONG méritant d’en bénéficier, tant quant aux modalités qu’aux thèmes de la concertation. On trouve essentiellement dans ce « club » des organismes à profil parapublic créés à l’instigation de personnalités politiques, inconnus du grand public.

2) Les instances de concertation

Les directives prévoient l’organisation, tous les deux ans, d’une Conférence des OING francophones regroupant les catégories A et B. L’article 18 de la Charte de la

Francophonie a placé cette Conférence sous la responsabilité du Secrétaire général de

la Francophonie. « Cette conférence est destinée à informer les organisations

programmation arrêtées par le Sommet ; identifier les organisations susceptibles d'apporter une contribution concrète et efficace à la mise en œuvre des programmes de la Francophonie ; mener des consultations en vue d'obtenir des avis et suggestions concernant les grandes lignes de la programmation ; favoriser la coopération entre les organisations ayant des intérêts communs ».

Ce même Article 18 de la Charte de la Francophonie prévoit un Comité de suivi issu de la Conférence des organisations internationales non gouvernementales et composé d'un maximum de cinq représentants. Il « a pour fonction d'assurer la liaison avec le

Secrétaire général ou l'Administrateur général, selon leurs compétences, dans l'intervalle des réunions de la Conférence ». Ses cinq membres représentent chacun

des différents domaines d'activité dans lesquels sont regroupées les OING: culture et communication ; savoir et progrès ; état de droit et droits de l'homme, économie et développement ; catégorie multidisciplinaire. Le Comité de suivi se réunit deux fois par an en présence de représentants du Secrétariat général de la Francophonie et de

l’Agence Internationale de la Francophonie. Il assure le suivi des programmes réalisés

en coopération avec les institutions de la francophonie et prépare les Conférences.

Depuis 2000, les OING de catégorie A et B ont constitué le Réseau des OING

francophones qui a pour objectif un partage des informations et une meilleure

coordination des actions.

D’autre part, l'Association Internationale des Maires et responsables des capitales et

métropoles partiellement ou entièrement Francophones (AIMF), créée en 1979, est

devenue, dans le cadre de la réforme de 1993, une instance dirigeante de la Francophonie. Formellement, c’est toutefois une association de droit français, rassemblant des collectivités locales (qui adhèrent), acteurs non étatiques publics. Elle est spécialisée dans le développement des villes et l'exercice de la démocratie locale. Elle rassemble aujourd'hui 106 capitales et métropoles réparties dans 47 pays.

Le faible nombre des ONG véritablement associées au fonctionnement de l’Organisation Internationale de la Francophonie (les catégories A et B) est certes dû à la jeunesse de l’institution. Mais, compte tenu du fait qu’un bon nombre de pays de la francophonie connaissent une véritable explosion de la vie associative, c’est aussi le

signe des hésitations de l'Organisation Internationale de la Francophonie à s’ouvrir véritablement à l'apport des ONG. Le IXe Sommet, le plus récent, de la Francophonie était accompagné d'un Forum francophone des entreprises, mais rien d'équivalent n'avait été prévu pour les ONG. Les OING agréées dans les catégories A et B sont le plus souvent des fédérations d’ONG fortement financées sur fonds publics, sans autonomie et sans image dans le public, souvent présidées par des hommes politiques. Tous les membres de l’Organisation Internationale de la Francophonie ne sont pas ouverts à une relation de confiance avec les sociétés civiles.

Ainsi la critique de Marcel Merle est-elle vérifiée : « Un régime ‘octroyé’ unilatéralement et discrétionnairement qui n’est pas acquis de plein droit et demeure précaire et révocable. 34» Lorsqu’une institution décide de rendre effectifs les critères d’accès au statut consultatif, ce peuvent devenir de redoutables filtres permettant d’organiser une parodie de concertation avec les ONG.