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Statut juridique et modalités d’exploitation des marais

CHAPITRE 3. CONTEXTE NATIONAL DE LA RIZICULTURE ET MARCHE MONDIAL

2. Statut juridique et modalités d’exploitation des marais

a) Contexte d’élaboration d’un projet de loi sur les marais

Alors que les terres des marais constituent des agro-systèmes spéciaux différents des terres des collines, elles étaient régies par le même code foncier de 1986, les autorités n’ayant pas éprouvé le bien-fondé de légiférer différemment. A cette époque, les marais étaient encore peu exploités en raison éventuellement de la taille des exploitations sur collines encore assez large (près de 1 ha par ménage). Depuis lors, la pression démographique s’est beaucoup accrue, la population totale passant de moins de 5 millions en 1986 à 8,05 millions en 2008, soit un accroissement de 61% en 22 ans (MPDR, 2007 ; Cabinet à la Présidence, 2010). En conséquence, l’exploitation anarchique des marais à l’initiative des paysans s’est accentuée afin d’augmenter la superficie cultivable; l’introduction du riz en marais de moyenne altitude en 1981 ne faisant que renforcer l’engouement pour leur mise en valeur. Compte tenu de l’importance de plus en plus accrue des marais et des risques d’exploitation anarchique avec ses corollaires sur le plan socio-économique et environnemental, une loi sur les marais a été élaborée en 2001. Signalons que cette loi s’applique uniquement aux marais et non aux bas- fonds qui sont considérés comme des prolongements naturels des terres de collines en amont et donc régis par le même statut.

b) Statut des marais

Les marais du Burundi rentrent sous deux régimes à savoir les marais domaniaux ou publics et les marais privés (particuliers). Les marais domaniaux comportent deux catégories ; les marais du domaine public de l’Etat ou de la commune et les marais du domaine privé de l’Etat ou de la commune. La première catégorie (domaine public) comprend les marais dont

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l’occupation, l’exploitation et les caractéristiques écologiques justifient et permettent leur mise en valeur sous protection, voire leur classement en zone protégée ou réserve. Ils sont inaliénables, imprescriptibles et insaisissables. La seconde catégorie (domaine privé de l’Etat ou de la commune) est constituée de marais dont la propriété ne peut revenir à un particulier. La personne publique (Etat ou commune) peut y consentir, au profit de personnes privées, des droits d’utilisation par autorisation ou concession (Loulidi et Mekouar, 2001).

Les marais privés sont ceux pour lesquels les particuliers revendiquent un droit de propriété et qui sont exploités de façon continue, paisible et exclusive depuis au moins cinq ans. Leur délimitation doit être organisée en concertation avec les populations concernées. Un décret pour les marais domaniaux et une attestation de propriété pour les marais privés constituent l’acte formel de la détermination finale des statuts des marais. En pratique cependant, cet acte formel n’est souvent établi que pour les marais classés en zones protégées (réserve naturelle) et pour les marais attribués en concessions par l’autorité publique aux particuliers. Pour les marais privés, le droit coutumier exprimé oralement par les populations entourant le marais, suffit en lieu et place du droit écrit (Nduwimana, 2008).

c) Orientation de la loi sur la gestion des marais

La loi précise aussi les modalités de gestion qui portent sur l’aménagement, la protection et l’exploitation effective des marais. Concernant les modalités d’aménagement, le souci majeur est d’assurer une gestion durable et équilibrée des marais. Les orientations techniques sont décrites par le schéma directeur d’aménagement et de mise en valeur des marais de 1999. Il constitue l’instrument d’encadrement et de gestion opposable à l’administration. Une commission interministérielle de gestion des marais a été mise en place pour coordonner et orienter les activités d’aménagement. Les opérations d’aménagement et de réaménagement proprement dites sont précédées par des consultations des populations concernées et en cas de besoin des études d’impact environnemental sont menées.

Quant à la protection des marais, ceux qui sont riches ou fragiles requièrent une protection renforcée en les classant en zones protégées où les activités humaines y sont astreintes afin d’éviter d’altérer les propriétés ou l’évolution desdits marais. Le classement d’un marais en zone protégée est notifié par un décret après une enquête publique.

L’exploitation proprement dite est aussi précisée par la loi. Elle stipule que la mise en valeur est faite sous l’encadrement des services techniques compétents avec possibilité des intéressés de s’entraider en constituant des associations de ceux qui exploitent un même marais. Pour l’exploitation des marais domaniaux, elle est sujette à l’autorisation de la personne publique sous forme d’autorisation simple (en cas d’utilisation domestique) ou de concession (pour une autre forme d’exploitation).

Pour les modalités pratiques de mise en valeur des marais, la loi précise que les populations bénéficiaires doivent être impliquées dans la délimitation des marais et leur classification. Ceci permet de réduire les risques de conflits dans l’avenir. Les mêmes populations doivent aussi participer à l’aménagement des marais, surtout si elles sont partiellement ou totalement parties prenantes dans leur exploitation. Cette participation vise à pérenniser les acquis de ces aménagements surtout après le départ de ceux qui ont initié ces travaux faute de quoi, l’état des marais se dégrade rapidement après quelques années si les bénéficiaires ne savent pas assurer leur entretien.

La loi porte aussi sur les modalités de financement de l’aménagement des marais. Comme les moyens nécessaires sont généralement colossaux, il a été proposé de créer un fonds d’aménagement dont les financements proviendraient en grande partie des bailleurs extérieurs que l’Etat doit contacter. Ce fonds devait être aussi alimenté par les redevances des

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exploitants des marais en vue d’assurer l’entretien des infrastructures hydro-agricoles mises en place. Ce fonds est logé au sein du ministère des finances qui en assure la gestion et la répartition entre divers partenaires et bénéficiaires (Loulidi et Mekouar, 2001).

d) Exploitation et aménagement des marais à des fins agricoles

Depuis que la pression démographique sur les terres de collines s’est fait de plus en plus sentir, les agriculteurs burundais se sont adonnés à une mise en valeur acharnée des marais en ayant recours à leurs propres techniques traditionnelles qui ne garantissent pas souvent la gestion de l’eau et la durabilité de pareilles pratiques. Avec le début d’expansion de la riziculture en marais des régions de moyenne altitude, des projets de développement agricoles et plus tard des ONG’s ont ainsi appuyé des aménagements ponctuels de certains marais en fonction des moyens financiers disponibles.

Contrairement aux aménagements de la SRDI et de la Société Sucrière du Moso (SOSUMO) qui portaient sur de grands périmètres contrôlés par ces sociétés étatiques qui en ont assuré l’exécution et la gestion, l’aménagement des marais a porté sur de petites étendues. Jusqu’en 1999, 6.149 ha de marais situés dans huitprovinces ont été aménagés par neuf projets/sociétés de développement et le département de génie rural avec des financements de la Banque mondiale, de la BAD, du PNUD, de la FAO, du FIDA, du FED ou du FAC (tableau 3.6). L’approche utilisée au départ (1984 à 1990) était du ‘type projet’ avec peu de participation des populations locales. Plus tard, les populations ont été beaucoup plus impliquées. Regroupées en associations des exploitants de chaque marais, elles ont fourni de la main d’œuvre et ont été formées sur le tas à la gestion des ouvrages hydro-agricoles.

Avec l’appui de plusieurs ONG’s (Action Aid, Caritas, World Vision, Africare, Acord etc…) dans les années 2000, d’autres marais supplémentaires aménagés pour la riziculture ont permis d’atteindre près de 10.000 ha en 2005 (MINAGRIE, 2005). Depuis la restauration de la paix et d’une situation politique relativement apaisée depuis fin 2005, d’autres projets financés par les institutions internationales (FIDA, BM, etc…) dans le cadre d’appui aux pays post-conflit (projets PRDMR, PTRPC, etc…) participent aussi à l’aménagement et à la réhabilitation des marais auparavant aménagés mais abandonnés durant la guerre civile. Ils utilisent la même approche participative sous la supervision des services techniques en charge de l’aménagement du territoire (Département de génie rural) pour plus de garantie technique. L’autre innovation introduite récemment est l’étude d’impacts environnementaux de tout projet d’aménagement de marais. Elle vise à identifier à la fois les effets positifs et négatifs de l’aménagement envisagé. Le souci majeur est de savoir s’il ne va pas entraîner de grands effets négatifs à l’environnement auquel cas des mesures d’atténuation sont proposées. Les différents marais aménagés et les sources de financement sont inventoriés par le tableau 3.6.

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Tableau 3.6. Recensement des marais aménagés par divers projets jusqu’en 1999 au Burundi

Province/commune Nom de marais Superficie (ha) Service exécutant Financement MAKAMBA

Makamba Rukoziri 530 SRD Buragane BAD

Mabanda Rukoziri 270 SRD Buragane BAD

Nyanza-Lac Gagi-Rwaba 200 Projet Nyanza-Lac Caisse française RUYIGI

Ruyigi Sanzu 220 Dept Génie rural Action Aid

Kinyinya 1.000 Projet Kinyinya FAC+PNUD

Nyabitsinda Nyakarera 7 - Banque Mondiale

MURAMVYA

Bukeye Nkokoma 40 Dept Génie rural Burundi

NGOZI

Busiga Murambi 24 SRD Buyenzi BM+FIDA+ Fonds Koweitien

Gashikanwa Nyamuswaga 25 SRD Buyenzi Idem

Kiremba Nyamuswaga 368 SRD Buyenzi Idem

Marangara Ndurumu 50 SRD Buyenzi Idem

Buyongwe 120 SRD Buyenzi Idem

Mukakecuru 36 SRD Buyenzi Idem

Mwumba Vyerwa 20 SRD Buyenzi Idem

Ngozi Nyakagezi 250 SRD Buyenzi Burundi

Kagoma 19 SRD Buyenzi Burundi

Nyakijima 120 Dept génie rural BM+FIDA+Fonds kowetien

Ruhororo Nyamuswaga 65 Dept génie rural Burundi

Nyakagezi 50 SRD Buyenzi Idem

Tangara Rutangano 59 SRD Buyenzi Idem

Nyaruteke 69 SRD Buyenzi Idem

Nyamuswaga 135 SRD Buyenzi Idem

KAYANZA

Namutobo Namutobo 60 SRD Buyenzi Idem

Mbarara Mbarara 80 SRD Buyenzi Idem

MUYINGA

Muyinga Nyamaso 25 Projet marais FAO PNUD

Kobero Cizanye 115 Projet marais FAO PNUD

Gasorwe Rukinzo 30 PDA Muyinga BM

Gshoho Gisebeyi 35 PDA Muyinga BM

Buhinyuza Nyabihana 90 PDA Muyinga BM

Butihinda Nyagisuga 45 PDA Muyinga BM

KARUZI

Shombo Cintama 50 Projet marais FAO PNUD

Nyabikere Gasera 25 Projet marais FAO PNUD

RUTANA

Gihofi Mutsindozi 1.500 SOSUMO BAD+autres

Rutana Bigina 150 Projet ASP Rutana FED

Bugiga 30 Projet ASP Rutana FED

Musasa 83 Projet ASP Rutana FED

Rugwe 40 Projet ASP Rutana FED

Nyanikungo 34 Projet ASP Rutana FED

Ntimbwe 80 Projet ASP Rutana FED

T0TAL 6.149

64 Chapitre 3. Contexte national de la riziculture et marché mondial du riz e) Risques liés à l’aménagement des marais

L’aménagement des marais qui constituent un écosystème fragile doit se faire en ayant à l’esprit d’éviter les risques qui peuvent être dommageables souvent de façon irréversible. Les pratiques néfastes les plus courantes sont :

 Un sur-drainage qui peut assécher le marais ou rabattre la nappe en saison sèche, ce qui impose d’avoir en aval un ouvrage de régulation du drain ;

 Une minéralisation excessive et un compactage si l’on fait chuter le taux de matière organique dont la disparition dans les horizons de surface peut conduire à une stérilisation du marais ;

 Les tourbes épaisses sont très délicates à aménager ; elles nécessitent de combiner l’irrigation et le drainage pour contrôler la profondeur de la nappe afin de maintenir une humidité constante. Dans le cas contraire, elles s’assèchent irréversiblement et ne seront plus propices à l’agriculture ;

 La défriche par le feu est dangereuse car le feu peut continuer à consumer la tourbe de l’intérieur tout en étant éteint en surface. Ceci provoque un effondrement de la tourbe sur une longueur considérable et des glissements de terrain des versants ;

 La défriche de la tête du marais aurait des effets néfastes sur la pérennité du cours d’eau irriguant ledit marais car cette végétation joue un rôle dans le stockage des eaux de ruissellement (Lavigne-Delville, Boucher et Vidal, 1996).

3.4. DOTATIONS EN RESSOURCES ET TECHNOLOGIES DE PRODUCTIONDU RIZ

3.4.0. Introduction

Cette partie a pour but d’analyser en profondeur les facteurs qui, au sein des maillons aboutissant à la production et à la transformation du paddy, sont susceptibles d’influer sur la productivité, les coûts de production du paddy et la qualité du riz blanc des filières sous étude. Après un aperçu général sur les exigences de la culture, l’analyse porte sur les dotations en ressources tant naturelles qu’humaines qui sont déterminantes dans la compétitivité des filières agricoles des pays en voie de développement. Par la suite, l’analyse s’oriente sur le niveau des technologies en amont (recherche, approvisionnement en intrants et en matériels agricoles) qui sont de nature à rendre la filière plus ou moins dynamique et donc d’induire un pouvoir concurrentiel. Ce sous-chapitre aborde aussi la problématique du financement de la filière qui joue un rôle indéniable dans l’accroissement de la productivité et renforce ainsi l’avantage concurrentiel. Il est généralement reconnu que le financement des activités agricoles affecte sensiblement le rendement et même la qualité du produit final. Enfin, un regard critique est porté sur l’évolution de la technologie de transformation du paddy qui joue un rôle clé dans la qualité du riz blanc.

3.4.1. Exigences de la culture

Bien que le riz soit cultivé dans 122 pays répartis aux quatre coins de la planète excepté au pôle Nord (Antarctique), il a des exigences spécifiques tant écologiques qu’édaphiques qui déterminent ses zones de culture et son rendement (Trébuil et Hossain, 2004).

Chapitre 3. Contexte national de la riziculture et marché mondial du riz 65 3.4.1.1. Exigences écologiques

1. La température

Elle constitue l’un des facteurs les plus déterminants de la culture du riz. En effet, elle influence la production car elle agit sur la durée de croissance et délimite l’aire de culture (De Datta, 1981 cité par Habarugira, 2005). Selon la sensibilité de la variété, il existe des températures critiques pour les différents stades de croissance de la plante. Ainsi, la température optimale pour la germination varie entre 20 et 35°C, elle se situe entre 25 et 30°C pour la levée, entre 25° et 28°C pour l’enracinement, à 31°C pour l’élongation, entre 25° et 30°C pour le tallage, entre 30° et 35°C pour la floraison et entre 20° et 25°C pour la maturation (Ministère français de la coopération, 1991 cité par Mbonyingingo, 2003).

Au niveau du sol, les températures idéales pour la germination et la croissance des plantules varient respectivement entre 18 et 40°C et entre 25 et 30°C selon la variété cultivée (IRRI, 1997). Pour l’eau d’irrigation, la température optimale pour la croissance des plants de riz varie de 28°C à 32°C. Plus la température de l’eau d’irrigation est basse, plus l’épiaison est retardée, moins la hauteur des plants et la longueur des panicules sont importantes (Nizigiyimana, 1993).

2. Altitude et latitude

Le riz s’adapte à des niveaux d’altitude et de latitude largement variables. Ainsi, il peut être cultivé entre 53° latitude Nord et 40° latitude Sud. Quant à l’altitude, le riz se pratique depuis le niveau de la mer jusqu’à 2.700 m sur les pentes de l’Himalaya (Trébuil et Hossain, 2004). Cependant, les hautes altitudes supérieures à 1.700 m limitent généralement la culture du riz en raison des basses températures qui induisent la stérilité des épillets ; seules les variétés sélectionnées pour leur tolérance à ces basses températures peuvent y être cultivées (Nizigiyimana, 1993).

3. Besoins en eau

Qu’elle soit pluviale ou irriguée, la culture du riz exige une grande quantité d’eau. Celle-ci varie selon les conditions climatiques, pédologiques et le stade du cycle végétatif de la plante. Très limités pendant la reprise, les besoins en eau augmentent sensiblement par la suite à tel point que la lame d’eau doit être maintenue au tiers de la hauteur des plants pendant la croissance jusqu’à la maturité. Les besoins en eau varient aussi en fonction des différentes voies de perte d’eau à savoir la percolation de l’eau dans le sol, l’évaporation du plan d’eau, la transpiration de la plante, les pertes d’eau par les canaux d’irrigation, etc…(Dobelman, 1976 cité par Mbonyingingo, 2003).

Pour la riziculture irriguée, en plus des précipitations, le système d’irrigation doit fournir assez d’eau pour que le sol soit submergé jusqu’au stade de maturation. Ces besoins varient de 1.200 à 2.000 m3/ha/an. Pour le riz pluvial, une pluviométrie annuelle de 1.000 mm avec 200 mm/mois durant la saison culturale est normalement suffisante pour assurer une bonne croissance de la culture (Motta, 1980 cité par Nizigiyimana, 1993).

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