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PRINCIPALES CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

5.1. RAPPEL DES OBJECTIFS ET DES QUESTIONS DE LA RECHERCHE

Pratiqué à grande échelle depuis bientôt quatre décennies seulement, le riz est devenu une importante céréale pourun grand nombre d’acteurs impliqués dans cette culture et pour l’économie du Burundi. Son développement semble cependant menacé par les difficultés structurelles des filières rizicoles et par l’importation de riz. Ce dernier arriverait sur le marché domestique à un prix défiant le riz produit localement. Si cette situation devait perdurer et/ou s’amplifier, elle constituerait un grand défi qui risque d’hypothéquer la survie même des filières locales.

L’objectif global de cette recherche est donc d’analyser le niveau de compétitivité des deux filières rizicoles(Imbo et marais) au regard des facteurs de production, de l’environnement et des modes de conduite culturale et post-récolte. Concrètement, il est question de mener d’abord des investigations sur le concept même de la compétitivité qui n’est pas si évidente à maîtriser dans tous ses aspects. Ensuite, l’analyse devait permettre de clarifier les fondamentaux qui déterminent cette compétitivité et d’évaluer leur ampleur au niveau du Burundi. Pour cela, l’analyse porte sur les facteurs susceptibles de rendre les filières locales plus performantes dans un contexte de concurrence internationale. Enfin, compte tenu de l’état des lieux de ces déterminants, des modalités de conduite par les acteurs impliqués et des niveaux de répartition et de valorisation de leurs activités, la recherche vise à analyser le niveau de compétitivité des deux grandes rizicultures du pays. Par la suite, elle cherche à déterminer si le riz local est finalement plus ou moins compétitif par rapport au riz importé de l’Asie ou de l’EAC (Tanzanie surtout). En cas de perte de compétitivité pour longtemps, les filières locales seraient menacées de déclin inéluctable et peut-être de disparition au profit des importations.

Pour mener nos investigations, certaines questions de recherche ont été posées. La première question tente d’analyser les facteurs nationaux et les conduites culturales qui renforcent ou affaiblissent le pouvoir compétitif. La seconde préoccupation est de comparer le niveau de compétitivité-coûts entre le riz des marais de moyenne altitude et le riz irrigué de l’Imbo. La troisième question est de savoir si les systèmes de production en zones rizicoles exercent un impact sur l’avantage compétitif de laculture du riz. La quatrième préoccupation est de savoir si le riz produit localement est plus ou moins compétitif que le riz importé (compétitivité-prix) et de déterminer les éléments qui l’influencent. Le cinquième aspect est d’analyser comment améliorer l’avantage compétitif de ces filières dans le court, le moyen et le long terme. Au début de cette recherche, deux hypothèses ont été émises.La première stipule que les ressources, les facteurs de production et l’environnement de conduite des filières burundaises affectent de manière différenciéeleur pouvoir compétitif. Alors que certains constituent des atouts, d’autres représentent plutôt des contraintes dommageables au pouvoir concurrentiel.La seconde hypothèse est fondée sur le postulat que les systèmes de production, les technologies culturales et post-récoltes disponibles au Burundi affaiblissent la productivité et la qualité du riz blanc produit.

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5. 2. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

En dépit de sa récente introduction au Burundi, force est de constater que le riz s’est parfaitement intégré dans les systèmes culturaux où il est rapidement devenu la troisième céréale la plus abondamment produite après le maïs et le sorgho. Il a naturellement profité de la disponibilité desterres irrigables dans la plaine de l’Imbo (Ouest), dans les dépressions du Moso (Est) et dansles marais res régions de moyenne d’altitude (Centre et Nord). Ces marais, en raison de leur hydromorphie élevée en saison des pluies (octobre à mai), ne peuvent être valorisés par une autre culture que le riz durant cette période de l’année. Il importe donc de savoir si les filières locales (Imbo et marais) possèdent suffisamment d’atouts/forcesindispensablespour continuer à se développer dans un environnement concurrentiel exercé par le riz importé de l’Asie et de la Tanzanie.

L’analyse des facteurs naturels, humains et technologiques nécessaires pour engendrer et maintenir les avantages compétitifs du riz produit au Burundi a montré des résultats différenciés selon les rizicultures et selon les zones de culture considérées.Pour les ressources naturelles dont une filière a besoin pour son expansion, il s’avère qu’au niveau macro- économique le pays possède des limitations réelles au niveau des terres cultivables sur lesquelles que le riz peut compter pour cette fin. La forte démographie burundaise (320 hab/km2) constitue une vraie contrainte, mais des terres valorisables par le riz existent encore. Ainsi, les régions des marais comptent 50.000 ha de terres potentiellement propicesà la culture du riz mais qui ne sont effectivement pas mises en valeur faute d’aménagements hydro-agricoles adéquats. Ces terres passent une période de près de huit mois (octobre-mai) par an sous inondation permanente ou semi-permanente. Elles ne sont donc cultivées que durant une courte période de quatre mois de décrue en saison sèche (juin-septembre). Dans la plaine de l’Imbo, près de 7.000 ha de terres semi-arides sont susceptibles d’accueillir la riziculture qui est pour le moment pratiquée sur une superficie identique (7.000 ha).

A part la ressource ‘terre’, l’eau disponible au Burundi est amplement excédentaire par rapport aux besoins actuels. En effet, les ressources en eaux pluviales et superficielles (20,2 109m3) sont déjà de loin supérieures aux besoins (0,5 109m3) totaux internes, sans tenir en compte les eaux souterraines non encore exploitées. La riziculture n’est donc pas limitée sur cet aspect, ce sont plutôt les faibles technologies d’aménagement, d’irrigation et de drainage qui posent problème.Autrement, de l’eau existe en abondance pour irriguer des superficies doubles ou même triples de celles actuellement emblavées (24.000 ha).

Le climat est aussi est un des facteurs naturels qui conditionnent la culture du riz. Au vu des exigences du riz en termes de température, d’ensoleillement, de vent et d’humidité relative, les avantages compétitifs sont surtout localisés dans la plaine de l’Imbo qu’en marais. Ces derniers connaissent parfois des coulées d’air froid pendant la nuit durant la saison sèche, phénomène qui induit la stérilité des épillets de la plupart des variétés actuellement cultivées au Burundi. De même, les fréquents nuages observés dans les régions des marais sont susceptibles d’augmenter l’incidence des maladies fongiques et bactériennes, réduisant ainsi la qualité et la quantité du paddy produit. A des altitudes très élevées (supérieures à 1.700 m) beaucoup de marais sont tourbeux et difficilement utilisables à des fins agricoles.

Si l’analyse et la comparaison des filières rizicoles s’effectuent au niveau micro-économique, on constate aussi que la plaine de l’Imbo garde un avantage par rapport aux marais. Les riziculteurs des trois zones ciblées de l’Imbo possèdent en moyenne des rizières de0,70 ha en zone 1, de 0,45 ha en zone 2 et de 1,60 ha en zone 3. Cette dernière compte en plus des terres fraîchement défrichées de la réserve naturelle de la Rusizi qui ont une fertlité naturelle supérieure aux autres terres de la région. Dans la filière des marais par contre, la forte

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démographie et l’exiguïté des terres y afférentes conduisent au morcellement des marais à telle enseigne queles rizières sont de petite taille, variant de 0,20 ha en zone 4 à 0,48 ha en zone 6. De plus, ces rizières ne sont même pas fertilisées, les exploitants croyant que les marais bénéficient d’une fertilité illimitée consécutive aux apports d’érosion des collines en amont.

Concernant les ressources humaines nécessaires à toute activité de production agricole, la forte démographie du pays ne rend pasnécessairement les filières autosuffisantes sur cet aspect. Même si les exploitants des deux filières disposent d’une main d’œuvre familiale assez large (1,7 à 2,3 UTH/ménage), les périodes de pics des travaux culturaux sont caractérisées par une pénurie en forces de travail. Cela est surtout imputable au caractère manuel et à l’usage de matériels aratoires rudimentaires (houe, machette, etc…)dans l’agriculture burundaise. En zone2 de l’Imbo particulièrement, la synchronisation des travaux dans les périmètres rizicoles (SRDI)ne tolère aucun retard sur le calendrier. C’est ainsi que les riziculteurs sont obligés d’engager quasi exclusivement de la main d’œuvre salariée temporaire provenant des régions densément peuplées de Gitega, de Kayanza, de Muramvya et de Ngozi. Cette pratique ne fait pas que résoudre des problèmes (calendrier), elle en crée d’autres notamment la hausse des coûts salariaux et donc des coûts de production. Par ailleurscettezone de l’Imbo est proche de la ville de Bujumburareconnue pour des salaires agricoles plus élevés qu’ailleurs. Dans les marais, l’entraide familiale et le manque de liquidités financières réduisent ce genre de charges.

Le financement des activités culturales constitue un autre aspect primordial pour renforcer les avantages compétitifs de toute filière agricole. Il permet d’investir notamment par l’achat des intrants (engrais, produits phytosanitaires, semences) ou le paiement des travaux extérieurs. La faiblesse des ressources financières constitue un grand handicap limitant la compétitivité des filières locales. Nos investigations de terrain ont montré que tous les agents de chaque filière éprouvent des difficultés d’y accéder. Cependant, ceux de la plaine de l’Imbo parviennent à s’en sortir relativement mieux qu’en marais. Ainsi, les producteurs de la zone 2 (SRDI) reçoivent un crédit nature (intrants) et en espèces dont ils ont besoin avec l’aval de la SRDI pour chaque campagne agricole. En zones 1 et 3 aussi, la proximité de la ville de Bujumbura permet aux agents (producteurs, usiniers et commerçants) d’accéder aux micro- finances. Toutes ces opportunités sont très rares en riziculture des marais. Quelques fonctionnaires ou commerçants de la région octroient des crédits à de très forts taux d’intérêt, remboursables à très court terme. Parfois, ces usuriers s’approprient des rizières qu’ils ne font que récolter pour récupérer leur dû.Cet aspect constitue donc un goulot d’étranglement pour la compétitivité des filières, particulièrement celle des marais. Même dans l’Imbo SRDI (zone 2) autrefois garantie d’un crédit bancaire, les difficultés liées à la mauvaise gestion de cette entreprise publique (impayés de l’Etat) ont commencé à compromettre cette opportunié. C’est ainsi que la BNDE a refusé de financer l’achat du paddy durant la campagne 2010à cause des impayés de la SRDI.

A côté des ressources naturelles, humaines et financières de chaque filière, ce sont les technologies disponibles pour la production et la transformation du paddy qui affectent la quantité et la qualité du riz blanc. La production est actuellement confrontée à demultiples difficultés : la recherche est en veilleuse faute de ressources financières et humaines après l’arrêt de plusieurs coopérations extérieures en raison de la guerre civile. Il en est de même de l’encadrement agricole dépourvu de moyens et caractérisé par une faible motivation salariale des employés. Ainsi, les régions reculées des marais ne sont plus approvisionnées en semences de qualité (sélectionnées). Les riziculteurs, pour leur majorité, conservent les semences prelevées sur la récolte précédente durant plusieurs cycles (près de dix ans). Pour cela, le rendement et la qualité du paddy se dégradent au fil des années (mélange variétal,

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attaques de maladies et ravageurs, etc…). La filière de l’Imbo, par sa proximité aux institutions de recherche basées à Bujumbura qui est dans la plaine de l’Imbo, parvient à accéderauxquelques technologies disponibles (engrais, semences sélectionnées, produits phyosanitaires) et peut produire du riz de qualité (bonnes variétés).

Ce sont donc tous ces paramètres de production qui inculquent des coûts différenciés entre les riziculteurs des deux filières étudiées (Imbo et marais). La comparaison des coûts de production montre que les coûts moyens par unité de surface sont plus élevés dans la plaine de l’Imbo car les producteurs investissent dans cette culture marchande. Dans les marais, ils investissent moins et comptent sur la main d’œuvre familiale. Ce sont donc les riziculteurs de l’Imbo, plus productifs en variétés de bonne qualité, qui sont finalement plus compétitifs. La zone 3, dont les terres nouvelles bénéficient d’une fertilité naturelle, comprend ainsi les exploitants les plus concurrentiels en termes de coûts de production.

S’agissant des technologies post-récolte, force est de reconnaitre qu’elles présentent des défaillances énormes dommageables surtout à la qualité du riz blanc. En effet, en régions des marais particulièrement, le mélange variétal à la récolte, le mauvais séchage, les conditions inadéquates de conservation et le faible entretien des rizeries utilisées pour le décorticage du paddy concourent tous à la réduction de la qualité du riz blanc. Ce dernier contient des grains de taille hétérogène, des impuretés mélagées aux grains de riz et des taux de brisures élevés. Ce riz des marais de basse qualité présente donc des faiblesses de concurrence vis-à-vis du riz de l’Imbo et du riz importé. Il ne peut qu’être commercilaisé sur les marchés locaux des zones de production qui offrent naturellement un bas prix en raison du faible pouvoir d’achat des consommateurs. C’est pour cette raison que cette filière crée peu de richesse et rémunère moins bien ses agents.

Par contre, les techniques post-récolte de la filière rizicole de l’Imbo sont relativement meilleures qu’aux marais. La vieillissante rizerie industrielle (SRDI) est progressivement supplantée par les rizeries privées de petite taille (Colombini), plus modernes et efficientes. Cependant, elles combinent le décorticage et le blanchiment et ne parviennent pas à produire du riz blanc de très haute qualité (supérieure). La filière est donc moins avantagée sur ce segment particulier de marché qui est récupéré par le riz importé (Basmati). Dans tous les deux cas, les défaillances du maillon de technologies post-récolte constitue un vrai hancicap. Il hypothèque l’avantage concurrentiel du riz blanc même pour des variétés locales réputées pour leurs caractéristiques organoleptiques (C18, V14 et V18).

A côté des activités effectuées dans chaque filière, le système de production agricole en place dans chaque région exerce une influence sur les activités de production du riz. En régions des marais particulièrement, la forte pression sur les terres cultivables, les rotations culturales effectuées entre le riz et les autres cultures, l’absence de pratique de la jachère et de la fertilisation minérale ou organique autorisent à l’obtention d’un rendement inférieur à 2 t/ha. Dans la plaine de l’Imbo, c’est surtout le système semi-intensif des grandes exploitations qui semble renforcer les avantages compétitifs. Il permet d’avoir un très bon rendement avec des variétés de très bonne qualité.

Si l’on analyse la confrontation entre le riz importé et le riz local (majoritairement produit dans la plaine de l’Imbo) sur le marché de Bujumbura, il est clair que le riz local est moins concurrentiel. Les coûts de production élevés liés aux intrants importés, les coûts de transaction dûs à beaucoup d’intermédiaires, la forte taxation agricole et la faible protection du marché local rendent le riz local moins compétitif que le riz asiatique et tanzanien. Cependant, si on majore le taux de tarification jusqu’à 75% au moins, le riz local parvient à être protégé de la concurrence extérieure. L’ouverture des frontières entre les pays membres