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Occupation des terres et aménagements rizicoles de l’Imbo

CHAPITRE 3. CONTEXTE NATIONAL DE LA RIZICULTURE ET MARCHE MONDIAL

3.3. Evolution de la riziculture au Burundi

3.3.2. Occupation des terres et aménagements rizicoles de l’Imbo

Le riz est une culture relativement récente au pays; il a été introduit en 1890 par des commerçants arabes venus de la Tanzanie. Ces derniers l’ont uniquement implanté le long du lac Tanganika (le chemin de trafic) où la culture fut cantonnée durant plus de soixante ans sous forme de riz pluvial. Il a fallu attendre l’année 1969 avec le projet ‘Fonds Européen de Développement de l’Imbo’ (FED-Imbo) et surtout l’année 1973 avec la Société Régionale de Développement de l’Imbo (SRDI) pour voir le riz irrigué s’étendre sur une superficie assez considérable dans la plaine de l’Imbo-Centre.

Au fil du temps, le riz est devenu un aliment sollicité par les agglomérations urbaines et les collectivités (armée/police, écoles, hôpitaux), ce qui créa un engouement à son expansion. Ainsi, le riz fut introduit en régions de basse et de moyenne altitude après des essais fructueux menés de 1978 à 1980 par l’Institut des Sciences Agronomiques (ISABU) dans le marais de Gisha, en province de Ngozi (Nord du pays). En 1981/1982, les agriculteurs commencèrent à le cultiver dans toute la province de Ngozi, puis dans celles de Kirundo (Nord) et Muyinga (Nord-Est) avant de s’étendre au reste des provinces dont les aptitudes rizicoles se sont révélées réelles (Cankuzo, Karuzi, Makamba, Ruyigi, etc…). En moins de cinq ans, la superficie rizicole emblavée passa du simple au quintuple c’est-à-dire de 4.000 ha en 1986 à 20.000 ha en 1990 (Habarugira, 2005).

Les contextes et environnements dans lesquels les différentes rizicultures se sont développées au Burundi sont fort variés. En effet, dans la plaine de l’Imbo sous encadrement de la

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SRDIdepuis 1973, les exploitants candidats à la riziculture se sont vus octroyer chacun 50 ares de terre domaniale destinés à la culture du riz. De fait,ils sont usufruitiers et le non respect des règles de conduite de la culture peut conduire au retrait de la propriété terrienne au profit d’un autre. Comme avantages, les riziculteurs profitent des aménagements hydro- agricoles mis en place par la SRDI au prix de gros investissements. Ils sont aussi encadrés sur les techniques culturales et reçoivent, sous forme de crédit en nature, les intrants (semences, engrais et produits phytosanitaires) combien nécessaires pour une bonne production. Moyennant un aval de la SRDI, ils accèdent aussi au crédit bancaire pour financer les activités de production notamment le paiement de la main d’œuvre extérieure. En retour, les producteurs doivent impérativement vendre leur récolte de paddy à la SRDI qui se rembourse le crédit octroyé lors de la paie des ventes.

D’autre part, comme le riz est devenu une culture d’enjeu commercial dans la plaine de l’Imbo, la culture s’est aussi propagée dans cette plaine en dehors de la zone SRDI qui a servi de référence aux exploitants avoisinant cette zone. Ainsi, ces derniers se sont familiarisés à la culture du riz dans des parcelles qui ont accès à l’eau (le long des rivières). Contrairement à la zone couverte par la SRDI, ces nouveaux riziculteurs n’ont pas les mêmes facilités d’accès ni à l’eau, ni aux intrants, encore moins à l’encadrement ou au crédit bancaire que ceux de la zone SRDI. Cependant, ils ont une tenure foncière plus rassurante car ils sont totalement propriétaires de leurs terres. Ils ont le libre choix de cultiver le riz ou une autre spéculation agricole en fonction de leurs besoins et/ou souhaits sans hypothéquer leur droit de propriété sur la terre.

Enfin, dans cette même plaine de l’Imbo, une autre catégorie d’agriculteurs s’est développée depuis les années 1997 à 2000. En effet, à la suite d’un déficit national en produits vivriers (sécheresse et guerre civile), des terres jadis appartenant à la réserve naturelle de la Rusizi (Rukoko) ont été attribuées à des entrepreneurs privés, surtout de la capitale Bujumbura, dans le souci d’accroître la production agricole et assurer ainsi une souveraineté alimentaire. Les exploitations sont relativement grandes et sont cultivées avec du riz sans un encadrement agricole public. Elles profitent de l’eau des rivières Kajeke et Mutimbuzi, mais aussi des canaux d’irrigation de la SRDI dont l’eau est parfois détournée au profit de ces nouveaux périmètres rizicoles. Les investissements y sont aussi plus consistants que dans le reste de la plaine et produisent pour le marché (ville de Bujumbura).

Pour sa part, la riziculture des marais de basse et de moyenne altitude, relativement plus récente (1981) que celle de l’Imbo (1973), est menée dans des milieux à caractéristiques climatiques et pédologiques fort variées. Elle s’étend sur une dizaine de provinces du Nord, du Centre et de l’Est du pays où la diffusion s’est faite au cas par cas en fonction des moyens financiers disponibles pour aménager plus ou moins convenablement les marais. Un plan directeur d’aménagement de tous les marais du pays fut mis en place pour éviter des exploitations anarchiques susceptibles d’hypothéquer l’avenir de ces biotopes (risque de tassement ou de desséchement des marais).

Quant à la riziculture pluviale, elle est devenue marginale et en voie de disparition. Elle est cultivée sporadiquement par très peu de ménages du Moso (Est) et de l’Imbo Sud (le long du lac Tanganika) où ce type de riz peu productif a été supplanté par le palmier à huile.

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Figure 3.7. Types de riziculture pratiqués par diverses provinces du Burundi Source : Communication personnelle avec le projet

« Système d’Alerte et Prévision des récoltes » de la FAO-Burundi, 2010.

3.3.2.2. Evolution de l’occupation et du statut des terres de l’Imbo A) D’une région de chasse et d’élevage aux paysannats cotonniers

Historiquement, la plaine de l’Imbo est restée longtemps sous-peuplée jusque dans les années 1950 malgré la bonne fertilité de ses sols par rapport au reste du pays. Très chaude et insalubre, elle était assez inhospitalière à l’homme en raison de l’absence de l’eau potable et de la présence de nombreuses maladies endémiques comme la bilharziose, la maladie du sommeil, l’onchocercose et le paludisme pour ne citer que celles-ci. Elle était dès lors restée une savane arborée dominée par des bêtes sauvages et par beaucoup de moustiques où

Bur uri Ruyigi Gitega Rutana Ngozi Kirundo Karuzi Cankuzo Muyinga Makamba Cibitoke Kayanza Mwaro Bubanza Buja Rural Muramvya Buja Mairie N

Types de riziculture pratiqués au Burundi

20 0 20 Km

Riziculture de basse altitude Riziculture de moyenne altitude Zone non rizicole

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prospéraient les activités de chasse et d’élevage pour les populations de la région du Mumirwa surplombant la plaine de l’Imbo (Ntizompeba, 1993).

L’occupation effective et la mise en valeur de la plaine de l’Imbo remontent aux années 1950. Convaincue de la sous-exploitation de ces terres fertiles et dans le souci d’introduire une seconde culture de rente après le café initié dans les années 1930, l’administration tutélaire belge décida d’y implanter despaysannats cotonniers. Pour cela, des lotissements de terres de 4 ha chacun furent mis en place et attribués en usufruit aux populations locales d’abord, puis aux immigrants encouragés par l’autorité administrative en provenance des provinces plus densément peuplées des plateaux centraux (Gitega, Muramvya et Ngozi). Ces paysannats, de taille égale (4 ha), étaient disposés le long des pistes parallèles (transversales) débouchant sur une route principale et perpendiculaire à elles (dorsale).

Comme illustré par la figure 3.8, chaque paysannat était subdivisé en 10 parcelles égales de 40 ares chacune. Alors que la première et la seconde parcelle étaient respectivement affectées au boisement et à la maison d’habitation, les autres parcelles étaient cultivées en assolement à raison de deux parcelles successives de coton, une pour les cultures associées (haricot et maïs associés parfois avec du manioc), une autre pour le manioc jeune (moins de 1 an), une parcelle pour le manioc adulte (1 à 2 ans) et trois parcelles de jachère. Cet aménagement homogène était de nature à faciliter l’encadrement agricole du coton et surtout le traitement phytosanitaire par avion des parcelles cotonnières qui étaient situées au même niveau dans tous les paysannats (Kibiriti, 1981).

Après l’indépendance du Burundi en 1962, les paysannats et par voie de conséquence la culture du coton furent désorganisés et partiellement abandonnés. Le départ des techniciens étrangers chargés de l’encadrement agricole, la dégradation des infrastructures (réseaux de drainage et pistes) et les inondations consécutives aux pluies diluviennes des années 1961 à 1965 en sont partiellement responsables. Dans les années 1970, en raison de l’augmentation de la population et donc des demandeurs de la terre à cultiver, le plan initial d’exploitation des paysannats et de la culture du coton a été modifié. Une nouvelle redistribution des lots a réduit leur taille qui passa de 4 ha à 2 ha. Au fil des années, la croissance démographique galopante (≈ 3%/an) et partant la réduction des superficies cultivables, finit par complètement changer la physionomie et la logique agricole des paysannats. Non seulement les superficies par exploitation et donc des parcelles allouées à chaque spéculation se réduisaient au fil des générations, mais aussi le système cultural d’assolement qui avait son sens agronomique (restitution de la fertilité), ne pouvait plus être respecté. Ainsi par exemple, il n’était plus possible de laisser en jachère trois parcelles d’une superficie de plus de 1 ha. De même, les parcelles cotonnières n’avaient plus ni la taille originale de 40 ares chacune, ni l’homogène disposition qui facilitait le traitement phytosanitaire.

Concernant le statut foncier, les terres cultivées restent officiellement des concessions de l’Etat qui peut théoriquement les reprendre et les affecter autrement. Cette situation crée encore aujourd’hui une certaine confusion sur le statut juridique des terres de la plaine de l’Imbo. La question qui se pose est de savoir si les exploitants des paysannats et leurs descendants qui valorisent ces terres depuis plus d’un demi siècle sont les propriétaires à part entière pouvant jouir de tous les droits y relatifs à savoir ‘exploiter, faire louer et/ou vendre les parcelles de terre’. Dans le reste du pays, le code foncier de 1986 stipule que lorsqu’une terre (de colline) est exploitée pendant 30 ans d’affilée, elle devient la propriété dudit exploitant. La commission ‘terres et autres biens’ chargée par les accords de paix burundais d’Arusha (août 2000) de régler le problème foncier et celui d’autres biens en conflit entre les rapatriés (suite aux différentes guerres civiles) et ceux restés au pays semble aller dans ce sens pour les anciens paysannats.

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Figure 3.8. Plan originel de disposition des paysannats de l’Imbo Source : Kibiriti, 1981.

Pour chaque paysannat, la première et la deuxième parcelle correspondent respectivement au boisement et à l’habitation. Ces derniers sont disposés le long des pistes transversales situées à une distance de 1.260 m l’une de l’autre. Les huit parcelles de cultures sont parallèles à ces transversales et sont conduites en assolement selon un plan strict et homogène afin de faciliter l’encadrement agricole surtout le traitement phytosanitaire des parcelles cotonnières.

Paysannat 1 Paysannat 2 1. Boisement 1. Boisement 2. Habitation 2. Habitation 3. Coton 3. Coton 4. Coton 4. Coton 5. Haricot-Maïs 5. Haricot-Maïs 6. Manioc 6. Manioc 7. Manioc 7. Manioc 8. Jachère 8. Jachère 9. Jachère 9. Jachère 10. Jachère 10. Jachère 10. Jachère 10. Jachère 9. Jachère 9. Jachère 8. Jachère 8. Jachère 7. Manioc 7. Manioc 6. Manioc 6. Manioc 5. Haricot-Maïs- Manioc 5. Haricot-Maïs- Manioc 4. Coton 4. Coton 3. Coton 3. Coton 2. Habitation 2. Habitation 1. Boisement 1. Boisement Paysannat 1' Paysannat 2' Transversale X 630 m 630 m Dorsale Transversale X+1 Parcelles en assolement Parcelles en assolement

52 Chapitre 3. Contexte national de la riziculture et marché mondial du riz B) Des paysannats cotonniers aux périmètres rizicoles de l’Imbo-Centre