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Fertilisation et approvisionnement en engrais

CHAPITRE 3. CONTEXTE NATIONAL DE LA RIZICULTURE ET MARCHE MONDIAL

3. La gestion de l’eau des rizières, une pratique peu maîtrisée

3.4.3.3. Fertilisation et approvisionnement en engrais

Les différentes recherches effectuées sur la fertilisation du riz à travers le monde ont montré que cette culture répond surtout à une fertilisation minérale azotée (nitrogen responsive) [Tilquin et Detry, 1991]. En effet, la récolte exporte une quantité importante d’éléments minéraux du sol à savoir l’azote, le phosphore et le potassium. Les essais menés dans la plaine de l’Imbo ont montré qu’une récolte de 6 tonnes/ha de la variété Iron 282 exporte 108 kg d’azote, 21 kg de phosphore et 58 kg de potassium (ISABU, 1984). Pour restituer au sol la fertilité ainsi perdue et espérer une riziculture productive sur le long terme, l’application des fertilisants est donc indispensable. Au Burundi, l’application de la fumure tant organique que minérale reste limitée à la riziculture irriguée de la plaine de l’Imbo.

1. Fertilisation organique

Elle consiste à enfouir les restes des récoltes et a été beaucoup utilisée dans la plaine de l’Imbo. Elle a joué un rôle moteur au début des années 1980 lors de l’introduction de la variété CR1009 (Iron 282) et la variété V27. L’enfouissement des pailles de riz est scientifiquement fondé. En effet, il a été prouvé que le rapport du volume de la production du riz et des pailles est du simple au double ; une culture de la variété CR1009 (Iron 282) dont le rendement est de 6 tonnes/ha produit 12 tonnes de pailles. Si ces dernières sont enfouies, elles permettent en effet de récupérer 50% d’azote, 20% de phosphore et 90% de potasse. Par le processus d’humification, elles facilitent aussi une libération d’éléments nutritifs contenus dans les engrais minéraux (Mavula, 1981 cité par Mbonyingingo, 2003).

L’enfouissement des restes de récolte peut être supplanté par le fumier de ferme dont la quantité est proportionnelle à l’effectif du cheptel. La relance de l’élevage décimé (40%) par la guerre civile de 1993 à 2003 favoriserait ainsi la fertilisation du riz. D’autres voies ont été aussi empruntées notamment l’utilisation d’engrais biologiques. En effet, la culture de l’Azolla pinnata (R.Br.)associé au riz permet d’augmenter le rendement de 6 à 29% ;

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Communication personnelle sur l’étude de faisabilité d’aménagement rizicole de Gihanga III (Imbo Centre) et des marais de Rumonge (Imbo Sud)

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l’Azollaayant la qualité de fixer l’azote de l’air jusqu’à 600 kg/ha/an alors que les besoins de la culture s’établissent à 100-150 kg/ha/an (That, 1985 cité par Mbonyingingo, 2003).Cette pratique, qui peut facilement substituer l’application d’engrais minéraux, a pourtant été peu vulgarisée.

Le déclin de la fertilisation organique du riz n’est pas l’apanage du Burundi. L’usage de la fumure organique fut sensiblement réduit durant la révolution verte qui a été axée sur une fertilisationminérale intensive des variétés semi-naines. Ceci était favorisé à cette époque par l’industrialisation des pays asiatiques émergents (Corée du Sud, Taïwan, etc…). Cependant, les chocs pétroliers de 1973 et de 1982 entraînèrent la flambée du prix des engrais minéraux et conduisirent aux voies alternatives comme les engrais verts, les bio-fertilisants (algues bleues, Azotobacter,Clostridium, Azospirillum) et les roches phosphatées (Tilquin et Detry, 1991).

2. Fertilisation minérale

Pratiquée à grande échelle en riziculture irriguée de l’Imbo, elle l’est beaucoup moins en riziculture de marais d’altitude. Deux types d’engrais sont normalement appliqués, l’engrais de fond et l’engrais de surface. Le premier est un engrais composé NPK sous trois formulations : NPK (5-20-20), NPK (10-20-20) et NPK (15-15-15). Il a pour rôle d’améliorer la structure du sol et est appliqué pendant la mise en boue ou juste une à deux semaines après repiquage. Il favorise la robustesse des plants, la résistance aux maladies, la fructification et le remplissage des épillets en grains. La dose habituellement recommandée par la recherche/développement est de 100 kg/ha sur les vertisols et 125 kg/ha sur les solonetz (SRDI, 2007).

Le second type d’engrais utilisé (engrais de surface) est l’urée 46% d’azote. Il est appliqué de façon facultative en pépinière à raison de 12 kg pour une pépinière devant servir à repiquer un champ d’une étendue de 1 ha. Par contre, il est indispensable lors du tallage (1,5 mois) et après le second sarclage. Une autre application peut être effectuée selon l’état végétatif des plants de riz. Son rôle est de multiplier le nombre de talles qui vont porter des panicules et ainsi augmenter le rendement. La dose habituellement appliquée est de 150 kg/ha. Ces deux types d’engrais jouent des rôles complémentaires, raison pour laquelle ils sont mélangés sous la formule NPK (51-20-20) comprenant 100 kg d’engrais de fond NPK (5-20-20) et 100 kg d’urée 46% N. Plus tard, l’arrivée des variétés à haut rendement a conduit à rehausser la formule NPK (77-30-30), puis NPK (84-30-30) qui équivaut à 150 kg de NPK (10-20-20) et 150 kg d’urée 46% N (MAC SYS, 2000).

3. Déclin de l’approvisionnement en fertilisants

Le dysfonctionnement du système d’approvisionnement en engrais est en partie responsable de leur faible niveau d’utilisation par les producteurs. En effet, les engrais utilisés sont tous importés. Or, excepté en riziculture irriguée de la zone encadrée par la SRDI (zone 2) où cette institution se charge de faire la commande des quantités nécessaires en fonction des superficies cultivées connues, les autres régions rizicoles (régions de marais) sont caractérisées par un approvisionnement incertain. En effet, jusque dans les années 2000 au cours desquelles la commercialisation des engrais fut libéralisée, c’était la direction générale de l’agriculture (structure publique) qui importait les engrais pour toutes les cultures à partir des estimations des besoins pour tout le pays. Les DPAE’s venaient se ravitailler à la direction générale de l’agriculture en fonction des besoins de chaque province. A leur tour, les agriculteurs devaient s’en procurer aux points de vente des engrais souvent installés aux chefs-lieux des communes. C’est un système très hiérarchisé, lent et imprécis car les agriculteurs n’expriment pas souvent leur demande d’engrais dont ils ont une faible maîtrise par ailleurs. Durant certaines années, le manque de devises au niveau du pays retarde ou

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réduit le volume d’engrais importés. En fin de compte, l’approvisionnement d’engrais en riziculture de marais est non structuré, aléatoire et caractérisé par le manque d’information aux producteurs.

En zone 2 (encadrée par la SRDI) qui est la référence de la riziculture irriguée au Burundi, la situation, sans être idéale certes, est relativement meilleure que pour le reste du pays (riz de marais). Cette institution se charge d’acheter les engrais en fonction des superficies cultivées qui sont établies par le service d’encadrement en collaboration avec les associations. Ce sont leurs représentants qui font leur distribution et le recouvrement après la récolte et la vente du paddy. Mais l’approvisionnement en engrais dans cette riziculture se heurte aussi à quelques difficultés. La faible disponibilité de devises et l’obligation de passer par les marchés publics retardent souvent l’activité. De plus, ces services publics sont de plus en plus caractérisés par des dysfonctionnements (tricherie ou corruption) qui font que le prix d’engrais livré aux riziculteurs de l’Imbo (zone SRDI) est souvent plus élevé que celui du libre marché, ce qui rehausse les coûts de production et affaiblit le pouvoir concurrentiel du riz issu de cette filière.Telle qu’illustrée sur la figure 3.12, l’évolution des quantités d’engrais utilisés en zone SRDI et au pays dans l’ensemble montre une tendance baissière alors que les superficies cultivées augmentent normalement. En l’espace de huit ans (2001 à 2009), la consommation a baissé de près de 71% pour le pays dans l’ensemble et de 54% dans la zone SRDI (zone 2). Cette situation défavorise évidemment l’avantage compétitif des filières rizicoles car elle affecte négativement la productivité physique du riz très dépendante de la fertilisation minérale.

Figure 3.12. Evolution de la quantité d’engrais importés par la SRDI et le Burundi (tonnes) Source : MINAGRIE, 2009

Dans la foulée de la libéralisation de la filière des engrais dans les années 2000, il était attendu une amélioration de la situation. Les formalités et les transactions devraient être plus souples et rapides, le produit était censé arriver plus facilement aux producteurs et à bas prix. Néanmoins, non seulement les quantités importées n’ont pas augmenté comme l’a montré la précédente figure 3.12, mais aussi les prix n’ont pas diminué et le produit n’a guère été rendu

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à proximité de l’utilisateur final. Même la qualité des engrais importés aurait été entachée d’irrégularité étant donné que le bureau burundais de normalisation (BBN) en charge du contrôle de la qualité reste peu outillé pour cette activité (personnel peu qualifié, sans laboratoire ni équipements nécessaires). La figure 3.13 quant à elle montre l’évolution du prix de détail des engrais. Il apparaît qu’en termes constants, c’est le prix du DAP qui a connu une hausse en 2008. Cette période correspond à celle de la flambée des cours du pétrole et des engrais sur le marché mondial, ce qui a renchéri le coût des importations. Sur le reste de la période d’analyse, la hausse des prix sur le marché domestique serait plutôt amplifiée par l’inflation de la monnaie locale (figure 3.13).

Figure 3.13. Evolution du prix nominal et constant du DAP et de l’Urée au Burundi (fbu/kg) Source : MINAGRIE, 2009