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Des aménagements rizicoles au bilan mitigé

CHAPITRE 3. CONTEXTE NATIONAL DE LA RIZICULTURE ET MARCHE MONDIAL

3. Des aménagements rizicoles au bilan mitigé

L’impact des aménagements rizicoles peut s’analyser sous divers angles: au niveau du développement rural, au niveau économique et sur la durabilité de l’activité rizicole. Concernant le développement rural de cette région autrefois insalubre et sous-occupée, il apparaît que des résultats tangibles ont été atteints. L’adduction d’eau potable et l’installation de bornes fontaines dans chaque village, la construction d’une dizaine d’écoles primaires, de six centres de santé et d’un centre de formation social, l’aménagement des routes reliant les villages et les champs rizicoles ont amélioré les conditions de vie des populations locales. Au niveau des maisons d’habitation, même si la plupart des murs sont en pisé avec un pavage en terre, la toiture est souvent constituée de tôles, ce qui est mieux par rapport à la situation d’avant-projet. Des problèmes d’assainissement subsistent certes par endroits notamment des eaux stagnantes qui constituent la source du paludisme par exemple.

Sur le plan économique, l’augmentation du rendement semble être le résultat le plus significatif. Sur les 4.000 ha actuellement emblavés de riz, la production du paddy s’est établie à 22.000 tonnes en 2009, soit un rendement moyen de 5,2 tonnes/ha. Cette augmentation de rendement est imputable à un encadrement soutenu de la SRDI qui fournit à crédit les intrants (engrais, semences et produits phytosanitaires). Elle avalise aussi les riziculteurs pour leur permettre d’accéder au crédit bancaire indispensable pour payer la main

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d’œuvre salariée qui effectue les lourds travaux culturaux. Cependant, cette superficie emblavée aurait pu être plus grande si des financements supplémentaires avaient été disponibles pour aménager 7.000 ha de terres irrigables dans les zones avoisinant les périmètres rizicoles actuels (MAC SYS, 2000). Après la récolte du riz en juin/juillet, seule la moitié des périmètres (2.000 ha) est couverte de cultures vivrières en raison de la faible disponibilité de l’eau en saison sèche qui empêche un second cycle de production du riz. En polyculture irriguée dont la superficie est estimée à 1.544 ha, on pratique une double voire même une triple production grâce au court cycle cultural des spéculations y cultivées à savoir le haricot (3 mois), le maïs (4 mois), la tomate (3 mois) et la patate douce (5 à 6 mois). La production globale des diverses cultures associées différemment selon les exploitations est difficile à évaluer de façon fiable.

Quant à la durabilité des aménagements rizicoles et de la culture du riz à l’Imbo, elles semblent dépendre de l’appropriation de l’approche par les exploitants et de la gestion de cettefilière rizicole de l’Imbo. En effet, l’implication des exploitants dans la gestion des infrastructures hydro-agricoles pourra permettre de les pérenniser même en cas de retrait de la SRDI dans la gestion quotidienne des périmètres. Ce processus doit être encore soutenu et consolidé par la SRDIcar la maîtrise des exploitants est encore limitée. La durabilité de la culture sera conditionnée par la rentabilité de l’activité de production du riz. Si la gestion et notamment la distribution des revenus de la filière est équitable, la culture du riz dans cette contrée restera intéressante.

Le statut de la SRDI doit aussi être revu pour plus d’efficacité et d’efficience si la société doit perdurer. En effet, certains analystes estiment qu’il faudrait dissocier l’activité agricole (encadrement agricole) de l’activité commerciale (achat du paddy et vente du riz blanc). Alors que la SRDI garderait la première activité, la seconde incomberait à une structure plus légère avec un statut mixte (public/privé). Il a été constaté qu’en étant une société publique, la SRDI a été amenée à gonfler inutilement ses charges en engageant un personnel pléthorique non indispensable. Par ailleurs, elle vend son produit à crédit et surtout à l’Etat (forces armées et police) qui est devenu de moins en moins crédible. Ses impayés s’élèveraient actuellement à plus de 6 milliards de francs burundais (5 millions USD), ce qui risque d’hypothéquer la survie de la SRDI et l’avenir de la filière rizicole de l’Imbo.

L’objectif de monétariser la région principalement par la culture du riz (50 ares par ménage) et secondairement par les cultures vivrières (25 ares par ménage) semble sérieusement hypothéquer la sécurité alimentaire des populations locales. En effet, par la vente de la production du riz, les exploitants étaient supposés subvenir au reste des besoins alimentaires par le marché. Mais compte tenu de la faible quantité physique produite et du prix fixé, les recettes rizicoles semblent insuffisantes pour se procurerles autres denrées non produites. La sécurité alimentaire des ménages n’est donc pas garantie par le système cultural mis en place. Pour survivre, les exploitants ne peuvent pas compter uniquement sur les recettes de la culture du riz. Ils doivent impérativement vendre leur force de travail surtout dans la ville de Bujumbura pour pouvoir compléter leurs revenus.

56 Chapitre 3. Contexte national de la riziculture et marché mondial du riz 3.3.2.3. Les réserves hors paysannats et la forte spéculation foncière

En dehors de ces périmètres rizicoles, l’Imbo-Centre regorge de terres non aménagées qui sont régies par un autre statut. Il s’agit des terres situées sur des terrains difficiles à aménager (bas-fonds marécageux ou de mauvaise topographie), des concessions territoriales faites aux projets/compagnies ou des périmètres d’élevage. Ces terres appartiennent soit au domaine public de la commune si elles sont inoccupées, soit aux paysans de la place qui les exploitent selon le principe du ‘premier occupant’, soit aux personnes résidant dans la ville de Bujumbura ou dans la région du Mumirwa surplombant la plaine de l’Imbo.

L’opportunité de concession de terres domaniales libres que l’administration communale ou provinciale peut accorder aux particuliers (privés) a influé sur la spéculation foncière actuelle. En effet, dans les années 1980, bon nombre de fonctionnaires influents de la ville de Bujumbura ont reçu des concessions de centaines de ha en vue d’implanter des projets dans le cadre d’une dynamique nationale de diversification de l’économie et des cultures d’exportation. En plus du ‘projet Ruzizi’ datant de 1946 qui a acquis 400 ha pour implanter du café robusta à Kivoga (commune de Mutimbuzi), le ‘projet Gifurwe’ (commune de Mpanda) comptait plus de 700 ha pour l’élevage de races laitières exotiques, le ‘projet haricot vert’ près de 200 ha à Buterere (commune de Mutimbuzi) pour ne citer que ceux-ci. Maintenant que la plupart de ces projets ont suspendu leurs activités pour diverses raisons (guerre civile, faillite, etc…), les concessionnaires ont gardé ces vastes étendues de terres qu’ils font sous-louer aux petits exploitants agricoles à des montants relativement exorbitants. De même, les exploitants des périmètres rizicoles qui n’arrivent pas à rembourser les crédits en nature (semences, engrais et produits phytosanitaires) et surtout le crédit bancaire pour une raison quelconque (mauvaise production, exploitants malades, etc…) contractent des dettes auprès des tierces personnes qui en retour s’approprient une partie ou la totalité de la parcelle rizicole. D’autres exploitants qui sont dans le même cas voient leurs parcelles retirées au profit des fonctionnaires ou entrepreneurs influents de Bujumbura qui considèrent le riz comme une culture commerciale qui rapporte du profit. Les exploitants agricoles sont d’autant vulnérables que le statut d’usufruit ne leur garantit pas de jouissance illimitée sur ces terres, ce qui accentue la pression spéculative.

La spéculation foncière est encore amplifiée par le retour progressif des réfugiés de longue date (1972) et récents (1993) depuis l’arrêt de la guerre civile en 2004. Tous réclament des terres qu’ils exploitaient avant de quitter le pays, lesquelles terres ont été soit affectées par l’administration à d’autres fins (infrastructures publiques), soit appropriées par les parentés des réfugiés ou attribuées à d’autres exploitants en dehors de la famille. Comme les terres du monde rural burundais ne sont pas cadastrées, les réfugiés qui se rapatrient n’arrivent pas toujours à retrouver avec exactitude la localisation et les limites de leurs anciennes exploitations. Ainsi, la plupart d’entre eux ont tendance à réclamer les meilleures terres qu’ils trouvent dans le voisinage de leurs anciennes demeures. Cette situation complique davantage la problématique foncière surtout dans cette région fertile et stratégique de l’Imbo. La commission ‘terres et autres biens’ est à pied d’œuvre pour tenter de résoudre cette question. Sa tâche se révèle cependant difficile et complexe car ladite commission travaille dans un contexte de rareté de la ressource ‘terre’ avec une pression et une spéculation des parties prenantes (rapatriés, occupants actuels, fonctionnaires et entrepreneurs de Bujumbura, administration, etc…).

La spéculation et la problématique foncière se font beaucoup sentir à l’Imbo-Centre plus qu’ailleurs en raison de sa position stratégique (proche de Bujumbura) et la culture du riz dont les prix ont connu une flambée dès l’année 2008. Elle se fait aussi sentir, mais dans une

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moindre mesure, à l’Imbo-Nord (province de Cibitoke) qui ne pratique pas la riziculture mais où les anciens paysannats cotonniers ont un statut foncier similaire. La spéculation foncière est encore notoire dans l’Imbo-Sud notamment dans les communes de Rumonge et de Nyanza-Lac qui comptent le plus de réfugiés de longue date (1972). Elle est surtout liée au fait que ces communes sont potentiellement riches en raison de l’introduction des variétés exotiques de palmier à huile (ivoiriennes) très productives et à cycle court et leur proximité au lac Tanganika qui offre des opportunités de revenus issus de la pêche. Dans le reste du pays, la problématique foncière est moins accentuée. Elle est uniquement liée à la pression démographique car le code foncier, même s’il est relativement vieux (1986), est plus clair.

3.3.2.4. Diversité, statut et exploitation des marais