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Les goulots d’étranglement de la recherche rizicole

CHAPITRE 3. CONTEXTE NATIONAL DE LA RIZICULTURE ET MARCHE MONDIAL

2. Les goulots d’étranglement de la recherche rizicole

En dépit des résultats tangibles que la recherche rizicole avait pu obtenir, force est de constater des défaillances ou des insuffisances à divers niveaux. Concernant la production et la diffusion des semences, les semences sélectionnées n’ont été produites et distribuées en quantité suffisante que dans la plaine de l’Imbo (surtout en zone SRDI, soit près de 20% des superficies rizicoles) ; ce qui n’a pas été le cas pour d’autres régions propices à savoir les dépressions du Nord (Bugesera) et de l’Est (Moso) et les marais de moyenne altitude. En fait, en plus de sa structure plus organisée que dans les autres régions, la zone SRDI (zone 2) jouit de sa proximité aux institutions de recherche (ISABU et FACAGRO) basées à Bujumbura dans la plaine de l’Imbo. Les autres riziculteurs du reste du pays (marais), qui doivent compter sur les agents des DPAE’s dépourvues de moyens matériels et humains, n’ont pas cette opportunité d’accéder aux semences sélectionnées. Ils doivent replanter les mêmes variétés pendant plus de dix ans, période assez longue qui conduit généralement à une dégénérescence variétale.

La fertilisation est une des thématiques qui ont été peu développées par la recherche. Excepté quelques formules recommandées en riziculture irriguée de l’Imbo [NPK (51-20-20) puis NPK (77-30-30)], la recherche rizicole a initié des études sur la fertilité des marais en 1988. La guerre civile de 1993 a malheureusement entraîné l’abandon de ces recherches avant l’obtention des résultats. Ceci conduit les agents agricoles et les riziculteurs des marais à ignorer le type de fertilisation idéale pouvant améliorer le rendement de leur culture.

La gestion et le contrôle de l’eau, indispensables pour une bonne culture irriguée sur terres sèches et/ou en marais, se caractérisentpar de réelles faiblesses chez les producteurs. Dans l’Imbo, les riziculteurs ont appris sur le tas les techniques d’irrigation et de drainage en raison d’un intense encadrement de la SRDI. La situation est très différente pour les exploitants des marais. Non seulement les spécialistes en aménagements hydro-agricoles y sont rares, mais aussi les riziculteurs ont peu d’opportunités d’apprendre car les structures d’encadrement et de formation sont relativement moins bien organisées qu’à l’Imbo(zone 2).

L’itinéraire technique de production du riz va de pair avec l’encadrement agricole, le renforcement des capacités des riziculteurs et la disponibilité de financement de la recherche agricole. Ces aspects ont cependant été handicapés par la guerre, l’embargo et la suspension de la plupart des partenariats avec l’extérieur. Ce n’est que depuis 2005 que la situation a commencé à s’améliorer avec l’ADRAO et surtout depuis peu avec l’IRRI (août 2009).

Les technologies post-récolte constituent une thématique oubliée par les programmes de recherche. Pourtant, il est reconnu que même la diffusion des variétés à haut potentiel de rendement ou de bonne qualité organoleptique a peu de chances d’améliorer l’offre du produit sans de bonnes techniques post-récolte. Ces dernières permettent de bien conserver les récoltes, d’améliorer la qualité et le rendement à l’usinage et d’éviter des pertes post-récolte (ravageurs, maladies, pourriture, etc…) dommageables à la qualité et la quantité du produit final.

Pour l’ensemble de la recherche rizicole, la situation s’est empirée en raison de la guerre civile qui a occasionné une déstabilisation profonde. En effet, l’effectif des ressources humaines s’est fortement érodé car 50% de l’effectif du programme riz ont quitté la recherche comme le montre la figure 3.11. En effet, l’effectif des chercheurs riz de l’ISABU(de niveau universitaire c’est-à-dire ‘bac+5’) était plus important en 1991 comparé à l’année 2009. Mise

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à part la diminution de l’effectif, il importe de souligner aussi la baisse de la qualité car les coopérants étrangers plus expérimentés (belges et coréens) ont quitté le pays dès l’année 1995 en raison de l’instabilité grandissante liée à la guerre. Quant aux chercheurs nationaux, les plus anciens dans la profession ont préféré des emplois plus rémunérateurs dans des organismes internationaux (FAO) ou des ONG’s qui se sont multipliées en vue de porter secours aux sinistrés de la guerre. Les quelques chercheurs actuels sont quasiment tous des jeunes recrues sans expérience avérée.

Le financement de la recherche rizicole a aussi été négativement affecté ; le budget alloué à cette activité a diminué de 64,2% entre les deux années considérées. Il faut dire qu’en 2009, la situation avait été relativement améliorée par la contribution de certains projets (PRASAB, PTRPC, FRDMR, etc…) sous financement extérieur (FIDA et BM). Ils ont surtout appuyé la production de semences de riz destinées à relancer la production agricole uniquement pour les populations bénéficiaires desdits projets qui sont en nombre limité. Durant la période allant de 1995 à 2004, la situation financière était pire car il n’y avait pratiquement plus de fonds investis dans la recherche en général et la recherche rizicole en particulier. Seuls les salaires étaient régulièrement octroyés aux chercheurs par l’Etat sans pouvoir leur accorder les moyens matériels et financiers nécessaires pour mener à bien leurs activités quotidiennes.

Figure 3.11. Budget annuel et effectif des chercheurs du programme riz de l’ISABU Source : ISABU, 2010.

La réduction des moyens matériels, humains et financiers a entraîné un report ou un arrêt total de certaines activités de recherche. Quelques unes ont pu être ponctuellement maintenues grâce à l’appui financier de certaines ONG’s (CRS, ACORD-GB, CARE, etc…), des projets ou organismes multilatéraux (PRASAB, PRDMR, FAO, FIDA, etc…). C’est ainsi que le programme riz a pu maintenir le germoplasme et sélectionner une vingtaine de variétés en 2002. Cette situation qu’a connue la recherche a contrarié l’élan de développement auquel les filières rizicoles avaient pu accéder dans les années 1990.

En définitive, le ralentissement des activités de recherche depuis les années 1993 et les suivantes a fortement réduit le processus de recherche nécessaire pour appuyer les filières en amont (remplacer les variétés vieillissantes en diffusion, lutter contre les maladies et

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Fonds (millions fbu constants) Effectif chercheurs riz

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ravageurs, proposer des techniques culturales nouvelles, etc…). L’appui ponctuel de certains partenaires (FAO, PRASAB, CRS, etc…) depuis les années 2000 dans la multiplication des semences de riz n’a pas résolu le problème fondamental qui est la capacité d’avoir un système de recherche cohérent et durable sans lequel le pouvoir compétitif ne saurait être construit et entretenu.

3.4.3.2 Techniques culturales et gestion de l’eau : des défis à relever