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Modes d’accès à la terre et superficies cultivées

CHAPITRE 4. PRESENTATION, ANALYSE ET DISCUSSION DES RESULTATS

4.1. Productivité et coûts de production différenciés selon la riziculture

4.1.2. Modes d’accès à la terre et superficies cultivées

La figure 4.2 révèle que l’accès le plus commun à la terre est l’héritage qui se présente dans plus de 80% des exploitations enquêtées de toutes les zones d’étude excepté en zone 2 où il est inexistant. Cette dernière, qui constitue par ailleurs la zone d’action de la SRDI, est caractérisée par l’usufruit comme le mode courant d’accès à la terre (100%). En effet, ces terres font partie du domaine de l’Etat qui y a installé les populations en paysannats cotonniers dans les années 1950 avant d’y instaurer le riz en 1969. Malgré la prédominance de l’usufruit dans cette zone de la riziculture irriguée, quelques exploitants (30%) recourent aussi à l’achat ou à la location de parcelles à cultiver en dehors de cette zone. Soulignons qu’en raison de la forte pression démographique, l’accès à la terre concerne l’obtention même d’un petit lopin de terre (parcelle) de quelques ares qui s’ajoutent à la propriété initiale. D’autre part, en attendant des changements en cours sur la loi burundaise,seuls les descendants de sexe masculin héritent la terre de leurs parents.

L’achat de la terre constitue une pratique nouvelle dans le paysage agricole burundais. Jusque dans les années 1980, les opérations d’achat/vente de terre en zones rurales étaient presque prohibées par les coutumes ancestrales qui considéraient la terre comme un patrimoine commun à la famille élargie quine saurait être vendu aux tierces personnes pour quelque raison que ce soit. Cette coutume s’érode de plus en plus et la terre devient un bien commercialisable comme tant d’autres. L’achat est beaucoup plus représenté en zones 1, 3, 4 et 5 (plus de 60%) qu’en zones 2 et 6 (moins de 30%). Le commerce de la terre est moins fréquent en zone 2 car les terres sont du domaine de l’Etat. En zone 6 (Ngozi) qui est une province densément peuplée (450 hab/km2 en 2008), les opportunités d’achat/vente du patrimoine foncier y sont aussi plus limitées car moins de 20% des exploitations y ont recours. Le coût du patrimoine foncier varie aussi selon les régions : dans la plaine de l’Imbo où la spéculation foncière est plus forte, il était évalué entre 4,5 millions et 5 millions fbu/ha

0 5 10 15 20 25 30 <14 15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60-64 >65

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(3.750 et 4.167 USD/ha) contre 1 million fbu (813 USD/ha) en régions de marais de moyenne altitude en 200825. Cette faible valeur de la terre en régions de marais est surtout liée au faible pouvoir d’achat des populations locales.

La location de la terre n’est pas courante excepté en riziculture irriguée de l’Imbo, surtout en zone 1 (90% d’exploitants) et dans une moindre mesure en zones 2 et 3 (≈ 30% d’exploitants). Elle se fait surtout pour les cultures facilement commercialisables comme le riz, la tomate, les cultures maraîchères (aubergine, piment, poivron, etc…) permettant de récupérer les fonds investis par la vente au marché. C’est pour cette raison que la location est plus fréquente dans les zones de l’Imbo (zones 1 à 3) qui sont proches de la ville de Bujumbura, cette dernière offrant un marché garanti d’écoulement des produits agricoles. Dans ces zones rizicoles de la plaine, le coût de la location oscillait entre sept cent mille (700.000 fbu) et huit cent mille (800.000 fbu) francs burundais/ha (soit 590,2 à 674,5 USD/ha) par cycle cultural de 6 mois en 200826. En riziculture de marais par contre (zones 4 à 6), la faible monétarisation de l’agriculture ne stimule guère ce genre de pratique (figure 4.2).

Figure 4.2. Taux d’exploitants (%) par mode d’accès à la terre au Burundi Source : Auteur, 2007.

4.1.2.2. Superficies rizicoles cultivées

La figure 4.3 fait transparaître la rareté de la ressource ‘terre’ dans la majorité des zones rizicoles, tout comme pour la majeure partie du pays par ailleurs réputé pour sa forte densité démographique. En effet, la situation est tout de même différente selon le type de riziculture. Alors qu’en riziculture des marais la superficie emblavée par exploitant se situe entre 0,20 ha (zone 4) et 0,48 ha (zone 5), la situation semble relativement meilleure en riziculture irriguée de l’Imbo. La zone 2, pionnière de la riziculture irriguée, est caractérisée par des exploitations de petite taille (0,45 ha) même si elles dépassent légèrement la plupart de celles de la riziculture des marais. La forte immigration encouragée par les autorités administratives avec l’installation des paysannats cotonniers dans les années 1950, la reproduction naturelle de la population et l’engouement pour cette culture ont fait que beaucoup de gens se sont rués vers

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Communication personnelle avec des personnes ressources de la région

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Idem que pour la référence ci-haut

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Zone 1 Zone 2 Zone 3 Zone 4 Zone 5 Zone 6

Riz irrigué Imbo Riz de marais

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cette zone. Il est donc normal que la taille moyenne des exploitations en général et celle des rizières en particulier soit réduite au fil des années. La situation n’est pas très différente en zone 1, très proche de la capitale, où se sont installés des migrants venant de divers coins du pays à la quête du travail en ville. Entretemps, ils peuvent s’adonner à quelques activités agricoles tout en travaillant comme des manœuvres dans la capitale Bujumbura. C’est pour cette raison que la pression démographique a conduit à un morcellement des superficies cultivées et à des rizières d’une taille moyenne de 0,70 ha.

C’est dans la zone 3 que les exploitations ont des superficies nettement plus élevées avec une étendue moyenne de 1,60 ha. Contrairement au reste des zones d’étude, cette zone est relativement plus garnie en terres ; elle se trouve sur une partie de la réserve naturelle de la Rusizi (Rukoko) affectée aux agriculteurs depuis 1997 en vue d’augmenter la production nationale. Les exploitants sont des entrepreneurs relativement aisés provenant surtout de la capitale (Bujumbura) qui avaient assez de moyens pour se procurer de grandes étendues afin d’y cultiver spécialement le riz jugé profitable. En effet, la production peut être facilement écoulée dans la ville de Bujumbura située à moins de 30 km. Si cette zone pouvait accéder à des infrastructures hydro-agricoles nécessaires pour une irrigation optimale, elle serait la seule qui puisse présenter un avantage comparatif en termes de ressource foncière. Les autres zones de l’Imbo ainsi que celles des régions des marais ont d’évidentes limitations pour cette ressource. En régions des marais particulièrement, la forte pression sur les terres de collines pousse tous les ménages surplombant chaque marais à y affluer pour augmenter les opportunités de terre cultivable. C’est ainsi que ces marais sont morcelés en plusieurs petites parcelles, à la limite de la capacité de reproduction.

Si le pays dispose encore d’assez de terres potentielles rizicoles sous-exploitées (36.000 ha) surtout en marais, il est peu probable que leur aménagement effectif puisse sensiblement accroître la taille moyenne par exploitation. En effet, les ménages avoisinant lesdits marais vont dès lors les départager en autant de petites parcelles qu’il y a de ménages demandeurs. Seulement, cet aménagement permettrait d’augmenter la productivité du riz dans ces sites et la production globale du pays. Les opportunités d’accroître sensiblement les superficies individuelles se trouvent plutôt dans la plaine de l’Imbo où près de 7.000 ha de terres semi- arides peuvent être irrigués et distribués aux riziculteurs avoisinants (zones 1 et 2) ayant de petites propriétés ou à de nouveaux exploitants. Mais la forte demande de la terre par des rapatriés et/ou certains résidents urbains pourrait limiter l’acquisition de grandes étendues per capita. Cependant, ceci permettrait au moins d’augmenter le nombre total de riziculteurs ainsi que l’offre nationale de ce produit.

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Figure 4.3. Superficie rizicole moyenne par exploitation (ha) Source : Enquêtes de l’auteur, 2007.