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Création du modèle des stations de 3 ème génération et évolution de la stratégie touristique

I- c Les stations de sports d’hiver intégrées co��e pôles de croissance

Il nous faut partir de la définition de Jacques Perret des pôles de croissance comme « la concentration du capital et du pouvoir de décision au sein de grandes entreprises : grâce à leur puissance financière, elles peuvent organiser une production de masse en créant une demande et en contrôlant la concurrence des prix » (Perret, 1994, p52). Quels ont été les leviers pour que les stations de haute altitude de Tarentaise prennent cette trajectoire ?

Ap��s la statio� de Cou��hevel, �’est la station de Tignes qui est créée ; son histoire est spécifique du fait de la construction du barrage du Chevril en 1952, noyant le village traditionnel et obligeant les habitants à construire un nouveau village plus en altitude. C’est du�a�t l’hive� ��54 que les premiers touristes sont accueillis. Tignes sera construite par de multiples acteurs afin de rattraper le retard sur sa voisine Val d’Is��e. Cette station a les caractéristiques physiques de la station de 3ème génération : la �o�st�u�tio� e� site vie�ge d’altitude, u� a���age�e�t �atio��el �as� su� les sta�dards décris en a�o�t, la ve�ue de p�o�oteu�s ext��ieu�s. Ce �ui dive�ge �epe�da�t, �’est l’i�pli�atio� de �ultiples a�teu�s, �e �ui �’est pas le �as des aut�es statio�s i�t�g��es. La Plag�e est la p�e�i��e statio� qualifiée d’i�t�g��e (au se�s d’u�e pla�ification fonctionnaliste et standardisée), construite ex nihilo à 1900 mètres d’altitude pa� des �u�eaux d’u��a�is�e en 1961, provenant de fonds extérieurs et st�u�tu��e autou� d’u�e e�t�ep�ise. Plag�e Ce�t�e devie�t l’a��h�t�pe de la statio� de �ème

génération et du pôle de croissance.

Ap��s l’exp��i�e�tatio� de Courchevel, le tourisme hivernal devient le moteur de la modernisation de la montagne. L’État, dès les années 1950, va appliquer cette théorie des pôles de croissance conçus initialement dans le monde de la production industrielle (Perret, 1994) au domaine touristique : « pour créer une offre capable de conquérir un marché international. Les retombées de ces stations doivent dynamiser les zones de montagnes en déclin. Cette politique va devenir la référence, et les stations seront identifiées uniquement par rapport à cette norme » (Perret, 1994, p26). C’est l’id�e d’i�t�g�atio� �ui est la ��f��e��e : un seul acteur porteur du projet et gestionnaire. Le principe des pôles de croissance est de s’appu�e� su� des st�u�tu�es i�dust�ielles �o��e�t��es, des groupes financiers capables de mobiliser des capitaux et de rationaliser la production en structurant des ��seaux d’i�te�d�pe�da��e (de t�pe fili��e te�h�o-productive). Ici transposée au monde tou�isti�ue, la statio� i�t�g��e pe��et de �e���e� les �o�ditio�s d’u�ive�s �o�opolisti�ue (�eposa�t sur un acteur leader gestionnaire des remontées mécaniques et légitime pour assurer aussi les autres services induits ou les fédérer).

C’est u�e industrie touristique qui doit être mise en place, permettant la concurrence avec l’i�te��atio�al. Pou� �ela, les statio�s doive�t �t�e fo��tio��elles et sta�da�dis�es, reposant sur la rentabilité financière des constructions (Perret, 1994).

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L’État, ave� le Plan Neige, institutionnalise le d�veloppe�e�t des spo�ts d’hive� via la �ise e� pla�e de la Co��issio� I�te��i�ist��ielle de l’A���age�e�t e� Mo�tag�e (CIAM� e� ���4. Cet o�ga�is�e a comme attribution de recenser tous les sites pouvant bénéficier des crédits publics pour le développement des statio�s de spo�ts d’hive� ; il deviendra e� ��7� le Se�vi�e d’Étude et d’A���age�e�t Tou�isti�ue de la Mo�tag�e (SEATM�. « Ave� �et am�itieux pla� d’é�uipeme�t, il s’agit de détermi�er u� �o��ept de statio�s d’altitude tr�s fonctionnelles, au service du ski, fondées sur un urbanisme vertical, initier un partenariat unique auprès des collectivités et faire émerger une �ouvelle gé�ératio� de statio�s tr�s performa�tes sus�epti�les d’attirer les devises étra�g�res » (Delorme, 2014, p7).

C’est u�e p��iode de �onstruction et de développement en plein essor économique, les stations existantes continuent de multiplier leurs aménagements et de nombreuses stations sont créées. C’est le t�io�phe des statio�s i�t�g��es, et la �o�solidation du modèle des stations de 3ème

génération. « L’ur�a�isme repre�d e� gra�de partie les pri��ipes e� œuvre da�s les statio�s de deuxième génération, notamment la séparation des circulations automobiles et piétonnes, l’alig�eme�t des �o�stru�tio�s sur u� front de neige. En matière architecturale, la maitrise d’œuvre u�i�ue permet d’a�outir à u�e �o��eptio� d’e�sem�le homog��e et à u�e �réatio� ar�hite�turale i��ova�te et de �ualité. L’ar�hite�ture va ai�si �o�tri�uer à faço��er l’image de �ha�ue statio�. Dans la plupart des cas, la conception architecturale est confiée à un seul architecte ou à un groupement d’ar�hite�tes : Mar�el Breuer à Flai�e, L’Atelier d’ar�hite�ture e� mo�tag�e et Charlotte Perria�d pour Les Arcs, Michel Bezançon pour La Plagne, Jacques Labro pour Avoriaz, etc. » (Delorme, 2014, p7).

La construction de ces stations répond à des standards extrêmement précis, basés sur une rationalité calculée entre hébergement et remontées mécaniques, mais également une spécialisation très forte de l’espace (Cf. figure n°11), ayant pour conséquence de standardiser la pratique du ski (Knafou, 1978). C’est l’id�ologie du « ski au pied », il faut pouvoir sortir de son appartement et accéder di�e�te�e�t aux pistes sa�s devoi� po�te� so� ��uipe�e�t. C’est la période des grands ensembles, issus de cabinets d’a��hite�tu�e �ode��e, tout doit �t�e a��essi�le fa�ile�e�t, les �o��e��es se t�ouve�t do�� e� dessous des loge�e�ts. L’id�e �ta�t de pouvoi� alle� chercher son pain en pantoufles à ���� ��t�es d’altitude, �’est toute u�e représentation sociale �ui s’i��a��e da�s �ette architecture (Wosniak, 2002).

165 Figure n°11

Source : A. Bonnemains

Ce modèle véhiculé par le SEATM prendra des formes différentes selon les topographies des sites, mais restera similaire dans la segmentation fonctionnelle de l’espa�e. La d��e��ie de ���5-1975 sera l’apog�e des statio�s de �ème génération dans la vallée de la Tarentaise, qui elle-même a été le lieu d’�le�tio� de �e �ode d’a���age�e�t. Nous avons déjà mentionné que le site des 3 Vallées avait été repéré depuis 1925, une seule de ces vallée �’est pas e��o�e développée, la vallée des Belleville, réticente à la construction d’u�e station, et qui accepte finalement la création des Ménuires en 1967. Il faut bien comprendre que la création de nouvelles stations ne stoppe pas le développement de celles déjà existantes, bien au contraire : soutenus par une période économiquement propice, les aménagements se multiplient dans tous les sites. À cette même date, la commune de Peisey-Na���oix d��ute �gale�e�t la �o�st�u�tio� d’u�e statio� su� le site de Pla� Peise�. C’est la p��iode de l’o� �la��, les p�o�oteu�s se la��e�t ave� les a��hite�tes da�s d’a��itieux p�ojets, ave� les A��s �ota��e�t e� ����. L’a���age�e�t doit �t�e fo��tio��el, standardisé et rationnel, l’a��hite�tu�e quant à elle peut prendre deux formes à ce moment-là : soit une architecture purement urbaine, soit inspirée de la montagne. L’a��hite�tu�e des A��s se dit inspirée de la montagne, les formes des bâtiments suivraient les mêmes lignes que les montagnes aux alentours.

166 Photo n°4

Architecture des Arcs 1600

Photo : A. Bonnemains

La station des Arcs (Cf. photo 4) a �t� �o�st�uite pa� u� p�o�oteu� u�i�ue pou� l’i��o�ilie� et le do�ai�e skia�le ave� u�e �o�t�i�utio� d’architectes comme par exemple Charlotte Perriand, alors collaboratrice de Le Corbusier. Certains bâtiments des A��s ���� et ���� o�tie�d�o�t d’ailleu�s e� 2006 le label du Patrimoine du XXème siè�le. ��7� voit le d�veloppe�e�t d’une nouvelle station dans la vallée des Belleville : Val Thorens, qui est à �ette �po�ue la statio� la plus haute d’Eu�ope. Le p�o�oteu� à l’i�itiative de �ette statio� est Pierre Schnebelen, qui a également développé la station de Val Claret à Tignes. L’a���age�e�t � est si�ilai�e aux autres stations avec une architecture urbaine extrêmement dense du fait de son altitude. Cependant, l’��e�ge��e de Val Tho�e�s est difficile notamment du fait des nombreuses voix (association écologique, journalistes, population locale) �ui s’�l�ve�t pour critiquer les stations intégrées. À partir du milieu des années 1970, on voit apparaître une véritable remise en question de ce modèle de développement. Le premier élément de contestation est la rupture avec le territoire impliquée par ce type de développement.

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