• Aucun résultat trouvé

Les sports d’hiver comme levier de la modernisation de la montagne alpine

II- a La création d'une pratique

Les débuts de la pratique du ski en France sont associés à un nom, celui de Henri Duhamel ; ce parisien venant s'installer à Grenoble pour des raisons de santé, voit pour la première fois une paire de ski à l'Exposition Universelle de Paris en 1872 (Chevalier, 1995). Il apprendra à les utiliser seul, jus�u’à l’a��uisitio� d’u� manuel. Avec ces collègues du CAF, il crée le premier Ski Club de France à Grenoble : le Ski Club des Alpes. « Le ski français naissant a encore, si l'on peut dire, une vocation utilitaire. Développé par les Alpinistes du CAF, il reste au cours des premières années de son développement, un moyen de locomotion qui permet de perpétuer durant l'hiver les randonnées en montagne » (Chevalier, 1995, p67). La France est en retard par rapport à la Suisse, où dès 1893 des concours sont organisés. C’est au début du 19ème siècle que « le ski atteint une sorte de maturité sportive, voit grossir les rangs de ses pratiquants et évoluer la pratique vers ses aspects compétitifs déjà anciens en Scandinavie » (Chevalier, 1995, p67). L'émergence de ces concours va avoir comme conséquence l'investissement par les populations des champs de neige aux alentours des villages et

32

l'accélération de la diffusion de la pratique. Des échanges entre les pays voisins, notamment la Suisse vont très rapidement se mettre en place.

L'armée va jouer un rôle important dans la diffusion du ski, avec par exemple l'accueil d'officiers étrangers Nordiques (Cf. photo n°2), qui s'intégreront dans les clubs de ski civils, particulièrement le Club Alpin Français (CAF) « qui établit des liens privilégiés avec l'armée » (Chevallier, 1995, p68). C'est d'ailleurs en 1902-1903 qu'est fondée l'Ecole Normale du Ski Militaire à Briançon. On compte en 1908, 22 ski clubs en France. Selon Marc Chevalier, l'armée va jouer le rôle de promoteur sportif, sous deux aspects :

1- En familiarisant les populations montagnardes à la pratique du ski via le service militaire.

2- Par la diffusion par de l'idéologie sportive du ski. « Il faut dire que l'armée semble avoir fait de la diffusion du ski parmi la population alpine l'une de ses principales missions » (Chevallier, 1995, p73). La « technologie » va également jouer un rôle important, les améliorations apportées au matériel de ski le rendant plus accessible et permettant la propagation de la pratique.

Photo n°2

Photos �ep��se�ta�t l’��e�ge��e de la p�ati�ue du ski da�s le d�pa�tement de la Savoie

Source internet :

http://www.ledauphine.com/france-monde/2013/01/02/les-chasseurs-alpins-precurseurs-du-ski-dans-le-departement-2?image=C6582013-3E07-4A90-AAA6-A2F29B57B69C, et http://sports.loucrup65.fr/pgie0514.htm

Deux organisations joueront un rôle fondamental dans la diffusion de la pratique du ski :

1- Le Club Alpin Français, en devenant rapidement l'instance officielle du ski en France par l'établissement de concours, par la mise en place des réglementations et par le développement technique, notamment dans le matériel (Chevalier, 1995).

2- Le Touring Club de France, dans sa volonté de « contribuer à l'essor touristique des régions françaises » (Chevalier, 1995, p75), permet la promotion et l'amélioration des techniques et des technologies liées aux sports d'hiver.

Les notables des communes de montagne reprendront ensuite à leur compte cette pratique, afin de circuler facilement entre les hameaux isolés en hiver. « La bourgeoisie et l'armée, telle est la prime

33

alliance qui consacre l'avènement des sports d'hiver, et fournit au sport ses déterminants idéologiques fondateurs » (Chevalier, p80).

Pour bien comprendre l'implantation des sports d'hiver, Il nous faut évoquer l'imaginaire véhiculé dès cette époque et associé à la pratique de ce sport. Ces représentations, notamment celles de progrès et de modernisation, resteront les supports de la construction des stations de ski. Cette pratique n'est pas déconnectée des évolutions sociétales plus globales et entre autres de l'émergence du mouvement sportif en général et de modernité occidentale en éclosion (Chevallier, 1995). Les sports d'hiver prendraient « racines dans ce courant historique fort : le passage d'un "ethos "classique", inspiré par l'esprit aristocratique, à un éthos bourgeois, générateur de modernité » (Chevallier, 1995 p78). C'est donc l'avènement d'une société guidée par le progrès, où la montagne et les populations y habitant doivent accéder au développement. Mais ce sont majoritairement les citadins qui pratiquent le ski, et d'une manière plus spécifique la bourgeoisie urbaine, « le ski est une invention de la ville » (Chevallier, 1995 p79). Les sports d'hiver sont donc réservés à une élite militaire et bourgeoise, permettant à ses adeptes une distanciation sociale vis-à-vis du reste de la population. Le ski « est alors bien autre chose qu'une simple distraction ou qu'un si�ple spo�t, �ais u� p�ojet so�ial, e� ���e te�ps �u'u� puissa�t �a��ueu� �ultu�el… » (Chevallier, 1995 p82). C'est également l'avènement d'une morale, que l'on peut qualifier d'hygiéniste. « Comme tout sport, le ski suggère cette disposition idéologique, hygiéniste et moralisatrice. Mais à ces vertus purement sportives, le ski en ajoute de supplémentaires : les vertus physiologiques et curatives de la montagne hivernale » (Chevallier, 1995, p90). La rhétorique des bienfaits du soleil prend également une place importante dans les représentations des sports d'hiver ; l'héliotropisme reste encore aujourd'hui l’un des facteurs clefs de la demande touristique.

Le ski reste confidentiel, il n'y a pas encore de lieu dédié spécifiquement à ce sport, on se rend dans les stations thermales ou climatiques pour faire du ski. L'existence ou non de sites dédiés exclusivement à la pratique des sports d'hiver est essentielle à mettre en avant dans le développement de ce modèle touristique. Les sites de cette époque ont comme caractéristique leur fai�le altitude (��� ou ��� ��t�es�, seul l’e��eige�e�t et les pe�tes �o�pte�t. Il �'est pas e��o�e possible de parler de stations de sports d'hiver puisque les trois critères principaux ne sont pas encore réunis :

1- Un site dédié à cet usage.

2- Le modèle économique basé sur le nombre de touristes par l'interdépendance entre l'immobilier touristique, le domaine skiable et la commercialisation.

3- Un lieu de séjour.

Autre point essentiel à noter sur ces premiers « stades de neige » (nous employons cette formule pour les différencier des stations modernes), ils se t�ouve�t à p�oxi�it� d’u� centre urbain.

34

Comme nous l'avons montré, le ski a dès le départ été un sport avant tout orienté vers les citadins. Les villes vont jouer un rôle important dans la diffusion de la pratique notamment avec la constitution de la Fédération Française de Ski en 1925, suite aux premiers Jeux Ol��pi�ues d’hive� de 1924 à Chamonix.

Documents relatifs