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Les sports d’hiver comme levier de la modernisation de la montagne alpine

II- c La phase de modernisation

Comme nous l'avons montré, les représe�tatio�s li�es à la �ode��it� �o��e��a�t les spo�ts d’hive� sont apparues dans les années 1930, cependant les plans d'aménagement de grande ampleur liés à ce paradigme naissent à partir des années 1950. L'implantation des remontées mécaniques est pertinente à analyser sous deux aspects :

1- Comme levier de la modernisation de la montagne.

2- Ces infrastructures peuvent être assimilées à des industries lourdes, qui vont entraîner un fort endettement de certaines communes à partir des années 1960.

C’est la p��iode de la pla�ifi�atio� �tati�ue, via des �o��issio�s i�te��i�ist��ielles et u�e l�gislatio� favorable.

38 Graphique n°2

Source Rapports et Études : Rapport d'information Bilan de la politique de la montagne et en particulier de l’appli�atio� de la loi du 9

janvier 1985, de son avenir, et de ses nécessaires adaptations, n°15, sénat session ordinaire de 2002-2003

À partir du graphique n°2 ci-dessus, nous pouvons mettre en avant la croissance extrêmement rapide des remontées mécaniques en France entre 1960 et ����, pe��etta�t l'��e�ge��e de l’esse�tiel des stations françaises. Cette phase de développement a été très largement soutenue par l'État durant une période économiquement propice, jus�u’aux a���es ��7�. L'offre de sports d'hiver a comme base trois éléments :

1- La vente d'immobilier de loisirs. 2- La création d'un domaine skiable. 3- La commercialisation de la station.

De là, la pratique du ski va se standardiser, notamment par la massification et la démocratisation des d�pa�ts aux spo�ts d’hive� : « on conçoit désormais la station de sports d'hiver comme un organisme fonctionnel complexe à l'intérieur duquel un équilibre aussi rigoureux que possible doit être obtenu entre le débit et la capacité de l'ensemble des pistes, le débit du système des remontées mécaniques et la capacité d'hébergement » (P��au, ����, p����. C’est l'e�goue�e�t pou� l'a���age�e�t touristique de la montagne. L'État français, dans la phase de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, souhaite moderniser le pays et la montagne est perçue comme une partie du territoire national laissée pour compte jusque-là. L'industrie, à partir de l'hydroélectricité, s'est implantée en fond de vallée, mais ne permet plus d'enrayer l'exode rural. Pour le tourisme, déjà existant en saison estivale, les sports d'hiver paraissent être un moyen de développer une activité lucrative sur ces territoires. « Le tourisme comme innovation globale en termes à la fois institutionnels, logistiques et commerciaux. Les débuts de la Vème République, de 1959 à 1963, correspondent à une phase majeure de structuration officielle et d'institutionnalisation de l'économie touristique » (Bouneau,

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2007, p97). C'est la construction des stations de 3ème génération, qui deviendront le « modèle français » ; celui-ci s’expo�te�a da�s de �o���euses ��gio�s du �o�de : au Chili d�s ���� ave� la station de Vallée Nevado, dernièrement et de façon plus médiatique avec la station de Sotchi en Russie pour les JO de 2014, et plus la�ge�e�t ave� l’e�se��le des statio�s du Cau�ase.

Cette phase de modernisation est également à comprendre dans les liens et les relations avec l'international, notamment avec les stations de Suisse et d'Autriche. La France est en « retard » par rapport à ses voisins, cette concurrence européenne va être une des raisons du développement massif et rapide des sports d'hiver en France : il ne faut pas que les Français partent faire du ski dans u� aut�e pa�s. C’est do�� le d��ut du Pla� Neige et la création du modèle des stations dites de 3ème

génération, ou intégrées, qui incarneront la modernité. Ces stations sont basées sur une architecture "fordiste" standardisée et fonctionnaliste en site vierge. Ce modèle planifié de développement touristique est décrit comme une colonisation de la montagne, tant sur son aspect social qu'écologique. Ce sont de véritables "îlots d'altitude" qui sont construits, sans liens avec le village d'origine en vallée, où les touristes ne font que passer. De ce fait, le développement des sports d'hiver sera remis en cause en France très rapidement, avec la montée des revendications écologiques et sociales, la stagnation des départs au ski, les problèmes de financement des communes, la crise économique internationale et nationale. Ces stations issues du Plan Neige que l'on peut qualifier de « taylo-fordo-keynésio-corbusien » (Hatt, 2011), ne seraient plus en adéquation avec les aspirations de la clientèle ; de là va naître une 4ème génération de stations. « En France, et plus largement en Europe, les années 1970-1980 marquent un tournant : on prend acte de l’�puise�e�t de l’ava�t-garde moderniste des années 1950-1960. Hugues François a analysé les implications de cette évolution pour les stations en termes de passage d’u� �od�le « fo�diste » à u�e lecture « postfordiste » du développement touristique » (Hatt, 2001, p71).

À partir des années 1970, un nouveau paradigme émerge, celui de la postmodernité, par la mise en avant d'une rupture sociale, sociétale, économique et l’institutionnelle, sous-tendant une remise en cause radicale de la modernité. Par la suite, cette remise en question de la modernité sera analysée en termes d'hypermodernité, dans le sens où les remises en question des années 1970 n'auraient pas abouti à une transformation de la société mais à une poursuite de la modernisation avec des modalités différentes mais toujours plus radicales. Ce concept permet « de �e�d�e �o�pte d’u�e forme de continuité dans les évolutions sociétales globales qui se font jour : poursuite du processus de �atio�alisatio�, �adi�alisatio� de l’i�dividualisatio�, a��e�tuatio� de la diff��e��iatio� so�iale et développement de "multiappartenances", émergence de la société hypertexte à base de liens faibles et multiples (dits "réticulaires ")» (Hatt, 2011, p73). L'hypermodernité se retrouve également dans l'aspect architectural, c'est dans les stations de 4ème génération que celle-ci va s'incarner.

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L'architecture est toujours le fait de représentations sociales (Guérin, 1984) ; aux grands ensembles fonctionnels et standardisés sont préférés à partir des années 1990 de petits immeubles, si possible en revêtement bois. De nombreux auteurs ont décrit ce style comme néo-régional (Vlès, 2010), représentant l'archétype du chalet en bois sous la �eige issu d’u� i�agi�ai�e fa�tas�� �’a�a�t pas forcément existé. Les appartements sont plus grands et plus spacieux, les stations essayent de reproduire un village qui refléterait l'authenticité des lieux. « On y crée des volumes, des décors standards qui essaient de renvoyer à un passé certes mythifié mais qui reposent sur un bâti industrialisé : voilà de nouvelles stations avec des «vraies-fausses» vieilles rues, des «vraies-fausses» façades plaquées en pierre, des chalets » (Vlès, 2010) ; il serait plus question de marketing territorial répondant à la demande d'une clientèle citadine, que d'un réel retour au local (Vlès, 2010). Les stations de 3ème génération avec un immobilier de loisirs t��s de�se, o�t l’avantage de contenir l'étalement urbain, ce qui ne sera pas forcément le cas pour les stations construites selon le modèle néo-régional. Or le foncier en montagne est extrêmement contraint, entraînant de fortes pressions entre les différents usages. « Si le style néo-régional a pu symboliser, à ses débuts, des revendications lo�ales, ��ologi�ues, ��o�o�i�ues et so�iales p�o�hes de l’id�e du d�veloppe�e�t du�a�le, le �a�keti�g de �asse l’a t�a�sfo��� aujou�d’hui e� "produit générique” de la destination montagne, un ressort du discours commercial et de valorisation -par des opérateurs extérieurs- du foncier local » (Vlès, 2010, p10).

Comme nous l'avons mentionné, le rôle de l'État et des collectivités territoriales est l'une des caractéristiques de cette hypermodernité, le passage d'une politique centralisée étatique vers la reconnaissance des différences entre les territoires et l'émergence de territoires projets participe à ce changement de paradigme. Les collectivités locales (par la contractualisation avec l’État), les régions et les départements doivent construire des projets de territoires, devenant ainsi les garants de leur activité et de leur attractivité. Ces schémas de développement ont été initiés dès 1995 par la région Rhône-Alpes, suivie en 2003 par le département de l'Isère qui met en place les contrats de développement diversifié (Marcelpoil, 2012). L'émergence du développement durable comme nouveau paradigme de l'aménagement du territoire, et par la suite les politiques climatiques, vont être de plus en plus prégnants dans la structuration et l'organisation des territoires. La loi du 4 février 1995 ou loi Pasqua, renforcée par la LOADDT ou loi Voynet en 1999, va permettre la mise en place de Pays, dont nous reparlerons longuement dans la troisième partie de ce travail. « Lorsqu'un territoire présente une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale, la commission départementale de la coopération intercommunale constate qu'il peut former un pays »11. Avec la loi Solidarité de Renouvellement urbain (SRU) de 2000, les PLU qui font suite aux Plans d'Occupation des

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Sols et les SCOT vont voir le jour. La mise en place des Pays, comme celle des SCOT, sera développée dans la troisième partie de ce travail, puisque nous y exposerons les projets de territoire de la Tarentaise. La loi SRU va également marquer le début de la réhabilitation de l'immobilier de loisirs. Nous entendons par collectivité locale, les communes supports de stations ainsi que l'ensemble des intercommunalités constituées en tant que Pays.

Tableau n°4

Tableau récapitulatif des générations de station

Collectivité territoriale vs État

Modèle aménagiste Architectural

Type de territoire Saisonnalité

1ère génération Développement local Continuité du village Village existant Thermal-climatique/ hiver

2ème génération État + promoteur Modernité Site vierge en altitude Hiver

3ème génération État +promoteur Modernité Site vierge en altitude Hiver

4ème génération Développement local Néo-régional Site vierge en altitude Hiver et été

Le tableau n°4 nous montre quelques caractéristiques des différentes générations de stations. Les

stations ne sont pas figées dans une génération, mais elles évoluent. L'hypermodernité, dans son

rapport au tourisme, est analysée comme le besoin constant d'une adaptation à la demande touristique, cependant il est nécessaire de définir ce que nous entendons par demande touristique. L'hypermodernité, par la revendication de la société de consommation, voit l'avènement du primat de la demande sur l'offre, notamment par la revendication de l'individu-consommateur-usager.

III- L’adaptatio� à la de�a�de tou�isti�ue ou le tou�is�e da�s l’h�pe��ode��ité

Nous avo�s �o�t�� �ue la �ode��it� su� les te��itoi�es de �o�tag�e s’est i��a���e pa� la �o�st�u�tio� d’u�e off�e tou�isti�ue, o� da�s u� �o�texte d’h�pe��ode��it� �’est l’adaptatio� à la de�a�de tou�isti�ue �ui se��le �t�e le levie� p�i��ipal pou� ga�a�ti� l’att�a�tivit� de la desti�atio�. Il nous faut revenir sur ce concept et comprendre son émergence.

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